L'auteur : xsbgv
La course : L'Echappée Belle - Intégrale - 149 km
Date : 23/8/2019
Lieu : Vizille (Isère)
Affichage : 3265 vues
Distance : 149km
Matos : Obligatoire!
des mélanges de graines
un peu d'eau mélangée avec de la poudre de perlimpin puis beaucoup de flotte
Objectif : Terminer
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Cette Echappée commence en 2018, après avoir partagé des moments d’exception sur cette même Intégrale avec Benman et Ewi… Il faut dire que j’avais un peu (beaucoup…) poussé à la roue pour aller jouer dans le massif de Belledonne. Le tout après avoir fini en 2017 un premier ultra (TDS) avec Benman (cf. récit de Benman). Tout le résumé de Kikourou : permettre de magnifiques rencontres.
Une fois bouclé l’Intégrale « version enfants » de 2018, on se cherche un nouveau défi à partager. On statue finalement pour le tour de piste chamoniard : Ewi nous abandonne en se tournant vers la TDS nouvelle formule.
Raté : Benman est tiré (au sort…). Pas moi. Pas le temps de souffler ni de se retourner. Suite à la disparition du calendrier de l’UT4M, l’EB est le seul ultra fin août. Mais il se remplit en quelques heures.
Encore raté !... Je m’inscris sur liste d’attente. Et on part dans d’autres projets… La MH100 en juillet nous permettra de se retrouver tous les 3 en cochant la case ultra. Plus quelques autres courses. Je finis de me persuader que 2019 n’est pas mon année : une succession d’obligations personnelles m’obligent à retourner aux Allobroges (alors que ma première participation en 18 était la première année du parcours –il change tous les 2 ans… ).
En avril la réponse de l’orga EB me dissuade de me faire des illusions : « vu ta position il y a peu de chances… ». Passons. On valide des vacances familiales en Cornouailles, destination cochée depuis plusieurs années. Et l’échange franco-allemand de mon fils aîné nous oblige, pour raisons pratiques, à planifier un séjour à Oléron plutôt qu’à la montagne.
Arrive juillet : top départ du pèlerinage kikouresque à la MH. Pas de chance : alerte orage. Le préfet annule la course. Environ 50km : une demi MH… Ensuite : direction plate-land…
Vous la voyez venir la boulette ?... 0 D+ de planifié et d’effectué depuis la « demi » MH. Un plan d’entraînement respecté au poil de cul près, généreusement arrosé de bières, vins et huîtres…
Arrive le message de l’EB : « bonne nouvelle, tu es finalement repêché !... ».
Ben ouais, mais on est le 6 août… je fais quoi maintenant ?... je me tourne les doigts pendant 48 heures… et finis par dégainer la CB le 8 : « Allô ?... Benman... j’ai cliqu2 ». Il faut dire que ce haut dignitaire de la sphère Kikou n’est pas étranger à ma décision. Je résume l’échange :
Autant dire que le 23 août je suis remonté comme un coucou. La confiance à bloc. Après une préparation aussi minutieuse et avoir peaufiné autant de détails, que peut-il m’arriver ?... Seule vraie bonne nouvelle : la météo qui annonce un temps de carte postale, ce que je préfère nettement au brouillard, pluie et neige de l’année précédente.
Côté Kikou c’est la même fête qu’à la MH. Près de 70 Kivaoùs au total des 3 courses, dont 45 sur l’Intégrale. Je covoiture Jano de Chambéry à Aiguebelle. On croise bipbip73 en allant aux dossards, puis direction le parc pour la séance de yoga trustée aussi par des Kikous : entre autres JuCB, en plus de l’organisatrice de la séance (Elena), et du co-organisateur Vik. Je retrouve ensuite Katman qui prend le départ avec Patrice, un ami.
