Récit de la course : Tontorrez Tontor - 80 km 2022, par bubulle

L'auteur : bubulle

La course : Tontorrez Tontor - 80 km

Date : 12/3/2022

Lieu : St Pee Sur Nivelle (Pyrénées-Atlantiques)

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Distance : 80km

Objectif : Pas d'objectif

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Bubulle euskal pasealekua

Tontorrez Tontor…

Quand on se prend idée d’aller courir un truc avec ce nom là, on sent dès le départ que c’est pas pour les mickeys et que ça va être pour les durs, les tatoués (de préférence en vert/blanc/rouge), un machin de guerrier élevé au fromage de brebis à la cerise et au piment d’Espelette.

Donc, en fait, vu que la langue basque est pour moi aussi cryptique que le Vogon ou le Bas Klingon, j’imagine un truc qui veut dire « La Marche de l’Enfer du Berger dans sa Montagne » ou un truc approchant qui fait peur.

« De sommet en sommet », en fait, que ça veut dire. Déjà, franchement plus banal, quoi. Surtout que, quand tu regardes la carte du coin, les sommets, là, ce sont de banales collines à peine plus hautes que notre Sainte Colline du Mordor à Elancourt (et même certaines plus basses), la fin poussive des Pyrénées, avec, certes, un sommet plus connu que les autres que si t’as pas monté dessus quand tu es allé aux Bains à Biarritz, tu as raté ta vie. En plus, celui-là, pour y monter, ils ont mis un train à crémaillère comme ces feignasses à Saint-Gervais.

Alors, pour te faire peur, ils ont mis des noms remplis de X et de K dans les noms des tontors, pour rigoler devant les parisiens : Xoldoko Gaina (486m), Ziburu Mendi (412m), Faalegi (484m), Manttale (574m), Zuhalmendi (301m, pffff). Bon, y’a bien leur colline à 905 mètres qu’on voit d’un peu partout et qui a l’air d’avoir 2 ou 3 cailloux en haut pour décorer, mais, franchement, quand t’as un Col de la Vache ou un Morétan à ton palmarès, tu rigoles un bon coup, quoi.

Même le nom de l’ensemble des courses, là, on t’en fait tout un fromage (même pas de vache) avec un nom qui fait peur : Senpereko Trail. Juste que tu te dises que tu es en terre hostile et dangereuse alors qu’en fait ça veut juste dire « Trails de Saint-Pée ».

Alors, hein, bon, les gars, arrêtez de vous la jouer. D’ailleurs, quand on a une course qui part de 18m d’altitude, donc genre plus bas que les catacombes parisiennes, on fait pas les malins.

Epissétou.

Bon, certes, je crois déjà avoir croisé quelques coureurs basques venus se perdre dans les Alpes et qui avaient l’air un peu gaillards, voire même apparemment habitués à autre chose que de gentillettes collines. Et c’est vrai que dans l’élite de l’ultra, on aperçoit parfois quelques noms quelque peu caractéristiques de l’idiome local et qu’il n’ont pas l’air totalement branques, mais ça doit être des exceptions.

Bref….mais que viens-je faire dans cette galère ? En fait, c’est simple : nous avons un peu (beaucoup) de famille en ces riantes contrées (très vertes : on ne comprend pas toujours pourquoi tout de suite) et, sans dire que j’aie beaucoup arpenté le coin à pied, je sais à peu près comment c’est fichu.

Et il se trouve que l’an dernier, Virginie, qui se lance dans le trail parce qu’elle ne fait pas assez de sport (aha), avait cliqué sur un coup de tête pour son premier 80km et que j’avais trouvé ce nom rigolo, Tontorrez Tontor, que ça le fait quand même mieux sur ta page ITRA que GR73 ou Trail des Deux Amants. Et puis, bon, faire du trail en famille, ça peut être sympa, allez hop, je clique.

Bon, après, les covideries étant passées par là, c’est reporté d’un an, je fais 3 courses dans l’année en 2021, dont deux abandonnées pour cause d’enchaînement idiot dans un cas et de défaillance d’un muscle mineur dans le deuxième. Et donc, après la mise en place d’une assistance électrique sur le bubulle, c’est la course de reprise en ultra (la définition réelle d’un ultra, c’est que c’est une course 2 fois plus longue que celle que tu as faite avant).

Bref, y’a comme un challenge, genre peut-être enfin couper ce bracelet « Echappée Belle » que j’ai gardé au poignet depuis août dernier (comment ça, superstitieux et fétichiste, moi?).

