L'auteur : alfredyoyo
La course : Ultra-Trail du Beaujolais Vert - 110 km
Date : 8/10/2021
Lieu : Cublize (Rhône)
Affichage : 1385 vues
Distance : 110km
Objectif : Terminer
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Dans la nuit du 24/08, les évenements tragiques de la TDS sonnent la fin de la récréation. Les circonstances l'exigeaient, et c'est très bien comme ca.
Ceci étant dit, un sentiment d'inachevé s'empare de moi. Même si la prépa était un poil insuffisante pour faire une honorable TDS, il y a quand même de a matière. Mais la saison est déja bien avancée...
Je pense alors à l'UTBV, auquel j'avais déja souhaité participé en 2019, mais le calendrier ne le permettait pas. Moins montagnards mais pas trop loin de la maison, ambiance familiale assurée, c'est aussi l'occasion d'une marche intermédiaire entre mon expérience actuelle (plusieurs UT4M100 et un UTV90) et une future TDS. En effet, ces 110km et 5200+ permettent une bonne nuit dehors, un côté "roulant" qui va probablement obliger à se bouger les fesses, surtout après une année 2020 complétement blanche en ultra. Je m'inscris donc, impatient de voir de quoi il en retourne.
Je boucle la prépa en allant voir pour la première fois le fameux passeur de pralognan, et en enchainant quelques grosses sorties montagnardes sur un mois de septembre qui va s'avérer finalement assez frais lors de mes sorties. Mes sorties quotidiennes restent roulantes, je boucle donc septembre avec une moyenne de 70km et 3000+ par semaine.
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Jour J, Arrivée au lac des sapins, qui est coin très sympa vers lequel je me suis déja balladé, je récupère mon dossard très vite avec le petit sac thermos assez sympa et original. Un peu en avance, j'en profite pour somnoler dans la voiture car ce vendredi fut une journée de travail avec gros déplacements, peu reposante.
Au vu de mon niveau, et hormis les saintélyon ou j'essaie de tailler, jusqu'à aujourd'hui sur mes ultra montagnards, ma stratégie a toujours été une stratégie de "gros angoissé" : ne pas se cramer, ne pas se cramer, ne pas se cramer. Départ en marchant, hésitation à courir en descente, ou je privilégie l'alternance marche/course, frein à main systématique. Pour cet ultra du beaujolais, dont le profil est un peu batard entre une longue sainté et un ultra montagnard radin en dénivelé, je me dis que c'est peut être l'occasion de tester un peu une version boostée de moi même. Je n'ai rien à perdre, tentons donc, pour la première fois sur un ultra, un mode relance absolument systématique sur plat et descente. On verra bien ce que ca donne : je sais que le mode frein à main fonctionne bien, voyons si j'explose en mode actif.
D'un point de vue général, le coté nocturne, et ses bois se ressemblant un peu tous, concommitamment à mon manque de connaissance précise du secteur, ne me permettent pas d'avoir des souvenirs très précis des secteurs spécifiques le long du parcours (j'ai aussi pris trop de temps pour faire ce CR). Je m'en excuse auprès de l'orga et des traceurs qui ont fait un gros boulot. Malgré ce côté hyper boisé qui peut paraitre un peu monotone, je n'ai jamais eu de sentiment de lassitude, le parcours restant didactique, la présence de bon coup de cul, quelques descente touchy, donne une course paradoxalement bien variée.
Départ - Ravito 12km
Après nous avoir équipé de lumignons (idées très sympa mais mise en oeuvre compliquée car accroche quasi impossible au sac) et un feu d'artifice sympathique, la petite troupe d'environ 200 coureurs s'élance à 21h depuis le lac des sapins. Bien que trotinnant tranquillement en direction de la première bosse, je suis rapidement en fin de peloton. La montée principale est plutôt douce pour le moment, et permettent d'avancer à une bonne moyenne. Arrivée au premier ravito de Saint Apollinaire avec une énorme présence de bénévole, je suis un peu décu de ne pas voir grand chose de salé. Je vais donc m'empifrer de manière un peu chaotique, ayant peu mangé dans la journée. Bref, je ne traine pas et passe 3 minutes à ce ravito, je repars.
