8h30 dimanche 4 mars 2007, le Vulcain démarre au son inaudible d’une corne de brume : départ à la Bretonne en pays Auvergnat ! Un an plus tôt, je démarre la même course bien emmitouflé dans mes vêtements, avec 20 à 30cm de neige au sol. Cette année, pas un poil de neige sur le parcours, on en apercevra juste au loin sur les Monts Dore, ainsi qu’une minuscule tache à l’ombre au sommet du Puy de Dôme. Il faut dire qu’avec la température qui montera jusqu’à près de 20° dans la journée, il ne risque pas de tomber de neige. A la place, nous aurons droit à des chemins à peine gadouilleux, merveilleusement souples, et à peine encombrés de racines et pierres : un véritable bonheur à courir.
L’avantage de ces conditions météorologiques ultra-clémentes (et innatendues) par rapport aux éditions précédentes, c’est que l’accès au Puy de Dôme est ouvert cette année : tous les coureurs du grand parcours (56km contre 32km) auront la (mal ?) chance de grimper le fameux sentier des muletiers et de faire le tour de l’énorme mont surmonté de sa fameuse antenne. Sur l’édition précédente amputée de la montée du chemin des Muletiers jusqu’au sommet du Puy de Dôme, j’ai réalisé avec deux camarades, dont l’un blessé un peu avant la mi-course, un temps de 8h08. J’imagine cette année pouvoir réaliser un peu moins de 7h30, je pars donc dans cette idée.
8h30 donc, le peloton de 670 coureurs (petit et grand parcours confondus) s’ébranle à bonne allure. Après 200m de plat, les réjouissances commencent avec 6km de montée presque ininterrompue, de quoi montée en (sur)température. Au bout de 2 ou 3km, je retrouve Jean-François Roux et Stéphane Couleaud, deux coureurs rencontrés récemment. Il me semble que le premier a un niveau légèrement inférieur au mien, et le second un niveau légèrement supérieur. Et là, forcément, les hormones masculines parlent pour moi, et il devient prioritaire de « maîtriser » notre petit groupe, de montrer qui est le patron, non mais des fois. Nous faisons donc tous les trois un peu de yoyo en ce début de course, mais à une allure que je me sens incapable de tenir sur les 56km de ce trail somme toute costaud. Forcément, à ce rythme, nous doublons pas mal, en montée, en descente, sur le plat même. Les deux montées très raides vers le Puy de la Nugère s’enchaînent, et je pense déjà au retour tout à l’heure, quand nous devrons les descendre. Brrr !
La traversée de la route au Col de la Nugère est l’occasion de se faire applaudir par les suiveurs, et donc de bomber un petit peu le torse en souriant, comme si de rien n’était. S’ensuit la montée du Bois de Mauzac, raide, caillouteuse et surprenante. Les endorphines font leur effet, je donne un coup de collier et avale ces quelques dizaines de mètres de dénivelé, ainsi que la montée du Puy de Louchadière (qui donne « mouche à bière » si vous êtes un peu enrhumé) sans sourciller. Le tour du Puy se fait sur des sentiers très joueurs, mais la redescente me fait un peu peur avec son tapis de feuille cachant quelques pierres instables. Gare aux chevilles ! Je les ai particulièrement fragiles ces temps-ci, d’ailleurs la gauche n’est pas encore totalement rétablie de ma dernière petite entorse.
J’ai perdu mes deux acolytes depuis une paire de bornes, lorsque déjà je perçois le brouhaha annonçant le raivtaillement du 19ème kilomètre, près de Vulcania. Comme à l’accoutumée, je cours sans montre, et je ne sais absolument pas quelle heure il peut être. Un camarade m’apprendra à la fin de course que je suis passé à ce point en un peu moins de 2h10, pour 19km avec ce dénivelé, ça confirme bien que j’étais en sur-régime. J’avale deux verres de coca, emporte du saucisson, du fromage et du pain avec moi, et repars en courottant et en me confectionnant mon sandwich que j’avalerai en moins de deux. Je suis assez étonné de la proportion de coureurs qui partent sur le petit parcours (le 19ème kilomètre est le point de séparation petit/grand parcours, pour ceux qui le souhaitent ou qui passent après 3h et qui sont aiguillés obligatoirement vers le court). J’ai l’impression d’être l’un des rares à partir sur le grand : tant mieux, j’aime assez courir seul.
