L'auteur : claude41
La course : Grand Raid 73
Date : 26/5/2007
Lieu : Cruet (Savoie)
Affichage : 2663 vues
Distance : 73km
Objectif : Pas d'objectif
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Nous voilà, 6 coureurs de l’ASPTT Blois, embarqué dans une nouvelle aventure. 5 ont décidé de se lancer à l’assaut du Grand Raid, Jean Michel à court de compétition se contente des 25 km. Nous sommes des purs solognots ou beaucerons, des régions ou le mot dénivelé n’existe pas dans le vocabulaire courant. En Sologne, pour faire des « côtes », il faut monter sur la bonde de l’étang : 3 mètres de dénivelé. Là, à 5h00 du matin, sur l’herbe d’un pré on se prépare à grimper 1 666 fois sur la bonde ! Jean Claude jeune V1 est un habitué des ultras ( 2 fois l’UTMB au bout), on ne se fait pas de soucis pour lui. Régine, ma femme, V2, est à l’aise en montagne, elle vient de finir 1ère au scratch son précédent trail. Reste les trois « vieux » : Jeff (V2), Célo et moi (V3). Jeff et Célo se lance pour la première fois dans un ultra, je suis chargé de leur montrer la voie.
Il fait bon, j’ai opté pour un collant court, le maillot du club manches courtes et les Gel Trabucco (neuves, j’ai explosé les autres la semaine précédente, je n’ai pas de soucis, je n’ai jamais d’ampoules)
Départ raisonnable, au fond du peloton, ça monte tranquille jusqu’au 1er Ravito à Montlambert. Bien sûr, dès les premiers hectomètres, Jean Claude et Régine ont disparu ! Je freine un peu mes deux camarades de jeu. Tout de suite, je sens que quelque chose ne tourne pas rond du côté de mon estomac. Jusqu’au Mont Charvet, je contrôle l’allure de montée à l’altimètre (700 à 750 m/h). En haut Celo se sent des ailes, accélère un peu, Jeff peine dans la descente. Au point d’eau de Morbié, on prend bien soin de faire le plein d’eau. Je bois un coca, j’aurais pas dû ! Dans la montée du Mt Pelat, je me sens vraiment mal, nausées, maux de ventre. Je laisse filer mes deux copains, je mange un petit casse-croûte jambon gruyère, immédiatement restitué aux petites fourmis qui n’attendaient que ça. Je reprends le sentier, le cœur n’y est plus, le reste non plus. Je pose le collant pour salir la belle moquette verte de la montagne, dégueulasse. Mais qu’est que je fais ici ?
Je repars, un peu soulagé, quelques centigrammes en moins, je me surprends même à trottiner. Au bas de la descente, avant les chalets de la Fullie, surprise, je recolle derrière Jeff et Celo. Mais dans la montée vers le col de Cochette, plus de jambes. Je ne peux plus m’alimenter, j’essaie de boire mais dès la deuxième gorgée, nausée. Ça va mal, j’vous l’dis ! Je vois mes deux co-équipiers s’éloigner, j’ai la sensation que je ne les verrai que ce soir, tard.
Moral à zéro, au ras des fleurs magnifiques de la prairie. J’avance comme je peux, je me fais doubler et redoubler. C’est sûr, j’irai pas au bout. J’en pleurerais, d’ailleurs j’en pleure. J’occupe mon esprit, je calcule et recalcule le temps que je dois mettre pour arriver dans les délais aux Aillons, je fais l’inventaire de la flore alpine, enfin, de ce que je connais, ou me souviens de mes études scientifiques. Au col de Clochette, je n’en crois pas mes yeux, sur ma droite une cohorte de coureurs me révèle le chemin à suivre. Pas après pas, mètre après mètre, sans jamais m’arrêter, je parviens au sommet, je fais même le tour de la croix alors que les bénévoles m’indiquent que ce n’est pas la peine. Un rocher plus bas, je retrouve Jeff, il est mal en point, un genou le fait atrocement souffrir, il me dit qu’il ne pourra guère aller plus loin. Je l’abandonne à son triste sort, il réussira quand même à rallier Les Aillons dans les temps, mais n’ira pas plus loin. Pour une première c’est dommage, mais la retraite proche lui permettra de s’entraîner convenablement pour réussir.
Dans la descente, je gère mon allure pour arriver avec 1h00 d’avance sur l’horaire éliminatoire, je connais bien la région pour y avoir déjà randonné. Je mange une barre que je réussis à garder, je bois quelques gorgées, je récupère. J’effectue pratiquement toute la descente en marchant. Aux Aillons, le ravito me sauve. C’est bon, il est 12h25, j’ai le temps. Renseignement pris, ma femme passait juste 1h00 avant, j’ai pas fini de faire la vaisselle à la maison ! L’eau pétillante offerte par des bénévoles extraordinaires de gentillesse me recale l’estomac, quelques rondelles de saucisson et deux ou trois morceaux de fromages me redonnent goût au trail !