Bim, ce repas improvisé ce paye cash, je choppe un mal de bide pas possible et ait beaucoup de mal à digérer ce grand n'importequoi. Oups, on a fait que 14km...... Le temps gagné au ravito se perd directement, je me fais doubler par des caravanes. Cela va durer facilement 5km, pendant lesquels je fais le dos rond. Assez rapidement, le peloton s'éclaircit, je dois être assez dans le fond.
On attaque cette fois si un enchainement de mini bosses successives devant nous mener au km28 au premier passage à Saint Just d'Avray.
Alleluia, la patience paye, et est même récomposée ! Après un petit passage à vide de 45 min, j'ai à nouveau une pêche pas possible. La température est idéale, je suis simplement en tshirt manche longue, et je jongle un peu avec les gants et les buff en mettant/enlevant souvent et en réagissant très rapidement au changement de température ressentie. Ca demande un peu de logistique, mais ca occupe pas mal l'esprit et ca permet de ne pas prendre froid tout en prevenant des coups de chaud. Ca va beaucoup mieux, mais alors beaucoup beaucoup mieux ! Je me met à grimper de manière assez efficace, et commence une remontada assez satisfaisante, je sens que clairement je vais plus vite que mes comparses, et que mes relances sont efficaces. Commencant à être habitué des ultras, je sais que normalement j'aurai a nouveau mis le frein à main pour ne pas me cramer. Mais cette fois, je me sens vraiment bien, et commence à vraiment me mettre dans un mode "performance" (avec des énormes guillemets bien entendu ;)), disons un mode ou je vais allez chercher à avancer en montée, à bien relancer les plats et descente, à profiter des ravito sans non plus s'éterniser. Et on verra si ca casse, mais mon intuition, et ma prépa, me disent que je suis globalement en bonne forme.
Cet état de grace va commencer au km 20 et va tenir pendant 45km ou clairement je suis ravi du déroulé de la course. L'ambiance nocturne et forestière est hyper agréable, le ciel est complétement dégagé et on apercoit les étoiles, je me sens bien, et je suis content de regouter aux joies de l'ultra. Le corps répond parfaitement, je ne faiblis pas d'un iota en montée, ni en descente. Les sentiers sont peu techniques, ce qui enlève une difficulté et permet de bien avancer.
J'arrive au km 51 à Lamure sur Azergues bien en avance sur mon planning (qui prévoyait un passage le soleil déja levé). Je me change intégralement, tout en restant en mode nuit. Il est dommage de ne pas avoir eu d'endroit fermé pour se changer, mais cela a eu l'intéret de forcer à ne pas s'éterniser comme on peut le faire à certaine base vie de mi-course. En 15 min, je suis prêt à repartir, j'ai changé la batterie de frontale, je suis au sec, et je me prépare au mode "très froid" très classique du petit matin et du lever du soleil.
Une bonne montée nous attend derrière lamure, mais le repos du ravito précédent fait le travail. Je commence à me languir un peu de voir le soleil se lever, mais ca tarde toujours. On arrive sur le plateau en haut, et tout va bien.
Arrivée dans la ferme pour le raviaillement du km63 de mémoire, très sympathique cette petite ambiance. Idem, je ne m'attarde pas. Le soleil s'est levé, et le froid avec, mais ca se gère bien.
Niveau hydradation, j'ai fait le pari de ne partir qu'avec 1L de flotte, notamment parce que l'organisation a prévu des ravitaillement plutôt rapprochés ce qui est très confortable. Je vais même dépanner un collègue qui aura mal calculé son coup. Les différents ravito nocturnes ont (enfin) vu apparaitre ma nourriture préféré : pain, fromage et saucisson ! et j'ai pu reprendre mes habitudes d'ultra, que mon corps absorbe beaucoup mieux. J'ai vraiment ce sentiment de faire une excellente course (à mon niveau). Même si le chemin est encore long, ce sentiment de dire qu'on arrive à bientôt 70km et que le corps est "presque" à neuf, et vraiment satisfaisante, et montre que la préparation a été bonne. Je continue à systématiquement relancer sur les plats et la descente, à un rythme tranquille qui trottine mais qui avance, moi qui suis généralement adepte des longues phases de marche nordique en ultra. Il y a quelques murs, voir même quelques cordes, ou on aimerait apprendre aux mecs du beaujolais ce qu'est un "lacet" niveau tracé de sentier, on se fait charrier, une fois encore il faut faire le dos rond et ca pase.
