Récit de la course : Les Défis du Jubilé 2007, par Cerium

L'auteur : Cerium

La course : Les Défis du Jubilé

Date : 13/10/2007

Lieu : St Maurice (Suisse)

Affichage : 2575 vues

Distance : 68km

Matos : Porte gourde double

Objectif : Se dépenser

3 commentaires

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Les Défis du Jubilé

L’âge de raison

ou

Les Défis du Jubilé

J’ai des preuves !

Oui, j’ai LA preuve que je ne suis pas le seul à avoir des idées farfelues, et qu’en plus certains les appliquent!

Permettez-moi de dénoncer vigoureusement ces personnages qui ont monté un stratagème insidieux pour m’empêcher de me vautrer langoureusement sur mon canapé.

Voilà comment s’amorce un piège implacable : Tour du Chablais, une table de prospectus divers, un feuillet jaune anodin…

Le feuillet  présente un tracé mis en place par  l’association des Chemins Bibliques et qui parcours en 68 kms les dix communes du district. Sur le moment, je pense : Ah, ce serais sympa de faire ça comme parcours d’entrainement…

Et voilà que les individus susnommés en font avec le soutient de la gym de St-Maurice et l’Abbaye, une course. Une course où chacun choisi son défi, sa distance, quitte à parcourir une étape différente chaque année.

Bon, ben je ne peux raisonnablement pas laisser passer ça.

Ma première idée est de boucler le parcours avec Pierre Michel et Ryan, deux copains de l’équipe « Moi pour Toit » lors de l’UTMB (tour du Mont-Blanc). Quelques négociations avec mon épouse me font admettre qu’il est plus « raisonnable» (Excusez-moi, c’est mon dernier gros mot, promis) de m’arrêter à Finhaut, soit au 35,5 km et tout juste 1750 d+ et 900 d- .

La course sera donc un pur contre-la-montre, un essai de gestion de l’effort, un entrainement pour tester la récupération, et bien sur, le moyen le plus sympa de redécouvrir la région. 

Le départ de St Maurice interrompant les discutions en cours, je me porte immédiatement en tête, la vingtaine de coureurs voulant faire la totalité du parcours suivant prudemment, les autres se demandant qui sont ces fous qui ont plaisir à se lancer sur une telle distance !

A peine passé sous la Grotte aux Fées, Ryan me rejoint. Je sais qu’il est capable d’aller plus vite, mais pour lui éviter une fin de course inutilement pénible, je lui rappelle que je m’arrête à mi parcours, ce n’est pas tout à fait le même rythme!

Les premiers lacets conduisant à Daviaz traversent le surprenant petit tunnel piétonnier de St Martin, puis serpentent sous les frondaisons. Un jeune coureur me rejoins au début du plateau de Verrossaz, nous le traversons ensemble en discutant jusqu’au ravitaillement tenu par quelques grands-mères pleines d’enthousiasme.

Un sévère becquet s’offre à travers le village pour rejoindre le chemin du tour des Dents du Midi. Mon camarade attaque puissamment la montée, je le laisse partir.  De toute façon, soit il est un futur coureur d’élite et je ne pourrai pas le suivre, soit c’est un jeune dynamique mais inexpérimenté, et risque bientôt d’exploser. Sans moi, merci. Mon optimisme me pousse à accréditer la deuxième solution.

Quelques lamas et alpagas bien plus haut, le chemin redescend pour traverser le Mauvoisin, et devient un sentier à flanc de montagne. Un surplomb rocheux permet de franchir la cascade par en dessous sans trop se mouiller. Quelques lacets raides montent dans les fougères et permettent de profiter d’une vision aérienne de St-Maurice, oui, juste là dessous, presque entre les pieds !   Je peux me relancer sur le joli chemin forestier qui déroule en légère descente, bien sympa.

Les pâturages annoncent Mex, son ravitaillement sous le regard attentif des enfants et sa descente. Raide et en petits lacets, mais au moins il y a du rendement pour perdre de l’altitude, et rejoindre le bord du Bois Noir. Tient, ça me rappelle une bande de jeunes acharnés qui  tentaient d’y  compenser par une débauche de vo2 max le handicap induit sur les vétérans par une tabelle finlandaise. Il ne faisait pas bon être jeune en ces temps là !... 