Et comme si c’était quand même encore trop facile (bin oui, les collines c’est pas assez), je me complique un peu la tâche en faisant une belle entorse au Maxi-Cross 5 semaines avant. Comme ça, eh bien, la course de sommet de colline en sommet de colline, ça se fera avec un entraînement...de vélo uniquement. Pas d’entraînement à notre colline à nous, de 57 mètres de haut, ou sur mes côtes de La Minière et leurs 37 mètres...royaux.

Bon, après, quand je fais le roadbook de la ballade dans les collines, y’a comme un indice qui alerte :



Etonnant, comme elles semblent pointues, les collinettes, vues comme ça.

Et puis, ça ne s’arrange pas dans les semaines avant, sur le fil Kikouroù. Quelques locaux commencent à parler du Faalegi en mode « bé, c’est tout droit jusqu’en haut », on cite aussi un certain « Miramar » que je ne trouve sur aucune carte, donc qui doit être une légende, un « Esnaur » que l’IGN me montre comme une simple bosse à 273m. « On » nous pointe aussi une video prise en live dans la descente de leur Rhune et….

…. c’est quoi ce chantier ? La louloute sur la video, elle a quand même l’air un peu vaguement crispée et se faire dépasser par de espèces de chamois (enfin, d’isards) qui doivent avoir des noms pleins de « tegui » de « etxea » ou de « goyen ». Mais ça a quand même l’air pentu, le machin. Même à 907m d’altitude que c’est même pas l’altitude de départ de la Montagn’hard.

Donc, peut-être quand même que c’est pas trop facile, leur truc avec le nom qui fait peur et qui veut dire un truc tout banal en fait.

.../…

En fait…. Je sais très bien où je mets les pieds, je déconne. Dans un gros chantier pas facile. Dans un truc que j’aurais mieux fait d’aller faire plus facile, surtout sans entraînement et avec une cheville très incertaine. Bref, en réalité, dès le départ, je me donne 1 chance sur 3 de finir.

Donc, Bubulleko Perrierburu il fait pas le malin. Il a juste l’avantage non négligeable d’avoir la famille et Elisabeteka sa « laguntzailea » pour suivre la course et soutenir moralement, ce qui vaut déjà 10 kilomètres gratuits.

Pour jouer, j’ai même fait un roadbook en basque uniquement car, ici, on ne rigole pas avec le bilinguisme et, en fait, on a bien raison...car si c’est quand même plein de X et de K, le basque c’est super joli à écouter même si on n’y pige que pouic.

D’ailleurs, pour se mettre dans l’ambiance, le briefing est bilingue, lui aussi, même si je pense que, dans l’auditoire, il n’y a pas trop d’amatxi euskalduna. Et, autour de moi, le son des conversations est plein de l’accent qui va bien, et qu’on reconnaît entre mille. Et le speaker, c’est pareil, c’est accueillant, il a des mots sympathiques pour tout le monde, même les non-euskaldun qui parlent pointu. J’ai d’ailleurs commencé à m’adapter depuis hier et je prononce déjà les « e » dans les mots et j’ai appris à prononcer correctement « Ibardin » (pour les parigots : on dit pas « Ibar daim » on dit « Ibar dîne »).

Bref, prêt et archi-prêt…..ou pas. On décèle quand même une petite tension dans le bonhomme, non ?

En plus, heureusement qu’on croit Météo France qui a annoncé « Eclaircies » pour la journée car, pour l’instant, c’est plutôt « Pluie » et pas que éparses.

Donc, à regret, j’ai mis la veste de pluie. Le départ en tee-shirt, ce sera pour une autre fois...mais il est dessous. Et je sais d’avance que la veste va dégager à la première côte vu que, même si on n’habite pas en Laponie, un départ à 6°C, ça nous connaît, nous les guerriers vikings du Nord de l’Adour.

Le guerrier viking a déjà retrouvé une connaissance de Kikouroù en la personne de philibert69 que je salue donc, malgré sa casquette blanche et son pseudo de lyonnais.

« Le départ sera donné avec un-eu bombe » qu’il a dit, le speaker. Ah bin les gars fallait pas forcément vous sentir obligés de donner dans le cliché, hein, l’actualité étant ce qu’elle est. Mais en fait non, c’est juste une fusée de feu d’artifice.