Je repars, gonflé à bloc, la rage au ventre se substitue à la diarrhée, je réussirai. J’effectue toute la partie sur la route en marchant bon train, je m’interdis de courir, d’ailleurs, le pourrai-je ? Aïe, la montée qui s’annonce paraît terrible et elle sera terrible. Comment peut-on concevoir de tels sentiers, mais à qui ça peut servir et à quoi? Il pleut, allons bon, tout est contre moi. Je sors la veste Goretex, j’ai bien fait de l’emmener. Au chalet de la Buffaz, il fait froid, mais bon, je suis en haut. Dans la descente, je me surprends à courir, ça va mieux et alors, le casse-coûte saucisse offert par les bénévoles en bas de la descente, jamais de ma vie je n’en ai mangé un aussi bon. Si j’avais eu le temps, je les aurais embrassés. La longue montée vers la Galopaz me calme, elle me redonne une plus juste mesure des choses, soyons humble devant la difficulté. Et quand il faut tourner à gauche pour l’ascension finale, en pleine tempête, je maudis les concepteurs du tracé. En haut, je plains les bénévoles qui sont présents depuis des heures en plein vent, la pluie dans les yeux et qui trouvent encore le moyen de nous encourager, on devrait leur donner une médaille du bénévolat à ces gens là, il y en a qui les ont pour beaucoup moins que ça et j’ai des noms y’a qu’à demander. Dès la descente, coup de tonnerre, ça tombe pas loin, j’aime pas ça du tout, il faut perdre de l’altitude rapidement, dans la boue y’a qu’à se laisser aller, ce que fait la féminine devant moi, la pauvre, elle se relève sans bobo mais maculée de terre. La pluie redouble, la descente est dantesque, si ma vieille maman voyait son jeune fils de soixante ans dans cette galère qu’est ce qu’elle lui mettrait ! J’ai pris des baffes pour moins que ça dans le temps ! Elle n’a pas d’ordinateur, elle ne saura pas.
Au col du Lindar, je me crois à 5 km du ravito de la Thuile, on me dit que c’est tout en descente. Avec un jeune, je discute un peu, ça passe le temps, la statue de boue est juste devant, un réunionnais raconte que la Diagonale des Fous c’est bien plus facile que ça. Ce qui tombe bien, j’y serai (avec ma petite femme bien sûr) fin octobre pour fêter une retraite bien méritée. Au col de Marocaz, on nous annonce ravito deux kilomètres, j’aurais du me méfier, j’ai mesuré sur la carte, au moins 3,5 kilomètres, ah les v…. Bon, on repart à 3, c’est sympa, on discute, t’as combien d’enfants ? Quel âge ? Moi, j’ai deux petites filles, des jumelles, adorables, pour un peu, on passerai les vacances ensemble. Dans la dernière montée, le jeune homme nous largue, reste les deux vieux. Pardon à ma compagne d’un moment, mais elle comprendra. Si je monte un peu plus vite qu’elle, elle descend bien mieux que moi. Dans la longue et dure descente vers Cruet, nous rattraperons notre jeune camarade victime de ses quadriceps récalcitrants et nous l’abandonnerons à son sort sans remords… Ah les vieux !
Au pied de la vigne, qui ramène sur la route, je suis mort, je termine en marchant, courant juste pour faire le beau, 200 m avant l’arrivée à 20h30. Personne ne peut imaginer la joie que j’ai eue en la franchissant cette ligne, après tant de souffrances, m’être dit cent fois, que c’était plus de mon âge, que dès mon retour, je résiliais mon engagement au TGV et à la CCC, qu’à la Réunion, je me contenterais de la piscine du copain qui va nous héberger.
Je voudrais surtout dire un grand merci à tous les bénévoles rencontrés, assurant leur service parfois dans des conditions à la limite du raisonnable, ce sont eux qui m’ont donné le courage d’en terminer. Et merci aux organisateurs de nous offrir de si beaux terrains de jeux.
Nos résultats : Jean Claude 76ème en 12h24
Régine 103ème en 13h37 1ère V2
Celo 119ème en 14h26 2ème V3
Claude 134ème en 15h33
7 commentaires
Commentaire de ptijean posté le 28-05-2007 à 20:44:00
on à fait un peu la meme course avec la meme conclusion ,l'arrivée sur nos deux pieds.Bravo à toi et tu pourras passer le bonjour à marcel avec qui j'ai fais un bout de chemin avant la thuile et avec qui j'ai fini main dans la main en 14hrs26.
à bientôt sur une prochaine epreuve
ptijean
Commentaire de maï74 posté le 28-05-2007 à 20:53:00
Sacrée course, ce grand raid 73 ! Tu as fait preuve d'un gros moral pour en venir à bout, malgré les petits pépins, chapeau...
Bonne continuation
Commentaire de akunamatata posté le 28-05-2007 à 23:36:00
Felicitations pour ce superbe recit!
On devait pas etre loin de l'autre vers la galoppe, je dois forcement t'avoir sur ma pellicule numerique dans la terrible montee, patience je trie.
Commentaire de carotte posté le 29-05-2007 à 10:53:00
Bravo Bravo! Tant de courage... Je revis chaque instant de mon parcours à la lecture de ton récit(sans les troubles digestifs, juste de belles crampes d'estomac en haut de la Galoppaz)!
(Mon récit à moi sur http://carottepourtous.over-blog.com)
A +, Caro (originaire de Tours)
Commentaire de Jerome_I posté le 29-05-2007 à 11:47:00
Salut,
bravo pour ce CR et avoir fini en tant d'heure. Cet ultra etait vraiment difficile...
Moi aussi je pense que les bénévoles au sommet de la Gallopaz étaient vraiment courageux, merci à eux de nouveau.
Sportivement
Jérome
Commentaire de Olivier91 posté le 29-05-2007 à 21:06:00
Chapeau de continuer avec ces difficultés digestives. J'ai toujours eu la chance de les éviter, je ne sais pas si j'aurais eu autant de volonté que toi!
C'était vraiment un gros trail, heureusmeent que les pentes de l'UTMB sont plus "humaines", parce que 163 km au même régime que sur le GR73, y'aurait pas beaucoup de monde au bout!
Commentaire de eric41 posté le 31-05-2007 à 12:47:00
Quel courage Claude de finir après tous ces problèmes digestifs.
Bravo à toi.C'est vrai que par chez nous ce n'est pas facile de trouver du dénivelé pour s'entrainer.
Eric
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