L'auteur : bubulle
La course : Bromont Ultra - 80 km
Date : 13/10/2019
Lieu : Québec (Canada)
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Distance : 80km
Objectif : Pas d'objectif
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« Franchement, quelle idée m’a pris ? », me dis-je devant mon Course Generator en étudiant le tracé de ce Bromont Ultra quelque part au mois de juillet, un peu après la Montagn’hard avortée.
Bon, OK, l’idée de départ, c’était d’aller faire notre visite régulière à notre québécois de fiston, de profiter du Québec à une belle saison. Et, OK, admettons-le, de chercher à jumeler cela avec une course chez les cousins. Et en format ultra puisque je prends plus mon plaisir quand on dépasse la dizaine d’heures de course.
Bon, il faut bien dire que cette dernière idée est totalement égoïste, soyons réaliste.
J’ai dû pas mal chercher, toutefois, pour trouver à combiner tout cela. Car il faut bien dire que les courses nature (ne disons pas « trails » pour ne pas s’attirer les foudres de l’OQLF) de longue distance, au Québec, ça ne court pas les rues…ni les forêts. Avant cette année, moi je connaissais le Harricana, bien sûr…et l’Ultra de Gaspésie. Point.
L’Harricana eût été le choix évident. Mais la période ne convenait pas avec nos deux calendriers respectifs. Et la Gaspésie….. eh bien, regardez sur une carte : cela revient quand même presque à aller faire une course à Berlin quand on part de Paris.
Mais voilà que je tombe soudain, je ne sais plus comment, sur ce Bromont Ultra : pas trop loin de Montréal, avec des formats de longue distance et apparemment possible à jumeler avec des vacances à trois dans une région qui ne soit pas une immense étendue plate de sapins où on fait 30 kilomètres pour aller chercher le pain.
« Les Cantons-de-l’Est » ou l’Estrie, qu’ils appellent donc ça, dans le coin. Avouons tout de go notre ignorance : je n’en connaissais rien, avant. La capitale du coin, c’est Sherbrooke, voilà ce que j’en sais. Y’a aussi une ville qui s’appelle Granby que je connais parce que….. elle est jumelée avec Sainté. Voilà ce que j’en sais. C’est plus ou moins contigu avec le Vermont, ça je sais à peu près. Le Vermont, je sais qu’ils ont des montagnes, eux, on y est allés il y a 2 ans. Bon, des montagnes pas bien hautes, mais assez montagnesques pour y mettre des stations de ski.
Avec un peu de chance, me dis-je, ce Bromont, doit bien y avoir un peu de relief. Donc, là où il y a du relief, il y a des vacances sympa à faire. Enfin, en gros, je nous « vends » ça plus ou moins comme ça.
Le site de la course fournit certes une carte générale du parcours, un profil schématique. On voit bien que ça monte et que ça descend, mais j’ai beaucoup de mal à me rendre compte de ce qu’est la réalité locale.
Suffisamment, quand même, pour décider de ne pas être déraisonnable et cliquer sur le 160 kilomètres, qui consiste en fait à faire 2 fois le tour du 80km. Je sens cela moins glamour et je veux bien me lancer sur une course que j’imagine quand même plutôt « roulante » globalement, mais le faire pour 35 heures, cela est clairement trop envahissant pour nos vacances.
Donc, 80km. Ce sera la…. 9ème fois de l’année que je me lance sur une durée de course au-delà de 10/12 heures. En gros, un par mois.
Ce n’est finalement que dans les toutes dernières semaines, le nez dans les cartes topo, et surtout les jours d’avant-course, passés en séjour dans la région, que je vais pouvoir me rendre vraiment compte de la course qui m’attend : une incessante succession de montées ou descentes sur un terrain constitué de collines qui semblent en fait « posées » sur la plaine du Saint-Laurent. J’ai appris depuis que ces collines s’appellent les collines « montérégiennes », la plus connue d’entre elles étant le Mont Royal de Montréal. Elles sont de formation similaires aux chaînes de volcans (comme Hawaï ou la Réunion), au-dessus d’un point chaud de magma. La seule différence avec une chaîne de volcans, c’est que le magma n’a jamais atteint la surface, mais a formé de grosses « bulles » de roche restées enfouies sous les sédiments….. et qui se sont découvertes par l’érosion ensuite. C’était notre page éducative.
Le résultat, pour le secteur de Bromont, c’est le Mont Brome et les collines avoisinantes, culminant à un peu plus de 500m d’altitude au dessus d’une plaine à 190 mètres.
Et le trail, eh bien, il est tracé dans ce secteur, en allant exploiter plus ou moins tout le dénivelé possible :
Les ballades dans les environs les jours précédents la course nous démontrent deux choses : d’abord le relief est un vrai challenge car ces « collines », elles montent diablement quand on les attaque donc la course ne sera pas une promenade débonnaire….et, surtout, c’est magnifique car nous sommes en pleine « saison des couleurs », le moment, au Québec où les forêts de bouleaux, de hêtres et surtout, évidemment, d’érables, se transforment en quelques jours et offrent tout le spectre de couleurs du jaune au rouge foncé.
La visite préalable, la veille, sur le secteur du départ, nous confirme qu’on est sur une « grosse » organisation : mini village de départ, animation déjà importante (il y a des courses le samedi et le dimanche, le 80km ayant lieu le dimanche), organisation bien rôdée pour la remise de dossards, qui est pliée en quelques minutes. Le seul regret, quasiment, est de ne connaître strictement personne sur le secteur, donc d’avoir peu de raisons de s’attarder trop longtemps.
Je veux le meme costume pour faire serre-file !
Nous partons donc plutôt, avec Elisabeth et Jean-Baptiste, pour un petit tour de « reco » des « stations d’aide » (c’est ça que j’aime, au Québec, ce léger dépaysement permanent car on utilise la même langue, mais de façons différentes). L’avantage, c’est qu’elles sont très concentrées : il faut parfois quelques minutes de l’une à l’autre alors que la course, avec son tracé un peu compliqué, met parfois 2 à 3 heures. Les stations sont désertes : le 160km est parti ce samedi matin et, en cette fin de journée, les coureurs sont en fin du premier tour. Je trouve juste à discuter un peu avec les bénévoles de la station « P5 » du km 15, qui attendent le retour du premier du 160km pour 19h environ. Et, sur la dernière station, au Lac Gale (65km), on retrouve l’animation des équipes d’assistance des derniers du 160km (ils sont un peu moins d’une centaine sur la course et seulement 45 termineront). Un peu étrange, d’ailleurs, de croiser ces coureurs que, pour certains, je vais retrouver le lendemain, plus ou moins au même endroit.
