L'auteur : Flox
La course : Grand Raid des Pyrénées - Le Tour des Cirques
Date : 23/8/2024
Lieu : Vielle Aure (Hautes-Pyrénées)
Affichage : 971 vues
Distance : 120km
Objectif : Faire un temps
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GRP Tour des Cirques 2024
Après avoir déjà participé aux Tour du Neouvielle, du Moudang et des Lacs respectivement en 2019, 2021 et 2023, me vient l'envie en début d'année de pourquoi pas tenter pour la première fois de dépasser la barre des 100km, de passer une nuit dehors, d'être en course pendant presque 30h… Bien sûr cette décision ne se prend pas tout seul. La préparation, la logistique, les vacances impacteront forcément un petit peu le quotidien de ma compagne et de notre petite fille.
Le Dimanche 21 Janvier, tard dans la nuit en rentrant d'une 3ème mi temps de rugby je regarde où en sont les inscriptions pour le GRP. Mince plus de places pour le Tour des Cirques. Tant pis ce sera pour une autre fois. 5 minutes plus tard, je regarde encore une fois : il reste 2 places. Go go go c'est un signe ! C'est parti pour l'aventure 😉😅
Après une belle préparation débutée après la saison de rugby soit début Mai, avec des belles courses près de chez moi (Patou 42k et 21k, BK65 notamment), de belles sorties dans le Pays Basque et de beaux blocs d'entraînement, une demi semaine parisienne pour les jeux Olympiques vient un peu tout gâcher. En effet le cocktail, bières, tacos, et nuits courtes associé à une reprise un peu trop rapide de la course après cette épisode me déclenchera une syndrome fémoro patellaire 3 semaines avant l'objectif… Quelle poisse… Je ne cours plus que sur le plat où je n'ai pas de douleurs.
Nous partons une semaine en Corse, la semaine avant le GRP, je m'y teste mais rien n'y fait, la descente rapide de “marches hautes” ou de cailloux m'électrise le genou droit… Un petit tour chez mon ostéo 4 jours avant la course, me rassure un peu, mais bon…
Toute la préparation de la course, de la logistique, du sac, du sac de base vie, des temps de passages espérés (28h d'après Livetrail mais plutôt 29-30h d'après moi), de la nutrition de course segmentées sur les différentes portions du parcours, me permettent de me rassurer sur le fait que je suis prêt et que je n'aurais à penser qu'à avancer le(s) jour(s) de la course.
Après coup je pense que cette méticuleuse préparation m'a énormément aidée.
Jeudi 22 Août
Nous voilà à St Lary depuis la veille. Nous allons retirer le dossard, déposer le sac de base vie à la première heure le matin pour pouvoir ensuite aller voir des copains passer au Moudang et à Bielsa (engagés sur le tour du Moudang et de la Gela).
Bien belle journée, tout va bien, petit restau le soir quand même avec tout ce petit monde réuni (famille, parents, amis, une belle table de 10 personnes) et dodo sur St Lary.
Vendredi 23 Août
Jour J. J'ai bien dormi mais je me suis quand même réveillé à 3h du matin au lieu des 5h prévues, ça fait déjà 2h de sommeil en moins. Petit déj, habillage et nous voilà partis pour Piau Engaly. Ma chérie m'accompagne. La petite est avec mes parents logés sur Piau Engaly.
7h03 Départ Piau Engaly
Je me cale malgré moi presque tout devant, je sais qu'il ne faudra pas se faire embarquer car la route est longue.
C'est parti ! Première fois que je fais un départ comme cela où à peine après 50 mètres le mur de la piste de ski du Col et ces forts pourcentages nous font déjà marcher au pas.
Cette première boucle est plutôt agréable, bien gérée, ça discute pas mal autour. Arrivé au sommet, photo du lever de soleil qui va bien et c'est parti pour la descente. Et là comme je le craignais le genou fait toujours mal. Je descends très bien mais la douleur est là à chaque pas. Tant pis il va falloir faire avec de toute façon.
