L'auteur : Miche
La course : Carros de Foc
Date : 31/8/2007
Lieu : Vielha (Espagne)
Affichage : 4144 vues
Distance : 60.5km
Objectif : Pas d'objectif
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C'est pendant l'été 1987 que quelques gardiens du Parc National d’Aygues Tortes dans les Pyrénées espagnoles ont décidé de faire la traversée Pallars-Aran-Ribagorça d'une seul traite, en une seule journée. Quelqu'un va l'appeler "Carros de Foc" (Chariots de Feu en français) et depuis lors, que ce soit en hiver ou en été, quand quelqu'un fait la traversée pendant la journée, la voix court de refuge en refuge si rapidement que le vent traverse les vallées. "Aujourd´hui passent les Chariots de Feu".
La course est de type Sky Running. Il n’y a pas de balisage. Chacun part avec sa carte et doit savoir s’orienter et trouver le bon chemin ou la bonne trace. Il s’agit d’une boucle de 60,5 km et 4600 mètres de dénivelée positive, reliant entre eux neuf refuges de la zone, boucle à faire dans le sens que l’on veut et en partant du refuge que l’on veut. Chacun part avec un carton comportant 10 cases. Il faut récupérer les tampons des neufs refuges traversés, celui du départ apparaissant donc sur la première et dixième case. Les refuges sont dans l’ordre inverse des aiguilles : Colomers, Restanca, Ventosa, Estany Llong, Colomina, Maria Blanc, Mallafre, Amitges, Saboredo et retour à Colomers.
Pour être classé, il faut réaliser un temps inférieur à 24h et faire la boucle entre le 31 août à 7h et le 1er septembre à 19h. Le record date de 2006 et est la propriété de Enric Lucas en 11h12. Il est gardien d’un des neufs refuges de la boucle : le refuge de Colomina. Claude Escots avait réalisé 11h55 en 2000. Il y avait seulement 34 concurrents classés en 2000 et 131 en 2006.
Le Parc d’Aygues Tortes est situé juste derrière la frontière espagnole à hauteur de Luchon. Quelques sommets dépassent les 3000 m. La course, elle, oscille entre 1890m au plus bas et 2720m au plus haut avec 8 cols à franchir. Ayant réalisé une partie du parcours il y a une quinzaine d’année en randonnée, je sais que le chemin n’est pas toujours un bon sentier et qu’il faudra parfois s’aider des mains ou sauter de bloc en bloc. Il existe plusieurs centaines de lacs (300 parait-il) dans ce Parc et je devrais en apercevoir quelques dizaines tout au long de la boucle.
D’après le calculateur de Poisvert, je devrai faire 11h35 si le chemin est difficile (type Mercantour) et 13h si le chemin est très difficile. Dans mes souvenirs, le Collado de Contraix ici est du même type que le Pas du Mont Colomb sur le Mercantour. De même il y a quelques portions très roulantes côté sud vers le refuge de Colomina qui ressemblent à celles avant le refuge des Merveilles au Mercantour. Je table donc sur 12h, même si je suis un peu surpris que Claude Escots n’ait fait « que » 11h55.
Les photos ci-dessous proviennent soit du site internet de la course, soit de la reconnaissance que j’ai faite avant.