Bon, évidemment, ce sentiment n'est pas éternel. Moi qui découpe ma course par troncon, les ravito relativement proches depuis le début m'aident bien à cocher les étapes. Le troncon Claveisolles> Saint Niziers d'Azergues, pour atteindre le km 81, est probablement le plus long du tracé. Et cette fois ca devient difficile. Les cuisses se mettent à tirer en seulement quelques kilomètres, et surtout des douleurs sur l'extérieur des genous commencent à vraiment me faire des pointes difficiles à gérer notamment en descente. Commence alors le petit passage à vide. Le rythme en montée reste acceptable, mais de fil en aiguille, je n'arrive plus à relancer, et donc je marche. km 75, clairement je suis pas bien. Ce ravito au 81 est loin, très loin. Trop loin. Il faut le rallier, s'y poser, prendre le temps, un peu + de temps que mes ravitos express de 5min depuis le début, la j'en ai besoin.
Potion magique lors de ces phases la : petit message à ma femme "ca devient chaud, 3 km avant le ravito du 81 ca va être très dur d'en repartir...". Les fameux points de suspensions, synonymes de "aide moiiiiiiii chériiiiie". Ni une ni deux, le téléphone sonne, et les encouragements qui vont avec "pose toi au ravito, fait le check up, si t'as 40% de réussite au checkup, c'est que tu n'as rien et alors tu vas te bouger les fesses. Arrêter a 80km, c'est avoir les mêmes courbatures le lendemain + le sentiment d'inachevé, ce serait dommage, bouge toi le cul, je t'aime"... Bon, euh hein :)
N'empêche l'ultra, même si d'accord y'a quand même beaucoup de physique, y'a surtout du mental !
Je rallie tant bien que mal ce ravito du 81km, après une descente et remontée complètement gratuite dans un cratère, et une fin à la corde où clairement je suis un peu dans le mal et ne vois pas bien l'intérêt de ce troncon final.
Bref, je me pose, je mange bien. Je fais le check up... bon, les cuisses ca tire un peu mais c'est normal, aucune ampoule, les pieds nickel, alimentation impeccable, pas froid, pas chaud, les genoux se gèrent assez bien. Bon finalement le checkup est à beaucoup + que 40% de réussite. SMS à ma femme "allez, reste 30km, en 6h ca doit pouvoir se faire". Je repars remotivé, au petit trot, voila que j'arrive à relancer sans soucis. Je découpe les 30km en 3 troncons de 10km, dont le passage à Saint Just d'Avray au km 100. L'orga a annoncé avoir mis un point d'eau au km90 que j'associe dans ma tête comme un gros ravito également histoire de couper.
En repartant, je sais qu'il y a une bonne montée, ce qui me va plutôt très bien. J'ai toujours un bon rythme en montée, et cela reste vraie sur celle ci, et j'économise genou et cuisse. Malheuresement, le ciel est très embrumé, on ne peut pas bien profiter des paysages. km 85, on redescent et c'est reparti au petit trot, les relances fonctionnent à nouveau, les douleurs se gèrent bien.
Au km90, un évenement va me mettre un boost d'enfer : on rejoint les km55 dans le début de la montée vers Saint Just. A mon niveau, j'arrive je pense sur la fin des km55, avec des coureurs un peu dans la peine. Je me surprend à les poser complétement dans la montée, ce qui (et j'en ai un peu honte niveau égo), me met un coup de fouet mais alors PHE-NO-ME-NAL. Leurs encouragements en voyant le dossard 110km, le mec qui essaye de s'accrocher a moi, je l'encourage aussi, et j'en double une dizaine dans cette montée, me fait avaler les km jusqu'au 100ème avec un sourire béat, même si les relances au petit trot sur le plat et les descentes commencent à être à un rythme pas très rapide, mais JE COURS QUAND MÊME, et ca, ca ne m'est jamais arrivé avec 100 bornes dans les pattes (100 bornes que je n'ai finalement jamais atteint, maxi 97km sur l'UT4M).
