Récit de la course : 42 km du Mont-Blanc 2022, par Zaille

L'auteur : Zaille

La course : 42 km du Mont-Blanc

Date : 26/6/2022

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 1344 vues

Distance : 42.195km

Matos : Altra Lone Peak

Objectif : Terminer

2 commentaires

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Premier trail alpin

Repéché au tirage au sort après quelques désistements, j’ai enfin eu mon ticket pour le mythique Marathon du Mont Blanc après seulement 2 candidatures. Je mesure la chance que j’ai quand j’entends certains coureurs postulant sans succès depuis des années.

 

En forme

42km et 2500m de D+, un format de trail court avec un dénivelé plutôt raisonnable pour les Alpes. Dans le coin de Niederbronn ce genre de distance avec 1500m de D+, je la boucle en moins de 5h30. Je me fixe alors un objectif de 6h pour l’équivalent alpin … J’en rigole encore de ma naïveté !!

Je suis confiant car en forme avec des sorties de 3-4 heures qui ne me font pas peur même avec une semaine vélo/course à pied chargée. Je fais régulièrement des blocs de 2-3 jours avec des enchaînements d’entraînements pour courir en situation de pré-fatigue. J’encaisse plutôt bien et aucun bobo pour me faire douter sauf que …

 

Dur le béton

Le week-end avant la course c’est la canicule sur le pays mais je décide malgré tout de faire un 150km en vélo pour rejoindre des amis. Pour corser le tout je roule le long du Rhin avec pas un mètre carré d’ombre. Après 120km, je m’arrête assoiffé à un Mcdo salvateur et juste au moment de garer le vélo, presque à l’arrêt, je ne vois pas une bordurette de trottoir et tombe lourdement sur mon côté droit sur le béton (c’est dur le béton).

Aïe ! Le vélo va bien, mon cuissard n’a rien, tous mes membres son mobiles, je pense de suite au marathon, c’est dans une semaine !! Le temps de reprendre mes esprits et de quand même descendre un Coke, j’étais venu pour ça, je repars mais courbaturé et bien égratigné.

 

Je suis dans la merde

Au-delà des bleus, une douleur au niveau du trapèze m’inquiète. Un muscle froissé, je connais, ça passera … J’espère. Je laisse passer quelques jours où la douleur semble régresser. Jeudi, à J-3 de la course je mets mes baskets pour un essai à la pause de midi. Je ne fais même pas 10 mètres avant de m’arrêter, chaque choc à chaque foulée fait tressaillir mon muscle touché dans une douleur répétitive qui me parait ingérable pour courir.

Je suis dans la merde !!! Comment courir 42km en montagne dans 3 jours quand je ne tiens pas 10 mètres sur du plat. Il me reste l’espoir fou qu’en moins de 72 heures le mal disparaisse en me frictionnant de pommade 2 fois par jour. Je n’écarte évidemment pas la possibilité du DNS (Did not start), ce serait le premier de ma « carrière ». J’avais pris une assurance en ce sens mais l’idée était plutôt de ne PAS l’utiliser !

Samedi, je prépare mes affaires, j’aménage le Chrysler voyager avec matelas, couette, oreiller mais je doute, je doute, je re-doute. Je fais vite-vu un aller-retour dans la rue en trottinant et … j’ai mal :-( Il faut en avoir le cœur net, je ne vais pas faire l’aller-retour à Chamonix (1000km) pour jouer au spectateur. Il est 9h00, je me change rapido, short, maillot, baskets et je pars pour un ultime footing test. Ce n’est pas génial, j’ai mal mais c’est supportable il faut penser à autre chose et parfois bloquer mon bras droit sur la poitrine pour tendre le muscle et le préserver des secousses. C’est fou mais je décide d’y aller ! Lets goooo !

Place du Triangle de l’Amitié

Départ 10h15, 5h00 de trajet à travers Allemagne et Suisse dans une voiture non climatisé (j’aime les défis). J’arrive au camping des Arolles à Chamonix un peu avant 16h00. Je connais les lieux, c’était mon pied à terre à Cham’ durant mon roadtrip à vélo de l’an dernier. Je suis à 15 minutes de la place du triangle de l’amitié d’où partira la course. Un peu plus loin il y a le Trail Camp avec exposants et remise des dossards. Tout va super vite, l’organisation est au top même s’il y a du monde.