Et hop, nous voilà partis...et en plus, comme toujours avec ces départs, le problème c’est qu’il faut courir. Mais ce n’est pas trop un problème vu que je suis largement à l’arrière, donc que le rythme est bien cool et que les basques bondissants sont déjà loin devant, avec Jocelyne (Pauly, la star locale, qui truste toutes les courses situées en gros en bas et à gauche de Clermont-Ferrand).

On est censés monter progressivement depuis nos 18m du départ jusqu’à la première colline, le Zuhalmendi qui veut dire « la montagne de quelque chose qui s’appelle Zuhal » et ses 295m. Le tout avec 2 ou 3 petites bosses en route, avant de redescendre ensuite sur le Seniniazeko Lepoa, bref le Col de Saint-Ignace, pour les parisiens.

A la première bosse, ça se met à marcher tranquille, on ne fait pas le foufou avec ses bâtons et on essaie déjà de ne pas se faire embrocher par ceux des autres vu qu’on voit bien autour que tous les basques ne sont pas des bergers aguerris à l’usage du bâton (de berger...de Justinoak Bridouguerri).

A la deuxième bosse, « bé c’est la montée des laping », qu’ils disent autour. Soit. Montons donc avé les laping si vous voulez. Bon, le lapin basque, ça monte quand même raide et puis ça doit aimer vivre dans la boue liquide vu qu’elle est déjà bien rude cette deuxième montée. Lapins ou pas.

Qui dit rude montée dit aussi « adieu la veste ». Le viking de Versailles, tu lui mets une montée, il a chaud. A pu la veste, on ne le reverra que ce soir. Il y avait le temps car, dans les lapins, ça bouchonnait un peu. Mais tout le monde s’en fiche, à vrai dire, c’est très sage et patient.

Entre les montées, il y a de courtes descentes, on a en fait commencé à pas mal tontorifier et ça me permet de tester la cheville...qui ne dit rien, mais je fais quand même super attention. Jusque là, ça va, quoi.

Troisième montée. Tiens, une corde par terre et un bouchon…. Quelle bande de chochottes, ces basques, tu leur mets un peu de côte et un peu de boue et paf, ça n’avance plus. Pourquoi ils ont mis une corde, d’ailleurs, ça monte bien dans cette bouillasse, le preuve, je passe à l’aiiiiiseeeeeeeeeeeeeee. Ploutch. Ah bin non, tiens. Ca passe moins à l’aise tout d’un coup. Genre même que si t’as pas la corde, tu recules de 50 centimètres quand tu avances de 30 et que tu as beau faire le kéké avec les Speedcross, la boue basque, elle glisse autant que celle de Bouffémont ou des Vaux de Cernay.

Etonnante, cette capacité de la boue à glisser tant et plus où qu’on se trouve. C’est d’un agaçant.

Bref, corde. Voilà tout d’un coup des grappes de trailers (et 18 traileuses), accrochés un peu désespérément à une corde qui tangue d’un bord à l’autre du single étroit à 20 % et qui t’envoie de temps en temps voltiger dans les buissons à la con sur les côtés, qui sont quand même une sacré saloperie qui pique. Parce que, leurs collines, ici, ils ont oubli un truc de base : y’a pas d’arbres comme sur une colline, ou même une montagne, normales. Non, c’est juste couvert de tas de buissons piquants (mais, alors, TRES piquants) que, quand il fait soleil (car, ça arrive), bin ça tape fort. Certains vont l’apprendre à leurs dépens cet après-midi.

Pour l’instant, fort, c’est surtout pour monter que ça tape. Ces 2-3 petites mises en jambes donnent le ton, au torrez. Le thon va être un peu pimenté...un thon basquaise, plus qu’on thon torraise, quoi.

Peu à peu, après ces petits bouchons, les coureurs s’égrènent sur les chemins, les écarts se creusent (on est moins de 300 au départ), les frontales sont de loin en loin sur les crêtes qui précédent le sommet finalement débonnaire (en haut!) du Zuhalmendi, qu’on atteint par de petites pistes assez larges.

Un peu de brouillard nous masque parfois la vue de la Rhune, mais on y distingue par moments le début du petit serpent de frontales qui montent, et la lumière de l’antenne au sommet.

Il faut quand même déjà redescendre 150 mètres pour atteindre le premier ravito au Col de St-Ignace, départ du petit train bien connu. Et bien sûr, j’y retrouve Elisabeth qui encourage son Bubulle de loin (j’ai mis les gants blancs fluo qui font des mains de Mickey).