La préparationCette année, je n’ai fait que des CO longues distances pendant l’hiver et des trails longs : Gruissan et ses 46 km en janvier, les Citadelles et 71 km pour 3400 m en avril et enfin le Graid Raid du Mercantour (102 km et 6400 m de dénivellée) en Juin. Le Mercantour s’est très bien passé et je m’inscrits donc pour Carros de Foc sereinement. Je décide de partir du refuge de Colomers, qui est celui qui nécessite le moins de marche depuis la France et de faire la boucle dans le sens contraire des aiguilles d’une montre afin de passer les blocs du Collado de Contraix à la montée. Je veux partir le 31 à 7h et j’espère finir avant la nuit, donc en moins de 14h. Comme il s’agit d’une course sans balisage, et qu’il est possible que je ne finisse pas avant le coucher de soleil, je décide de reconnaître la fin de mon parcours vers le refuge de Colomers au début de l’été. Je fais une boucle reliant Colomers, puis les trois derniers refuges de la boucle : Mallafré, Amitges, Saboredo et Colomers. Malheureusement, je n’ai pas assez de temps pour faire le tour prévu et je ne reconnais donc pas le dernier kilomètre dans la descente du dernier col pour arriver au refuge de Colomers, partie qui est pourtant hors sentier. Je ne cours pas beaucoup pendant juillet/août, me persuadant que ce sera facile par rapport au Mercantour…
Estany Dera Lossa
Je monte au refuge le 30 au soir, moyennant 10 mn de taxi 4*4 puis 15 mn de marche en passant par l’Estany dera Lossa. Je découvre que le refuge ne possède ni douche, ni toilettes à l’intérieur. Il y a juste un évier à l’extérieur pour se laver et un petit abri suspendu au dessus d’une falaise qui fait office de WC ! Je récupère auprès du gardien mon camel back et une carte au 25000ème de la zone. Elle n’est pas d’aussi bonne qualité que les cartes IGN françaises mais elle me permet de voir des détails que la 50000ème ne montre pas. Je décide de partir avec, au cas où, mais j’espère n’avoir besoin que de la photocopie de la carte au 50000ème que j’ai préparée.
Deux autres concurrents espagnols ont décidé de partir du même refuge que moi. Je partage la table avec des randonneurs français qui en sont à leur dernière nuit. Ils n’ont pas fait la boucle complète en quatre jours et ont du mal à réaliser que je vais essayer de la faire le lendemain…
DépartJe dors très mal durant la nuit, les ronflements des randonneurs étant très forts. Je descends vers 6h45, et je m’habille léger, malgré le froid dehors : il devrait faire beau aujourd’hui. Je ne prends qu’un camel-back avec deux litres d’eau, une gourde de miel, une dizaine de barres isostar, des cacahouètes et quelques vache qui rit. J’ai de nouveaux bâtons télescopiques hyper légers et mes chaussures de trail achetées il y a un an (des Mizuno Wave Ascend) sont encore en état. De toute façon, les Montrail achetées il y a deux mois me font trop mal au tendon d’Achille ! J’attends le petit déjeuner jusqu’à 7h et je suis enfin prêt à 7h22. Le gardien me donne mon carton avec le tampon du refuge et il inscrit l’heure de départ. C’est la première fois que je pars seul au départ d’une course si l’on excepte les Courses d’Orientation, où les départs sont échelonnés toutes les minutes, et les courses contre-la-montre en côte ou sur plat que j’ai faites. Il va falloir gérer son effort sans avoir d’autres coureurs sur lesquels se régler. Altitude 2130m.
Lac Major de Colomers
Je longe le Lac Major de Colomers. Au bout de 500 mètres je m’aperçois que je me suis déjà trompé de chemin. Je reviens rapidement sur le bon tracé. Au bout d’un kilomètre, vers l’Estnah Mort, je ne vois pas un trou et mon pied s’enfonce dans le ruisseau qui était caché sous l’herbe. Décidemment cette cours commence bien mal. Je prends un bon rythme et avale rapidement le premier col, appelé Port de Caldes à 2560 m.
Estany de Monges
Je vois au loin l’Aneto et son glacier qui rosit sous le soleil levant. La descente qui suit est relativement facile jusqu’à l’Estany du Port de Caldes (2410m) puis une remontée très raide m’amène au-dessus du Coret d’Oelhacrestada à 2520m avant de plonger vers le refuge de la Restanca. C’est le seul endroit du parcours où il faut faire un aller retour important. La descente sur le refuge est très caillouteuse et je vais donc plutôt lentement. Par endroit le ruisseau emprunte le sentier. Je croise quelques concurrents qui ont du partir du refuge de la Restanca. Le sentier emprunte le déversoir de l’Estanh deth Cap deth Port.