Après une bière, j’assiste à la présentation des élites, l’ambiance est bonne et ça m’occupe, il est 18h00 et je ne vais pas encore me coucher. Je fais signer pour un ami une affiche par Thibault Baronian, le frenchy favori de la course et retourne au Trail Camp pour des T-shirts souvenirs pour Les petites. Je gagne même 2 flasques POLAR à un jeu bidon, c’est cool ! Allez, une pizza, une bière et au lit. Je suis bien installé dans le Voyager et regarde encore une série sur mon téléphone dans un lit bien douillet.

 

L’éventualité d’un abandon

Le départ est à 7h40 (sas 2), je me réveille vers 6h15, la nuit a été agité entre trop froid et trop chaud. Mon dos ne va pas mieux ni moins bien que la veille. Il faudra serrer les dents. Je compte sur l’adrénaline, un Doliprane et la magie de la course pour arriver au bout. Maintenant que je sais que je prendrais le départ j’espère connaître l’arrivée mais n’écarte pas l’éventualité d’un abandon à partir d’un ravito où les transports en commun sont gratuits pour les coureurs.

De la pommade dans le dos, de l’anti-frottement entre les cuisses et du paracétamol, me voilà prêt. Je me dirige en marchant tranquillement vers le lieu de départ tout en mangeant une banane. Il y a du monde sur place, je me fraie un chemin vers le sas 2 toujours sans stress. Le speaker chauffe la foule pendant que les élites s’installent au devant du 1er sas. Une dernière photo et voilà mon tour qui arrive : 5, 4, 3, 2, 1, goooo 😊

 

Mon amie, ma concubine

On traverse le centre de Chamonix, la douleur est bien là, je n’avais pas de doute à ce sujet mais ça va, je supporte, j’espère jusque que ça ne va pas durer. On trottine sur du faux-plat montant dans des sous-bois. Le 1er ravito est au km13,5 et il ne devrait pas y avoir de difficulté majeure pour l’atteindre. Les coureurs-à-bâtons représentent au moins 80% du peloton mais je continue à militer pour le trail oldshool sans artifice. D’autant plus que beaucoup marchent et cela systématiquement à la moindre difficulté même si elle ne fait que 10 mètres !

La première heure se passe bien, avec 100% de run plutôt facile. Quelques raidillons pour monter par palier mais rien de mémorable. Je dépasse beaucoup de monde qui marchent au moindre faux plat et arrive au 1er ravito à Argentière en 1h35 au lieu de 1h45 prévu sur mon plan de 6 heures. 10 minutes d’avance, waow !! La douleur est pourtant toujours là, je l’appelle mon amie, ma concubine, une de celle qui quand vous l’oubliez trop longtemps se rappelle à vous d’un coup de poignard dans l’épaule.

L’ambiance au ravito est phénoménale, ça fait vraiment plaisir. Il y a tout ce qu’il faut, du moins tout ce que j’adore : Coke-Tuc-Fromage-Saucisson. Je prends 2 rations car la première difficulté et même la plus importante est prévue pour tout de suite avec la montée des Posettes et l’arrivée au point culminant de la course à 2200m.

Le Mont Blanc

Une montée en zig-zag dans la forêt où tout le monde marche à la queuleuleu. L’ascension à l’ombre des résineux nous protège agréablement d’un soleil radieux. On arrive très vite à des points de vue à couper le souffle avec le Mont-Blanc en maître des lieux, on est vraiment peu de chose à cette échelle.

On quitte l’ombre et la protection des arbres pour du vrai sentier alpins, rocailleux à souhait. Ma montre indique déjà 1000m de D+ alors que l’on est à 16km de promenade à peine. Par 2 fois je me fais avoir en croyant arriver au sommet et à chaque fois une nouvelle montée avec son serpentin de coureurs (marcheurs) était cachée derrière. Tout en haut, des spectateurs nous confirment la bascule vers la première grosse descente. Mes prévisions chronologiques en ont pris un coup, va falloir dérouler dans la descente.