Petite revue de détail : « bon, la cheville, je la sens quand même un peu, mais c’est pas trop gênant, je fais attention dans les montées ». Les flasques...eh bien, j’ai du boire 2 ou 3 gorgées, hum, peut mieux faire, va falloir adopter la routine des 50 mètres. Et Thomas et Virgine sont 1/4h devant moi. 1h22 pour 1h25 au roadbook, si c’est pas bien calculé, ça madame….

Je ne m’attarde guère, mais j’ai bien pris mon bout de banane tout en notant quand même que le ravito est un peu chiche (bananes, oranges, chips, fruits secs...pas trop de saucisson ou fromage) ce qui, pour l’instant n’est pas trop un problème. On part à l’assaut de la montagne.



La Rhune, c’est en gros un peu plus de 650D+ en deux parties entrecoupées d’une courte redescente, ai-je mémorisé. On monte par le « chemin des touristes » qu’ils sont gentils de ne pas avoir appelé le « chemin des parisiens », on apprécie l’attention (mais, bon, les parisiens, ils montent avec le train).

C’est en fait une montée bien régulière sur un chemin au début assez large. Raide, certes, mais pas trop. Donc, il suffit d’adopter un rythme régulier, sans forcer (je me méfie de ma tendance à vouloir faire le pacman en montée). Je me cale donc un peu sur le rythme des autres, je suis « dans le dernier tiers » m’a dit Elisabeth et, surtout, pile comme prévu.



711m/h pour la première section de montée et 720m/h pour la deuxième. La frontale a été retirée à mi-pente et on commence à découvrir alentours la vue assez incroyable qui nous attend en haut. La pente est toujours bien régulière et le sentier bien marqué. La deuxième partie longe à quelques dizaines de mètres la voie du train, donc un peu en dévers ce qui est parfois un peu plus glissant, mais rien de méchant. C’est vraiment une belle montée pour travailler au train sa régularité.

Et donc, arrivée au sommet d’une Rhune….déserte, ce qui doit déjà être un privilège rare (même si le train ne fonctionne pas encore, ce qui explique l’absence de suiveurs).

Nous avons le panorama pour nous tout seuls et il faut dire que c’est du 4*. Le soleil ne s’est pas encore levé, mais illumine le ciel et on voit maintenant que nous allons avoir une journée magnifique. Côté Pyrénées on voit très loin et les sommets sont enneigés. Côté côte, on voit bien sûr toute la côte basque et au loin la côte landaise est sa brume d’embruns. Le temps est très clair et j’entends même les locaux autour dire qu’il n’ont jamais été à la Rhune avec un temps pareil. Bref, on est archi-privilégiés (surtout si je songe au temps annoncé le même jour au Ventoux).






Après, donc, l’incontournable arrêt touristique à la table d’orientation (où on est à tout casser 3 en même temps), un petit passage de remplissage de flasques au mini ravito installé dans la gare du train (afin de se protéger du vent….même s’il n’y en a pas), quelques mots avec les bénévoles que le tee-shirt et l’absence de manches interpellent quand même un peu (bah oui, quand j’ai chaud, j’ai chaud), un message vite fait à la liste Whatsapp,  et un petit « bon, la descente, vas-y mollo, ça glisse un peu » et c’est parti.

Bref, redépart de La Rhune en 2h41 pour 2h44 prévues. Si c’est pas de la précision, ça….Et, pour ne pas refaire l’erreur parfois faite en course, je confirme cela sur la montre. Mais les impressions sont toujours bonnes. La cheville rappelle certes qu’elle est là mais sans plus.

Donc, la descente, c’est par lààààààààà.

Ah oui, quand même. Un beau chantier, ce truc. Mal rangé en plus. Soit y’a du caillou (mais pas modèle autobus belledonien, plutôt taille cochon pétrifié ou poulet...mais pétrifié, pas basquaise), soit y’a de la boue noirâtre avec de jolies traces de glissades dedans.

Bon, bin quand faut y aller, faut y aller. J’y vais, mais trèèèèès prudemment. Je laisse filer deux isards locaux et je crains de me faire dépasser par tout le reste du peloton. En réalité, ce ne sera pas le cas, personne ne va passer et je ne dépasserai qu’un coureur….en bas.

C'est pas flou, c'est la boue sur l'objectif de l'appareil photo, suite à une figure involontaire dans la descente



En fait, on redescend « seulement » de 300 mètres (en 750 mètres, donc...40 % quand même), qui vont me prendre 18 minutes, soit un honnête 1000m/h.

