Récit de la course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous 2007, par chrissou

L'auteur : chrissou

La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous

Date : 19/10/2007

Lieu : ST PHILIPPE (Réunion)

Affichage : 4334 vues

Distance : 150.1km

Matos : - Chaussures Eider Speedtrailer et Asics Trabuco IX
- Camel back Salomon
- Short Nike
- T-shirts techniques Patagonia

Objectif : Se défoncer

2 commentaires

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Diagonale des Fous 2007

On n'a qu'une vie comme on dit. Et cette course mythique il faudra que je la fasse au moins une fois. Alors pourquoi pas cette année? Suis-je capable de la finir, suis-je assez préparé et expérimenté, pourrai-je poser des vacances à ce moment-là?  On verra bien, qui ne tente rien n'a rien. Telles sont les pensées qui m'occupent en ce printemps 2007. Une chose est sûre et me conforte, je ne serai pas seul: Florian et Elodie seront là pour m'accueillir à la Réunion royalement (comme ils l'ont toujours fait) et m'assister pendant la course. Alors Go!!

Après des mois de préparation (quelque peu chaotique à mon goût) où viennent se greffer des sorties (très) longues et un premier trail de 30 km, le physique est au point. Le Paris-Versailles viendra me confirmer que la forme est au top. Mais est-ce que cela sera suffisant pour affronter une telle montagne, un tel inconnu?

Signe du destin: une fenêtre dans mon calendrier professionnel me permet de partir in-extremis. Tout les voyants sont au vert, le rêve devient lentement réalité. La pression, l'excitation, l'enthousiasme commencent à vraiment monter. Un petit mail et quelques appels à la famille et aux amis et je m'envole pour la Réunion, île que j'ai la chance de connaître déjà.

Dès l'arrivée, la douceur du climat, l'accueil des réunionnais et des bénévoles ainsi que le soulagement de ne pas m'être entrainé pour rien me mettent dans un état d'apaisement que je n'aurais pas imaginé, alors que le grand départ est pour demain! Le soir: préparation méticuleuse du sac et nuit paisible à St-Pierre.

Lorsque je me réveille, des petits lutins ont déjà préparé mon petit déjeuner! (accueil royal j'avais dit...) Je passe une journée tranquille, un petit tour à la plage avec Florian pour s'aérer. La nuit tombe et la pression monte. Judex, en vieux sage (déjà trois arrivées sur trois à son actif) me procure d'ultimes conseils lors de notre dernier repas. Je savoure les frissons qui me parcourent pendant le chemin vers Cap Méchant. En attendant le départ, je me fais chambrer par les locaux sur mes équipements dernier cri! C'est de bonne guerre... Ironie du citadin anxieux espérant que la technologie viendra combler le manque d'entrainement...

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Une fois dans le "sas", je me mets à chercher en vain Jérôme et Frank, que j'ai rencontré quelques mois plus tôt et qui tentent leur second GRR. Quelques rituels: boire, s'échauffer... La musique fait encore monter la pression d'un cran et c'est parti!

Il faut croire que tout le monde était tendu car ça démarre très fort et ça se bouscule au portillon! En queue de peloton au début, je prends un rythme assez soutenu pour éviter les bouchons avant la montée du volcan et dépasse beaucoup de monde. Après la bifurcation, nous montons en file solennelle et ininterrompue, traversant l’obscurité en silence. Je me garde bien de dépasser celui qui me précède : le chemin est très étroit et il faut économiser ses forces. Le rythme est régulier, tout se passe bien.

En haut du volcan, l’aube est somptueuse. Mes doigts sont gelés mais le soleil nous réchauffe vite.

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Je trottine sur les rochers mais au bout de 6h vers Piton Textor je commence à sentir la fatigue et je lève le pied en prenant le parti d'y aller plus lentement que je n'avais prévu. Je m’enfonce fréquemment dans la boue et manque de glisser plusieurs fois sur les racines, ce qui rajoute encore à la fatigue. Pause de 30 min à Mare à Boue pour me faire masser et manger. Je repars beaucoup mieux : la montée de Kerveguen se passe doucement mais sûrement.

Ensuite descente sur Cilaos ou je retrouve Florian, mon assistance, qui me trouve peu marqué par la fatigue. Je remarque que certains n’ont pas mégoté sur l’équipement…

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Là je fais une courte sieste de 10 min, je mange, je me fais encore masser et je change de t-shirt, chaussettes, chaussures (troquant mes Eider Speedtrailer et mes chaussettes un peu sales contre une paire de Asics « pantoufles » Trabuco). En tout 1h30 de pause. C’est long mais je repars avec l'impression d'être presque aussi frais qu’au départ, ce qui me permet d’attaquer le Taïbit en forme alors que les abandons de fatigue se font de plus en plus fréquents autour de moi. Coucher de soleil en haut du col : on sort la polaire, la frontale et c’est parti pour ce que je crains depuis que mon planning est décalé: Mafate (que je connais très mal) en pleine nuit…

Arrivé à Marla je mange bien et essaie de dormir un peu malgré le froid et le bruit. Je n’arrive pas à trouver réellement le sommeil. Un petit coup de fil de mon amour me re-motive, c’est reparti après 1h de pause. Après une partie seul (un véritable jeu de piste) je me fais rattraper par Chantal, Benoît et Serge. Ce dernier connaît parfaitement les sentiers et nous guide à un bon rythme dans la nuit de Mafate. Ca discute tranquillement et les heures s’égrènent agréablement. Mais les organismes se fatiguent : nous sommes contraints de laisser Benoît à Roche Plate, son genou le fait trop souffrir. Il repartira et finira, chapeau!