 

200.000 silex au m2

Hérésie !!! On n’est pas dans les Vosges du Nord ici ! Ici les sentiers c’est 200.000 silex au m2 plantés dans le sol pour défoncer le moindre os qui oserait s’y frôler ! C’est tout juste si j’arrive à marcher et chaque faux-pas que j’essaie de rattraper s’accompagne d’un coup de jus dans le dos jusqu’à me bloquer la respiration parfois et m’obliger à m’arrêter pour reprendre mon souffle et mes esprits. En effet, mon « amie » que j’ai oublié durant la partie rando de la montée me fait payer chèrement mon infidélité.

La descente est vraiment compliquée pour moi, on me dépasse de tous les côtés. Mais comment font-ils pour voler ainsi au-dessus de cette caillasse. Je me rends à l’évidence, je n’ai pas la technique, je suis trop prudent, trop froussard, peut-être même trop vieux. Le chrono je l’oublie définitivement et c’est en entendant au loin les vuvuzelas du 2ème ravito que je reprends un peu du poil de la bête.

Km23,5, Vallorcine, une ambiance de feu, encore ! Je sors ma deuxième paire de flasques préalablement chargées en poudre iso et les fait remplir d’eau. Je reprends ma dose habituelle et me gave immodérément de Coke, il fait soif. Le prochain ravito est dans 10km, on a passé allègrement la mi-course pour 3h45 d’effort et les jambes commencent à faire la gueule donc prudence !

 

2ème sommet du jour

C’est reparti en trottinant, beaucoup marchent mais je me dis à l’allure où je descends, si en plus je marche dans des petits faux-plats, je vais devoir rentrer à la frontale. J’ai mis l’écran ClimPro sur ma montre, ça me permet de connaître la longueur et la teneur de la montée ou de la descente du moment. Sur 3-4km je vais alterner marche et course dans un profil montant mais pas trop dur, je dépasse à nouveau du monde avant le 2ème (petit, 1700m) sommet du jour.

Montée en zig-zag en forêt comme pour les Posettes mais moins longue. 300m de D+ en 1,5km. Je dépasse à la marche quelques coureurs pourtant embâtonnés même s’il y a de grandes chances qu’on se croise à nouveau dans la descente ou pas … En effet dans la descente en question il n’y aura pas beaucoup de téméraires pour courir dans cet enchevêtrement de racines et rochers. Une horreur mais si je préfère ça aux silex aiguisés d’il y a 10km.

 

Vers La Flégère

Tout le monde galère mais bientôt le dernier ravito du moins c’est ce que j’avais en tête. On passe une petite rivière où beaucoup de monde se rafraichie sauf moi persuadé que je suis que c’est au km32 que se trouve le fameux ravito. Que neni, il sera 2,5km et 400m de D+ plus loin, autant dire que l’erreur n’est pas négligeable.

C’est donc bien avant le dernier arrêt qu’est placée la dernière ascension, celle vers La Flégère. La fatigue se fait ressentir chez tout le monde, un vrai cortège de bagnards dans cette dernière difficulté où çà et là des moribonds vont s’assoir sur une pierre. Je renseigne l’un ou l’autre avec mes infos ClimbPro sans savoir si vraiment ça les motive ou les désespère. On sort de la forêt et arrivons en terrain découvert, le soleil est bien présent et je manque d’eau.

Au loin une tente, le ravito ? Ma montre me dit que non et effectivement, juste un poste de secours qui laisse apparaître derrière lui l’ampleur du travail qui nous reste à accomplir. Waow, comment c’est loin ! Je baisse la tête et avance, il n’y a rien d’autre à faire. Le moral est bon, c’est la der des ders, je plaisante avec quelques coureurs. On est tous dans le même bateau. Une fois de plus, le coup du sommet derrière le sommet mais bon, c’est du gros chemin, je dépasse même, les mollets marchent encore bien après presque 6 heures. Oui 6h, dire que je voulais arriver en 6h, pauvre fou !