On arrive au dernier ravito de Saint Just, avec encore un passage de contorsionniste avec des cordes, sous des branches d'arbres, des machins des trucs ou clairement je suis pas hyper fan, le corps étant quand même moins souples à cette heure la...
Dernier ravito, reste le grand Mont avec soit disant ZE WALL, mais qui ne me fait pas bien peur, des murs on s'en ait déja pris 2 ou 3 sur ce tracé, ca devrait le faire.
Je repars avec un collègue du 110km avec qui on s'entraide depuis 20km, il me laissera sur la descente finale, mais on se tire en montée. L'approche du grand mont est douce, le soleil devient enfin visible, le dernier mur est effectivement raide mais très honnetement ca passe très bien.
Je salue le collègue, j'en chie un peu pour relancer en haut du grand mont, je vais souffler 10min en marchant. Reste 6km, c'est fini, mais je ne me contenterai pas de marcher pour finir. Allez hop bottage de cul, je souffle comme un ventilateur, en rythme, j'aère bien, je me cale une cadence, je sers les dents et les genoux, et je descend.
On plonge sur le lac, on commence a voir des gens, j'ai un gars du 55km qui en chie, je le motive, on descend ensemble, je le somme de ne pas lacher !
Ca y est on arrive en bas, on passe devant les cabanes perchées dans les arbres ou on avait passé une nuit avec ma femme. Beaucoup de gens sont la, je n'ai plus mal aux jambes, je trottine à bonne allure.
Encore une fois l'égo, j'ai une petite fierté à voir les gens féliciter un 110km arriver, nous sommes en effet très éparses à l'arrivée, disséminé au milieu des dossards 55km. Je remercie tout le monde avec un sourire jusqu'aux oreilles, tout va bien, je n'ai pas mal, j'aurai terminé ces 4km a un petit 7,5km/h très honorable :)
Dernier petit coup de cul au milieu des applaudissements, la ligne droite, je passe l'arche en un peu plus de 19h. En préparant la course je m'étais dit que 23h avec une heure d'avance sur la barrière finale se serait parfait en mode "gestion". J'étais probablement dans les 190eme au premier ravito, je finis quasi dans les 50 premiers. Je ne tire aucune gloire absolue de ceci, mais en relatif c'ets un bon résultat pour moi, indépendamment des autres. Je me suis bougé les fesses, et j'ai vu que j'étais capable de relancer et de trotinner avec 100km dans les pattes.
Cette course fut un déblocage pour moi même, et je pense sur mes capacités potentielles. J'étais dans une optique de frein à main en ultra jusque la, mais je suis montré que le corps tenait même en donnant un peu. Bien sûr, il faut rester attentif au signaux, mais maintenant je gère l'alimentation, je sais faire le dos rond pendant les quelques coups de moins bien, je sais ralentir dans les descentes techniques, et mon moi boosté a gagné 4h sur mon moi raisonnable théorique... Cela me donne de belles envies pour l'année prochaine, de voir ce que je peut valoir réellement en faisant sauter les verrous.
Un grand merci à l'UTBV donc, qui m'aura permis de prendre conscience de ca. Je salue le boulot de dingue de l'organisation, le balisage était impeccable, le nombre de bénévoles impressionnant. C'est un gros travail de valorisation de ce patrimoine, et chapeau d'organiser un 110km pour 200 personnes, avec tout ce que ca doit imposer en termes de logistique. Très clairement, au vu de son positionnement dans la saison, j'y reviendrai avec un énorme plaisir !
1 commentaire
Commentaire de Shoto posté le 28-10-2021 à 11:07:11
Merci pour ton très beau récit de course. Bravo pour ta gestion de course optimale alors que tu avais lâché le "Frein à main". Elle est géniale ton épouse également ! Tu m'as donné envie de faire cet Ultra. Merci !
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