Récit de la course : Les Coursières des Hauts du Lyonnais - 101 km 2009, par bouzzy-goulum

L'auteur : bouzzy-goulum

La course : Les Coursières des Hauts du Lyonnais - 101 km

Date : 9/5/2009

Lieu : St Martin En Haut (Rhône)

Affichage : 3400 vues

Distance : 101km

Objectif : Se défoncer

9 commentaires

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Ultra trail des coursières des hauts du lyonnais 2009 ou la solitude du coureur de fond sur 102 kms

58,5 kgs pour 1m73, soit quasiment 3 kgs de moins qu'en 2008. Le palpitant à 46 coups / minute au repos, et 184 au maxi. Sur le papier, les choses se présentent plutôt bien. Je me demande juste ce que va nous réserver la pleine lune car avec mon cerveau de fille, je suis assez lunaire et justement, les dernières pleines lunes ont été "troublantes" et inattendues : Quelle idée de faire une course diurne un jour de pleine lune ? D'ailleurs l'avant course est déjà marquée par 2 contrariétés : La première sera de courir avec le dossard N°1 (année dernière oblige mais je n'aime pas ce chiffre dans ce cas là ) ; Le second micro-évènement, c'est que la mère de mes enfants met subitement notre fille à la porte de chez elle 7 heures avant la course en plein milieu de la nuit ; Ainsi donc je me retrouve réveillé et "papa à temps complet" quelques heures avant le départ ; Au moins, je vais pouvoir juger de ma capacité à rester serein...

 

Je n'oublie pas qu'une épreuve de 100 kms (102 cette année) se joue énormément sur le mental et sur ce point, j'espère que ce jour va couronner ma rédemption après l'hiver le + déstabilisant de ma vie  : Combien m'a coûté ma mobilisation de mes ressources d'autodéfense, combien j'ai dépensé pour me détacher de mes énergies nocives ? C'est peut-être cela la recette du poids de forme : une rencontre finalement bien déstabilisante, voir toxique, une extériorisation par le kilométrage et un zeste de lucidité qui revient au 1er jour du printemps après une virée dans un petit village de la France profonde, me permettant de me remettre à profiter du moment présent sans trop me soucier de ce que m'apportera ou non l'avenir.

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Samedi 9 mai, 3h45' du matin, comme d'habitude, je me tire les cartes et je sais aussitôt que j'aurais bien du mal à gagner aujourd'hui : Certes je vais voyager rudement, et il y a de la nouveauté (finalement ce sera les nouveaux coureurs) mais aussi la possibilité d'une certaine réussite avec ce chevalier d'écu ; Dois-je le considérer comme une possibilité symbolique d'argent ou de bronze ?...  Mais pour moi, plus étonnant que cela sera ma course qui va se passer à l'image de ses derniers mois, comme si c'était symboliquement l'occasion de refermer un livre, de clore un chapitre, voir d'archiver une histoire.

Après le débriefing habituel de l'organisateur, avec son charisme habituel, le départ est donné. Tout se passe comme une nouvelle rencontre, avec cette intuition que l'ont peut très bien faire en étant sincère : Le temps de l'innocence. "J'ai confiance car j'ai toujours été sincère" dit le poète Al Khayam. Immédiatement à la 3ème position sans forcer, je garde à mon grand étonnement les 2 premiers en vue très longtemps alors que de l'avis de la majorité des coureurs, ils sont partis comme des balles. Pour ma part, je me suis fixé un tableau de marche en 11 heures (j'ai annoncé l'année dernière que cette année, ce serait le chrono final : L'organisateur  avait l'air dubitatif mais l'avenir me donnera raison). Je m'efforce de suivre mes plans scrupuleusement avec le peu de relevés dont je dispose. En ce début de course, les jambes tournent bien, sans forcer, en pensant "souple". Le col des brosses s'avale tranquille avec nettement plus de 11 km/h de moyenne sur les 10 premiers kilomètres. Je me suis équipé léger : New balance NB826 pour les chaussures, choix atypique compte tenu de l'épreuve mais légères ; Un maillot à compression X Bionic, modèle femme compte tenu de ma carrure et dont je pense le + grand bien malgré son prix élevé (merci Arnaud) ! Mes portages sont assez rudimentaires avec un sac à dos pour enfant offert par la compagnie Cathay Pacific lors d'un voyage en Asie et dans lequel j'ai mis le matériel obligatoire (coupe vent, lampe frontale, sifflet et même bande de contention ! L'an prochain, on aura peut être droit au nez de clown à porter  ), Un porte-gourde unique "M..datlhon" qui va casser dans les premiers kilomètres, me faisant ramasser 3 fois mon bidon jusqu'à ce que je fabrique en courant  une fixation de fortune ; Enfin une petite sacoche remplie de barres énergétiques et de gels. J'ai avant la course prévu de changer tout ça à St Symphorien par un sac ventral "Ultimate direction" à 2 gourdes pour avoir + d'autonomie liquide avec les chaleurs de l'après-midi et la fin du parcours. Mais nous n'en sommes évidemment par encore là. Pour l'instant, j'ai confiance en moi comme quelques mois auparavant et je prends mon temps, je suis bien, je ne cherche rien, seulement à avancer et à être sincère et naturel dans ma démarche. Rien ne me ralentit : je traverse tête baissée les nombreux feuillages et épineux qui croisent ma route sans sourciller. Certains chemins sont restés bien boueux mais je n'y fais même pas attention : je garde le cap sans me poser de questions.