A Vizille, je taille une bavette avec Katman et Patrice autour du petit déjeuner. François d’Haene me salue de loin sur la ligne de départ... Gestion, gestion, gestion… Puis l’ultime avertissement : environ 50% d’abandons… Je regarde mes voisins et leur glisse d’une voix feutrée : « c’est pour vous les gars… ». Ça ne les fait pas rire…
Pan : c’est parti. Au bout de 500 mètres, je transpire abondamment. Vais pas pouvoir continuer longtemps à ce rythme. Début de la longue montée jusqu’à Arselle. Puis la Pra. Puis la Croix de Belledonne. 30 kilomètres en quelques sortes… Vu la précision du roadbook on ne peut pas dire qu’on n’est pas prévenu. Mon départ prudent paye bien : je me fais doubler régulièrement (Pierrick_07130, avec qui on discute un moment), puis Jano à Arselle d’où on repart ensemble. Toute la montée je découvre de magnifiques paysages dont on avait été sevré l’année dernière par le brouillard : réguliers arrêts photos puis reprise du pas et accélération dès que ça descend.
Parti du fond du peloton, je grappille doucement, pas d’affolement, c’est encore long : 291ème à Arselle, 254 à la Pra, 260 au point culminant, 264 à Jean Collet, 229 au Habert, 220 au Pleynet.
Jean Collet est toujours un aussi bon remontant comme ravito. Posé à flanc de montagne, l’emplacement est magnifique et la vue exceptionnelle. Rien que pour ça… Mais en plus c’est à chaque fois un lieu de rendez-vous Kikou. L’année dernière en vrac : Bubulle, DavidSMFC, Loiseau, petit franck…Cette année : môssieur Arclusaz ! Brève histoire du temps : ça fait un an qu’on se court après, qu’on correspond et qu’on stravaïse. J’étais alors parti avec mon Armytek achetée l’hiver précédent équipée de ses 3 batteries, mais sans chargeur (!!!)… A Lyon où je retrouvais Benman et Ewi : j’avouais mon amateurisme… Pas de problème petit scarabée : on va appeler Arclu pour qu’il te prête son chargeur… Le dit Arclu, qui ne me connaissait ni des lèvres ni des dents (euh… bref), décroche et donne le feu vert… La magie de Kikourou a encore opéré : 2 êtres qui vivaient jusque-là dans l’ignorance l’un de l’autre hormis un pseudo viennent de s’échanger leur consentement par câble interposé.
Nous voilà donc dans les bras l’un de l’autre à Jean Collet :
On rattrape donc le temps perdu à se raconter nos vies et nos misères… Non en réalité. Mais tellement content quand même de se croiser enfin « en vrai ». Même si j’hésite à briser ses retrouvailles familiales avec bipbip73… Pas grave : pour fêter ça, je débouche un tube de Nok que je partage justement avec bipbip… Quelle joie décidément cette course entre Kikous ! On se nok les pieds de concert, on fond sur le buffet pour se restaurer (enfin dans l’ordre inverse). Une soupe, et c’est reparti !
Direction le Habert via l’inoubliable Col de la Mine de Fer et la Brèche Fendue… On continue le régime cailloux garanti sans sel. Je retrouve Arclu, parti devant pour faire 500 mètres avec bipbip, au… Col ! Après 2,5 km donc… Quel comique. Il m’accueille avec un autre Kikou (Fildar), les bénévoles et 2 bouquetins. Sympa non ? Je continue dare dare, car comme ils me rappellent avec un sourire narquois : « file… il te reste encore un petit chantier de 100 km… ». Beuh…
Le reste s’enchaîne pas trop mal. Au Habert, le ravito light se transforme en ravito rapide : très peu de solides et uniquement à boire… Donc je bois et remplis puis repars… Non sans m’être délesté d’une production personnelle.
Miracle de la télépathie ou hasard de la digestion : ce temps mis à profit pour mon transit me permet de retrouver mon assistant de choc, Benman. Rayonnant comme d’habitude, et quelque peu transpirant. Faut dire qu’il a mis les gaz, parti de Lyon après le taf, avec comme objectif de me « pointer » au Habert. On se reconnaît, on se shake et on se salue. La boîte à mots reprend là où on l’avait laissée, jamais à court d’idées pour discuter quand on grimpe ou descend ensemble.