Le ravitaillement d’Evionnaz se cache au haut d’un grand perron, où un grand père attentionné me propose un thé, que je décline gentiment en voyant les sachets prêt à infuser. Le principe de la course étant l’autosuffisance, je remplis mes gourdes avec un sachet de poudre énergétique, et repart en même temps que mon jeune adversaire, qui ne va certainement pas le rester longtemps, à voir la peine qu’il a à reprendre la course.

Le temps de contourner le terrain de foot et sa vache publicitaire qui m’intriguait tant dans ma tendre jeunesse, et je me cale sur un rythme de marathon pour les cinq km de plats qui s’annoncent. La longue ligne droite me confirme rapidement que je suis bien seul au monde. 

Les châtaigniers habitués à la foule du tour du Chablais m’offrent une ombre agréable jusqu’à la Balmaz, puis c’est le vent qui se charge de me rafraichir. Frontal, évidemment, le vent à cette heure-ci. Et bien sûr, grâce à l’inversion thermique de onze heure, selon une règle bien connue des cyclistes, il sera également de face pour le retour.

Le passage devant la Pissevache déclenche une réaction de mimétisme évidente, et après cette petite pause, place à une sorte de cross sur le chemin défoncé par des travaux, à moins que l’on vienne de démonter ici une ancienne voie de chemin de fer ?  Une bonne terre à asperge, une fois que les mottes auront été cassées…

L’usine électrique de Vernayaz m’annonce le début du chemin des diligences, un tracé d’importance internationale (au 19° siècle…) pour attirer les touristes Anglais de  Chamonix, jusqu’à la ligne du Simplon et aux stations des alpes Valaisannes.

Cinq km et 37 virages en épingles pour passer les 530 m de montée, et l’aide involontaire et inconsciente d’un sparting partner à l’insu de son plein gré : Un cycliste s’apprête à s’élancer. Je ralenti un peu pour ne pas l’effrayer, un salut décontracté, et hop, il est amorcé ! Je le guette du virage supérieur, il en fait autant d’en bas, force un peu sur les pédales, c’est parti. Juste un bon plan pour maintenir la pression. A éviter bien sûr face à une bande d’espoirs du centre mondial du cyclisme d’Aigle, mais eux, je connais leur maillot. Les lacets se suivent continuellement, la pente est agréable et régulière, je suis excité comme un gamin de ma petite facétie, enfin, je ne l’ai pas forcé non plus, je n’ai qu’activé quelques ressorts de stimulation bien humains…

Je déboule en me marrant au poste de Salvan. Gros coup de stress pour les contrôleurs surpris, qui se dépêchent de déballer quelques bouteilles et trouver les feuilles de pointage. Le temps de leur confirmer que j’arrive bien de St Maurice, voilà mon cycliste qui s’annonce. Il a la tête de celui qui aurai volontiers continué ce petit jeu, mais qui se découvre soudain une irrépressible envie de redescendre remplir sa déclaration d’impôt….

Des rampes d’escaliers permettent le passage au dessus de la gare, je me pousse un peu pour trouver la motivation sur la route qui monte tranquillement au soleil jusqu’aux Marécottes. Plus adaptée à la ballade dominicale qu’à la défonce sportive, mais elle me conduit  rondement jusqu’à la gare, d’où, il y a plus de 35 ans, on s’élançait à marche forcée avec les gros souliers et les skis sur l’épaule pour rejoindre les pistes de ski de la Creusaz…Une petite bosse à franchir devant le zoo ou les marmottes roupillent encore et je peux me laisser aller au plaisir quasi enfantin de courir au milieu de la route, de toute façon, il n’y a pas de trottoir, et ma femme n’est pas assez proche pour me remettre sur le droit chemin! Un petit coup d’œil en passant aux gorges du Triège et je parviens sans déranger personne au Trétien, tout aussi désert.

Je me découvre un nouveau partenaire de course : le soleil qui joue avec mon ombre. Il tente péniblement de surmonter un ressaut de l’arête de l’Arpille, je relance en force sur l’orée de la forêt, coups d’œil en haut à gauche, il peine, coup d’œil en bas à droite, plus d’ombre ! Yaeeh, gagné, je disparais derrière les sapins.