En fin de journée, il n’est que temps de rentrer à notre hébergement (airBNB, pour mémoire, n’hésitez pas à me demander l’adresse, c’est un peu loin du départ -30 minutes- mais totalement isolé dans les collines et tout confort). La nuit tombe tôt : il fait sombre vers 18h et noir à 19h.
C’est que le réveil va être difficile ! Le départ est… à 3h30 du matin. Compte tenu du trajet à faire, c’est à 1h30 que nous sommes debout. C’est que, cette fois-ci, j’ai une vraie team, avec évidemment mon incontournable Elisabeth, mais aussi notre JB qui va un peu découvrir la vie du suiveur et les divers états par lequel passe son père sur une course.
Départ – P5 (km 15)
Le trajet jusqu’au départ se fait sans encombre, sur des routes totalement désertes (contraste avec la veille : c’est un gros week-end de 3 jours, le lundi étant férié ici pour l’« Action de Grâces », le Thanksgiving québécois). Par contre, sur le départ, il y a de l’animation car, outre la centaine de concurrents du 80km, un relais se court sur le même 80km, avec des équipes de 2 à 10 coureurs, qui partiront 15 minutes après nous (je n’en verrais curieusement quasiment aucune), et aussi des passages de relais sur le 160km, qui passent encore à mi-course.
La température est fraîche, sans plus. Le petit vent présent m‘a fait mettre une couche manches longues par-dessus mon habituel débardeur, mais je suis bien conscient qu’elle va faire quelques kilomètres à peine.
Petit briefing par Gilles, le directeur de course, avec qui j’ai un peu échangé avant-course, par mail. J’aurais bien pris un peu de temps à un moment pour discuter plus avant sur nos environnements respectifs d’organisation de courses, mais vous savez ce que c’est pour un organisateur, les jours avant et après une course : nous n’en aurons finalement pas l’occasion. Le balisage nous est présenté bien en détail : amusant, ce sont exactement les mêmes petits drapeaux roses qu’à notre trail normand des Rois Maudits. Il est notamment bien insisté sur la couleur du balisage et les panneaux de bifurcations : la multiplicité des parcours sur un secteur assez restreint en fait un entrelacs assez complexe.
Le départ se fait sans chichis et est évidemment très rapide : 110 coureurs, c’est vite envoyé. On s’est donné rendez-vous au « P5 » avec mon « crew ».
Un bon kilomètre bien roulant nous amène à la première côte, une simple montée à mi-pente sur les flancs du Mont Brome, de 100D+ environ. Le temps pour moi de reculer du premier tiers de course au deuxième environ (enfin, ça c’est ce que je crois), ma place habituelle. Comme prévu, cette montée est l’occasion de faire tomber la couche manches longues, qui va aller rejoindre la veste de pluie (non obligatoire, mais je ne pars jamais sans) et évidemment ne plus ressortir. Les manchettes vont suivre rapidement le même chemin et me voilà déjà à 4h du matin en débardeur. Normal. J’ai même déjà chaud, avec le buff sur la tête (il fait 10°C environ).
La lune est présente, on est donc dans une jolie lumière nocturne avec en-dessous de nous les lumières du village de Bromont. Cette première montée étire vite le peloton, la course est très calme avec peu de groupes de bavards (qui me saoulent rapidement), les écarts s’installent très vite.
Après une redescente au pied d’un télésiège de la station de ski, nous attaquons la première des deux montées successives du Mont Brome, qui constituent la difficulté de ces premiers 15 kilomètres. La montée utilise de petits singles qui zigzaguent dans la forêt, d’une piste de ski à l’autre, c’est plutôt agréable comme terrain. Raide, mais sans plus, donc on est sur mon terrain, évidemment. Je vais donc bien avancer sur ces 300D+, en grappillant quelques coureurs (pas beaucoup, car les écarts sont déjà notables).
En fait, je vais d’ailleurs gagner plus de places dans les descentes, ce qui sera un peu une constante sur cette course. Sans leur faire injure du tout, une bonne majorité des coureurs locaux ont encore un peu de travail sur cet aspect-là des courses, mais je vous rassure, ils sauront bien se venger sur les parties plus roulantes.
A propos de coureurs locaux, la course comporte bien évidemment une grande majorité de coureurs québécois. Le reste sont quasi exclusivement des coureurs d’autres régions du Canada, Ontario essentiellement (donc plutôt anglophones). Il y a aussi quelques coureurs des Etats-Unis, il me semble, et j’ai lu une mention de coureurs…. néo-zélandais (peut-être pas forcément sur le 80km). Je suis apparemment le seul français « de France », mais j’entendrai ponctuellement quelques « accents français » ça et là, probablement de personnes qui, comme JB, résident et travaillent au Québec.
Je constate a posteriori que je suis (ça devient une constante cette année) parti plus vite que je ne prévoyais, passant en 54 minutes au premier passage au Mont Brome, au lieu de 1h02 calculée. Et pourtant, je n’ai pas l’impression d’avoir trop forcé : je suis resté dans le rythme de ceux qui m’entourent. A posteriori, je devrais probablement me méfier de cela et mieux me positionner sur les départs.
La première descente est très rapide : en gros on dévale une ou deux pistes de ski et on se retrouve en bas, pour un ravito en eau….. que je zappe (bien que je n’aie que 500ml sur moi).
Et nous voilà parti pour « Le Grand Loup ». J’apprendrai après la course que cette montée est un peu mythique chez les trailers locaux (https://www.strava.com/segments/10675142) : 1,37km, 230D+, 23% de moyenne. C’est franchement du sérieux et une montée extra : du raide, du caillou, on met les mains de temps en temps. Un vrai bonheur.
Cela étant, je dépasse peu : comme mentionné plus haut, les écarts sont déjà importants (une trentaine de secondes entre chaque coureur) et je suis aussi en fait placé au 1er tiers de la course (mais ça, je ne le sais pas), soit quand même plutôt devant mon niveau normal.
La partie qui suit est encore un vrai bonheur. Après un single qui commence par hésiter à redescendre franchement, puis remonte vers un peu (en fait, on se rapproche à quelques dizaines de mètres d’une partie de parcours….. où nous passerons dans environ 5 ou 6 heures), on redescend vers le premier ravito par une piste de vélo de montagne (on dit ça plus que « VTT », ici), qui est très joueuse.