Après 11H45 de course, je suis content de passer un moment avec un visage connu, d’autant plus en découvrant ce qu’est cette vacherie de Col de l’Aigleton. Ce passage fait partie des 3 évitements du parcours 2018 du fait des conditions météo (avec la Croix de Belledonne et le Morétan). Il démarre dré dans le pentu, ça on a l’habitude. 550 D+ sur 2,5km quand même… Mais surtout il finit avec un p… de coup de cul… En fin de journée ma patience, mon humour, tout s’effrite. J’apprécie moyen. D’autant que Benman est parti comme un pet de lapin… Je râle et m’accroche pour le suivre. J’en chie des ronds de chapeaux, je serre les dents en particulier sur le dernier ressaut. Ouf ! je passe sous l’arche de Noé et abandonne mon ami qui doit repartir encourager d’autres Kikous, mais aussi (et surtout) redescendre récupérer sa voiture. On se retrouve au Pleynet dans 14km.
Je connais la suite et donc enchaîne : le dépôt de bus dans la montée au col de la Vache. Le chaos rocheux est toujours aussi incroyable, à la différence près que le beau ciel nous donne plus longtemps de la lumière (au couchant… avec des couleurs magnifiques), et surtout nous permet de faire la montée sur des roches sèches… Double avantage et non des moindres, quand je me remémore le passage au col il y a un an dans un tonnerre de vent, pluie, neige, grésil ou que sais-je encore. Du coup on descend la Vieille à sec : cool ! C’est déjà assez trapu comme ça, sans avoir à gérer des points d’appuis glissants sur les cailloux qui sont partout : devant, derrière, à droite, à gauche.
La suite du parcours se fait dans la pénombre grandissante, bien que j’ai espéré un moment pouvoir arriver au Pleynet sans la frontale. Arrivé aux lacs, je reconnais la voix chantante de bipbip… Joie ! Le rapprochement de la communauté Kikou est en marche. La dernière partie qui consiste à contourner la vallée par une piste forestière pour rallier le Pleynet est tout simplement… longue ? D’autant que, comme toutes ces arrivées de nuit au ravitaillement : tu le vois et l’entends trèèèès longtemps avant d’y être.
Je finis par fouler les pistes de la station. Et qui vient à ma rencontre ?... « Ze » chaussettes jaunes. Benman est dans la place !
On franchit triomphalement l’arche d’entrée à la base vie. Et là commence le plus incroyable ravito de ma vie. Benoît part devant chercher mon sac et me rejoint à la douche : il n’y a personne. Profitons-en. Je me dessape et file me rincer. Bipbip est à côté : on est inséparables…
Sitôt terminé, je suis rhabillé en 2 temps 3 mouvements, « mon ami Ben » range, tri, sépare… On file tous les 3 au resto. Assiette de pâtes me voilà ! On commande et on va s’assoir. Il faut chaud. Très chaud. Trop chaud… Je transpire gras. Je décide d’enlever ma veste (pour être mieux à mon aise…). Pas la bonne solution. Je me lève pour aller aux toilettes. Non plus la bonne solution. Je reviens m’assoir. Ça ne va décidément pas très bien, d’autant que je sens monter une sensation plus vécue depuis une paire d’années. Mais là… Rideau !
…
Je rouvre les yeux. Je reconnais Benman et bipbip : « les gars, je crois que je me suis endormi ! ». Zont pas l’air convaincus.
Un truc bizarre traîne dans mon angle de vision : des tâches jaunâtres sur ma manche gauche ?... Je réalise que ça ressemble à des pâtes. Et là le cerveau finit de se rebrancher : je viens de me faire un vomito… Le cerveau finit de reconstruire la réalité, quand je comprends que je suis allongé dans un transat alors que dans la dernière image imprimée j’étais assis à table devant eux.