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Evidemment, l'innocence n'a qu'un temps et on grandit souvent trop vite, la liberté étant toujours la liberté des autres. A compter du 30e kilomètre le futur second, Régis, me double : j'en fait mon favori (à tort finalement) en le suivant une dizaine de bornes ; Quelle régularité, il est + costaud que moi dans les montées et je raccroche parfois dans les descentes mais je commence à douter et à m'effriter avec les kilomètres ; Je repense aux derniers mois, à mes doutes et aussi à mes larmes et à mes souffrances...  Mon corps récupère aussitôt l'information et mes mollets et mon genou droit commencent à coincer sans que je ne relie de suite ces douleurs et ces pensées pernicieuses. Logiquement la sanction tombe assez vite et des coureurs me doublent sans que je n'ai vraiment envie d'essayer de les poursuivre : Au fil du temps je dégringole 8ème et je doute encore + avec une absence de motivation qui me gagne. Sur des courses de cette distance, on se demande parfois ce qu'on fiche là : Comme à certains moments de ces derniers mois avec la sensation que tout devenait inutile, que la vie ne servait à rien. Je continue cependant mon chemin sans trop savoir pourquoi, juste pour avancer, pour attendre que la souffrance passe. Le créateur de l'univers et des étoiles s'est vraiment surpassé lorsqu'il a créé la douleur! Au pire de ces instants, je descends à quasiment ½ heure de la tête de course...  Mais ces derniers temps, j'ai appris aussi que les réponses, les réactions sont toujours en nous et que personne ne peut vraiment faire le boulot à notre place pour sortir d'une phase de déprime quelle qu'elle soit.

A St-Symphorien, je redouble quelqu'un au ravitaillement en mettant 3 minutes chrono pour mon changement de sacoche. Il devrait revenir vite dans la grosse montée herbeuse qui suit avec ses bâtons : je ne saurai jamais ce qu'il est devenu  . Ces courses sont toujours l'occasion d'un contact unique à la nature : Que ce soit les vaches que je reconnais pour les avoir vues lors de mes reconnaissances du terrain, que ce soit ces chemins, ces forêts, ce coucou qui chantait ce matin. Ces moments de solitude sont aussi des mouvements de respiration de la nature et de sa vie. Bizarrement, c'est une erreur qui va me redonner un nouvel élan : on m'annonce à tort 5ème vers les 70 kilomètres : tout à coup, je me dis que tout ne va pas si mal alors qu'en vérité je suis à 30 minutes du premier. Mais 5e, c'est un panier garni de produits BIO à l'arrivée à ramener aux enfants qui ont adoré cela l'année dernière et de toute évidence la carotte à l'âne me motive et surtout occupe mon esprit en pensées généreuses et donc positives  . Je retrouve peu à peu ma foulée, je me remets dans ma sophrologie personnelle en imaginant mes jambes tourner comme les roues bien rondes d'une voiture, je repense souple et positif. Je me rappelle de moments récents de ces derniers temps où j'ai retrouvé en partie ma lucidité et ma sérénité naturelles. J'accélère au grand déboire du 6e, puis du 5e, puis du 4e ...  Je finis par rejoindre Patrick alors 3e comme l'année dernière vers le kilomètrecoursieres_dsc01158.jpg 80 : On discute un peu genre « ça va toi » « moi ça va » ; Je sais qu'il ne faut pas que je lui donne de l'espoir car c'est du costaud ; Au 1er faux plat c'est fini la causette et je plante une banderille ; Il ne peut pas suivre le rythme de marathon que je viens de prendre ; Il me racontera à l'arrivée son coup de bambou et les quelques kilomètres passés à retrouver ses esprits. Désolé mais le podium pour moi derrière 2 cadors absents l'année dernière, c'est une renaissance, une conclusion à l'image de mon mois d'avril et de toutes ces rencontres qui m'ont redonné confiance en l'autre et en l'être humain.