En fait, on passe son temps à faire des « S » en forêt pour descendre progressivement, sur un terrain vraiment très amusant mais pas très difficile. On remonte même parfois d’un ou 2 mètres, pour repartir à descendre en « S », passer quelques sauts, le tout pour redescendre environ 200m de dénivelé négatif, toujours à la frontale. Une vraie perle que cette descente, effectuée quasiment tout seul.
Et, en juste 2 heures, me voici donc au premier ravito, le « P5 ». 2h pour 15km, c’est plutôt rapide pour une section accidentée. Comme au Vercors, je prends une avance importante dès le départ, presque 1/4h.
J’y retrouve bien sûr mes deux suiveurs préférés qui font la claque avec quelques autres spectateurs pour les coureurs qui arrivent les uns après les autres…. et repartent pour la plupart quasiment aussitôt. C’est ce qui va me frapper sur cette course : les arrêts extrêmement courts des coureurs sur les ravitos, effectués façon « Formule 1 ». Pour être franc, je trouve ça franchement déraisonnable : sur un ultra de cette durée, prendre le temps de se poser, de s’alimenter sans précipitation, de couper un peu le rythme, c’est aussi une clé pour ne pas exploser à un moment ou un autre.
Mais c’est leur problème. Moi, je passe 5-6 minutes bien efficaces ici. Déjà pour échanger mes impressions avec Elisabeth et JB, confirmer au responsable du ravito (que j’avais vu la veille) que j’ai adoré le passage qui précède, grignoter quelques morceaux de banane, barre de céréale, bonbons (!!). J’aurais même pu prendre un bouillon avec des pâtes si j’avais voulu. Le tout avec des bénévoles où « aux petits soins » n’est même plus suffisant pour décrire leur gentillesse.
Pendant ce temps, Elisabeth et JB regardent défiler les coureurs. Ils vont retrouver les mêmes très souvent, évidemment, alors ils les affublent de surnoms. Nous aurons donc ainsi « Chrono », le gars très stressé par le fait de confirmer qu’il avait bien bipé au contrôle et qui va passer ledit contrôle deux fois pour être sûr. Ils repèrent aussi « Gants rouges », une fille avec qui je repars, d’ailleurs.
Donc, P5, 15km, 2h06 en sortie pour 2h22 prévues (16 minutes d’avance), je suis 38ème sur 108.
P5 (km 15) – Chez Bob (km 32)
Changement radical de terrain pour aller « Chez Bob » qui est à…. 5km de voiture par une route toute droite…sauf que nous aurons 17 kilomètres, nous. Du plat, du plat, du plat, pour commencer. Pendant 5 kilomètres, nous allons faire de grands tours et détours dans la plaine, dans une forêt sur de larges allées avec quasiment aucun dénivelé.
Je pars en même temps que deux autres coureurs, un gars et « gants rouges ». Ils vont progressivement me semer en s’imposant de courir en permanence alors que, fidèle à mes principes, je coupe ponctuellement la course pour quelques dizaines de mètres de marche (pas nordique, j’ai rangé les bâtons depuis le haut de la montée précédente).
Ce n’est pas foncièrement désagréable. Je retrouve une ambiance proche de l’Origole avec ce parcours dans une forêt de longues allées, de nuit, avec un petit clair de lune. Il fait encore très noir (il est 6h du matin environ). Je n’ai pas mémorisé grand-chose du parcours ici, je verrai juste plus tard que, là aussi, on passe parfois à quelques dizaines de mètres d’endroits où on est passé 2 ou 3 km avant. L’idée générale est de nous amener près d’une nouvelle difficulté, la Montagne des Pins, mais…. en prenant son temps.
Surprise en plein milieu de cette forêt : à un moment, on débouche sur une route en terre et on voit au loin un peu de vie. Ce doit être le ravito liquide qui est annoncé sur le roadbook. Ces ravitos liquides (il y en a à mi-chemin entre deux ravitos complets) sont très simples : deux bonbonnes de 25 litres d’eau posées sur une table, sans bénévoles. Mais c’est efficace et utile et ça me permet de n’être muni que de 500ml.
Mais, de loin, on entend des encouragements envoyés à chaque coureur : il y a donc de la vie à ce ravito (parce que, sinon, on ne croise strictement personne !). Et la vie, devinez qui c’est ?
Eh oui, JB est aussi à l’aise avec les cartes que son père. Et donc, il a déniché ce point du parcours pour nous voir et ils sont là, tous les deux, avec Elisabeth, à continuer à repérer les coureurs et évidemment me faire un coucou. On dira ce qu’on veut, mais ces petites secondes où on sort de sa bulle, ça fait du bien. Je me vois avancer…. et bien avancer.
L’avantage aussi, c’est que ça marque à peu près la fin du pensum de « plat ». On voit se profiler sur le côté un peu de relief, nous passons un petit lac qui commence à être visible dans la lumière du jour naissant et on aborde les pentes de la Montagne des Pins.
Oh, c’est une « montagne » bien sage, qui culmine à 462m d’altitude (au pied on est à 190m). Le tracé va exploiter toutes les possibilités d’y mettre du dénivelé, par contre ! Donc, on monte un peu, on redescend un peu, on fait une petite liaison à niveau, on remonte, etc, etc.
A un moment, nous voyons arriver d’un chemin en face une coureuse….manifestement un peu égarée. Anglophone, elle me demande…. si on est déjà passés ici. Euh…. bin non, moi j’arrive, tu sais.
Vu d’où elle arrive, je pense qu’elle était devant moi et qu’elle a loupé une bifurcation. Je lui conseille donc de reprendre le parcours ici. Elle a un temps d’hésitation, visiblement elle n’est pas sûre que j’aie raison et que nous ne soyons pas à l’envers. Non mais dis donc ? Tu sais à qui tu causes ? ;-)
Bref, dans ces cas-là, on n’y passe pas non plus 107 ans. Je lui confirme qu’elle devrait nous suivre…. et je la laisse décider.
Et, évidemment, 1km plus loin, qui est-ce que je vois arriver à fond derrière moi dans une montée, la seule qui me dépassera dans une montée sur les 50 premiers kilomètres ?
