Récit de la course : Ultra Tour des 4 Massifs - 180 Xtrem 2024, par Grego On The Run

L'auteur : Grego On The Run

La course : Ultra Tour des 4 Massifs - 180 Xtrem

Date : 19/7/2024

Lieu : Grenoble (Isère)

Affichage : 610 vues

Distance : 174.6km

Objectif : Pas d'objectif

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UT4M Xtrem 160 : la note est salée

Texte issu de mon article sur blogg qui contient plus de détail et photos : 

https://firstquartilerunners.wordpress.com/2024/07/26/ut4m-160xtrem-2024-la-note-est-salee/

Cette course n'était pas prévue au programme, mais comme j'étais dans le Vercors pour la semaine et que les dates correspondaient, je me suis finalement inscrit sur un coup de tête fin juin.

Alors, 160 km ou 180 km, ce 160Xtrem ou 180Xtrem ? En réalité, ce ne sera ni l'un ni l'autre. Le parcours est raccourci en raison des fortes pluies prévues dans la nuit du samedi au dimanche. Le parcours final sera de 162 km pour un dénivelé toujours supérieur à 11 000 mètres.

Vendredi 19 juillet 2024 : départ à Seyssins, parc François Mitterrand à 9 heures du matin.

J'ai un dossard avec le numéro du chiffre de la bête à un chiffre près, ce qui me met vraiment en confiance.

Le départ est donné, nous sommes 325 coureurs à nous élancer rapidement (comme toujours) et à arpenter une courte voie bitumée avant d'emprunter très vite le sentier. Je ressens de bonnes sensations.

J'ai un protocole d'alimentation très bien rodé : 1 gel + 0,33 cl de boisson énergétique Maurteen chaque heure. Pour les ravitaillements, c'est toujours le Coca qui me convient si bien (3 gobelets).

Saint-Nizier de Moucherotte km 12

Arrivé à Saint-Nizier, une ambiance infernale attend les coureurs, c'est assez impressionnant d'ailleurs. Je regrette que ma petite famille basée à Autrans n'ait pas organisé le déplacement, mais nous ne connaissions pas le parcours. Je serai seul jusqu'à la fin de ma course.

Cela continue de bien grimper le long d'une piste de ski. Nous empruntons également un tronçon vertical de 50 à 100 mètres en marches d'escalier le long d'une installation de tremplin olympique (à vérifier) datant des JO de Grenoble 1968. Où est Jean-Claude K. ? (private joke avec mon fils à qui j'ai conté les exploits de notre grand champion sous ce pseudo/diminutif). De toute manière, nous sommes encore très très loin de Chamrousse et de sa piste de descente olympique.

Nous prenons encore de l'altitude et j'aime me retrouver dans un paysage plus minéral (sans arbres) au sommet (ou presque) du plateau du Vercors lorsque nous touchons l'antenne du Moucherotte, avec une vue exceptionnelle sur la vallée de Grenoble.

Nous redescendons sur une piste de 4x4 alors que le soleil s'est définitivement caché sous les nuages, et c'est tant mieux. Objectif : les hauteurs d'une piste de ski au-dessus de Lans-en-Vercors.

Lans-en-Vercors km 22 et cumul de +1800 mètres

Encore une belle ambiance, de supers bénévoles et un très sympathique ravitaillement. Je ne m'y attarde pas et je tâche toujours d'avoir mes deux flasques remplies à bloc. Finalement, je consomme à peine 1,5 flasque entre chaque ravitaillement. C'est la première fois sur une course que je porte une 3ème flasque remplie au maximum depuis le départ, contre mon dos dans le sac, qui ne me sert qu'à être conforme au règlement d'avoir 2 litres d'eau. Je fais un aparté concernant les flasques. En fait, j'ai 3 flasques de 0,5 litre remplies à ras bord, donc le compte n'y est pas vraiment, mais pour être honnête, est-ce vraiment possible d'avoir sur soi 2 litres ? Et étant donné les distances entre les ravitaillements, est-ce vraiment possible d'être à ce point aux abois et de "devoir boire 2 litres" ?

Je connais la montée vers le Pic Saint-Michel, un point de vue magnifique sur la vallée de Grenoble. Les sensations sont toujours au top.

Pic Saint-Michel km 26 et cumul de +2400 mètres

Les sensations sont toujours à leur apogée. La descente qui suit est très pentue. Nous devons descendre d'une traite 1600 mètres de dénivelé négatif avec un degré de pente quasiment à pic. Les Speedgoat 5, avec seulement 150 km au compteur, accrochent très bien sur le sentier parsemé de cailloux.

J'arrive à Saint-Paul-de-Varces à 14h55, jusque-là tout va bien.

Saint-Paul-de-Varces km 33 et cumul de +2633 mètres

La température ne me gêne pas, le ciel est toujours bien encombré, j'ai mes lunettes de glacier. Donc je ne souffre absolument pas. Commence une traversée du désert dans la vallée. Le prochain massif, le Taillefer, est encore très loin. Le parcours emprunte en partie de très courtes portions bitumées, nous traversons des petites communes plus ou moins jolies et endormies. Je rejoins assez vite, à 16h22, le ravitaillement de Vif dans la vallée au pied du géant Taillefer.