Lac dera Restanca
J’arrive au refuge (2010) situé à côté du Lac dera Restanca à 9h04 en 1h42 au lieu des 1h13 prévus. Je commence à penser que la journée pourrait être plus longue que prévu. La gardienne me salut d’un énorme « Madre de Dios » quand elle comprend que j’ai mis moins de 2h pour venir de Colomers. Je repars aussitôt et fait en sens inverse la remontée au Coret d’Oelhacrestada (2470m). Je croise les 2 espagnols qui sont partis après moi de Colomers. Ils me souhaitent bonne chance. Au col, je quitte ensuite le tracé de l’aller pour partir plein nord vers le refuge Ventosa. Je traverse des pelouses épaisses au milieu d’énormes blocs de granit. Je longe l’Estany de Monges, l’Estany de Mangades, l’Estany Clot, l’Estany de Travessani et enfin l’Estany Negre.
Estany Clot
Il y a quelques courtes remontées mais je peux tout de même enfin courir un peu. Un hélicoptère amène du ravitaillement au refuge Ventosa. Je croise un concurrent qui fait la boucle en sens inverse qui s’est visiblement trompé de sentier en sortant du refuge. Mon arrivée l’a remis sur le droit chemin. Quand j’entre dans le refuge (2173) pour faire tamponner mon carton, je vois toute l’équipe du refuge qui s’affaire à ranger les paquets largués par l’hélicoptère. Il est 10h25. J’ai 53 minutes de retard.
Premières difficultésLa montée qui suit est probablement la plus difficile. Elle commence par une série de petites montées et descentes au-dessus de l’Estany de Colieto puis de l’Estany Gran de Colieto, avec des zones de gros blocs qu’il faut surmonter. Mes bâtons me gênent car j’ai besoin par moments de m’aider des mains pour me rétablir sur les blocs. Je décide de les ranger sur le camel-back.
Estany Gran de Colieto
J’aborde ensuite la longue montée hors sentier qui mène au Collado de Contraix. Je fais attention de bien suivre les cairns qui indiquent le chemin. Un concurrent me croise. Il saute de bloc en bloc avec une agilité déconcertante, tel un isard. Je double quelques randonneurs qui avancent lentement au milieu de ce dédale et avec leurs gros sac-à-dos.
Vers 2500 m d’altitude, alors que je double deux randonneuses, je perds la trace des cairns. Je la retrouve un peu plus haut mais je m’aperçois que je suis allé trop haut. Je dois redescendre dans un petit cirque encombré de blocs au pied du col. La saignée du col apparaît toujours aussi raide de face. Comme il n’y a pas de neige, je sais qu’elle ne présente aucun danger. Je finis la montée sans problème et je bascule au col (2720m) vers le refuge d’Estany Llong 800 mètres plus bas.
Le début de la descente est extrêmement raide puis je dois traverser de nouveaux une zone de blocs. Je retrouve enfin un sentier vers 2550m après l’Estany de Contraix. Le sentier est trop raide pour que je puisse vraiment courir. Vers 2200m, je rejoins enfin des pelouses qui me permettent de me dégourdir les jambes. Je traverse le ruisseau vers 1905 m et je rejoins la piste qui mène au refuge d’Estany Llong (1985m) juste avant le lac du même nom.
La mi-courseIl est déjà 12h50, ce qui fait déjà 5h28 de course mais mon retard s’est stabilisé à 51 minutes. Je décide de m’arrêter pour manger et je demande donc à la gardienne du pain. Elle me coupe trois tranches. J’en mange deux avec mes vache-qui-rit. Je fais le plein d’eau pour le camel-back
Je repars à 13h sur un chemin muletier qui monte lentement et en zigzag. La pente est très faible mais je n’arrive quand même pas à courir. J’entre dans la vallée de Dellui qui semble très longue et qui abrite les Estanyets de Dellui et l’Estany de Dellui. J’aperçois quelques concurrents qui attaquent la pente finale sous le Collado de Dellui. Je les rattrape juste au col à 2577 m. Ils sont cinq et font la boucle ensemble. Je me dis que ce doit être une bonne idée car cela permet de discuter un peu alors que de mon côté, je suis seul depuis 7h22 ce matin… Je viens de passer les 28 km et les 2300 m de dénivellée positive. Je suis donc à la moitié !