En fait, un peu plus loin, dans une descente, il y a, sur un sentier assez large, un brusque « tourne à droite », pourtant bien signalé avec une flèche. C’est là qu’elle s’est trompé car la carte montre bien que, si on le loupe….on revient 1,5km en arrière :
(j’ai trouvé la fille à la croix bleue, elle a dû rater le « tourne à droite » plus loin et a suivi le chemin en pointillé noir, selon la flèche bleue)
Bref, moi je suis dans « ma » Montagne des Pins. La frontale est retirée, on est dans la lumière du petit jour, on débouche au sommet avec une ou deux échappées sur les alentours et le Lac Brome. Autant vous dire que c’est magnifique. Pour ces petits moments de magie, ça vaut le coup de souffrir sur tous les plats de m…. qui précèdent…. :-)
On va s’y complaire, d’ailleurs, sur le sommet de cette Montagne des Pins. Le traceur nous fait faire quelques tours et détours, encore, qu’on puisse admirer la vue sous tous les angles, le tout sur des sentiers à peines tracés, très amusants (on est en fait dans une propriété privée très peu fréquentée).
La redescente (il le faut bien) est courte, mais sympa, sur un chemin plein de cailloux. Elle nous amène…. sur une belle route en terre, qui préfigure (malheureusement) un peu ce qui va suivre. Car, après une petite diversion dans un bout de bois sur le côté, histoire de faire quelques dizaines de mètres de dénivelé en plus, il faut maintenant aller chez Bob pour le ravito.
Et Bob, celui-là, n’habite pas dans un ananas sous la mer. Il habite dans une belle maison mais qu’on atteint par une superbe route en terre….toute droite….toute plate.
C’était prévu, on l’avait vu la veille : 2km de plat (plus ou moins : il a l’avantage d’avoir des parties légèrement montantes qui servent d’excuse pour marcher). Du coup, évidemment, je me fais relarguer par les 2-3 coureurs que j’avais dépassés ou quasi rattrapés sur la Montagne des Pins.
Cela ne dure heureusement pas trop (mais il reste pire un peu plus loin) et j’arrive donc au ravito qui est évidemment fait pour moi et notre mascotte familiale.
Bien sûr, les « allez Bubulle » résonnent aussitôt et me voilà bien accueilli par mon « crew ». Illico pris en main par un bénévole qui me propose de remplir mes flasques, une autre qui me propose un bouillon avec des pâtes, je n’ai même pas à réfléchir.
A nouveau, contrairement aux autres, je choisis de prendre mon temps et me poser à ce ravito. Certains ont laissé un sac d’allègement, mais je n’ai rien de passionnant à alléger, je suis déjà tout léger. Donc, je me déleste juste de la frontale que JB récupère et je prends mon temps pour le bouillon et manger pas mal de salé.
Il paraît, a posteriori, que j’avais l’air assez entamé à ce ravito. Soit je n’en n’avais pas conscience, soit c’était juste une impression, avec les traits creusés car j’y suis arrivée tête nue, sans lunettes, ce qui me donne en général un air un peu « creux ». Pour ma part, je me sens très bien.
Je vais repartir au bout de 10 minutes ce qui est…exactement ce qui était prévu.
Chez Bob, km 32, 4h05 en entrée pour 4h40 prévues. Oups, déjà 35 minutes d’avance. Et pourtant je n’ai pas l’impression d’avoir forcé. Au contraire, j’ai largement géré les sections trop roulantes. Je suis 39ème sur toujours 107 donc, je n’ai pas trop bougé au classement.
Chez Bob (km 32) – Parking P7 (km 46)
Je repars…. dans un enthousiasme mitigé. C’est que je connais le profil. En gros, on a une bosse, la Colline Chandler, suivie de…. 5,5km de plat sur des routes (4km sur route en terre, 1,5km sur une route goudronnée), avant d’atteindre le point d’eau du Lac Bromont.
Nous avons vu à quoi ça ressemble la veille, en faisant le tour des ravitos et ça ressemble à ce que c’est : une purge.
Donc, autant dire que c’est certes avec détermination, mais en enthousiasme modéré que je me lance là-dedans. Déjà, je prends mon temps en repartant, en finissant de manger les trucs que j’ai picorés au ravito, en faisant des photos de « Chez Bob ». Tran-qui-lle.
Et tout seul. Juste dépassé, pendant que je batifole en machouillant, par un coureur qui me prend 2 ou 3 minutes le temps que je me décide à avancer un peu plus.
Cette Colline Chandler n’a rien de fondamentalement passionnant. Contrairement à la précédente bosse, on n’a pas de jolies échappées sur les environs. On est en sous-bois et on y reste. On monte, on zigzague un peu en haut (il y e en fait 2 bosses successives). 200D+ et 250D- sur 3,5km.
Je garde mon autre coureur en point de mire et le rattrape presque au bas de la dernière descente qui précède la Route de la Mort.
Voyez plutôt :
Passionnant, isn’t it ?
Le principe va donc être simple : trottiner quand c’est plat ou que ça « descend », mais dès qu’il y a 0,1% de pente montante, repasser à la marche. J’ai pris les bâtons, donc c’est « nordic-style » dans ces cas-là. Et comme les jambes sont là, ça avance quand même bien, même si ces immenses lignes droites semblent ne pas en finir.
Mon coureur devant s’éloigne un peu (il a l’air de courir en permanence) et, loin derrière j’en aperçois un autre qui se rapproche vaguement. Sur 5,5km, il n’y aura strictement aucun autre événement. Je me suis fait une routine pour boire : une gorgée tous les 500 mètres, ça occupe. Le retour sur la route goudronnée, au bord du Lac Bromont, marque la section finale de ce pensum, je fais une ou deux photos, je tourne à droite et, enfin, me voilà au point d’eau avec…. évidemment mes deux suiveurs qui sont là.
Résultat…. que je découvre aujourd’hui en écrivant ce compte-rendu, avec effarement : 5,5km en 33’30. 9,8km/h ! En marchant par moments….. Oups, ça devait vraiment me faire suer pour avancer à une vitesse pareille. Je suis dingue.
Je manifeste bruyamment mon soulagement en arrivant au ravito (et en faisant le plein, j’ai tout vidé cette fois-ci). Et surtout, maintenant, ON MONTE. Donc, je suis gonflé à bloc.
Lac Bromont, 5h23 pour 6h07 prévues, 44 minutes d’avance. Et on est à mi-course.