La Flégère, 1880m, dernier ravito, dernier sommet, dernière photo « waow ». On nous accueille avec des éponges qu’on nous presse dans la nuque, comme ça fait du bien. Je fonce sur la distribution de Coke et m’en enfile … plein ! Je rajoute des quartiers d’orange à mon régime habituel et remplie mes flasques totalement vides. Le luxe, je me fais passer les jambes à l’éponge froide, mieux qu’un massage, mes quadri sont fous de joie.

 

Je suis définitivement trop lent

« Il ne reste plus que de la descente maintenant », qui n’a pas déjà connu ces paroles mensongères d’un bénévole ? Moi je sais que c’est faux et que le profil en petites dents de scie après ce dernier sommet dont je me souviens inspire la méfiance et effectivement … Petits raidillons, descentes dans la caillasse, traversées de casses, escaliers, rien ne nous sera épargné durant plus de 2km avant d’entamer la vraie descente où je pourrai à nouveau courir plus de 10m d’affilés.

6km de descente. On va me dépasser par wagon entier. J’ai beau essayé de me concentrer, courir plus vite, je suis définitivement trop lent ! « Gauche », « Droite », ça déboule dans tous les sens. Je ne peux même pas donner la faute à mon « amie » qui s’est relativement assagie, c’est juste que je suis une merde en descente, ça va finir par se savoir à force de le répéter ☹

Malgré tout, il m’arrive d’un dépasser l’un ou l’autre mais souvent ils sont blessés, triste consolation. On croise de plus en plus de promeneurs qui nous font le décompte des kilomètres restant. Qu’ils sont longs ces derniers km. Dans quelques trouées on voit Chamonix en contre-bas qui parait tellement lointaine. Garmin me confirme pourtant, plus que 2km.

 

Le sourire jusqu’aux oreilles

En bas, enfin. On traverse une route et les gens sont hystériques, la ville est en ébullition, le sport et Chamonix, une vraie histoire de passionnés. On crie mon prénom (marqué sur le dossard), on m’encourage, j’entends le speaker, de plus en plus de monde, je commence à reconnaître certaines rues. Oui, c’est là, à droite puis sur la gauche, une foule impressionnante, les acclamations, le sourire jusqu’aux oreilles je passe la ligne en 7h30. Le speaker se félicite de la joie qui transpire de mon visage. Quelle émotion !   

Quelle émotion de finir alors que j’hésitais la veille encore à prendre le départ. Quand la tête y va, les jambes suivent, définitivement ! Je me dirige vers le dernier ravito pour le plat habituel suivi d’une bière pression. Je juge le hot-dog offert difficilement acceptable dans l’immédiat, je passe mon tour et file directement vers mon camping je suis à la bourre. Il est 15h30, le temps de me faire des petites courses (Orangina, ma drogue post-effort), me doucher, je partirai à 16h15 pour arriver chez moi vers 21h30. Une journée bien remplie :-D  

Mon chrono, je l’ai d’abord jugé médiocre, 7h30 au lieu de 6h. J’étais prêt à ne plus courir de trail dans les Alpes tant je donnais la faute à ce manque de technique en descente. Après analyse et finalement un classement pas si catastrophique en première moitié de scratch, mon erreur est plutôt dans la sous-estimation de l’exigence du terrain alpin. Le D+ est une chose mais la nature du terrain peut être telle que courir y est parfois juste une option et ça il faut l’accepter.

Maintenant c’est récup’ en espérant que mon trapèze guérisse vite, j’ai un nouveau plan d’entraînement qui commence dans pas longtemps 😉

 

2 commentaires

Commentaire de centori posté le 28-06-2022 à 14:48:50

belle abnégation de courir avec l'épaule/dos en vrac et avec un résultat satisfaisant néanmoins.

Commentaire de centori posté le 28-06-2022 à 14:50:10

je rejoins aussi le commentaire final sur le pb d'avoir l'habitude de courir en d+ et surtout dans la caillasse. c'est difficile à travailler. c'est vrai que le d+ est important, mais courir dans les pierres c'est difficile. en normandie c'est surement encore plus difficile à faire que chez toi. je me suis trouvé une belle pente toute en pierre, je vais la répéter. pour s'habituer à courir dans les pierres je pense que c'est une idée.

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