Arrivé juste avant le ravito de la boucle de Piau, je retrouve ma chérie, ma fille qui me tend fièrement mes 2 flasques pleines pour la suite, mes parents et mes amis qui sont là pour m'encourager. Bisous, blagues, petites photos et je les quitte sous leurs encouragements. Je ne les reverrai que le lendemain midi à Vielle Aure.
Piau 8h15
6,6km 632m+ 632m- 261°
01:11:48 (prévision 01:15 Base de 29h)
Nous repartons sur la même montée/piste de ski qu'au départ jusqu'au col et bifurquons ensuite dans la vallée du Badet pour rejoindre le Port de Campbielh, point culminant de la course avec ces 2596m. La montée se passe très bien, en file indienne. Le rythme me convient bien, je m'alimente et bois très bien aussi. Je suis au sommet à 9h45.
C'est parti pour une très longue descente jusqu'à Gèdres (environ 12km et 1600d-). Un peu technique au début, toujours pareil plutôt difficile pour moi. Un peu plus roulant ensuite ou je me sens mieux au niveau du genou mais le fait de courir en descente pendant plus d'une heure commence à bien me fatiguer physiquement et mentalement.
Gèdres Aller 11h02
24,3km 1528m+ 2367m- 204°(+57)
03:58:29 (prévision 04:30)
Je refais les niveaux au ravitaillement de Gèdres, et je repars vers Gavarnie par une belle montée ombragée. Je jette un coup d'œil sur Livetrail et je vois que malgré mon ressenti mitigé mes temps sont bons (ce que ne manque pas de me signaler ma compagne par texto 😉) et que j'ai doublé pas mal de monde. Mais la montée, même à l'ombre sur les coups de midi, commence à me donner très chaud. Nous arrivons sur les hauteurs du magnifique plateau de Coumely d'où nous commençons à apercevoir le majestueux cirque de Gavarnie. La descente jusqu'au prochain ravito est encore une fois difficile pour moi. Je me fais doubler de partout, j'ai mal au genou, je commence à avoir mal au ventre et au pied gauche, la tête se pose 1000 questions. J'ai fait 35km et je suis plus mal qu'après les 65km de Bidarray ou les 2 jours de course de la Patou… Mince.
Gavarnie 13h31
37,4km 2486m+ 2831m- 194°(+10)
06:27:53 (prévision 07:00)
Comment ça j'ai gagné 10 places ??? Mais je me suis fait doubler de partout ? Notre ressenti de course des fois peut nous jouer des tours 😅 j'ai dû gagner des places au ravito précédant sûrement vu que je n'y ai pas passé beaucoup de temps. Bref, là je me pose vraiment pendant 30 minutes. Niveaux des flasques, pastèques, banane et première soupe vermicelle tomate. Je repars toujours avec les mêmes doutes mais quand même satisfait d'être dans mes temps de passage malgré le fait que le ressenti n'est pas hyper bon. D'autant que la montée suivante du Pic de la Pahule est terrible. Je la connais pour l'avoir grimpée en 2017 pour le Gavarnie Trail 20km, mon tout premier trail en montagne. En je n'en garde pas que des bons souvenirs 😅
Mais mes souvenirs sont bons ! D'abord des lacets qui montent quand même à un bon pourcentage, puis le plateau de Bellevue où, si on regarde sur les crêtes au-dessus de nos têtes, nous voyons les autres coureurs qui sont déjà très très hauts. Ouf ! Et l'orage en prime qui commence à gronder au-dessus du cirque de Gavarnie. Il manquerait plus qu'on se le prenne sur la tête, ce serait la totale. Arrivé au pied du mur de crête final une petite pause s'impose sur un caillou (la première et finalement la seule 😅). 5 minutes plus tard Je redémarre, petit pas petit pas nous montons ce gros mur. Jusqu'au moment où je m'aperçois que le chemin bifurque sur la droite avant de descendre au ravitaillement des Especières. Nous n'allons pas jusqu'au sommet comme dans mes souvenirs c'est déjà ça 😅
Petite descente sur les pistes de ski de la station de Gavarnie et nous arrivons au ravitaillement. L'orage quand à lui a bien grondé mais est resté bloqué sur le cirque et n'est pas venu jusqu'à nous. Tant mieux.