Sans traîner, je repars pour la suite. Là, c’est une section « globalement montante » où on gagne 180m sur environ 5km. Pas de quoi fouetter un chat en apparence, mais en pratique, c’est une succession constante de courtes montées et descentes. Donc là, c’est clair : j’avoine en marchant en montée, je dévale le plus vite possible, et je m’offre 2 ou 3 répits sur les sections un peu plates.
Quand je repars, un coureur qui devait être celui que j’avais devant précédemment m’emboîte le pas, mais je me fais un devoir de mettre un peu de distance dans la montée qui suit. Quelle teigne.
Cette partie-là est plutôt sympa à courir. Ce sont des sentiers de promenade de la station, on fait quelques crochets sur le flanc des collines (on est revenu sur l’arrière de la station de ski où nous avons démarré la course), le moindre dénivelé est exploité, je retrouve un peu le style de course qu’on peut avoir dans les secteurs accidentés de la Vallée de Chevreuse ou des Vaux de Cernay.
Toujours aussi seul, par contre. Le coureur qui me suivait n’est pas très loin derrière, j’entends 2 ou 3 autres un peu plus loin mais je ne vois jamais rien ni personne devant.
C’est donc un peu sans trop d’histoire que le parcours nous amène au troisième ravito solide, le « P7 » (c’est un parking de pied de pistes d’où partent des télésièges).
Grosse ambiance à l’arrivée à ce ravito : corne de brume (un enfant est préposé à repérer les coureurs à l’avance et faire un maximum de bruit pour les annoncer), encouragements de tous les spectateurs et bénévoles présents, on se sent comme une vedette.
A nouveau me voilà pris en charge sans rien avoir à faire. La flasque se remplit tout seule. J’en sors une deuxième, car, cette fois-ci, le point d’eau est seulement à 3km du ravito suivant : il y a donc en principe 12 kilomètres sans eau, à l’exception d’un « ravito surprise » « Chez Chantal » dont nul ne sait trop où il se trouve. Ne pas prendre de risques : j’ai un mollet qui tiraille un peu : ce n’est pas gênant, mais avec un parcours quand même roulant, ça pourrait dégénérer en crampes. Et là, si on n’a pas d’eau….
Encore un bouillon de pâtes assis confortablement dans un de ces sièges pliants si confortables. On papote tranquillement avec Elisabeth et JB. On voit arriver « Cheveux », selon leur galerie de surnoms, un québécois qui a un peu un look de Luca Papi… :-). On voit aussi « Gants rouges » et « Sac Bleu » avec qui je fais le yoyo depuis un moment.
Parking « P7 », km 46, 6h03 en entrée pour 6h53 prévues. Encore 9 minutes d’avance en plus. Même sur cet infernal plat, j’ai gagné du temps. On approche l’heure d’avance et je suis 37ème.
Parking « P7 » (km 46 – Lac Gale (km 65)
A peu près tous repartent avant moi. Toujours ces stratégies différentes et cette petite tendance des coureurs à ne pas savoir profiter des ravitos (à mon sens, en tout cas).
Ce qui suit, c’est « mon » terrain : trois montées successives bien sévères dans les divers sommets de la station de ski : Pic du Chevreuil (510m), Mont St-Bernard (560m) et Mont Horizon (460m). Du bien raide dans de la piste de ski. Ca va chier !
En fait, je me méfie un peu de moi-même : c’est tentant d’envoyer du lourd sur la première montée au Pic du Chevreuil, qui est vraiment très raide, largement sur une piste de ski. Il y a 2 coureurs devant, la tentation est d’aller les chercher. Mais ce n’est pas une super bonne idée, du coup, je me contente de tenir l’écart, en faisant quelques photos. Y’a de la gestion dans l’air. Surtout qu’il y a une petite redescente en plein milieu, avant de repartir sur du très raide et atteindre le Pic du Chevreuil.
Dans la montée au Pic du Chevreuil : bien raide, non ?
Et quand on regarde en haut, c'est tout aussi raide
Par contre, les descentes sont très surprenantes. En fait, on descend très très lentement car le sentier fait des lacets assez ahurissants, quasiment sans descendre : il arrive parfois qu’on repasse à quelques mètres du lacet précédent, après avoir fait un grand détour de 100 ou 200 mètres. C’est extrêmement déroutant car, du coup, des descentes qui devraient être très rapides (où ne descend pas plus de 150 mètres), sont un peu sans fin avec une pente qui ne doit pas excéder les 4-5%.
La dernière montée sérieuse, le Mont Horizon, est un peu du même acabit. Là, c’est la montée qui n’en finit pas, avec ces lacets sans fin. Pendant plusieurs kilomètres, sur cette section, je vais suivre à quelques dizaines de mètres, un groupe de 3 coureurs, dont « Cheveux », qui me donne à distance un rythme plutôt en gestion.
Je vais quand même passer mon temps à penser que, « chez nous », ces trois montées/descentes se seraient faites en 3 ou 4 kilomètres, avec des sentiers qui tirent tout droit dans la pente (façon Vaux de Cernay). Là, on fait en fait 7 kilomètres comme ça et c’est finalement assez dur pour les jambes car c’est en relances constantes (un bon coureur peut sans problèmes tout courir).
C’est l’arrivée au Mont Horizon, où la vue est superbe, qui marque à peu près la fin de cette section. On revient ensuite sur une route en terre où se trouve, dans une descente, le petit ravito « surprise ».
Le ravito « surprise » de « Chez Chantal » est là. En pratique à peu près à mi-chemin du ravito précédent et du suivant, donc, finalement, la flasque supplémentaire était moins utile. Pour une fois, je m’arrête très peu et, du coup, je dépasse mon petit groupe de 3.
Un peu plus loin, je rattrape le premier coureur du 160km que je vois. C’est donc lui, le dernier de la course (Gyslain) et il faut bien dire qu’il n’est pas en forme olympique. Il m’explique qu’il ne peut plus que marcher, et encore pas bien vite, à cause d’un genou qui fait des siennes. Il terminera en 34h34, donc à 17h30. Or, il est 11h15 quand je le retrouve ici. Il lui faudra donc 6 heures pour les 22 derniers kilomètres.