D'ailleurs, mes copains du mois d'avril, vous qui avez contribué positivement, par nos discussions, par nos moments ensembles à me reforger un vrai mental, à "archiver" des ondes négatives de ma vie, je vous remercie. Merci notamment (par ordre alphabétique) à Adam, Anne, Aurélien, Brigitte, Céline, Chantal, Corinne, David, Fanny, Florence(s), Isabelle, Jean-Denis, au centre Kiaora de Lyon-Vaise, Laurent, Marco, Nathalie(s), Olivier, Peggy, Stéphanie(s), Véronique et à sûrement à certains que j'oublie. D'après les relevés officieux, j'ai fini le + fort de tout le monde sur les 25 derniers kilomètres en reprenant environ 20 minutes sur le vainqueur de l'épreuve  : Vos rencontres m'ont sans aucun doute permis ce final détonnant ; Mes derniers kilomètres sont à l'image de mon mois d'avril comme un printemps de vie, chimérique, sympathique et parfois étonnant.

Merci aussi à mon boss Alain et à ma collègue Natacha et aux autres collaborateurs qui m'ont supporté pendant cet hiver : Pour moi, j'ai cette chance que le job reste toujours une vraie valeur de vie (avec aussi ma gourmandise, les autres, la musique et le sport  )

 

Les 10 derniers kilomètres sont une formalité : je pense que je ne peux pas rattraper les 2 premiers (pourtant le second ne finira qu'à 1 minute devant). En revanche, j'aperçois le chapeau blanc du 4e du haut d'une montée, à vue de nez à 1 minute derrière moi. Là encore, je remets les gaz quitte à me refaire violence pour qu'il n'ait aucun espoir et il ne m'apercevra plus du tout. La dernière descente, une dernière accélération et je passe la ligne d'arrivée : je suis quasi K.O. pendant quelques secondes mais terriblement heureux  . Je vacille et lâche quelques remerciements bien trop brefs au micro, quelques traits d'humour, j'entame même la chanson "We are the champions" (héhéhé, désolé pour ceux qui ont raté ça ! Jean Pierre a pensé que je pétais un câble). Finalement, j'ai fait durer ce moment jusqu'au bout dans la nuit en restant jusqu'à l'arrivée du dernier classé à minuit trente environ : L'occasion de parler à des connaissances des années précédentes mais aussi de rencontrer de nouvelles têtes sympathiques ; La vie retrouvée pour moi, c'est toujours un partage sincère avec les autres et même si ce n'est pas de mode, c'est ma nature. On profite aussi des ostéopathes présent sur le site, du plateau-repas et du café de Nadine.

 

Monsieur Jean Pierre Molinari a construit son épreuve de main de maître  , avec un fléchage sans faille, une organisation parfaite, des bénévoles  hyper présent et à leur poste respectif. A l'arrivée du 102 kms, le circuit est toujours autant apprécié même si beaucoup le trouve bien + cassant que ce qu'ils attendaient et le contentement est général. Même les nombreux finisseurs nocturnes ont apprécié le balisage.

Alors qu'attendez-vous l'année prochaine pour épingler les coursières à vos défis ?... Bon évidemment, si les 2 costauds absents l'année dernière n'étaient pas venus, je serai resté 1er cette année … mais pour l'organisateur et les bénévoles, je préférerais me voir dans les limbes avec 1000 coureurs inscrits à la course : Cela ne serait que justice.