Les Especières 15h35
44,4km 3322m+ 3303m- 212°(-18)
08:31:49 (prévision 09:30)
Grosse pause ici aussi. J'en ai besoin. Il fait très lourd, je suis dans le même état d'esprit qu'à Gavarnie, et cette fois ci je vois bien que mon ressenti a été le bon avec la vingtaine de places de perdues. Mais le chrono est encore bon donc j'ai le temps de bien manger, passer aux toilettes, tout remettre en place dans mon sac pour la prochaine section et après 20-30 minutes je repars. Mais cette section relativement descendante jusqu'à Gèdres me fait un peu peur vu mes problèmes physiques… Tant pis de toute façon il faut avancer.
Je trottine tant bien que mal, il fait toujours très lourd, et la seule petite montée est aussi plutôt difficile… Les questions aflluent dans ma tête. Mais pourquoi je fais ça, quelle idée j'ai eu. Ça sert à rien de continuer, autant arrêter…
Stop arrête avec tes idées noires ! Tu as investi du temps pour t'entraîner, de l'argent pour t'équiper, t'alimenter. Ta famille et tes amis te suivent et t'encouragent. Ta fille de 4 ans et demi n'attend qu'une chose c'est de courir avec toi les 200 derniers mètres qui nous séparerons de la ligne d'arrivée. Tu ne peux, tu ne dois pas abandonner, tant que tu pourras avancer. J'arrive à Gèdres bien rincé pour encore un gros stop au ravitaillement.
Gèdres Retour 18h18
58,1km 3840m+ 4413m- 232°(-20)
11:14:44 (prévision 12:00)
Je décide d'appeler mes parents qui sont avec ma fille à Piau Engaly. Cela me fait énormément de bien de les voir, elle me raconte sa journée passée dans la vallée du Badet. Elle me demande si j'ai tout bu dans les gourdes qu'elle m'avait confiée à Piau 😅 Je leur souhaite une bonne nuit et leur dit à demain 😉
Je dois continuer, il va faire plus frais, cela va aller mieux. Je remarque surtout autour de moi que je ne suis pas le seul à être dans le mal. C'est un peu l'état d'esprit général. Certains jettent l'éponge, d'autres se posent un long moment. Mais il faut repartir vers Luz et la base vie où nous pourrons nous poser un peu plus confortablement.
La partie jusqu'à Luz, tout en sous bois, est très agréable. Même les montées se passent mieux. Il fait bon. C'est roulant. Je trottine bien sur les parties plates et descendantes. Je reprends du poil de la bête ! Je me surprends même à râler intérieurement lorsque ceux qui sont devant moi marchent sur des parties plates. Calme toi mon ami, la route est encore longue 😅
Juste avant Luz dont nous distinguons les lumières en contrebas, nous sommes obligés de sortir les frontales, la nuit s'étant installée. Je pars seul un peu en avant du groupe. Nous rejoignons le parcours du 160km qui sera commun à nos 2 courses jusqu'à l'arrivée. Je le remarque car un concurrent arrive sur la gauche. Je le salue, lui demande s' il vient du 160. Il me répond que oui et dans la lueur de ma frontale je reconnais Sange Sherpa. La classe 👌 À peine le temps de l'encourager qu'il disparaît dans la descente. On a va même pas essayer de la suivre hein 😅 J'apprendrais plus tard qu'il est à ce moment là 3ème de l'Ultra Tour. Impressionnant.