Il commence à devenir plus difficile de trottiner sur les plats et même les descentes commencent à être un peu plus dures. J’arrive dans le moment où la course devient plus difficile. Il reste une côte de « seulement » 80 mètres, qui nous mène un peu en dessous du sommet du Mont St-Bernard et où je vais commencer à caler assez clairement. Le groupe de 3 me revient d’ailleurs dessus et j’ai du mal à marcher correctement à 6 km/h avec les bâtons, sur une pente qui ne doit pas faire plus de 5% (encore ces lacets horripilants !).
La descente qui suit est accueillie avec soulagement car je sais qu’elle va nous ramener au chemin de Gaspé, à l’altitude de la zone de départ (qui sera à 2km à vol d’oiseau !) et qu’il restera la bosse du Mont Aki, et 3km pour atteindre le dernier gros ravito au Lac Gale.
Et, pour une fois, c’est une vraie descente. J’y retrouve trois coureurs du 160 qui font route ensemble (Hugo, Jonathan, Benoit). Bien sûr, ce sont les félicitations de rigueur en passant qui arrivent à leur arracher un petit « merci » (mais je sais qu’en pareil cas, quand on est au bout, c’est même difficile de remercier ceux qui te dépassent et te laissent un mot gentil). A partir de là, je vais ponctuellement retrouver des courageux du 160km en me disant à chaque fois qu’il faut quand même un énorme mental pour se lancer, comme ils l’ont fait, en pleine nuit, et recommencer le même tour qu’ils ont déjà fait pendant la journée du samedi.
En comptant a posteriori, ce seront 9 des 45 finishers du 160km que je dépasserai sur cette fin de course.
Mais nous voilà arrivés sur une route, le « chemin de Gaspé »
Bon, ce qui est amusant, c’est que si on tourne à droite sur le chemin de Gaspé, on est à l’arrivée en 1,5km et que si on tourne à gauche, on revient en 500 mètres au Lac Brome…au km 42. Quel parcours !
Mais nous, on va tout droit, sur le Mont Aki. Pas bien haut, ce Mont Aki, 293m, soit environ 130 mètres de dénivelé, donc « deux collines d’Elancourt » selon la métrique inventée par Bert.
Ah oui, mais là, pour une fois, c’est « droit dedans ». Pas de lacets à la con, droit dans la pente, parfois même une main courante, ça me rappelle la « Butte Ronde » à Maincourt sur Yvette, sur l’Origole ou le Raid 28.
Là, je prends clairement un gros gros coup de moins bien. Normalement, je devrais faire un bon pacman avec mon groupe de 3 avec « Cheveux », les éparpiller façon puzzle sur le chemin et m’envoler dans la descente raide qui suit.
Sauf que non. Je suis scotché. J’arrive à peine à les suivre et, en haut…. j’ai de légers vertiges. Mince. Je sais ce que c’est.
Hypo.
Eh oui, banane, t’as rien mangé au ravito « Chez Chantal », tu arrives au km 60 avec une mega-avance sur ton tableau de marche et tu crois que ça va passer crème ?
Cela ne passe pas crème du tout.
Bon, l’avantage d’avoir quand même une petite expérience, c’est que je sais ce qu’il faut faire : vite vite les gels D4 que je trimbale sans y toucher, dans le sac. Oui, ils vont être dégueu à avaler, mais si je ne fais pas ça maintenant, là, toussuite, les 3 kilomètres qui suivent vont être trèèèèèèès longs.
Donc, tant pis, on perd un peu de temps, 1 ou 2 places, mais gels dégueu.
Beeeeeerk. Berk berk berk berk (« La Drague », G. Bedos, S. Daumier).
Berk, peut-être, mais le temps de la descente, Jeannot il a emballé. Voilà, c’est pas plus compliqué que ça, les gonzesses. Il faut savoir s’imposer, c’est tout.
Au pied de la descente, je vois quelques coureurs avec un dossard « Pacer ». Les pacers sont en fait autorisés pour le 80km et le 160km à partir du ravito du Lac Gale. J’ai un vague doute car selon mon suivi du profil, il reste encore une bosse avant le ravito, mais je finis par douter de mon suivi du roadbook, car les successions de montées et descentes sont assez compliquées pour s’y perdre, à force. Approcherait-on déjà du ravito ?
D’autant plus que je vois….. Elisabeth et JB au bord du chemin ! Mais en fait, non…. on est bien à 3km du ravito, là où on traverse le chemin de Gaspé et où il y a un ravito liquide. Encore une fois, JB a regardé la carte et a déniché ce point de passage.
Allez hop, OK, ça roule jusqu’au ravito.
Sauf que non, ça roule pas. J’ai juste vaguement omis la « petite bosse » qu’il reste encore (le deuxième « pic » sur le profil ci-dessous).
On reviendra y faire un tour à pied, le lendemain et ça monte quand même bien raide, à nouveau, ce petit truc. En plus, il est midi, il y a des promeneurs partout et c’est quand même un peu désespérant d’avancer à peine plus vite qu’eux. Bref, Jeannot, il est quand même moyen vaillant.
Ce ne sont que 10 minutes, mais elles sont un poil longues jusqu’à un « tourne à gauche » signalé avec des tas de flèches. Si on tourne à droite, en 50 mètres, on retrouve le parcours…. 9km plus loin.
Allez, y’a plus qu’à dérouler… un poil de descente et il ne reste plus que du plat jusqu’au ravito. Ces fameux « plats » où il est tellement bon de se convaincre que ça monte un peu histoire de s’autoriser à marcher. J’alterne les deux et l’un dans l’autre j’avance à 8,5km/h de moyenne. Honnête, a posteriori, même si j’ai l’impression d’être un escargot (je me fais encore dépasser 1 ou 2 fois).
En passant, magnifique vue sur le lac…. je ne manque pas de m’arrêter pour une photo (tous les prétextes sont bons).
Enfin, la petite remontée qui, je sais (on était là hier), précède le ravito. J’entends les encouragements des accompagnants et, évidemment, je prends l’air fier et altier et j’atteins enfin ce ravito sous les ovations d’une foule en délire.
Non, je déconne un peu, mais c’est vrai que chaque arrivée de coureurs est ponctuée d’encouragements et d’applaudissements. Il y a beaucoup de spectateurs à cet endroit, pour les derniers du 160km, pour nous-mêmes et aussi (mais je ne le sais pas encore) pour les coureurs du 25km.