Mais 1000m/h quand même bien exigeants et demandant surtout une grosse vigilance. Un seul objectif : préserver la cheville. Malgré tout, en bas, je ne peux pas me mentir : une petite douleur s’est réveillée. Quasiment pas gênante, mais la cheville gauche ne fonctionne pas comme la droite.

La petite remonte qui s’ensuit, au pied du pic principal de La Rhune, permet au moins de changer de type d’appuis. Elle est plutôt en traversée, sans difficultés. Je suis désormais tout seul : la descente a encore augmenté les écarts et la course sera désormais largement une course solitaire. Un coureur à 150m devant, personne en vue derrière. J’en profite pour faire de nouvelles photos maintenant que le jour est totalement lev et que le soleil est apparu : c’est tout simplement superbe.



Le parcours fait une boucle au pied su sommet principal, pour nous amener sur la crête qui descend à la Petite Rhune, crête frontière de l’Espagne.


L’arrivée au Col Zizkuitz (deux « z » dans le même nom, on n’a peur de rien) est notamment superbe avec une vue sur les derniers sommets enneigés des Pyrénées.



La crête est visible sur une bonne distance et on voit de loin en loin quelques coureurs qui y progressent : au moins pas de difficultés sur le parcours, tout de même bien balisé, sans excès, avec des petits drapeaux rouges bien visibles.



La progression est assez facile avec plusieurs petites bosses suivies de petites descentes, et un petit coup de cul final jusqu’à la Petite Rhune (Larun Txiki, donc « txiki » ça doit vouloir dire « la petite », c’est facile, le basque, finalement). On entend des cloches, l’ambiance est montagnarde, à ceci prs que ce sont les cloches des Potocks, les rustiques petits chevaux élevés ici. Je me demande où ils mettent les brebis pour faire le fromage basque, mais il faut dire que l’herbe, ici, est plutôt rares, avec ces buissons d’ajoncs un peu partout. Ou alors, en fait, le fromage de brebis, c’est même pas vrai et c’est du fromage de chevaux.

 



De La Petite Rhune, une descente un peu plus raide (mais moins difficile) nous amène au Col Descarga (Descargako Lepoa : où tu apprends simultanément que le suffixe « ako »  veut dire « de machin » et que « lepoa » c’est « col » : vraiment trop facile) où nous croisons nos deux premiers (premières, en fait) bénévoles depuis la Rhune. Elles signalent un passage où le parcours retour reboucle sur le parcours aller, mais évidemment, à cette heure, personne n’est quand même encore sur le retour.

C’est à cet endroit que le parcours fait une petite incursion sur le territoire espagnol, mais on s’en rend à peine compte, dans une descente facile qui rejoint un chemin carossable. En plus c’est pas le territoire espagnol, c’est le territoire de la Nafarroa, nuance (nous, jusque là on était dans la province de Lapurdi : Labourd pour les parisiens).

J’en profite pour m’alimenter (une barre Grany, quel festin) pendant la remontée roulante qui commence, juste avant une bonne côte très raide sur un single dans les buissons. Là, celle-là, elle pique bien, je prends mon temps, en ignorant le fait que des coureurs reviennent un peu de l’arrière. Je réussis même à faire un peu le spectacle en m’étalant de tout mon long….dans la côte. Moi, je fais original : on nous met des descentes techniques….et je tombe dans les côtes ! J’explique aux bénévoles qui rigolent que c’est ça, les parisiens : toujours à faire les trucs pas comme les autres.

En haut, ces deux bénévoles nous signalent la proximité du ravito du col d’Ibardin (remember : Ibard dîne). Il sera bienvenu après cette succession un peu cassante de montées-descentes à cheval sur la crête-frontière, que nous avons rejointe sur un chemin large. On voit d’ailleurs les (moches) bâtiments des boutiques de ce Col d’Ibardin d’assez loin. Nous sommes toujours autant égrenés avec plusieurs dizaines de mètres entre chaque coureur, ce n’est clairement pas la foule, j’ai l’impression d’être dans les derniers (ce qui est faux).



Une petite descente finale nous fait rejoindre ce lieu plus fréquenté. Essentiellement, à cette heure, par les suiveurs de la course, mais cela va changer dans la journée avec la noria de voitures et d’autocars venus profiter des boutiques aux prix espagnols. Bon, clairement pas le coin le plus sympa de la course, de ce fait. Heureusement qu’on passe avant la marée.