Nous arrivons enfin sur les hauteurs de Luz. J'en profite pour appeler ma chérie avant qu'elle ne se couche. Cela me fait du bien de lui parler. Je lui dit que je me sens bien mieux, que je vais sûrement me poser un peu mais pas trop traîner non plus tant que la forme est bonne. Elle m'encourage, me félicite et me souhaite une bonne nuit aussi 😘
Après le Pont Napoléon, je raccroche car nous reprenons un sentier qui remonte encore. Mince nous pensions être très proches du ravitaillement… Nous y serons quelques km plus loin mais il me semble que cette partie est nouvelle, à confirmer avec les anciennes traces. Je pensais arriver au ravitaillement par la grande route de Luz-Gedres. Pas bien grave.
Luz Entrée 21h52
71km 4463m+ 5463m- 211°(+21)
14:48:34 (prévision 15:30)
Je rentre dans la base vie. La cour des miracles. Je récupère mon sac. Il y a un concert juste à côté à Luz St Sauveur, l'ambiance est donc sympa 😅 Je prends un bon plateau repas avec pâtes, fromage, soupe, pastèque, compote que je mange en suivant pour bien digérer avant de repartir. Je m'occupe ensuite de me changer, de réorganiser mon sac de course avec ma nutrition prévue pour la fin du parcours. Je recharge également ma montre. Quand je change mes chaussettes, je remarque une belle ampoule sur mon talon gauche… Je sentais que ça brûlait, mais je ne pensais pas autant. J'aurais dû prendre 5 minutes pour me badigeonner les pieds à Gavarnie… Je me dirige vers le local des podologues mais une belle file d'attente s'étire devant. Bon je vais m'en occuper moi même. J'ai un petit ciseau pour la percer, des compeed, du strap pour tenir tout ça. Je remets la chaussure et ça me pique terriblement… Au moins ça compensera avec le genou de l'autre jambe 🙃
Je regarde l'heure, cela fait déjà une heure que je suis là. Cela passe très très vite. Je suis encore dans mes temps mais il est l'heure d'aller s'attaquer au gros morceau de la nuit.
Luz Sortie 22h57
Me voilà parti pour le refuge de la Glère et sa montée interminable de 13km pour 1600m de dénivelé positif. En pleine nuit étoilée. Ça y est c'est la première fois que je suis en course plus de 15h, première fois que je vais faire une nuit entière dans la montagne sur un trail, première fois que je vais dépasser les 5000m de D+. Mais je suis étonnamment très bien. Je me cale dans le sillage d'un couple qui monte tranquillement mais cela me convient très bien. Surtout que la première partie de la montée est bien solide. Nous montons toujours au même rythme sans aucune pause. Je reste à distance raisonnable pour ne pas les déranger avec ma frontale. Je n'aime pas qu'on me colle alors je ne colle pas les autres. Nous arrivons sur la partie plane du ruisseau du Bolou ou un ravito surprise nous attend. Petite soupe et ça repart.
Nous arrivons dans le chantier de la montée finale. Des cailloux, des cailloux, encore des cailloux, pas un cm de terre. Mes compagnons de route font une pause. Je continue je suis en pleine forme. Il fait hyper bon, nous sommes en t-shirt, les conditions sont idéales. Certaines flèches qui sont sur l'ultra Relais nous doublent c'est encore une fois impressionnant. Je me rends vite compte que c'est bien plus fatiguant d'être seul à chercher les balises et fanions réfléchissants qu'à suivre à la trace une personne quelques mètres devant moi 😅 Je rattrape 7-8 personnes qui montent sur les dernières pentes du Sarrat de Laques. Je dois ralentir car je ne peux pas doubler mais j'attends tranquillement derrière. Un à un ils s'arrêtent et nous arrivons en haut avec un compagnon de route. Nous distinguons le refuge en fond. Il me lâche en suivant dans la petite descente. Celle-ci est tellement technique que chaque descente de marche me cisaille le pied au niveau de mon ampoule et m'electrifie le genou au niveau de la rotule dès que je descends. Je m'aide des bâtons pour prendre appui et j'arrive au ravitaillement. C'était une magnifique montée. Je suis très bien (à part les problèmes cités plus haut), je n'ai pas sommeil, ne suis pas fatigué plus que ça. Les jambes aimeraient faire plus mais je suis obligé de freiner avec les douleurs que j'ai.