Puis c’est la terrible montée vers La Nouvelle. On n’en voit pas le bout et le nombre de concurrents à la dérive sur le bord du chemin est impressionnant. J’ai de plus en plus envie de les imiter mais Chantal, elle, ne se plaint pas et avance courageusement à un rythme très régulier alors que nous avons perdu de vue Serge, plus rapide. Je m’oblige à ne pas la lâcher avant La Nouvelle. Quand nous y arrivons enfin je me dis que, cette difficulté passée, je ne peux plus revenir en arrière, je commence à y croire.

Serge décide de dormir un peu et je ne vois plus Chantal. Un bon massage et c’est reparti. La montée jusqu’au col de Fourche est beaucoup moins éprouvante, j’avance bien. Je double un petit groupe (des parisiens comme moi !) et me retrouve seul. Mes jambes fonctionnent étonnamment bien mais je sens le manque de sommeil : je commence à avoir des hallucinations dans cette nuit brumeuse et ce silence de mort, je crois reconnaître des gens derrière les arbres, je suis plusieurs fois persuadé que je ne suis plus sur le bon chemin… J’essaie de me calmer et de me concentrer. Je suis sur le sentier scout lorsque le jour se lève et c’est comme une libération. C’est la partie la plus plaisante : descente pas trop brutale, sentier humide mais qui n’a rien à voir avec la boue d’avant Cilaos. Beaucoup de raiders me doublent en trottinant. Je me contente d’allonger le pas, je veux économiser mes forces pour la dernière difficulté : Dos d’Ane.
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Lorsque je pars de Deux Bras, le soleil tape déjà fort et la montée est raide. Une pause au stade de Dos d’Ane est tentante mais je ne veux pas trop traîner et être obligé d’attaquer une troisième nuit. La dernière montée vers Piton Bâtard est rude mais je me motive en me disant que les difficultés touchent à leur fin…

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Grave erreur : le parcours jusqu’au Kiosque d’Affouches et surtout après le Colorado me paraissent interminables, je vis l’enfer.

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Je me fais doubler par des raiders euphoriques qui dévalent les dernières pentes à tombeau ouvert mais mes tentatives de les suivre s’arrêtent vite, je n’ai plus une once d’énergie et je marche comme un zombie. Je peste contre ces côtes qui m’éloignent du stade que j’entends désormais mais qui semble s’éloigner à mesure que j’avance. Je peste contre ceux qui ont tracé ce « parcours le diable » dont les difficultés se sont enchaînées sans laisser de répit. Des randonneurs me croisent et m’encouragent en me disant que j’y suis presque. Je reprends espoir quelques instants mais le stade est toujours aussi loin. Ne pas s’arrêter, surtout ne pas s’arrêter.

Enfin voilà Florian qui m’attend, j’exulte! « Je te l’avais dit : samedi soir ! » me crie-t-il, presque aussi heureux que moi.

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Un petit bout de chemin avec lui m’amène enfin sur la « terre ferme ».

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Je finis en courant, saute dans les bras des organisatrices derrière la ligne d’arrivée et serre ma médaille. Je m’écroule sur la pelouse du stade, la tête me tourne, je n’ai même plus la force de pleurer de joie.

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Premier GRR
41 heures 06 min 13 sec
324e au scratch
131e SH
Alimentation consommée dans le sac : une quinzaine de gels, aux ravitaillements : bananes, pommes, chocolat, barres de céréales, soupe de pâtes, coca.
Bilan trois jours après: encore bien mal au genoux mais fin des courbatures. Pas mal d'ampoules douloureuses aux pieds.

Merci à tous les bénévoles d’une gentillesse incroyable et toujours disponible. Merci au staff médical et surtout aux kinés qui m’ont remis plusieurs fois sur les rails. Merci à tous les raiders pour la solidarité magnifique de cette course. Merci à l’organisation : rien ne manquait. C’était sans doute très dur mais c’est ça le grand raid, on ne peut pas le reprocher. Merci à Florian, Elodie et sa famille pour l’assistance et l’accueil si chaleureux à la Réunion. Merci au public pour tous les encouragements, en particulier à la route du volcan et à Cilaos.


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A l’année prochaine !
Christophe

2 commentaires

Commentaire de Joe One posté le 25-10-2007 à 08:48:00

félicitations pour ta performance.... Bonne récupération à toi

Commentaire de Gibus posté le 29-10-2007 à 19:20:00

Super, tu l'a fait
Tes pauses siestes ont été bénéfiques car ceux à la dérive n'ont peut être pas osé faire ces arrêts pour recharger.
Bonne récup, des images plein la tête.

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