Elisabeth m’aperçoit de loin et fait les derniers mètres avec moi jusqu’au petit ravito posé sur le côté d’un parking. Là encore, assez minimaliste, le ravito. J’y picore donc ce qui y est proposé (l’avantage est que je fais toujours avec ce qu’il y a sur les ravitos...même si je préférerais quand même un peu plus de salé, sous forme de saucisson ou fromage). Les bénévoles sont sympas, nombreux, avec leurs jolies vestes vertes du Spuclasterka, le club organisateur. Elisabeth leur explique les injonctions usuelles de Magali (« Mange ta banane, Pounette » : les amis kikoureurs du groupe Whatsapp de suivi auront découvert que je suis aussi « Pounou » ou « Pounette », selon les cas mais je précise que c’est réservé à mes deux filles. Si vous voulez tout savoir, pour les gendres, c’est « Beau-Pounou » -logique- et pour notre québécois, c’est « Monster », soit « munstroa » en basque).

« Et la cheville ? » n’oublie pas de demander Elisabeth. « Hmmmmmm, disons qu’elle se rappelle à mon souvenir et que la grosse descente à venir va être le gros test » : je ne vais pas mentir. Ce n’est clairement pas parfait, j’ai maintenant une gêne globale qui ne me ralentit pas vraiment, pas une grosse douleur, mais une sensibilité générale qui se réveille et de petits points douloureux aux ligaments sur l’arroère. Disons que ça pourrait être mieux.

« Allez, deux montées, deux descentes et c’est Biriatou ». Dit comme ça, c’est facile, mais le profil montre bien qu’on aborde un passage difficile et long.

En tout cas, je suis arrivé à Ibardin (dîne!) en 4h28 pour 4h35 prévues et j’en repars en 4h34 avec un petit 1/4h d’avance. Elisabeth m’indique que Thomas et Virginie sont passés environ 1/2h plus tôt. Elle va commencer à avoir du mal à les suivre et me suivre !

On repart...dans le centre commercial. Un peu hors sol, cette accumulation de boutiques devant lesquelles sont déjà stationnés (à 9h30 du matin) plusieurs autocars immatriculés en des contrées aussi proches que le Maine et Loire (49….le numéro de département improbable que personne ne sait situer sur une carte….en tout cas bien loin du Pays Basque), et en train de charger dans les coffres force cartons de Ricard, Martini (si, si, il y a encore des gens dans ce monde qui boivent du Martini) et pinards aussi divers qu’espagnols et même pas basques.

Y’a pas à dire, faire 800 kilomètres de car pour aller acheter de la picole parce que c’est moins cher en Espagne, on vit quand même un peu dans un monde parallèle de certains. Eux, Global Warming, ils doivent croire que c’est une marque de whisky.

Bref, fuyons.

La montée au Manttale (ou Manddale) a l’air d’être une rando sympa pour touristes en mal de hors taxe et nous sommes donc quelques trailers égrenés sur cette montée relativement facile. Au sommet on a une vue superbe sur les montagnes de la Nafarroa. Il s’y trouve aussi une des innombrables « redoutes », petits fortins édifiés souvent le long de la frontière ou aux abords, pendant les guerres napoléoniennes.. Je m’attarde un peu pour quelques photos avant d’aborder la descente qui, sur le profil, a l’air un peu raide.



Elle commence en fait par un chemin génial sur la crête-frontière : descendant et facile jusqu’à l’Azkope, c’est juste une bonheur à courir dessus, toujours avec la vue portant au loin sur l’océan et St-Jean de Luz, Hendaye et la côte de la Gipuzkoa.


Face à nous, un peu menaçant, une autre crête parallèle, celle du Faalegi où on distingue de petites fourmis de trailers qui sont en train de monter.

Faalegi depuis Manttale



Car, eh oui, nous allons maintenant descendre, ou plutôt plonger sur la vallée de la Bidasoa, le fleuve-frontière. Et soudain, cela devient raide, très raide. On ne va descendre que de 350 mètres, mais quels mètres ! Cela semble ne pas en finir, il faut beaucoup d’attention car le terrain est très tourmenté et je n’ai vraiment pas la cheville sûre. Je laisse ponctuellement passer quelques coureurs afin de descendre à ma main, mais nous allons finir cette descente à trois avec deux autres coureurs à qui mon rythme (si on peut parler de rythme) semble convenir.

Cela semble quand même ne jamais en finir avec en plus, en bas, le bruit de la voie rapide de la Bidasoa (du côté navarrais). Et je sais qu’on descend vraiment tout en bas ! A 28 mètres d’altitude, pas un de plus, pas un de moins.