Estany Eixerola
La descente derrière est raide mais il est possible de courir. Je rejoins l’Estany Eixerola puis l’Estany de Cubieso. Le sentier est plutôt roulant. Je croise deux concurrents solitaires comme moi en sens inverse. Je traverse le barrage de l’Estany de Mariolo puis une courte montée nous fait surplomber l’immense Estany Tort. Je le longe pendant un certain temps puis traverse son barrage.
Estany de Mariolo
Au bout du lac commence une ancienne voie ferrée qui servait du temps où les mines alentours étaient exploitées. Les rails sont rouillés et tordus. Ils me gênent pour courir. Un bon chemin muletier m’amène facilement au Refuge de Colomina (2415m) près de l’Estany du même nom. Je trouve le gardien du refuge en train de manger avec sa femme. Je lui demande si il s’appelle bien Enric Lucas. Il acquiesce et je le félicite donc pour son record. Je ne suis pas sûr qu’il ait bien compris mon français/espagnol…
Il est 15h23. Cela fait 8 heures que je suis parti. J’ai maintenant 1h29 de retard sur mon horaire prévu. La fin ne devrait pas comporter de passages avec des gros blocs, je devrais donc pouvoir aller plus vite et ne perdre que 30 minutes de plus, ce qui pourrait me faire terminer en 14h, soit à 21h30 avec la tombée de la nuit.
Je suis le GR11 qui fait le tour du lac puis rejoint l’Estany de Mar. Le sentier est plat mais très caillouteux, ce qui me gêne pour courir… Arrivé à l’Estany de Mar, j’aperçois la suite : c’est une trace directe dans la pente pour passer une brèche. Je m’arque boute sur mes bâtons pour passer ce passage. C’est par endroit tellement raide que des marches en ciment ont été ajoutées. Mais elles sont en piteux état ! Je débouche enfin sur l’Estany de Saburo et j’attaque la pente finale pour atteindre le Collada de Saburo (2667m). Il y a un petit chaos de blocs qui ne facilite pas la progression. Je double deux concurrents qui avancent bien. Ils sont partis de la Restanca…
Le début de la finLa descente sur l’Estany del Cap de Port est très mauvaise, avec plein de cailloux, de virages et de parties raides où il faut s’aider des mains. Je surprends un isard qui part à toute allure dans la pente et fais des bonds de plusieurs mètres pour m’échapper. S’il savait que je ne peux pas l’imiter, il éviterait de faire de telles acrobaties au risque de se casser une patte !
Une courte remontée me coupe les jambes. Ensuite je rejoins des pelouses où je peux courir un peu mais cela me semble interminable et je ne vois pas le refuge Maria Blanc. Je ne suis jamais venu dans cette vallée et je ne voudrais pas me perdre. Heureusement il y a les traces du GR 11. Cette vallée suspendue est constellée de lacs : l’Estanyet Cubeto, l’Estany de la Llastra, l’Estany de la Coyeta.
Un passage très raide au milieu de pins à crochets et de blocs de granit m’amène sur le barrage de l’Estany Negre de Peguera. Une courte remontée au-dessus de l’Estany Trullo puis une route carrossable me conduit au refuge Maria Blanc (2318m).
Il est 17h02. Je suis vanné. J’ai deux heures de retard. Je viens de mettre 2 heures pour une section prévue en 1h30 ! Je veux m’acheter un coca mais le gardien me l’offre en m’expliquant que c’est gratuit pour les coureurs. J’essaie de me remonter le moral. Il faut que je décide si je vais au prochain refuge par une route carrossable descendante plutôt longue (11 km) ou si je coupe par le Coll de Monestero à 2722 m pour 6,5 km seulement. J’opte finalement pour la seconde solution qui devrait être plus sympathique !