La route des diligences devient plus raide, j’en profite pour récupérer en marchant dans les huit virages qu’il me reste avant de débouler définitivement au soleil sur les haut de Finhaut.

Le temps de me laisser glisser sur la route en admirant le Mont Blanc, et je me retrouve face à un dilemme : un grand carrefour, à deux branches, et pas de signalisation ; en fait, oui, perdue dans l’indicateur routier, mais on perd vite l’habitude de suivre les routes…. En haut ? En bas ? Comme en général on doit rejoindre l’église du lieu, je demande ou elle se situe à une bande de gamins qui jouent dans la rue, et repart aussitôt au galop. Ils n’ont pas dû voir souvent un paroissien aussi pressé…

Je ne me souvenais pas que Finhaut fût aussi raide, belle descente, et brusque virage sur l’esplanade de l’église ou la bénévole m’informe que pour le départ, je suis un peu tôt. Euh, non, je pars pas, j’arrive ! Elle peine un tantinet à me croire, son planning annonçant les coureurs pour dans une heure …

Place au repos après m’être bien amusé durant ces 3h19 de contre la montre. Un brin de compassion me fait attendre que les collègues, Ryan en tête un quart d’heure plus tard, aient pris leur ravitaillement et poursuivi leur route, pour m’avachir sur un banc au soleil, face à l’alpage de Bovine, en dégustant la subsistance composé de viande séchée, de fromage, et d’un bon verre de rouge. J’ai vraiment bien fais de venir !

Mon épouse arrive après moins d’une heure, on nous ouvre spécialement les douches de la piscine, et tout frais, on redescend en train sur Vernayaz, ou l’on peut encourager les collègues en attendant la voiture de ramassage. 

Mais je ne vais pas vous laisser sur votre faim. Pour les gens normaux, ceux qui continuent la course donc, il s’agit de plonger sur le Trient par une sente raide couverte de feuilles, juste 330 petits mètres de descente, pour mieux apprécier la remontée quasi identique en face. Se faufiler dans le sentier des Gorges mystérieuses jusqu’à Tête Noire, et s’enfoncer en direction de Trient jusqu’au pont de Litro et revenir au hameau. Vous êtes prêt pour une longue traversée alternant les faux plats descendants et parfois montants qui vous amène sur Gueuroz et sa belle descente au dessus de l’entrée des gorges du Trient. Vernayaz vous renvoie aussitôt  de l’autre côté de la vallée du Rhône, ou il vous reste à longer le Mont de Dorénaz à Collonge, vent de face, bien évidemment. Un bon bout sur les berges du Rhône, avec la découverte de l’usine électrique de la ville de Lausanne, avant de remonter à Vérolliez, son célèbre stand de tir, et presque tout droit jusqu’au Collège de l’Abbaye de St Maurice ou vous pourrez finir vos études sur la fatigue musculaire due à 68km et 2048m de D+ et - et bien sur vous ravitailler. Ce que Ryan boucle en tête en 6h29’50’’

Comme quoi, il n’y a pas que le Comptoir Suisse, en automne….

J’ai enfin découvert pourquoi des coureurs étrangers à la région s’intéressaient tant à cette épreuve : elle est qualifiante pour l’UTMB (Tour du Mont-Blanc) !

Et pour ceux qui manient mieux la souris que les basquets, il est possible de « faire » la course grâce à Google Earth et un fichier préparé. 

http://www.chemins-bibliques.ch/LesDefis/Default-Defi.htm      

                                                                                    Pierre-André  

3 commentaires

Commentaire de Mustang posté le 19-08-2008 à 18:35:00

super récit! tout en décontraction!!! bravo!!! avec des noms qui sentent l'UTMB!!

Commentaire de agnès78 posté le 20-08-2008 à 07:11:00

un grand merci pour ce récit plein d'humour!
bises
agnès

Commentaire de Epytafe posté le 27-08-2008 à 20:51:00

Toujours en demie-teinte tes récits... C'est un immense plaisir de les lire car bien écrit et drôles. Par contre, continue à remplir le Kivaou que je puisse t'éviter... 3h19'... sur les chemins bibliques... qui ne font qu'à tellement déniveller qu'on a envie de suivre le slogan de Lôzanne bouge : Rasez les Alpes qu'on voit la mer !

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