Le soulagement est vraiment général une fois en bas et on est tous trois bien contents d’en finir. Je m’offre une compote pour fêter cela, en laissant mes compagnons filer devant. Et là, quand même, je fais le constat que la cheville, ce n’est pas vraiment ça. Heureusement que maintenant ça va remonter.

Pauvre de moi, je ne sais pas ce qui m’attend.

J’envoi un message rapide « Bidasoa ». Le point était repéré sur le roadbook et Elisabeth saura donc en gros qu’il me reste une montée et une descente. Je passe en 5h38 pour 5h31 prévues : pas de surprise, je suis lent en descente.

Maintenant, c’est clair, c’est « la montée de la mort ». eha nous a prévenus, sur le forum, ce Faalegi, à un moment, ça va partir « droit dans la pente » et ça sera jusqu’en haut. Et si on en doutait, ce qu’on a vu pendant la descente précédente le montrait bien.

On se met un peu en jambes, pour commencer, sur un chemin de 4x4 légèrement montant. J’en profite pour retrouver mes 2 coureurs précédents et les dépasser légèrement, en mode « pic-poc ». Puis, soudain, on laisse le chemin pour….ce qu’on peut encore vaguement appeler un chemin, tracé au milieu des arbustes, en fait plutôt une pente herbeuse avec des fanions de balisage ça et là et une vague traçouille qu’on peut appeler « chemin » un jour d’optimisme béat.

En fait, ça ne de chemin que le nom, c’est juste droit dans la pente, laquelle fait souvent plus de 30 % (moyenne globale : 28%). On cherche parfois un peu où passer, mais de toute façon, on ne peut pas se perdre, il suffit de suivre la ligne de plus forte pente !

Une tuerie totale. Et on doit monter ainsi près de 400 mètres. Mes deux coureurs se sont calés derrière moi et ne montrent surtout aucune velléité de dépasser. Le rythme doit leur convenir, lent mais régulier. De loin en loin, un coureur est scotché sur cette pente qui fait quand même 28 %….en moyenne. Tout le monde progresse à la vitesse de l’escargot et, quand on prends quelques secondes pour regarder sur la droite….on voit l’arrière de la course qui descend le Manttale, 30 ou 40 minutes derrière nous. C’est rare qu’on puisse ainsi voir les écarts impressionnants qu’il y a au bout de quelques heures de course.

Manttale depuis Faalegi



Il va nous falloir une bonne 1/2h pour venir à bout de ce mur et enfin déboucher au sommet de cette crête. Plutôt une bonne montée, finalement, à environ 700m/h (la pente est tellement raide qu’on monte très vite) et mes deux acolytes me remercient avant de….filer devant. Car moi, j’ai à ce moment là la cheville gauche qui n’est plus qu’un gros point de douleur. Forcément, elle est restée pliée en quasi permanence vers l’avant, avec des appuis importants. Elle est donc totalement ankylosée et difficile à redémarrer pour recourir, ou même trottiner sur le début de descente, même s’il est moins raide.

La décision est en fait déjà quasiment prise, ici : je m’arrêterai à Biriatou. Il reste plus d’une dizaine de côtes sur le trajet retour vers Saint-Pée, nous ne sommes même pas à la moitié de la course et je vais probablement y laisser le reste de ma saison si j’insiste.

Je me laisse encore la dernière descente à faire vu qu’elle est clairement plus facile, sur le profil, mais je me donne peu de chances.

Au bout d’environ 1km, on passe à un col où il y a pas mal de monde car en fait, c’est un endroit où la courtse repassera au retour. Je vois d’ailleurs descendre face à moi les coureurs qui doivent être 45 minutes à 1h devant nous. Un peu décourageant !

« Ravito à 4 kilomètres », m’indique le bénévole qui m’aiguille vers la gauche. Il a clairement un look de trailer, donc son indication doit être bonne : eh bien, quatre kilomètres de descente, ça ne doit pas descendre trop vite, c’est déjà ça !

Effectivement, cette descente se fait sur une piste et ne dépasse jamais les 10 %. Elle est même parfois plate pendant quelque temps. J’y alterne donc marche et course….mais une course pas très sûre, alors que normalement, je devrais pouvoir dérouler à très bonne vitesse.

Je ne verrai absolument personne dans cette descente : un de ces moments où on finit par se croire totalement tout seul sur une course, les moments que j’adore, en temps normal. Mais il est clair que j’en profite moins : même si j’arrive quand même à courir, c’est en me forçant un peu et cela finit de me convaincre qu’il n’est pas raisonnable de continuer.