 

Epilogue : Mes conclusions de cette période de vie et ma course ?

  • C'est qu'il faut vivre pleinement, vivre en suivant sa propre nature et savoir "prendre le risque de prendre le risque" , le faire avec enthousiasme quel que soit le prix à payer.
  • Ensuite c'est que nous sommes les propres clés de nous-mêmes : Déprime, dépression, votre psy ou n'importe qui d'autre ne vous servira à rien si vous ne vous remuez pas vous-mêmes ; "Dans l'infortune, souris. Ne demande à personne de te sourire. Tu perdrais ton temps".
  • Le sport pour exutoire ? Je ne sais pas. Cela me semble être un quiproquo ; Je préfère faire du sport car tout va bien plutôt que pour oublier ou guérir. En tout cas, aujourd'hui j'ai retrouvé totalement le plaisir de courir mais surtout et bien plus largement de vivre : "La douceur d'Aujourd'hui est si impérieuse!".

Indéniablement, l'ultra trail des coursières m'a encore marqué profondément et positivement.

Et finalement, 1er en 2008 et 3ème en 2009,ça le fait sacrément

 

9 commentaires

Commentaire de Jerome_I posté le 11-05-2009 à 14:06:00

bravo pour ta course, de nouveau sur le podium. J'avais lu ton récit en 2008 et bien le nouveau récit 2009, est tout aussi interressant.

Jérome

Commentaire de lulu posté le 11-05-2009 à 15:31:00

Chapeau bas !!! Vraiment !!
Pour avoir fait le 44km, je te félicite d'autant plus...
Je me laisserais peut être tenter l'an prochain à moins que l'envie de faire un podium sur 44km ne soit plus forte !!
a +

Commentaire de SEB59650 posté le 11-05-2009 à 17:02:00

Bravo à toi,
Je n'ai malheureusement pas eu le temps de venir te féliciter à l'arrivée, alors je le fais ici ;-)
encore bravo...
Seb_le_chti_du_matin_de_la_course...

Commentaire de canard49 posté le 11-05-2009 à 18:49:00

Beau cr, je n'en lis pas souvent des si intéressants. Elle me donne envie ta course et en plus tu la racontes tellement bien. Bonne récupération et encore merci pour toutes ces ondes positives !
ALexandre

Commentaire de Fimbur posté le 12-05-2009 à 21:24:00

Félicitations pour ta course et bravo pour ton récit. Tes phrases clés font échos en moi, c'est mieux écrit que ce que j'aurais pu dire. Merci

Bonne récup
Fimbur

Commentaire de JIHEL posté le 14-05-2009 à 16:58:00

Ton eécit est trop génial,un des plus intéressants que j'ait lu.C'est l'illustration parfaite de l'esprit sain dans un corps sain.Continue à courir comme ça ,c'est fabuleux.

Commentaire de rodio posté le 16-05-2009 à 16:18:00

Fulligineux, slurpifère, dlaballifiant ! Tout y est : la justesse du propos, le délié dans le séduvécu, la touche d'humour qui fait fondre la meuf et qui gouzigouzite le mâle. Vabro !

Maintenant un doute m'interloque minet (jeu de mot breton) : Why have you got une heure de moins que l'an dernier, everybody ???

Commentaire de bouzzy-goulum posté le 18-05-2009 à 09:30:00

Merci à tous pour ces commentaires sympathiques et touchant alors que ce récit était juste pour moi une façon de clore un chapitre de ma vie.
Pour répondre à ta question sur l'heure en moins, j'étais pour ma part bien mieux préparé et motivé au départ : L'année dernière, c'était "tourisme" et je m'étais même arrêté prendre des photos mais j'avais annoncé que ce trail se gagnerait en 11 heures en 2009.
Force est de constater que sur les concurrents de l'année dernière, certains ont aussi gagné 1 heure donc les conditions et les légères variations de parcours ont sans doute joué aussi.
A noter aussi que le 1er (moi), le 3ème et le 4ème de 2008 ont chacun perdu 2 places cette année tout en arrivant dans le même ordre que l'année dernière ! Les 2 premiers de 2009 étaient tout simplement les + forts ;-)

Commentaire de tophenbave posté le 02-09-2009 à 20:15:00

bravo pour cette performance sportive et litteraire.felicitations sincères.une question:millau or not millau?

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