Samedi 24 Août
Refuge de la Glère 3h02
84,5km 6098m+ 5648m- 168°(+43)
19:59:19 (prévision 20:00)
Petit ravitaillement rapide, je sors les manchons et le cache cou car il y a un petit vent mais nous sommes encore en t-shirt à 2137m d'altitude à 3h du matin, quelle chance 🤞 Ce n’est que de la descente jusqu'à Tournaboup, environ 8km. Cela m'inquiète un peu. Mais c'est une belle piste, pleine de cailloux certes mais assez roulante donc j'arrive à trottiner légèrement. Je me rends compte que beaucoup de monde marche. Du coup malgré mes douleurs et mon petit rythme je double du monde. Et cela jusqu'à Tournaboup.
Je suis euphorique, je me dis que ça y est je vais réussir, je me vois à l'arrivée embrassant mes proches et ma chérie, courant avec ma fille jusqu'à l'arrivée… Hop Hop Hop calme toi encore une fois ! La route est encore longue. Il te reste 30km, il peut se passer pleins de choses encore. Concentre toi concentre toi pour ne pas tout gâcher. 🙄
Tournaboup 4h33
92,9km 6178m+ 6388m- 147°(+21)
21:29:31 (prévision 21:30)
Je refais les niveaux, petite soupe toujours, petit tour aux WC et c'est reparti après un gros ¼ d'heure. Je regarde mon téléphone, ma copine n'a pas dormi de la nuit, elle m'a encouragé après chaque pointage ! Elle va être épuisée elle aussi 😅
Je connais maintenant parfaitement ce qu'il me reste comme parcours. Je l'ai fait l'an dernier sur le 80 km. J'avais mis 6h à peu près. Il m'en faudra sûrement plus (7h45 au final) vu l'état de mes articulations mais le mental est lui bien prêt à ne pas lâcher. Je dois passer sous les 30h de course coûte que coûte.
Je m'attaque donc au sentier qui mène à la cabane d'Aygues Cluses. Celui-ci est plutôt facile comparé à ce que nous avons grimpé jusqu'ici, mais je commence à avoir un petit coup de mou, à avoir des remontées gastriques. Mince non pas maintenant. Je m'arrêterais bien au ravito pour manger mes barres. C'est vrai que j'ai avalé seulement de la boisson, des purées et des gels durant toute la nuit. Les barres ne passaient plus. Un peu de solide devrait me faire du bien.
La cabane est en vue.
Cabane d'Aygues Cluses 6h48
99,5km 6885m+ 6398m- 137°(-10)
23:44:59 (prévision 23:30)
Soupe encore et toujours. Et une bonne barre énergétique que je mâche bien pour réactiver l'estomac. Le jour se lève. Le vent aussi. Je ne dois pas traîner connaissant le chantier de la descente jusqu'à l'Oule et ensuite jusqu'à Vielle Aure. J'attaque la petite mais raide montée vers la Hourquette de Nere. J'arrive à rattraper le peu de monde qu'il y a devant moi. Une petite photo au sommet avec le soleil qui se lève en fond et j'attaque la descente tambour battant ! Ah non pardon… J'ai toujours autant de mal en descente… Je marche comme je peux, je descends chaque caillou en lâchant un râle de douleur. Quel enfer. Cela va être très très long. Arrivé au niveau du Lac de Port Bielh, la pente s'adoucit. Je peux marcher plus vite. Mais entre les racines, les pierres, les marches cela n'en finit plus. J'essaie de trottiner dès que je peux mais les occasions de le faire sont très minces dans ce chantier. Pourtant seuls des concurrents de l'Ultra 160 et du relais me rattrapent. Je crois que nous sommes un peu tous dans le même état physique sur le Tour des Cirques 😅
Arrive enfin le Lac de l'Oule encore vidé comme l'an dernier. Sûrement toujours les travaux sur le barrage. Cela remonte un peu, je peux reprendre un bon rythme jusqu'au restaurant du Merlans.
