Récit de la course : Marathon de Bologne 2024, par marathon-Yann

L'auteur : marathon-Yann

La course : Marathon de Bologne

Date : 3/3/2024

Lieu : Bologne (Italie)

Affichage : 465 vues

Distance : 42.195km

Objectif : Pas d'objectif

5 commentaires

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La quarantième rugissante !

7 janvier. Je finis le marathon de Cernay et ses 400 m de D+ en 3:00:25. C'est mon record, mais ces 25 secondes me frustrent amèrement. Arriverai -je un jour à passer sous les 3h ? Samuel Beckett, l'écrivain irlandais qui aurait été un bon entraineur de course à pied, disait : "Déjà essayé, déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Echoue encore. Echoue mieux". Alors que l'année est déjà riche en (beaux) projets, je cherche immédiatement à caser un autre marathon, de façon irrepressive, presque impérative, pour tenter à nouveau ma chance. Ce sera Bologne ce 3 mars.

Ça ressemble vraiment à un gros caprice. Juste un nouvel essai, comme ça, décidé sous le coup de la frustration ? J'ai certains atouts cependant : cela va faire deux mois que je n'ai pas fait de courses longues à fond, participant au contraire à quatre 10 km pour travailler la vitesse. Mes temps n'ont pas été ébouriffants (entre 39:00 et 39:30), mais partir frais et reposé par mes vacances fait que j'y crois. Alors que je viens de fêter mon 52eme anniversaire, j'ai vraiment l'impression que c'est cette fois ou jamais, en tout cas sans l'investissement de chaussures à carbone auquel je me refuse. Je me mets donc une petite pression au moment de prendre le départ, qui se traduisent par des douleurs au dos auxquelles je ne prête pas attention.


S'il n'y a que 1200 marathoniens inscrits, d'autres courses ont lieu ce dimanche : un 5 km, un semi, et même un 30 km qui prendra le départ en même temps que nous. C'est donc un gros événement, et le village marathon est particulièrement animé. Dossard et cadeaux en main, dont un pack de bières que je ne pourrai pas embarquer dans l'avion (me servira t-il à noyer mon chagrin ou à célébrer ma victoire?), je réalise enfin que je suis en Italie et que Bologne est une ville magnifique, avec ses arcades et ses vieilles pierres. Je passe une belle après midi, avant de me coucher tôt.


Coucher tôt, lever tard. Mon hôtel n'est qu'à 2 minutes du départ, donné Via Independanzia. Pas besoin de poser un sac à la consigne, je le laisse à l'hôtel, c'est pratique. Je regarde le départ du semi (c'est beau, une course à pied), et je prends place dans mon sas de départ, tout à l'avant. L'ambiance est joyeuse. Une fanfare nous invite à danser, puis la sono diffuse les tubes habituels qui nous remplissent d'énergie. Je suis gonflé à bloc, mais je sais que ça ne veut rien dire, la difficulté sera d'être encore aussi motivé au 30eme km


Pas moins de cinq meneurs d'allure 3h doivent nous emmener dans le bon tempo. Ma stratégie est simple, rester avec eux le plus longtemps possible. Mais je n'avais pas prévu que ces meneurs auraient des petits ballons ballottant à droite et à gauche en fonction du vent. Pour les éviter, je passe devant eux. Ma stratégie sera encore plus simple : rester devant eux jusqu'au bout.

La première partie de la course est particulièrement agréable. Nous sommes dans de jolies rues pavées, devant les maisons à arcades caractéristiques de la ville. La température est idéale. Les coureurs du 30, reconnaissables à leur dossard rouge, sont nombreux à avancer à nos allures, ce qui m'aide à conserver le bon rythme. Je me dis à ce moment que c'est l'un des plus beaux marathons des 40 auxquels j'ai participé.


Km 14. Sans doute pour arriver à la distance mythique des 42,195 km, nous faisons un petit aller-retour dans une large avenue . L'occasion de croiser les concurrents qui sont devant nous, dont la première féminine, suivie par un vélo portant le panneau "Prima Donna", à peine 300 m devant moi. Et, quelques 200 m derrière moi, le peloton des coureurs visant 3h, encadré par les meneurs à ballons. Mon avance est minime.


Nous attaquons ensuite une longue ligne droite qui doit presque nous emmener au semi. Je n'arrive pas à lire les indications de ma montre, sauf quand j'atteins un kilomètre : elle vibre et m'indique en gros le temps mis pour parcourir ce kilomètre. Pour finir en moins de 3h, il faut courir en 4:13. Je commence à vérifier régulièrement mon allure. Parfois, je tourne en 4:20, ce qui est insuffisant. Parfois, je tourne en 4:00 voire 3:57, me rapprochant dangereusement (si vous avez bien suivi) de mon allure sur 10 km. La plupart du temps, je tourne en 4:06, ce qui est parfait.


