L'auteur : déhel
La course : 24 heures de Vallauris-Golfe Juan
Date : 8/12/2007
Lieu : Vallauris (Alpes-Maritimes)
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Distance : 0km
Objectif : Pas d'objectif
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24 heures de Golfe-Juan / Vallauris
Retour à Golfe- Juan en ce samedi 08 décembre, un an après mon premier 24 h. sur ce même circuit, où j’avais terminé 12ème avec 182 km , six coureurs ayant franchi la barre des 200 km, dont Elke Streicher – 205 km -, présente de nouveau cette année. Mon objectif ? Décrocher le sésame pour participer au Spartathlon. Dans cette optique, les organisateurs se sont montrés conciliants : si je ne franchis pas les 200 km, ils acceptent de valider mon éventuel passage aux 100 km en moins de 10h30, autre condition requise pour le Spartathlon. Cela me contraint évidemment à envisager une stratégie un peu atypique- et pas vraiment recommandable : au moins 10 km/h de moyenne jusqu’au 100ème , ensuite…on verra.
Le départ initialement prévu à 12 h. est reporté de 30 minutes, peu importe, le temps est magnifique, plein soleil, très peu de vent. Cette course étant organisée dans le cadre du Téléthon, le circuit d’un km en boucle passe à travers un véritable village de tentes et un podium dressés sur le port de Golfe- Juan – animations garanties jusque tard dans la nuit.On y trouve un ravitaillement complet pour les coureurs, avec plats chauds – dont des tripes, je n’ai pas osé ! -, un restaurant pour les visiteurs et spectateurs, des abris pour nos contrôleurs qui à chaque tour cochent une case sur une fiche attribuée à chaque concurrent. Le parcours mène au bout de la jetée, où siège un autre poste de ravitaillement, plus « léger « mais tout aussi convivial, tenu par des bénévoles qui passeront des heures sous leur tente…Départ, donc, à 12h30.Nous sommes 82. Comme prévu, je décide de fractionner en tranches de 10 km, à courir en une heure, afin de me ménager une marge de sécurité de 30 min. Pas question de marcher, sauf contrainte. Question ravitaillement, un verre de mélange coca/eau tous les 2 km, un comprimé de dextrose de temps en temps, un peu de saucisson et de fromage pour l’apport salé. Ce seront l’essentiel de mes ressources énergétiques, complétées par 2 plats de pâtes , un bol de soupe – et un vrai expresso à 3 h. du matin, exquis !
Jusqu’à la tombée du jour tout va bien, je suis dans les temps, 10 km en 58 – 59 minutes. Assez rapidement, je suis classé aux alentours de la 8ème place, mais cela importe peu à ce moment. Je suis très impressionné par Elke, qui court avec une régularité parfaite, aucune tension apparente. Elle est d’ailleurs en tête de tout le peloton. Le soleils’est couché vers 18 h., le ciel est de plus en plus couvert, mais je ne m’inquiète pas, le site internet de Météofrance incitait à l’optimisme. Disposant toujours de ma marge de sécurité, je décide de m’arrêter 10 min. pour déguster un bol de soupe que le cuistot – qui restera aux fourneaux durant toute l’épreuve – vient de préparer. La machine tourne régulièrement, mais je me rends compte que le moindre dérèglement d’un rouage ruinerait mes espoirs. Il n’en sera rien : 100 km, 10h24. Je fais constater ce résultat par un officiel et décide de m’accorder 30 bonnes minutes de repos avec un plat de pâtes.
Bigre ! Le redémarrage est catastrophique ; je suis gelé, je tremble de tout mon corps, j’endosse polaire, bonnet, j’ai mal partout ! Après avoir marché 2 ou 3 tours, je repars en foulées plus réduites, il n’est plus question de continuer à 10 km/h, je n’en suis plus capable. La preuve en est que j’effectue les 15 km suivants en 2h30 ! Vers 1 h. du matin, patatras ! Le vent se lève et il se met à tomber des cordes. J’enfile un poncho bleu – il n’y a pas à dire, c’est moche, mais c’est de loin ce qui protège le mieux de la pluie ! -,ce qui me vaut d’être baptisé « Le Schtroumph » par une jeune bénévole, emmitouflée sous son abri au bout de la jetée. Elle y passera toute la nuit, renouvelant régulièrement ma mixture énergétique, m’adressant un sourire, un petit mot d’encouragement, et croyez-moi, à 3 h. du matin, sous l’orage, ce n’est pas un luxe !Je ne sais pas du tout où j’en suis dans le classement. J’ai toutefois noté qu’Elke s’est mise à marcher de plus en plus fréquemment, et qu’elle est nettement moins fringante qu’auparavant. Je la retrouverai au cours d’une pause, s’éclipsant discrètement avec son sac, en pleine nuit : « You give up ? – Yes, too hard – Schade… » Un sourire. Je suis déçu pour elle, mais, cyniquement, je me dis que je viens de gagner une place…Je m’accorde des pauses de plus en plus fréquentes, d’autant que la pluie ne s’arrête pas – elle continuera en fait jusqu’à 9h30. Mes pieds sont trempés, je « floc-floque » dans mes chaussures. Inutile d’utiliser la paire de rechange, elle sera dans le même état au bout de 5 minutes. J’ai, pour m’aider à passer la nuit, branché le mp3 dont la lecture en mode aléatoire se révèle plutôt opportune : « Hit the road Jack », « Keep on running « , « je suis un homme », de Zazie – « je tourne en rond « -et même Kyo « Le chemin « dont j’adapte le refrain : « on a parcouru le chemin, on a tenu la distance, j’ai mal aux pieds, j’ai plein de cors, mais j’cours encore… ». Un thé brûlant, sucré, réparateur, du moins le crois-je, car quelques minutes après, je sens bien que cela ne va pas, direction les toilettes, et comme le chante Renaud, j’ai vomi mon 4 h et mon midi aussi…Bon en un sens, cela atténue nettement la barre que je ressentais sur l’abdomen depuis un bon moment, mais de l’autre, je n’ai plus de carburant. Problème résolu avec eau – coca – dextrose et un peu de vitamine c. Et le kilométrage dans tout cela ? Je progresse relativement régulièrement, à environ 8 km/h ; toutefois, l’horizon des 200 km me paraît trop éloigné, à l’évidence je ne l’atteindrai pas. En revanche, je peux encore espérer battre mon record –182,650 ). J’ai remarqué, durant la nuit, la disparition de certains concurrents – un 24h, ça se joue la nuit -, de sorte que je ne devrai pas être trop mal placé. Je sais que Joseph, véritable métronome – il n’aura marché qu’une fois en 18 h – et Constantin « le Grec « que j’avais devancé l’an dernier me précèdent. Il y a aussi Willy, un « petit » Belge qui alterne marche athlétique et course avec une remarquable efficacité.