J’attaque la troisième dizaine de kilomètres avec du pain et du saucisson plein la bouche, dans une forêt épaisse et sur des sentiers doux comme du velours : le bonheur. Encore une petite bosse avec le Grand Sarcoui, et puis ce sont plusieurs kilomètres de sentiers presque plats sur lesquels j’accuse un coup de mou. Pourtant ils sont magnifiques ces sentiers, on emprunte même une longue partie herbeuse sur laquelle il me prend une furieuse envie de m’allonger. Il faut dire que je suis fatigué, usé, crevé, par les dernières semaines plutôt actives professionnellement parlant, et que mon capital sommeil accuse un retard effarant.
La vue est belle elle aussi, je me retourne régulièrement pour profiter des Puys qui nous entourent. Ca me permet d’ailleurs de rappeler un coureur s’engageant sur un mauvais chemin, et d’en apercevoir un autre qui réduit la distance en coupant largement à travers la prairie. Un peu énervé par ce comportement et ce faux-plat, je me fais dépasser par plusieurs concurrents et arrive un peu usé au ravitaillement du péage, kilomètre 28. Remplissage de la poche à eau, quelques sucreries et morceaux de fromage que je me force à avaler (j’ai un peu mal au ventre) et c’est reparti. Entre temps, la seconde féminine m’a dépassé, c’est une géante ! Quatre ou cinq autres me dépasseront encore d’ici à l’arrivée, faisant preuve d’une régularité sans faille dans la gestion de leur course. Rien à voir avec moi !
Et c’est parti pour l’ascension du Puy de Dôme ! Du ravito au sommet, c’est environ 550m de dénivelé positif qui nous attendent, sur quatre petits kilomètres. Forcément, ça monte ! Un poil de sentier précède une longue partie bitumeuse et régulière qui permet de se reposer un peu, et de se refaire la cerise. De temps en temps je lève la tête pour essayer d’entrevoir le sommet, il est invisible d’ici. Enfin nous attaquons le gros morceau, le sentier des muletiers. Je ne sais pas de combien de lacets il se constitue, mais il y en a ! Virage à droite, virage à gauche, à droite, à gau… Ca n’en finit pas ! Dans les premiers lacets, je croise Karine Herry qui redescend et pointe aux alentours de la quinzième place. Elle souffle fort, mais court fort aussi. Et ça monte, ça monte, presque tous les descendeurs ont un petit mot ou geste pour ceux qui montent, et ce sera la même chose lorsque ce sera mon tour de descendre. Mais pour le moment, je monte, et j’ai l’impression que ça n’en finit pas. Le sentier n’est pas régulier, certains passages sont à près de 20%, c’est raide ! Enfin arrive une petite ligne droite avec en point de mire l’antenne, c’est fait ! Un petit tour au sommet principalement en marchant pour se remettre, et c’est parti pour la descente.
En montant, je me disais « mais comment font-ils pour descendre si vite ? ». J’avais l’impression que j’allais être à la ramasse dans la descente, marcher même peut-être ! Et bien non, quelques pas suffisent à dérouiller les jambes, et c’est parti pour une descente d’enfer ! Les randonneurs et promeneurs de ce dimanche regardent passer, et parfois applaudissent tous les coureurs ; il est vrai que les allures sont impressionnantes entre un marcheur et nous autres « Vulcanologues ». J’effectue la descente d’une traite jusqu’au Col de Ceyssat, mes cuisses criant parfois au meurtre !