Le rituel est immuable : accueil par Elisabeth et JB, pendant que mes flasques se remplissent toutes seules (par précaution, je vais faire à nouveau les deux), bouillon avec pâtes, beaucoup beaucoup de salé (notamment un bacon grillé succulent), la rituelle banane pour penser à Magali. Et surtout un raid mémorable sur l’assiette de quartiers d’oranges, qui fait beaucoup rire Elisabeth. Il y a toujours un moment comme ça, sur un ravito, où je me mets à m’empiffrer d’oranges sans pouvoir m’arrêter.
Bref, je mange absolument tout et n’importe quoi, dans tous les sens (un bouillon très salé va suivre les oranges). J’abuse largement de la chance d’avoir un estomac en béton et jamais de nausées.
A nouveau, je dois perdre pas mal de terrain sur ce ravito : j’y passe un peu plus de 10 minutes (plus que les 7 prévues), mais je pense que c’est à ça que je devrai de ne pas m’écrouler ensuite, même si, on va le voir, ce sera plus difficile.
Lac Gale, km 65, 9h00 en entrée pour 9h47 prévues. J’ai donc bien perdu un poil de mon avance (-6 minutes), et 4 places : je suis 41ème. Le coup de moins bien n’était donc pas une fausse impression.
Lac Gale (km 65) – Arrivée (km 78)
Je repars donc bien confiant, la preuve :
Mais par contre, tout seul, totalement tout seul. Je ne vais pas voir un seul coureur de ma course pendant 7 kilomètres.
Sur le profil, on voit une longue section un peu accidentée (avec une bosse peu prononcée de 40D+) sur 6 kilomètres, avant une vraie montée au Mont Gale, qui fera un peu plus de 100D+. Le profil étant assez nettement exagéré, je m’attends en réalité à du très roulant….et c’est totalement vrai.
On fait d’invraisemblables tours et détours dans un sous-bois où on finit à force par être totalement désorienté. Voyez vous-mêmes :
Je crois que le plus horrible est à la pointe Sud du lac.
Le Point 1 est 500m avant le ravito. Le point 2 est 2km après le ravito. Et le point 3 est encore 2km plus loin. Et, des points 2 et 3, on VOIT les coureurs passer au point 1 (heureusement que l’inverse ne s’est pas produit).
Entre les deux, la seule animation aura été de me faire dépasser par des fusées. Sur le coup, je crois qu’il s’agit des premiers du 55km (partis sur le même parcours, mais 3h30 après nous), mais il me semblait me souvenir que le 55 bifurquait vers le km 50 pour rejoindre directement l’arrivée.
En fait, il s’agit des premiers coureurs du 25km, qui en sont à mi-course. Je croirai cependant jusqu’à la fin que ce sont des coureurs du 55km et ça me déprime quand même un peu de me faire dépasser par AUTANT (38 en tout, jusqu’à l’arrivée) de coureurs d’une course pas si courte que ça. Si j’avais su !
Tous sont très sympa et nous (enfin, ME…. je suis tout seul) passe à chaque fois un petit mot d’encouragement et de félicitation. Il y a vraiment une belle ambiance sur cette course.
A force de tours et détours, nous finissons par arriver à la belle côte du Mont Gale : 100D+ en 1km, ce n’est quand même pas un mur, mais, pour une fois c’est très accidenté, avec des marches, des rochers et…. pas trop de lacets !
Mais pas de miracle non plus. Je mets quand même presque 14 minutes, ce qui n’est pas très glorieux…. même si le roadbook prévoyait bien cela.
La vue du sommet du Mont Gale est superbe, je m’arrête pour faire une photo et…. le pacer d’un coureur de ma course que j’avais rattrapé me propose même de me faire une photo. Je crois que c’est une des premières fois de ma vie de coureur qu’on me propose cela. Quand je vous disais que l’ambiance est sympa ?
Moment curieux un peu plus loin car…. deux coureurs avec un dossard bleu arrivent en sens inverse ! Je m’arrête pour leur demander ce qu’ils font là et je dois dire que j’ai l’impression qu’eux aussi… :-)
Ils comprennent qu’ils sont à l’envers du parcours et me demandent si le ravito est loin en allant à l’envers de la course. « Bin, il y a quand même 7 kilomètres…. » leur dis-je, en me demandant d’où ils peuvent bien arriver. Je soupçonne vaguement que, plutôt que de partir à l’envers sur aussi long, il leur suffit probablement de faire 1 kilomètre pour retrouver leur parcours, mais je ne sais pas bien leur indiquer comment.
Quand on voit la carte, c’est évident :
Je les ai trouvés à la croix rouge. En fait, ils ont suivi ce que j’ai tracé avec des flèches bleues (comment ont-ils fait pour se tromper au « tourne à gauche » alors qu’il y avait des flèches partout) et il suffirait de refaire cela en arrière pour retrouver rapidement le bon parcours. L’autre solution ce sont les flèches noires, mais là, il faut la carte pour le savoir.
Bref. Je ne peux guère que les abandonner à leur sort, je ne peux pas défaire leurs erreurs à leur place. Entre ça et les photos au sommet, je laisse filer pas loin de 5 minutes !
Et je prends mon petit bonhomme de chemin. Le profil, maintenant, est simple : globalement descendant avec 3 bosses en route…mais quand même encore 7 kilomètres environ.
Soyons clairs : cela va être long. Je ne peux désormais plus guère courir sur le plat, on a passé le moment où l’envie est suffisante pour le faire. Heureusement, je ne suis quand même pas dans l’état de la fin de l’UTV où même courir en descente était difficile.
Faires des photos est une bonne excuse pour faire des arrêts
L’un dans l’autre, et sans gros événement notable passionnant à raconter, je vais mettre exactement 1 heure pour faire ces 7 derniers kilomètres. C’est évidemment un peu poussif, mais je ne peux guère que constater que c’est le prix à payer d’un départ plus rapide que prévu.
Bref, j’avais prévu 1h08 depuis le sommet du Mont Gale et je mets….1h04.
L’arrivée est très belle : on nous fait remonter d’un point situé en dessous de la zone d’arrivée et traverser une grande prairie avec de très nombreux spectateurs. Nous arrivons donc en même temps que la toute fin du 160km, le premier tiers du 25km et, sur les 500 derniers mètres, le premier tiers du 55km. Il y a donc beaucoup de spectateurs, donc d’ambiance et c’est un gros kiff de passer cette ligne en étant, après tout, en plutôt « bon état » (en tout cas, bien moins épuisé qu’au 85km de Madère, où à l’Ultra du Vercors début septembre…. plutôt aussi bien que sur la fin du Cenis).