Au lever du jour, les ondées s’espacent, mais je me sens nettement moins bien. Douleurs dans les pieds, les cuisses, le dos…Même la perspective du record s’éloigne. Et d’un seul coup, miracle ! Mon mp3 m’offre le dernier tube de Tryo, et me voilà reparti, en chantant à tue-tête « désolé pour hier soir, d’avoir fini à l’envers, etc.. », puis Steppenwolf, Deep Purple, ça booste, je suis le Schtroumph beuglant ! J’enchaîne les tours à l’allure quasi constante de 8 –9km/h, en foulées rasantes et efficaces.Il est 10 heures, encore 2h30 de course, je n’entends rien des annonces au micro à cause de ma musique, mais, brusquement, je croise Constantin qui me tend sa main que je claque. Qu’est-ce à dire ? Il est devant moi, cela est certain, Joseph aussi, je n’ai pas revu les autres concurrents a priori « sérieux » , je ne sais pas où en est Willy. Le soleil revient, il est 11 heures, mon père et Eric viennent d’arriver au bord du circuit, je sais déjà depuis une ou deux heures que mon record est accessible, ne pas flancher, de toutes façons il n’en est pas question devant mon paternel qui me guette à chaque tour.11h30, il reste une heure de course, je demande où j’en suis, 177 km, c’est bon, je battrai mon record, et le classement ? Il est affiché, là, devant : p….n ! Troisième ! 5 km derrière Constantin, 2 devant Willy, il n’est pas question qu’il me rattrape. Défense de marcher.12h25. Je remercie chaleureusement les bénévoles du bout de la jetée car je ne repasserai pas. Le speaker annonce 2 minutes, j’accélère car il me reste 300m pour franchir les 185 km, c’est un compte rond, ça fait sérieux !Je passe la ligne, en fait il reste 2 minutes, mais à quoi bon, 185 ou 185, quelque chose.5,4,3,2,1, c’est fini, émotion impossible à maîtriser,les larmes, toute la tension s’évacue, ça déborde dans les bras du paternel , à 51 ans, un vrai môme ! Sensations, instants exceptionnels qui , parce qu’ils sont inoubliables, nous amènent à retourner sur le macadam et les trails après s’être juré qu’on ne nous y reprendrait plus…Pour la première fois de ma vie je vais monter- difficilement- sur un podium, via le portable ( belle invention pour le coup) je fais vivre en direct ce moment historique –si, si – à ma conjointe et à ma fille, la distance qui nous sépare, 800 km , est abolie. Auparavant, je serai tombé dans les bras de Willy, 4ème, qui, avec un accent inimitable me félicite : « c’est bien, copain, tu as été sacrément régulier « ; je donne l’accolade à Joseph, vainqueur. Une douche, je suis prêt juste à temps pour la cérémonie de récompenses ; le ciel est bleu, le soleil revigorant, je réussis à grimper les marches – nous sommes à 5 km de Cannes ! – Photos. Une poterie de Vallauris, une médaille, et pourquoi le cacher, une réelle fierté en croisant les regards admiratifs de nombreux spectateurs.
Et maintenant ? Repos, jusqu’à la prochaine.
Epilogue musical : le train entre en gare, je suis de retour chez moi ; j’arrête mon mp3, toujours en mode lecture aléatoire ; le dernier morceau écouté aura été « J’ traîne des pieds « d’Olivia Ruiz ; cela ne s’invente pas.
3 commentaires
Commentaire de may posté le 12-12-2007 à 14:25:00
félicitations, un 24h est une épreuve très spéciale...
maintenant, j'espère que ta participation au prochain Spartathlon sera validée, et reviens nous la raconter, histoire que je me nourrise avant de réaliser mon rêve de Spart, un jour, quand je serai grande....
bon vent!!!
May
Commentaire de runner14 posté le 15-12-2007 à 14:30:00
Salut Dehel!Je suis très heureux que tu es pu être sélectionner à ton spartathlon et par la même de pouvoir pulvérisé ton précédent record chose pas facile à réaliser du fait climatique et de ton engagement pour passer le 100km en moins de 10h30mn et qui prouve ton potentiel remarquable!Bravo à toi et gardes à l'esprit tout les moments de doutes et de bonheur se sont des repères très utile pour tes prochaines épreuves 24h!
Commentaire de CROCS-MAN posté le 18-11-2009 à 21:01:00
Et oui,tu vois,quelques années plus tard, ton récit est encore lu. Merci.
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