Je reprends le sentier en sens inverse jusqu’à l’Estany de Coyeta puis je coupe directement vers l’Estany Gran de Peguera. Un concurrent arrive en sens inverse à tout allure. Il me semble reconnaître celui qui allait déjà très vite quand je montais vers le Collado de Contraix. Si c’est bien lui et s’il est parti de Colomina comme je le suppose, il va faire moins de 12h ! Je suis une mauvaise trace de cairns au niveau de l’Estany Gran de Peguera et perds quelques minutes pour me remettre sur le bon itinéraire.
La vue depuis le Coll de Monestero est impressionnante. La descente est très raide dans des éboulis fins. J’ai l’impression de faire du ski. Je descends très vite. La contrepartie est que je dois m’arrêter pour enlever tous les petits cailloux qui sont rentrés dans mes chaussures ! La suite n’est pas drôle du tout. J’alterne des chaos de blocs et des passages très raides au milieu de barres rocheuses. Il y a même quelques passages en désescalade. Comme je suis seul, je fais très attention et ma progression est extrêmement lente.
J’arrive enfin au fond de la vallée de Monestero. Un sentier facile doit maintenant me conduire tranquillement au refuge de Mallafré. Peu après l’Estany de Monestero, j’arrive au Prat de Monestero. Il s’agit d’un replat herbeux et un isard s’y trouve. Il me fixe alors que je trottine vers lui. Alors que je suis à moins de 40 mètres, il se décide à détaler vers la pente au-dessus et je remarque alors qu’il est accompagné d’une harde d’une vingtaine de bêtes. Le spectacle est vraiment merveilleux.
Estany de Monestero
La fin de la descente se déroule au milieu des arbres. Je suis content de pouvoir courir tranquillement. Lorsque je rejoins la route carrossable au dessus de l’Estany de Sant Maurici, je double quatre randonneurs. L’un d’entre eux s’est visiblement tordu la cheville et ils sont deux pour le soutenir pendant que le quatrième porte son sac. J’ai un peu honte de courir avec mon petit camel back.
J’arrive au refuge Ernest Mallafré (1893m) à 19h19. 2h55 de retard. Je me doutais que cette partie avait été lente mais à ce point ! En juillet, il m’avait fallu 2h30 à partir d’ici pour aller jusqu’au dernier col avant le refuge de Colomers. Il devrait donc me rester moins de 3h si j’ai encore du jus… Je sais maintenant que je vais terminer de nuit.
Je recharge mon camel back qui est vide depuis quelque temps. Comme c’est l’heure du repas pour les randonneurs qui passent la nuit ici, j’en profite pour demander une soupe. Ca me réchauffe bien et me change des barres d’isostar et du miel. Je trempe du pain pour prendre des forces avant la nuit.
Estany de Sant Maurici
La section jusqu’au refuge d’Amitges est entièrement sur route carrossable. D’abord en descente puis une longue montée. Je me perds un peu au début de la montée car il y a des routes un peu dans tous les sens. Un chauffeur de taxi 4*4 m’indique le chemin. Je marche vite dans cette longue montée. Le concurrent que je croise en sens inverse à lui la chance de courir. Je longe l’Estany de Ratra puis l’Estany de la Cabana avant d’arriver par une pente très raide au refuge d’Amitges (2367m) à côté de l’Estany Gran d’Amitges. C’est le plus grand refuge du parc. Il y a beaucoup de gens en train de manger et j’ai droit à une longue séance d’applaudissements. Je prends rapidement une banane et je repars car je veux en faire un maximum avant la nuit. Il est 20h35. J’ai encore perdu du temps. Je suis vraiment cramé.
Estany de Ratera
La fin
Je sors la frontale et je mets mon coupe-vent car il commence à faire froid. Des nuages arrivent du port de Ratera et je crains de devoir affronter le brouillard en plus de la nuit. Le vent est relativement fort. Je commence à avoir très froid au bout des doigts car mes gants ne couvrent pas la dernière phalange. Je longe l’Estany dels Barbes puis l’Estany de la Munyidera. Je me souviens du parcours que j’ai reconnu en juillet, ce qui me facilite la progression. Lorsque j’arrive à la traversée vers le port de Ratera, le brouillard m’envahit. Il fait maintenant nuit. Ma frontale éclaire un peu le sol et beaucoup le brouillard. Ambiance !!