Vif km 40 et cumul de +3129 mètres

Et je commence à arpenter un gros morceau, la pente est rude, son degré est sur la fin de +30%. C'est en sous-bois et c'est assez brutal. Le soleil commence à se frayer un chemin entre les nuages. Cela commence à cogner, heureusement nous sommes en fin d'après-midi. Et nous arrivons dans un petit coin de paradis au bord d'un lac. Il s'agit de la commune de Laffrey. Il est 19h23. Enfin le paradis !

Laffrey km 56 et cumul de +4264 mètres

Le parcours attaque directement une nouvelle ascension qui n'est pas désagréable, la vue sur le lac en début de soirée est juste magnifique. Mais c'est pour moi le début des grosses difficultés. Petit à petit, l'énergie va commencer à me faire défaut.

On attaque une des plus grosses difficultés de cet Ultra : la montée du Pas de la Vache. Il fait désormais nuit : allumage des frontales. Cela commence à être très minéral et alpin, comme je l'aime. On aperçoit une très imposante paroi rocheuse, on la devine sur notre gauche. Je vais commencer à manquer très significativement d'énergie comme jamais. Je me fais dépasser par plusieurs coureurs, ce qui a pour effet de me donner un coup de poignard à chaque fois, essayant en vain de suivre leur sillage. Finalement, bon an mal an, j'atteins le sommet à 23h35 : je suis sérieusement entamé. Même si je passe dans le Top 100 à ce moment de la course... je suis cuit.

Sommet du Pas de la Vache km 73 et cumul de +6186 mètres

Il y a une descente hyper technique. Elle est tellement périlleuse qu'un bénévole est placé pour nous avertir que c'est risqué et qu'il faut bien tenir la corde qui est positionnée. Ensuite, le parcours emprunte, on le perçoit, on le sent mais on ne le voit pas, un magnifique plateau qui me fait penser au Val d'Aoste sur le Tor des Géants. C'est très certainement splendide de jour. Mais j'aime aussi arpenter ces plateaux de nuit, c'est un peu magique.

Le parcours du plateau de ce massif passe ensuite dans les sous-bois, c'est assez surprenant. On dirait un parcours type "chemin de piste pour les enfants", sans aucune difficulté. Je suis derrière une coureuse très sympathique avec laquelle je converse. On aborde le sujet des enfants en randonnée. Elle me donne des conseils sur le choix d'un itinéraire, ayant des enfants qui ont plus de 10 ans désormais et les ayant initiés assez tôt aux randonnées en montagne. Et j'apprendrai plus tard que cette coureuse, dont je n'ai à aucun moment vu le visage, sera la deuxième féminine toutes catégories de cet Ultra. Nos chemins se sépareront au prochain ravitaillement, celui du Lac du Poursollet. Il est 1h12 du matin.

Lac du Poursollet km 80 et cumul de +6353 mètres

Je suis bien entamé. Je n'ai plus vraiment de souvenir de ce ravitaillement. La suite va être un énorme calvaire. Sur les quelques hectomètres de plat, j'ai le souvenir d'avoir une énorme envie de quiche lorraine avec plein de lardons, ou d'une salade de boulgour bien salée, ou encore d'une entrecôte. Je n'en peux plus des gels et autres boissons énergétiques. Mon estomac dit clairement non ! Il y a comme un ravitaillement sauvage à l'air libre, rien à manger de salé ??? Si, quelques 3 ou 4 tranches de saucisson... J'aimerais un énorme plat de pâtes comme sur le Tor des Géants ou encore de la polenta. Je suis désespéré.

Chalet de la Barrière km 86 et cumul de +6941 mètres

Il reste une descente de la mort qui tue de 1300 mètres jusqu'à Rioupéroux. Et oui, elle va m'achever.

À mi-pente, je ressens une absence d'énergie comme je n'en ai jamais connue. Je n'arrive pas à faire plus de 10 pas d'affilée. Dans le sous-bois, je suis contraint de m'appuyer contre les énormes rochers ou troncs d'arbres en appuyant mon front contre mon avant-bras. Parfois, je suis même obligé de m'asseoir, de m'agenouiller. Ce vide énergétique, ce black-out est le pire que j'ai jamais connu. Je me demande combien de temps je vais mettre pour arriver à la base vie. Je me fais dépasser par plusieurs coureurs dont j'entends le cliquetis des bâtons. C'est d'ailleurs une des questions que me pose un coureur : "Tu n'as pas de bâtons ?" Je n'en ai jamais eu, mais en l'occurrence, cela m'aiderait bien.

Enfin, je perçois la route bitumée, la délivrance. Le ravitaillement n'est pas encore là, il reste un petit kilomètre. J'ai plus de facilité sur le plat désormais, même si dans ma tête, j'ai pris ma décision depuis longtemps déjà. C'est fini, je rends le dossard. La perspective de faire le KV le plus difficile du parcours juste après me pétrifie. J'en suis totalement incapable. Il est un peu plus de 5 heures du matin quand j'arrive dans la base vie de Rioupéroux, je pointe à la 99ème place mais je suis dernier dans ma tête.