Conclusion : je suis tombé dans les pommes. Je tourne la tête, la gérante du resto me regarde d’un air atterré. Sur ces entrefaites arrive un jeune homme qui se présente : médecin de course…
Verdict : 7. J’avais bien l’impression de me sentir un peu faiblard…
Il est 23h et quelques. La barrière horaire est à 4h : j’ai un peu de marge… On discute le bout de gras sur ma tension habituelle, la vie, la montagne, la course… J’ai envie de dormir.
Alors je me paye une sieste monumentale. Coupée régulièrement par le doc qui me dit qu’il faut boire… et reboire… J’émerge aux environs de 3 heures. Résultat : tension remontée à 12/8.
Je tourne la tête. Mon fidèle assistant est là… Il a patienté tout ce temps pour s’assurer que je retrouve un état normal. Je me lève doucement. J’y vais ? J’y vais pas ? Au fond de moi j’entends la petite chanson qui me murmure perplexe : « tout ça pour rien ?... ».
Après quelques hésitations… je me décide. D’autres arguments finissent de me convaincre : le départ après le Pleynet est en descente avant d’attaquer la montée de la montagne de Tigneux (à peu près 1 KV !). Conclusion : quel risque à essayer ? Par contre ne pas traîner. Il est 3h20. Je finis de me préparer : rhabiller, remplir les flasques, remettre droit le cerveau. Pendant que Benman se prépare aussi. Bon l’attente avait été tellement longue qu’il s’était rhabillé en jean (tu crois qu’il ne me voyait pas repartir ?). Casse la tienne comme dirait Béru : il décide de repartir avec moi :
On reprend la route. La descente s’avère facile. Arrivé à Fond de France on amorce la montée à la Valloire. Et là ça change. Mais ça passe. Arrivés à mi-chemin, demi-tour du courageux accompagnateur. Sans doute rassuré par mon état, il retourne sur ses pas et m’abandonne à ma fin de nuit noire. Je finis la montée et me laisse porter. Je ne sais pas si le flow est revenu, mais ça roulotte gentiment.
Evidemment l’effet sieste au Pleynet a payé sur le compteur de places : pointé à la base vie à la 220ème, j’arrive au Gleyzin en 336ème. Je grignote, je bois de la soupe, je re-grignote. Et contemple paisiblement entre 2 tranches de saucisson les premiers missiles du 85 qui rentrent et ressortent illico du ravito. Y a un problème les gars ?...
Je repars aussi, pas tout à fait au même rythme. Sachant le morceau qui nous attend : le Morétan. Je suis prudent. On va quand même manger 1400D+ d’ici le prochain ravito.
La première partie de la montée jusqu’au refuge de l’Oule passe bien. Le pointage me le confirmera : j’ai repris 48 places. Le soleil a réapparu pour ne pas faire encore de la figuration aujourd’hui. Au refuge de l’Oule je contrôle si tout est en place… Ok : pas d’excuse pour abandonner. Je me déhanche pour essayer de voir par où on va passer. Tellement pentu et tordu le parcours que je n’arrive pas à voir où monte la file de coureurs qui me précède. Je repars.
Je prends un éclat sévère dans la montée au Col… Je fais du surplace, je déguste, je morfle, je patine, je praline : mais qu’est-ce que je fous là ?... Les 85 me dépassent en nombre, quelques 145 aussi : « Père Dodu : j’en peux plus ! »...
Mais ce qui devait arriver arrive : le Col du Morétan. On vient de déguster le plat de résistance de l’Intégrale avec cette grimpette. Je frôle l’indigestion. La descente est aventureuse, avec les mains courantes sur le névé pour ne pas partir en vrille. Je tente leur usage. Bof. Alors je tente aussi la descente sur la neige. Debout. Puis assis. Pas trouvé la bonne formule.