Restaurant Merlans 9h49
110,5km 7408m+ 7048m- 137°
26:45:30 (prévision 26:30)
Je ne traîne pas encore une fois. Je sais que la dernière descente est interminable et que j'aurais beaucoup de mal à courir voire même à trottiner si je veux finir avant 13h. J'attaque donc les derniers mètres de D+ de la course qui me séparent du Col de Portet. Le vent souffle fort, la poussière se lève. À quelques encablures du sommet, je l'aperçois, elle est là dans le vent. Marine, ma compagne qui porte en elle notre second enfant est montée me faire la surprise 😲 Quel bonheur de la voir ! 😍 Elle m'accompagne jusqu'au sommet, un dernier bisous et je lui dis à dans 2h (j'espère) avant qu'elle ne parte reprendre les télécabines jusqu'à Espiaube. Je dois aller le plus vite possible pour elle, pour eux !
La voilà la descente infernale encore et toujours. Ces 12km jusqu'à Vielle Aure qui sont longs, très longs, trop longs. C'est la marque de fabrique du GRP. Ça se mérite cette histoire. La première partie en faux plat descendant est également un calvaires pour moi. Mon pied gauche chauffe, je le sens tout gonflé, je desserre un peu la chaussure. Des ampoules ont dû apparaître au niveau des orteils également on dirait. Côté droit c'est encore et toujours le genou qui déjà était douloureux au km 0, alors après 120km et 7500m de dénivelé positif et négatif… Allez allez il faut avancer. Marche rapide pas le choix. J'arrive à Cap de Pede au-dessus de Soulan. Là où il y a une courte mais terrible pente à descendre. Et je me retrouve avec un compagnon de route qui est encore plus mal que moi le pauvre 😅 en sautillant et en faisant des petits pas j'arrive à descendre sans me faire trop mal.
Juste avant Soulan, je vois une silhouette que je reconnais au loin. Un ami à moi qui habite dans la vallée est venu à ma rencontre ! Il a couru et a fini la Gela dans le top 100 il y a 2 jours.
Il m'avait déjà accompagné dans cette descente l'an dernier sur le 80km que avions couru tambour battant pour passer sous les 15h de course (14h56 !) J'apprends qu'il a roulé ce matin très tôt pour venir me voir à Tournaboup (!) mais que j'étais passé trop tôt 😅 Cela me fait du bien de discuter avec lui. Surtout qu'à partir de Soulan la partie route et piste carrossable est roulante et je peux trottiner. Je lui donne rdv à l'arrivée, j'avale une dernière purée pour les kilomètres restants et je trottine dans cette descente. À part dans la partie sur les pavés en sous bois qui bien évidemment est trop technique pour mes forces du moment.
Voici Vignec, il reste 2km. Allez je cours jusqu'à la ligne. 1800m dernière plongée de casquette dans la fontaine de Vignec. 1600m le restaurant ou j'ai pris mon dernier vrai repas Jeudi soir. 1400m le rond point. 1200m le pont est en vue. 1km je traverse la route. 800m nous sommes sur les bords de la Neste. 600m les personnes que je croise m'encouragent. 400m les encouragements qui sont de plus en plus nombreux me donnent des frissons. 200m je vois mon père et ma fille qui m'attendent sur la berge de la Neste ! Je lui prends la main et nous courons les quelques mètres qui nous séparent de la dernière petite montée du parcours, celle qui nous permet ensuite de tourner vers la gauche et de traverser le pont de Vielle-Aure.