Je m'assois sur un banc. J'ai besoin d'une soupe de vermicelles et de pâtes.

On devine le petit jour, l'aube naissante. Quant à moi, je suis sur le déclin.

4 commentaires

Commentaire de PhilippeG-640 posté le 28-07-2024 à 16:00:37

Hello Greg,
Dommage car c'est un très beau parcours et vraiment désolé pour cet abandon car non tu n'es pas sur le déclin et j'espère que c'est sur le coup de la déception (légitime) que tu écris cela ?
Ensuite, une chose, tu écris au début: "je me suis finalement inscrit sur un coup de tête fin juin. !!
Alors ça non, une saison ne se programme pas ainsi, sur un coup de tête, surtout un ultra aussi exigeant, ce n'est pas un footing cette épreuve !
Je ne sais pas si tu sais comment se construit ou se planifie une saison de course à pied mais tu as intérêt à te pencher sur le sujet car ce n'est pas anodin que d'essayer de s'engager sur ce genre d'épreuves si tu veux conserver du plaisir à terminer des ultras....

Ensuite, une autre réflexion après lecture, ton envie de manger salé sur la fin ainsi que ton manque d'énergie ne viendrait elle pas d'un souci d'alimentation ?
Je te souhaite de bien rebondir sur ta fin de saison...
@+
Philippe

Commentaire de Grego On The Run posté le 14-08-2024 à 17:37:13

bonjour Philippe,
Toujours un plaisir d'avoir ton retour.
Oui bien entendu, j'ai bien diagnostiqué un problème d'alimentation et notamment concernant la nourriture solide et salée, d'où le titre de mon récit choisi à dessein.
Je ne l'ai pas indiqué mais à Riouperoux après m'être alimenté en pâtes et soupes j'étais remis physiquement 2 heures après mon arrêt. L'UT4M n'était pas du tout un objectif en soi, c'était un WE choc en quelque sorte, peu importe que je finisse ou pas. Mon objectif de l'année c'est le Tor des Géants précédé de la TDS comme je l'avais déjà planifié en 2021. Un grand merci à toi.

Commentaire de samontetro posté le 08-08-2024 à 14:40:17

Cet UT4M extrem je l'ai couru en 2015, par temps chaud et sans shunt, et il a été pour moi l'un des plus exigeant de ma carrière. Pendant la course, mais surtout par le temps de récupération qu'il m'a demandé derrière. Comme le dit Philippe, un monstre pareil ça se planifie/prépare longtemps à l'avance à moins d'être sois-même un montre de traileur! A lire ton protocole d'alimentation je pense que tu es à côté sur ce point déjà. En 2015 j'ai fait la section Grenoble (centre-ville à l'époque) -> Pic St Michel avec Luca Papi (après il a accéléré mais pas moi :-) et il a terminé 3ème au scratch) et dans cette monté à 11h du matin Luca s'envoyait déjà un énorme sandwich jambon fromage "pour se caler l'estomac" comme il m'expliquait. Juste 1 gel par heure c'est insufisant et je te conseille vraiment de varier ce que tu manges sur du très long. J'ai tendance à prendre les gels (que je fabrique et stocke dans une flasque de 250ml) un peu avant d'afronter une ascension, puis pendant l'ascension pour soutenir l'effort. Mais j'utilise aussi des pates de fruit, des pates d'amande, du nougat, des barres de céréales....etc en même temps.
Côté boisson, sur les ultras, je suis plutôt entre 500ml et 900ml à l'heure pour limiter la deshydratation, donc très au dessus de tes 300ml, avec des prises de boisson toutes les 8 à 10mn.
Comme Philippe, je pense que tu as grillé tes réserves sur ces premières dizaines de km, la descente sur St Paul de Varces étant exigente, la petite bosse avant Vif bien vicieuse et souvent très chaude puis la longue monté au pas de la vache via Lafrey puis La Morte bien soutenue. Prend cet abandon comme une erreur dans ta stratégie de course pour tenter de modifier ce qui n'a visiblement pas marché et tu reviendras plus fort, c'est une évidence.

Commentaire de Grego On The Run posté le 14-08-2024 à 17:41:28

Oui tu as raison, merci pour ton feedback. Très clairement un problème d'alimentation et c'était un très bonne chose de l'expérimenter sur cet Ultra. Je ne reproduirai pas cette erreur et je commencerai dès le premier ravito à manger du salé. Sur le Tor en 2021 malgré la chaleur des deux premières journées il n'y avait pas de sujet puisque l'on nous sert des pâtes et de la polenta que je prenais systématiquement à chaque pitstop. Je ne me suis pas rendu compte à quel point cela était primordial et prévenait les coups de barres tel que celui que j'ai expérimenté sur l'UT4M. A noter également un sous entraînement que je n'ai pas mentionné. Merci à toi.

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