Le plat final, sur une route, avant d’arriver à Biriatou est un peu interminable. Tout le monde marche : je reprends même 2 coureurs, en simple marche nordique. Oui, bien sûr, je pourrais finir ainsi, il y a probablement le temps de le faire. Mais à quel prix ?

C’est donc ce que je vais annoncer à tous mes suiveurs à ce ravito de Biriatou : non seulement Elisabeth, mais aussi Julien et Anne-Laure qui ont fait le taxi pour les filles de Thomas et Virginie, passés 1/2h avant. Je douche un peu leur enthousiasme de me voir arriver….quasiment dans mes prévisions (10 minutes de retard, quand même). Mais, non, je ne repartirai pas. Elisabeth, un peu pour la forme, me fait quand même passer au ravito, le temps de prendre le temps d’être sûr de ne pas regretter, de voir comment ça évolue.

Mais il ne faut pas bien longtemps pour confirmer que les miracles n’existent pas. Les ligaments torturés et pas totalement guéris, demandent grâce. Je compte le nombre de côtes qu’il reste sur le retour : plus d’une douzaine. Au briefing, ils le disaient bien : « il faut arriver frais  à Biriatou ». Frais, je le suis : physiquement, cela a étonnamment bien tenu, malgré le peu d’entraînement. Mais je vais très certainement ne gagner qu’une chose : compromettre les courses suivantes, surtout celles qui vont compter le plus pou rmoi : le Beaufortain en juillet et l’Echappée Belle en août puis Serre-Ponçon en septembre. Ce tryptique, je sais que je peux le faire, mais il faut que je sois au top, et finir cette course aura l’effet inverse.

Nous allons donc sagement reprendre la voiture après que j’aie signalé mon arrêt au responsable du ravito. La suite de la journée se fera en mode « suiveur » pour Thomas et Virginie….et aussi pour philibert69 qui  va naviguer dans les mêmes eaux qu’eux. Nous les retrouverons et les aiderons aux ravitos de La Chaîne à Urrugne, à Trabenia, à Saint-Ignace et Tom et Virginie feront une superbe arrivée en 16h23, pour la première de Virginie sur cette distance. Une première qui en appelle d’autres même si, évidemment, elle disait le contraire juste à l’arrivée.

Il faudra donc revenir et, franchement, ce sera avec le plus grand plaisir. J’ai trouvé une course superbe, des paysages magnifiques (avec la chance d’une météo parfaite), une organisation très maîtrisée et une grande convivialité (car malgré les vannes que j’ai mises au début de ce récit, sur nos amis basques, je n’en pense pas un seul mot). J’espère que cette course, qui était certainement un gros challenge à organiser pour le Spuclasterka, aura d’autres éditions. En tout cas, le rendez-vous est pris pour l’année prochaine : réservez-moi le même beau soleil !

Agur eta laster arte !



Et, en attendant, ce foutu bracelet Echappée Belle, il est toujours là !


4 commentaires

Commentaire de laulau posté le 21-03-2022 à 07:07:12

Ça y est, je viens de finir ce long et précis récit de course hélas inachevée. Il sera très utile pour ceux qui vondront tenter l'aventure si une deuxième édition a lieu. Bon repos et rétablissement, ton été est copieux !

Commentaire de philibert69 posté le 22-03-2022 à 10:41:37

Super compte rendu de la course, difficile en début de saison. Merci pour cette aide précieuse aux ravitos, j'ai terminé une vingtaine de minutes derrière les filles qui luttait pour le podium catégorie.
J'espère qu'il y aura d'autres éditions du 80,je m'y suis régalé !
Un dernier mot sur le coupe vent : testé en condition réelle avec le vent d'autan, un vrai bonheur, je la trouve très respirante, une super dotation ( en plus des bières qui n'ont pas résisté au grand chelem des français !).

Commentaire de CAPCAP posté le 25-03-2022 à 12:41:04

Bon, qui suit un peu Bubulle sur le forum, sait qu'un de ses récit de course, c'est déjà un ultra-texte !
Bravo pour cette performance malgré le manque d'entraînement et bravo de savoir être prudent. (enfin, si cet enchaînement estival est prudent...)
Merci pour ce récit qui me donne un aperçu de l'au-delà ;-)

Commentaire de Benman posté le 01-04-2022 à 00:00:39

Merci pour ce beau récit qui permet de s'imprégner à la fois de l'esprit loxkal et de ta passion pour la découverte de nouvelle courses.

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