A Périoule, je me pose. Toujours pas très faim. A défaut je refais le plein des réservoirs. Puis vais m’allonger sous la tente de repos. Pas le Sofitel, mais je compose. Quand je rouvre les yeux, mon voisin me confirme que je ronfle. Lui se voit abandonner au prochain ravito à Super Collet : j’essaye mollement de le convaincre qu’avoir fait tout ce chemin… Oui mais non : je ne prends plus de plaisir, et bla bla bla. Sa tête est déjà à la maison : je comprends qu’il n’y a rien à faire.
Bien sûr que sur des courses de cette envergure il y a des moments où tu ne prends aucun plaisir. Il faut le savoir avant de partir. De même qu’il faut savoir que tu passeras par des moments où tu as la tête au fond du seau. Et que la magie du corps humain fait que la machine finit par repartir. Il faut vraiment la pousser longtemps pour flancher définitivement. Je ne vais pas faire l’affront de comparer un ultra avec l’expérience des déportés. Mais quand on a lu le « Rapport Pilecki » (incroyable lecture !), on comprend la somme de souffrances que le corps humain peut endurer. Alors banzaï : il fait beau, on est dans des paysages magnifiques, en bonne santé, entouré de bénévoles en or qui nous chouchoutent. Et puis il y a une cloche qui attend d’être timbrée à Aiguebelle.
Je me redresse : c’est reparti. On va refaire le combo « descente/montée ». Petit ravito liquide avant d’entamer la méchante montée au refuge Pierre du Carre. En plein soleil. Directe. 550D+ sur 3km. Rien à dire : c’est du brutal ! J’en bave de nouveau un bon moment… Seule « consolation » : je ne suis pas le seul. Tout le monde autour de moi geint et se plaint.
Enfin : la délivrance. On arrive sur le replat, quoique long, qui précède l’arrivée à la seconde base vie de Super Collet. Et je suis tout de suite ébloui aux yeux et au cœur par une lumière intense : des chaussettes jaunes irradient la station de tout leur éclat. On parcourt ensemble les derniers hectomètres. Et je pointe un ravito de plus.
Quand je repense à mon état il y a 18 heures au Pleynet… Plus que Benman, c’est un véritable camp de base Kikou que je retrouve ici : Spir et sa super famille suiveuse, bipbip (qui m’apprend avoir lâché au Gleyzin… merci pour ces nouveaux excellents moments passés ensemble), Albacor38, Katman. Benoît va et vient pour m’apporter à manger. Il déballe surtout son super sac d’assistance : M&Ms, compotes, entre autres. J’alterne avec soupe, fromage et saucisson.
J’ai quand même l’impression qu’il faut que je me refasse la cerise plus en profondeur. La BH me le permet : je file à la tente me faire masser. Après 15 minutes d’attente, et autant de pressurage dans tous les sens, je retourne au camp de base. Presque à neuf. Je finis de refaire les niveaux, et me décide à décoller. C’est qu’il reste presque 50 km…
La portion suivante passe bien. La descente : RAS. Arrivé à la passerelle du Bens, je m’extasie sur la belle réalisation de l’association Echappée Belle et la photographie sous toutes les coutures.
La remontée qui suit me laisse peu de souvenirs. Il faut dire aussi que j’ai la caractéristique de très mal imprimer les parcours que je fais. D’où sans doute ma tendance à doubler mes participations (EB, Pastourelle, Serre Che Trail, Allobroges…). Entre mes reconnaissances inexistantes et mon peu d’analyse des profils avant un départ, plus mon petit cerveau que je débranche facilement en course : le résultat est que je peux oublier des portions complètes d’un tracé ! Tout ce dont je me souviens, c’est que la Team Brignais campe ici. Je caresse l’espoir d’enfin faire leur connaissance cette année, le froid, la pluie et le brouillard, tous inexistants ne devraient pas les avoir chassés.