Estany de Port de Ratera
Je rejoins l’Estany de Port de Ratera puis le port lui-même. Le Port est un immense replat entre le Port de Ratera d’Espot et le Port de Ratera de Colomers. Je dois bifurquer à droite et basculer dans la vallée de Saboredo plutôt que de continuer tout droit dans la vallée de Colomers vers le Lac Obago et rejoindre directement mon refuge !
Lac Obago
Je me souviens de cette descente qui zigzague dans des pelouses avec plein de rochers éparpillés. Je ne veux pas me perdre et j’avance lentement dans le brouillard. Le balisage rouge et blanc du GR me facilite la tâche, surtout que les marques sont très rapprochées. Je distingue deux lumières loin en dessous de moi. Ce doit être deux coureurs comme moi qui viennent dans ma direction. Je rejoins le Lac de Naut et le brouillard se dissipe. Une petite remontée après le Lac deth Miei me conduit à une énorme lampe que les gardiens ont accroché à un arbre pour guider les coureurs égarés.
Le refuge de Saboredo (2310m) est juste après. Je m’engouffre à l’intérieur et la gardienne me tend un bol de soupe fumant. C’est le plus petit refuge du parcours. Il n’y a que quelques randonneurs encore debout. Il est 22h. J’ai 3h30 de retard. Il me reste normalement 30 minutes de montée et autant de descente.
La gardienne est inquiète pour la suite et me demande si je connais le parcours. Je la rassure sur ce point. Elle m’explique tout de même en anglais qu’il faut traverser vers l’ouest jusqu’à buter sur l’autre côté de la vallée puis tourner au nord au milieu d’un chaos rocheux avant de rejoindre un sentier qui monte vers le Coth deth Tuc Gran de Sendrosa. Je ne suis pas trop inquiet. Je me souviens très bien du chaos rocheux puis du sentier ensuite, qui traverse d’ailleurs au dessus d’une barre rocheuse !
Je rejoins le replat à l’ouest sous le refuge puis je le traverse. Je perds tout de suite la trace et les cairns mais je m’obstine vers l’ouest après ce que je pense être le Lac de Baish, jusqu’à rencontrer la pente en face. Quand j’y parviens, je ne trouve ni cairns, ni chaos de blocs. Je pense qu’il faut que j’insiste vers le sud. Mais je ne vois rien. Je reviens vers le nord et traverse des pentes herbeuses remplies de rhododendrons. Je ne vois toujours rien même sans le brouillard. Je crois distinguer une frontale loin au-dessus de moi dans la pente. Mais elle ne bouge pas et je fins pas comprendre qu’il s’agit d’une étoile !
Je vois deux frontales se diriger vers moi depuis le refuge. Probablement la gardienne qui vient m’expliquer vers où je dois aller. Je regarde de nouveau mon altimètre et la carte mais la 50000ème n’est pas assez précise. Je me demande si je ne devrais pas m’arrêter, sortir ma couverture de survie et attendre le matin. Je finis par sortir la carte au 25000ème et je comprends que je suis allé trop au sud. J’insiste donc vers le nord en restant à la même altitude. Je finis par rejoindre le chaos de bloc. J’ai du perdre plus de 20 minutes. Je ne vois plus les deux frontales derrière moi.
J’attaque la montée vers le Coth de Sendrosa (2451m) . Je sens l’arrivée, ce qui me redonne un peu de pêche. Je passe au coth à 23h passé. Je fais le début de la descente sur un bon sentier puis je rejoins des passages caillouteux au milieu des pins. Je distingue au loin le bassin lacustre de Colomers. J’y suis presque. Le sentier redevient bon mais part trop au nord. Je regarde la 25000ème et je me rends compte que j’ai raté un embranchement. Je remonte un peu pour le retrouver et crois apercevoir de nouveau deux frontales qui descendent derrière moi.