Ça y est nous sommes sur le pont ! Tout le monde est là ! Ma fille tape dans les mains qu'on lui tend, je sens les larmes qui montent en descendant jusqu'à la place de Vielle Aure.
3, 2, 1 Ça y est ! Je lève les bras, j'embrasse et je serre ma fille.
Je suis finisher du Tour des Cirques 2024 !
Vielle Aure 12h18
124,2km 7587m+ 8471m- 136°(-1)
29:14:51 (prévision 29:00)
Quelle aventure !
Je me dirige vers le ravitaillement final, je récupère la médaille et la veste de Finisher. Je grignote un peu, j'enlève difficilement mes chaussures, me trempe les pieds dans l'eau froide. Je remarque mon pied gauche rempli d'ampoules. Je m'avance donc vers la salle de soins, mais les podo qui viennent d'arriver préfèrent aller manger que de s'occuper de ceux qui attendent 😅 Pas bien grave je me soignerais tout seul. Je vais aller profiter de mes proches qui m'ont attendu pendant 30h et les remercier pour leur soutien.
30 minutes après l'arrivée, une fois assis à table une bière à la main, la fatigue me gagne enfin. Une chape de fatigue, de décompression, de douleur s'abat sur moi. Moi qui n'avais pas éprouvé la moindre envie de me poser depuis le début de la nuit, ne rêve plus que d'une chose maintenant : d'aller me coucher. Ce qui sera fait une heure plus tard après une bonne douche.
Comme quoi la tête commande quand même beaucoup de choses 😉
Bilan
À J+4 je peux aujourd'hui dire à peu près ce qui a bien fonctionné et ce que je dois améliorer pour mes prochaines aventures (si il y a prochaines aventures 😉)
Il y a eu des hauts, des bas, des moments d'euphorie, des moments de souffrance ou de doute.
En point positif je pense d'abord à ma bonne préparation niveau course à pied. J'ai pas mal couru dans mes belles Landes, j'ai effectué de belles sorties en montagne au Pays Basque et j'ai couru de belles courses de préparation pour monter en pression petit à petit.
La bonne gestion de mon alimentation m’a permis aussi je pense de rallier l'arrivée malgré mes pépins physiques. Je me suis beaucoup documenté, j'ai regardé des vidéos, lu des articles, testé des produits à l'entraînement. J'ai établi un plan nutrition avec une base de 50g/h de glucides à ingérer, en mixant boisson Iso, Gels, purées et barres, sans compter les ravitaillements. Au final je n'ai pas tout pris (les barres ne passaient plus), j'ai tourné à 40g/h, mais j'ai compensé sur les ravitaillements avec soupe, compote, bananes, pastèque. Le fait de bien compartimenter par sachet individuel chaque secteur m'a aidé aussi à ne pas prendre n'importe quoi et à savoir où j'en suis durant la course.
Une météo parfaite aussi (ça compte, surtout avec ce que l'on a vécu pour l'édition 2023 !) nous a permis de nous concentrer que sur nous et de ne pas perdre de force dans la pluie ou le froid.
Le mental a été très fort aussi. Même si j'ai douté la première journée, la nuit et la seconde journée ont été beaucoup plus positives malgré les douleurs. Mes 30ans de rugby, les crampons au pieds depuis l'âge de 5ans, la volonté de mettre son corps en opposition pour sauver l'équipe m'ont sûrement aidé pour me dépasser pour mes proches qui me suivaient.
Enfin le soutien de mes proches durant toute la course, les messages, les visios et coups de téléphone font un bien fou 🥰
Il y a aussi des choses à améliorer si je me relance dans ce type d'aventure mais il y en aura toujours et heureusement.