Au final, je termine en 11h23 pour 12h10 prévues, soit 47 minutes d’avance, comme au Lac Gale. Et en 48ème position. Là, clairement, j’ai perdu des places bien que, à mon souvenir, seuls 1 ou 2 coureurs du 80km m’ont dépassé « sur le terrain ». En fait, je pense que les places ont été perdues au ravito précédent, avec un arrêt plus long que les autres, essentiellement.
Au final, je suis ravi pour cette…. 9ème course de l’année sur un format de 70-80km ou plus (un record pour moi : c’était le format de course de l’année). Cet Ultra de Bromont est magnifiquement organisé, dans un bel esprit. Après plusieurs visites au Québec et aussi grâce à l’influence de notre JB qui y vit, je sais combien les québécois sont accueillants, amoureux de la nature et des sports d’extérieur. Mais je n’avais encore jamais pu le mesurer dans la réalité. C’est désormais chose faite et, franchement, j’en redemande.
Alors, les amis coureurs français, n’hésitez pas une seconde à venir vous mesurer à cette course et, surtout, ne prenez pas le profil peu impressionnant à la légère. Ici, quand ça monte, ça ne monte certes pas haut. Mais ça y monte parfois franchement et sérieusement. Et, surtout, les accumulations de changements de rythme sont un vrai challenge à prendre très très sérieusement. Il y a quand même, au final, 3400 mètres de dénivelé positif. C’est d’ailleurs ce que j’expliquais à un couple de coureurs du 25km avec qui je mangeais après course et qui me demandaient si, par rapport aux courses françaises, je trouvais le parcours « plus facile ». Bon, déjà, du relief comme celui de Bromont il y en a pas mal en France où les trails ne se résument évidemment pas aux grands noms connus dans les Alpes. Mais, surtout, on peut vraiment avoir de mauvaises surprises si on arrive la fleur au fusil sur ce parcours.
Sur le plan technique, je retiendrai aussi ces quelques descentes sur des pistes de VTT (particulièrement celle qui précède le premier ravito), qui sont des moments de bonheur total.
Et je soulignerai aussi la très grande qualité du balisage. Il faut vraiment le faire exprès pour se perdre alors même qu’il y a de nombreux parcours, parfois entremêlés, et des tours et détours que j’ai bien montrés. On notera d’ailleurs le grand soin pris à faire en sorte que, même lorsqu’on passe à 50-100m d’une autre section du parcours, on n’en aperçoive jamais le balisage. Je retiens aussi, pour la proposer à mes acolytes des Rois Maudits, la technique utilisée pour baliser les intersections alors qu’on n’utilise que des drapeaux (strictement les mêmes drapeaux roses qu’au TRM, d’ailleurs) : il suffit de mettre juste trois drapeaux alignés dans le sens de la branche à faire prendre aux coureurs, plus un drapeau de confirmation 10-20m plus loin et ça a toujours suffi.
Un mot de fin, bien sûr, pour « ma team » de choc. Même si Elisabeth avait oublié son célèbre tee-shirt « Mounette super-suiveuse / Team bubulle », ils formaient une bien belle équipe, avec Jean-Baptiste, mon demi-québécois. Le réveil à 1h30 du matin, c’est quand même de l’altruisme au carré, non ? Et les longues attentes à certains ravitos (1h30 au P5 à 5h du matin !), et cette magnifique surprise au chemin Baird, où je ne les attendais pas. Les ultras, c’est aussi pour eux. Et je suis un peu fier aussi d’avoir pu faire suivre une de mes courses à mon JB.
Et, surtout, toute cette région du Québec est totalement magnifique, surtout si vous avez la chance d’y arriver pile au moment de cette « saison des couleurs » si particulière. Combiner cette course avec un séjour de quelques jours dans la région, comme nous l’avons fait, est un excellent choix et, qui plus est, très accessible (1 heure seulement de Montréal).
Allez, on va donc conclure avec, pour faire plaisir à JB, ce qui est pour nous le symbole du Québec (en fait, surtout de Montréal), bien plus que la poutine ou le sirop d’érab’ :
On n’en n’a pas vu un sur toute la course ! Cela devait être le seul jour de la semaine où ça s’est produit.
8 commentaires
Commentaire de banditblue29 posté le 20-10-2019 à 22:10:07
Bravo Bubulle :-)! Merci pour le récit et les photos avec les belles couleurs ;-).
Bonne récup' pré-LPF
Commentaire de Arclz73 posté le 20-10-2019 à 22:16:57
Tout lu !
Merci pour ce récit très fourni qui explique très bien le parcours.
On s'y voit ! Enfin à te suivre !
Belle course en tout cas, et avec le fiston qui suit ça donne des ailes.
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 23-10-2019 à 19:05:46
Bravo, ça c'est du récit on en a pour son argent ! 11h23, c'est presque de la course, je te croyais randonneur ?
Commentaire de catcityrunner posté le 23-10-2019 à 21:51:06
Sympa le récit, on se prend au jeu de suivre les circonvolutions du parcours (et on voit que c'est long). Belles photos et belle météo !
Commentaire de Runphil60 posté le 25-10-2019 à 13:40:24
Merci Bubulle pour ton récit, j’ai un vague souvenir d’être aller au lac Bromont, mais je n’en ai pas vu autant !
Mon récit va arriver avec le trail du grand duc, plus au nord !
Mon oncle de la bas me disait , à Montréal il y a plus de cônes que d’habitants ;-)
Commentaire de Cheville de Miel posté le 31-10-2019 à 07:54:34
J'ai presque faillit le louper! Honte à moi!
Entre ton CR et les vidéos de zinzin, bah ça donne bien envie d'aller faire un tour chez les cousins avec la petit famille, bon si ça tombe pendant un Ultra, je me sentirais obligé ;-)
Commentaire de bobman38 posté le 04-11-2021 à 00:41:06
dire que le bubulle de kikourou était au BU en 2019 ! Je suis un grenoblois exilé au québec depuis quelques années, et je suivais pas mal kikourou, moins depuis que je suis au québec. Et bref j'ai couru également le BU80 cette année là :)
Tu reviens quand ? ;)
A+ !
Commentaire de bubulle posté le 04-11-2021 à 05:51:50
Pas avant 2022 je pense. Ce n'est pas déterminé. Cette année c'est notre fils qui vient.... On ne l'a pas vu justement depuis Bromont et ces vacances
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