Je repars dans ce que je pense être la bonne direction. Je rejoins un petit lac avec un îlot au milieu. Je sors la 25000ème et je comprends que je suis au Lac Cloto de Baish. Une courte remontée me ramène sur le GR11, très caillouteus et qui m’empêche de courir. J’aimerais pourtant arriver avant minuit. Je vois enfin le barrage et le chemin par lequel je suis monté hier pour rejoindre le refuge.
Cirque de Colomers
Je traverse le barrage du Lac Major de Colomers. La lune est levée, j’éteins ma frontale et je trottine jusqu’au refuge. Je suis épuisé mais heureux. J’ai terminé et c’était beaucoup plus dur que ce que j’avais prévu !
Il est 0h09 lorsque je tamponne pour la dernière fois mon carton dans le refuge. J’aurai donc mis 16h49 pour boucler les 60,5 km soit moins de 4 km/h ! Je pense que je n’étais pas assez rapide au début et pas assez à l’aise sur les parties caillouteuses. Du coup, j’ai terminé de nuit et perdu plus d’une heure à trouver mon chemin. Je pense qu’avec un meilleur entraînement de fond et plus axé sur la rando-course dans des terrains comme celui-ci, avec des cailloux et des blocs, devrait me permettre de passer sous les 14h lors d’une prochaine édition.
EpilogueJe profite de la thermos de thé et des quelques biscuits avant de me changer puis de trouver ma couchette. Je ne la trouve pas et je repère un espace entre deux randonneurs endormis. Je découvre que j’ai en fait très mal aux jambes et cela m’empêche de dormir. Quand la douleur se calme, ce sont les ronfleurs qui m’empêchent de sombrer dans le sommeil. Je me réveille vers 7h et admire le lever de soleil sur les montagnes tout en restant sur ma couchette. A 8h, c’est le gardien qui me sort du lit pour commencer le nettoyage !
Quelques coureurs ont visiblement choisi de faire la course aujourd’hui en partant de la Restanca. L’un d’entre eux vient de faire une vilaine chute et son compagnon lui a mis un énorme pansement autour du crâne. Il a quand même beaucoup saigné et je trouve dangereux qu’il continue dans cet état.
A 9h je redescend en sandales jusqu’au taxi. Mes chaussures sont foutues. Les deux semelles ne tiennent presque plus. Arrivé chez moi, je scanne mon carton tamponné des 9 refuges et l’envoie par mail à l’organisation. Je découvre quelques jours après sur le site internet que je suis finalement 32ème sur 155 coureurs classés en moins de 24h. Le premier a terminé en 10h20 et a donc battu le record. Il s’agit probablement de celui que j’ai croisé deux fois.
Prochaine édition aux mêmes dates en 2008 : 31/08 et 01/09.
Renseignements ici : http://www.carrosdefoc.com/
Avis aux amateurs de sky running sachant s’orienter en montagne et ayant le pied montagnard…
Et voici le fameux carton :
3 commentaires
Commentaire de titifb posté le 30-10-2007 à 06:18:00
Bravo pour cette course dure et originale...et bravo également pour ce CR très bien écrit ! Bonne continuation, l'an prochain, tu pulvériseras ce chrono...
Commentaire de moumie posté le 31-10-2007 à 13:46:00
salut,
eh ben ça c'est de la course. Pff, bravo à toi car sans repères, tout seul pendant 16h, chapeau
C'est sûr que la prochaine tu feras mieux, car tu as vu tes ptits points faibles.
encore bravo
Moumie
Commentaire de philtraverses posté le 12-04-2008 à 22:47:00
bonsoir
Cherchant des renseignements sur cette course et souhaitant la faire si je ne suis pas blessé cet été j'ai vu ton récit qui m'a beaucoup intéressé.
Je vois que tu aimes la montagne.
Ton récit est passionnant et il me sera bien utile sur un plan pratique et sur l'itinéraire si je me lance. a ma connaissance c'est le seul récit aussi détaillé en français sur cette course. Bravo pour cette perf
Cordialement
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