Nous arrivons au semi. Si j'en crois ma position par rapport aux ballons, je suis en avance sur mon objectif. Me suis -je grillé ? Je ne le sais pas, mais ma montre me dira ce soir que je viens de battre mon record sur semi ! A ce moment, je m'interroge sur le profil de la course. Celui-ci est en V, descendant sur la première partie, et en montée sur la seconde, pour un modeste total de 178 m D+. Je ne sais pas ce que cela représente sur le terrain. Je n'ai pas vraiment eu la sensation de courir en descente, malgré mon bon temps, mais avec la fatigue, vais-je sentir la montée au retour ? Malgré les efforts fournis, la course n'a pas commencé.


Km 25. Un bénévole au milieu de la route fait le tri parmi les coureurs. Coureurs du 30 km, à gauche,  coureurs du marathon, à droite. Alors que j'étais bien planqué dans un petit groupe,  je me retrouve brusquement seul, à quelques dizaines de mètres du coureur qui me précède. Ce kilomètre est difficile,  d'autant que l'on fait des petits passages sur des terrasses d'immeubles, je le franchi en 4:30, à ce rythme je ne tiendrai pas l'objectif.


C'est le moment que je choisis pour me remémorer les multiples encouragements reçus avant la course. Ceux de ma femme et de mes enfants, qui semblent ne pas m'en vouloir de les avoir planté ce weekend pour ce caprice. Ceux de ce copain, qui m'avait dit qu'il penserait à moi pendant que je serai en train d'écrire l'histoire, les yeux rivés sur ma montre et la bave aux lèvres. C'était peut-être un peu exagéré, mais trop gentil pour que je baisse la tête si tôt dans la course. Je vise le dos du concurrent qui me précède, y plante un élastique imaginaire, et entreprend de tirer dessus jusqu'à le rejoindre, et avant de recommencer avec un autre concurrent.


Ça marche. Les kilomètres suivants sont de nouveau parcourus en moins de 4:10. Mon horizon est réduit au kilomètre, voire au dos du concurrent précédent, mais je cherche à profiter malgré tout du paysage et des fanfares qui nous encouragent régulièrement. J'aime l'Italie. Un panneau signale le retour dans Bologne. Au km 30, un peu comme au km 14, nous faisons un aller-retour. Plus de Prima Donna en vue, mais pas non plus de ballons bleu derrière moi. J'estime avoir au moins 300 m d'avance sur eux. Je calcule (c'est fou ce que l'on calcule dans ces moments), que si je tourne à 4:30 et s'ils sont dans le rythme, il leur faudrait 6 à 8 km pour me rattraper, un sursaut me permettrait peut-être de les suivre et de finir en moins de 3h. C'était une obsession, ça devient une obligation.

Et pour une fois, la tête gouverne. J'arrive au ravitaillement du km 35 en ayant encore augmenté mon avance virtuelle, si j'en crois les temps intermédiaires donnés par ma montre. Comme à tous les ravitaillements depuis le départ, je prends une bouteille d'eau (j'ai fait tout mon marathon à l'eau claire) mais là, je m'arrête pour la vider. Je sens immédiatement la fatigue me tomber dessus, je crois que s'il y avait eu une chaise, je me serais assi, comme sur un ultra, et aurais eu bien du mal à repartir. Ce n'est pas gagné, loin de là.


Mais il n'y a pas de chaise, et je repars. Je suis moins rapide mais toujours sous les 4:30, quelle forme aujourd'hui ! Je suis habité, comme en mission. Je serai frappé, en regardant les photos de la course, de voir comme j'ai chaque fois l'air concentré, sans le sourire un peu béat que je réserve d'habitude aux photographes. Nous rejoignons les coureurs du 30 km et ceux du 5 km, il faut slalomer un peu mais au moins nous ne sommes plus seuls. Ca sent l'arrivée, je me retourne, pas l'ombre d'un ballon bleu.

Nous sommes de nouveau dans la vieille ville et ses jolies rues pavées. Le public est nombreux, mais pour une fois cela ne compte pas. Seuls comptent ces derniers 1500 m, ce dernier kilomètre interminable. J'ai hâte d'en finir, pas de fatigue physique mais de peur de la mauvaise surprise, de voir les meneurs d'allure me dépasser sans un regard et enterrer mes illusions.


Je jette mes dernières forces dans la bataille pour éviter ce cauchemar. Dernier virage, le chronomètre sur l'arche d'arrivée indique 2:55:55.


Mon Dieu, je l'ai fait.

 

 

 

 

5 commentaires

Commentaire de Kirikou69 posté le 12-03-2024 à 08:47:37

Bravo pour ce record largement battu

Commentaire de Badajoz posté le 12-03-2024 à 14:12:54

Un très beau récit pour une très belle performance. Bravo

Commentaire de Yannael posté le 15-03-2024 à 21:51:13

Et dire que j'avais étonné impressionné par tes 3h à Cernay ... Epoustouflant ! Félicitations.

Commentaire de sgilat[68] posté le 16-03-2024 à 14:31:40

Bravo Yann ! Et très chouettes photos, qui effectivement montrent bien comment tu as vécu et réalisé ce succès. Félicitations. What's next? :)

Commentaire de Bert' posté le 05-06-2024 à 11:12:51

Tout simplement Génial !! :-))

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