S’ensuit un petit slalom sur un bien sympathique chemin entre les sommets des Puys, en balcon. On voit au loin s’étirer le cordon de coureurs, alors qu’on aborde soi-même l’itinéraire toujours aussi bien balisé. Et toujours les promeneurs ont un petit mot gentil envers les coureurs, les enfants nous regardant passer les yeux brillants en se disant peut-être « moi aussi je ferai le Vulcain quand je serai grand ! ». Enfin, moi je suis grand, je fais le Vulcain, mais je me dis que je serais aussi bien à la place de ces gamins ! Pour l’heure, je suis un peu rincé, je compte et recompte dans ma tête les kilomètres qui me restent jusqu’à l’arrivée. Ca donne des estimations à la louche assez larges, entre 16 et 21km…
A ce petit rythme, j’arrive en haut d’une pente abrupte faite de petits cailloux, restants de l’exploitation de la carrière qu’on peut voir à gauche, j’imagine. Sans hésiter, je me lance à vive allure dans la pente, les talons marquant profondément chaque pas. C’est très agréable de ressentir cette vitesse à ce moment de la course, mais beaucoup moins de sentir les cailloux pénétrer dans mes chaussures par dizaines. Il se trouve que j’ai oublié mes guêtres à la maison, j’avais pourtant l’intention de les prendre… Fichue mémoire ! En bas de la pente, je me vois obligé de déchausser pour vider mes Salomon. Je m’assieds, plie les jambes pour ôter mes chaussures, et grimace un peu sous les tiraillements perçus aux cuisses et aux ischios. J’enlève les chaussures, respire un peu, salue les trois ou quatre coureurs qui me passent, et tente de les remettre. Madre de dios ! Les crampes surgissent d’un coup, vive douleur insuportable qui me ferait presque hurler. C’est avec moults précautions que je rechausse, m’étire un petit peu, et repars clopin clopant en marchant, voulant éviter à tous prix le retour de ces horribles douleurs.
Les chemins se suivent et ne se ressemblent pas, ce qui est on ne peut plus agréable : cette variété permet d’éviter toute lassitude, et il n’y a que dans les parties intermédiaires toutes droites et plates que je m’ennuie un peu. Soudain je vois venir en sens inverse Evelyne, l’ami d’un de mes deux camarades de début de course (Jean-François) qui a suivi la course en voiture et nous a encouragés tout du long. Elle m’annonce 1,2km avant le prochain ravitaillement ! Ouah, c’est la fête ! J’accélère un peu, et au bout de ce que j’estime être 1,5km je commence à désespérer. Enfin la route apparaît à travers les arbres, et moyennant une traversée dangereuse dans un champ où se cachent des branches et troncs d’arbre, je rejoins enfin le ravitaillement. Arrivés là, il nous reste 13km.
Et c’est reparti pour quelques centaines de mètres de chemins plats pas des plus marrants, sur lesquels je ne trouve pas l’envie de me relancer. J’ai fait le plein de ma poche à eau avec de l’eau gazeuse au ravitaillement, pour la première fois de ma courte vie de coureur. Les crampes qui m’avaient fait souffrir une heure plus tôt m’ont fait pencher pour ce choix. Seulement, au bout de 500m, je me retrouve avec une drôle de sensation dans le dos : mon sac me comprime, comme si on venait de gonfler un ballon le long de ma colonne. Forcément, l’eau gazeuse secouée dans la poche a fait gonfler celle-ci. Je m’arrête immédiatement de peur d’une explosion, vide l’air soigneusement et repars tranquillement. Un autre coureur vient de subir la même mésaventure, seulement lui son bouchon a sauté ! Il lui reste pas mal d’eau, par contre son sac est trempé…
Et ça regrimpe de nouveau, sur des sentiers ravinés et étroits, desquels on peut admirer, si on prend la peine de se retourner, le Puy de Dôme où l’on s’amusait tout à l’heure. On enchaîne encore une paire de Puys (Coquille, de Jumes) avant de retomber sur la fameuse descente qu’on avait montée le matin même, descente menant au Col de la Nugère. Là, j’ai très envie de me faire plaisir, et je lache complètement les chevaux, en sachant très bien que je grille prématurément des forces qui me seraient utiles un peu plus loin. Qu’à cela ne tienne, je cavale comme un damné dans cette descente parfois pierreuse, avec un loustic à mes basques qui s’accroche presque tout du long. Nous reprenons une demi-douzaine de coureurs qui doivent se dire « mais quels fadas ceux-là, ils vont se dégommer les chevilles ! ». Toujours est-il que coup de chance ou pas, je parviens à la route intact, plaisante dix secondes avec les bénévoles, et repars à allure très très réduite de l’autre côté, puisque ça grimpe sérieusement, vers le Puy de la Nugère.