Je pense d'abord à cette rotule qui a fait des siennes tout le long de la course. Une erreur d'entraînement 3 semaines avant l'échéance qui aurait pu être fatale au projet malheureusement. Il faudra que j'écoute un peu plus mon corps, quitte à sauter des séances d'entraînement si besoin. Surtout dans le dernier mois de préparation ou le taf en amont était quand même bien fait.
Les ampoules aussi auraient pu être mieux gérées. Notamment en me passant de la crème sur les pieds plus souvent et pas seulement au départ et à la base vie.
Des petits détails qui peuvent avoir de grandes conséquences.
En tout cas je me suis dit plusieurs fois pendant ces 29h “mais qu'est ce que je fous là” “plus jamais je ne ferais ça” surtout dans la première partie. Et pourtant là, 4 jours après, en écrivant ces quelques lignes, il me tarde déjà de repartir 😅
Sportez vous bien 😉
12 commentaires
Commentaire de Gilles45 posté le 28-08-2024 à 13:06:03
Ton récit est aussi bien géré que ta course. Bravo pour la gestion de ta course et pour cette performance. Tu es prêt pour le 160 désormais pour batailler avec Sangé :-)
Commentaire de Flox posté le 30-08-2024 à 10:57:49
Merci 😉 j'aime bien organiser, programmer, éviter les imprévus déjà de base alors j'ai essayé de bien préparer tout ça. Même si l'imprévu fait justement partie de la course et fait le charme de l'Ultra. Mais le fait de prévoir un peu tous les scénarios en amont permet de ne pas paniquer peut-être. 160 sûrement un jour oui pour compléter la collection de médailles du GRP 😅
Commentaire de shef posté le 28-08-2024 à 13:48:18
Bravo pour ta course et bienvenue dans le monde du long ultra :) C'est dur mais tellement beau.
Ton recit transpire bien les differents etats qu'on peut rencontrer.
Il n'y a plus qu'a recommencer maintenant
Commentaire de Flox posté le 30-08-2024 à 10:59:27
Merci ! Oui à la base je voulais l'écrire pour le garder pour moi, ne pas oublier ce que j'ai ressenti mais le partager peut servir à d'autres dans leur préparation comme cela m'a servi.
Commentaire de olive 31 posté le 28-08-2024 à 18:01:25
Bravo pour ce beau récit et cette course bien gérée.
Le "plus jamais", ça dure jamais très longtemps :)
Commentaire de Flox posté le 30-08-2024 à 11:00:13
C'est clair on retient vite seulement les moments de joie et on fait reset sur la souffrance. Ou alors on aime juste ça ? 😅
Commentaire de laulau posté le 29-08-2024 à 11:20:38
Bravo pour cette course très bien gérée malgré ces pieds bien abîmés ! Récit très agréable à lire en plus, merci !
Commentaire de Flox posté le 30-08-2024 à 11:00:42
Merci 😉 pourtant j'ai écrit ça d'une traite 😀
Commentaire de keaky posté le 04-09-2024 à 10:21:08
Bravo et félicitations pour ta course très bien gérée, ton récit bien ficelé et tes futurs moments de bonheur à venir ^^
Commentaire de Flox posté le 08-09-2024 à 14:53:44
Merci beaucoup 😉
Commentaire de Miche posté le 08-09-2024 à 10:04:35
Bravo pour ta course parfaitement maîtrisée et belle progression sur les différentes distances du GRP. C'est agréable de voir revenir les coureurs d'une annee sur l'autre. A une prochaine fois peut être.
Commentaire de Flox posté le 08-09-2024 à 14:53:28
Merci ! Et merci à vous pour nous proposer d'aussi d'eaux parcours, de superbes sourires au ravitaillement et tout ce qui nous permet de souffrir en montagne 😅
À une prochaine fois c'est sûr. Il me manque quelques médailles encore 😉
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