Il reste environ sept ou huit kilomètres avant l’arrivée, alors qu’à ce moment je pensais qu’il n’en restait que six. Résultat : ces derniers kilomètres me paraitront d’une longueur effroyable. J’attends avec une impatience folle de retrouver les abords de la ville de Volvic, signe que je serai pratiquement au bout de mes peines. Finalement, malgré les craintes de ce matin, les deux descentes très raides se passent plutôt bien. Le sol est meuble, et il suffit d’assurer chaque pas en enfonçant le talon ou en zigzagant pour arriver en bas sans encombre. Du coup je m’amuse beaucoup sur ces deux descentes, profitant des derniers instants joueurs de ce trail finalement assez technique. Bien sûr, il n’y a pas de pierriers ou de blocs à escalader comme on peut en trouver sur des trails de montagne, mais tout de même certains passages présentent quelques risques pour qui s’y engage à bonne allure.
Sur ces dernières encablures, les parties plates sont d’une longueur… Je suis seul à ce moment, et ne parviens pas à relancer, malgré des jambes encore en bon état : il me manque l’envie d’en découdre encore un peu. Peut-être qu’avec une montre, j’aurais cherché à tirer un peu plus pour descendre sous les 6h45. Car je ne le saurai qu’après course, mais je termine en 6h54, un temps qui me satisfait amplement, mais que j’aurais pu améliorer avec juste un peu de volonté en plus. Bref, ces longs passages en sous-bois avant Volvic sont parcourus à faible allure, en marchant ou en courottant, et ce n’est qu’à l’arrivée en ville que je reprends une bonne dynamique de course, juste à l’endroit où Karine Herry, en terrasse un verre (de quoi ?) à la main, encourage chacun des concurrents.
6h54, 85ème sur 272 à l’arrivée du grand parcours (355 sur le petit), c’est un résultat satisfaisant pour moi. Mes collègues de début de course arrivent quelques minutes après moi, en 7h05 pour Stéphane (94ème) et 7h07 pour Jean-François (102ème). Les deux premiers arrivent main dans la main en 5h17, Karine Herry la première met pile une demi-heure de plus. De l’avis de tous, la concurrence était rude cette année : il n’y avait pas que des locaux aux avant-postes, mais aussi des coureurs émérites venus d’un peu partout en France (je ne parle pas de moi !).
Après course, je ne suis pas cassé physiquement parlant. Je ressens de bonnes courbatures dans les cuisses et les ischios, aux épaules (je n’avais pourtant pas de bâtons) et aux cervicales (7h passées tête baissée pour fixer les sentiers et repérer les dangers), mais rien de bien méchant. Je retiens du Vulcain 2007 un trail exigeant et magnifique, des sensations de course extraordinaires, un rassasiement des cinq sens jubilatoire. Cette année le Vulcain était bien particulier ; il fallait y être, heureux soient les 670 élus !
3 commentaires
Commentaire de thunder posté le 06-03-2007 à 13:06:00
un bien beau cr el sangliator, comme ma partenaire de fin de course, tu es aussi victime de l'oubli des guêtres tsss, elle était pourtant bien belle et agréable cette petite descente
Commentaire de Say posté le 06-03-2007 à 16:54:00
Une course où tu sembles t'être fait plaisir au delà de la performance pure. Bravo Manu et à une prochaine (TGV?)
A+
Commentaire de electron posté le 14-03-2007 à 09:47:00
Du grand sangliator comme d'hab'... Bon sans neige , sans boue et sans gamelles, on y est pas trop habitué, mais c'est comme ça !! ;-))))))
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