En effet, quand j’arrive sur place, je suis accueilli par un magique « Salut Xavier ! ». Je me dis immédiatement ça y est : la mythique casquette rouge a fait son effet… Ah ouais, tu m’as reconnu ?... Kikou aussi, enchanté, bien sûr je suis dans le domaine Brignais ici…
Et là suit l’annonce de mon numéro de dossard. Caramba : je réalise que mon prénom a été lu et non pas deviné à partir de mon pseudo de polonais dyslexique. Quand je vous disais que je débranche le cerveau…
On fait un point rapide sur les dernières actus et je reprends la route. Il me faut rejoindre l’avant-dernier ravito de Val Pelouse alors qu’une sensation de ras-le-bol commence à m’étreindre. On se suit en file indienne sur ce sentier un peu étroit, quand soudain un cerf déboule face à moi. Tiens, ils portent des chaussettes jaunes cette année les cerfs ? Je relève la tête : Benman me fait face, chargé d’un sac à dos d’où dépassent des morceaux de bois. Je me souviens qu’il a promis de remonter de quoi alimenter le feu de la team Brignais… Dont acte. Je le laisse à son devoir, je sais qu’il me rattrapera.
J’avance difficilement à ce stade de la course. Les derniers kilomètres avant la pause sont durs. Ma tête commence à faire un refus d’obstacle et mes yeux se ferment. La seconde nuit entame son travail de sape. Je redécouvre de loin les grosses lumières blanches de Val Pelouse (sais pas pourquoi mais un des détails qui me restaient de l’année dernière). Comme présumé, Benman m’a repris avant le ravito. Sitôt bipé, je lui dis que je vais dormir. J’en peux plus. Nauséeux, pas de faim. Comme d’ailleurs souvent tout au long de la course durant laquelle je me suis peu alimenté.
Il ne se démonte pas : « va dans ma voiture… j’ai tout ce qu’il faut : matelas, sac de couchage ». Seul oubli de ce généreux Benoît : mon état de crasse qui ravage immédiatement le drap du matelas. On programme le réveil dans 30 minutes. Je me réveille encore plus comateux. J’ai de la marge ? Oui… Ok : je retourne voir Alice dans la foulée. Jusqu’au réveil obligatoire pour repartir avant la BH. Je me sens toujours en vrac. Debout, je remets mon habit de lumière, pour en découdre avec la fin du parcours. Mais je me sens incapable de repartir en réalité. Les nausées sont bien là, je vais voir du côté du fossé où un spasme me saisit. Rien ne sort. Cette fois, ce n’est pas la chute de tension mais la somme de fatigue, de ras-le-bol et de sensation de nausées qui commencent à me faire envisager de jeter l’éponge. Sachant qu’il reste encore une trentaine de kilomètres : comment vais-je pouvoir boucler ça alors que j’ai à nouveau la tête au fond du seau ? C’est décidé, je rends le dossard. Benoît, merci pour tout.
En disant ces mots, je me révolte intérieurement contre cet abandon alors que Benman a enquillé 2 nuits blanches à cause moi… à une semaine de son intégrale chamoniarde. Mais le corps crie au secours !
Je remonte la mort dans l’âme, en laissant le sac à dos dans la voiture, pour me faciliter l’abandon. Je rentre dans la tente. Il reste environ 10 minutes avant la BH. Certains repartent, d’autres en écrasent encore sur un lit de camp. Je regarde Benman, les mains sur le dossard. Je me résigne.
2 minutes après, me voilà harnaché. Le speaker annonce 4 minutes avant la fermeture. Je me casse. Une nouvelle fois, Benoît m’emboîte le pas. Il prétexte vouloir profiter du ciel étoilé, magnifique faut reconnaître. On passe aussi un excellent moment à se remémorer le même ravito 1 an avant, et le merveilleux épisode de la Castafiore, du gant, etc.
C’est vrai que c’est beau à ce moment-là la montagne. On en prend plein les mirettes. La voie lactée nous tend les bras. E.T. nous appelle. A moins que ce ne soit le Glaude ? Un autre genre…
On se sépare sur les crêtes : je continue seul en se donnant rendez-vous à Aiguebelle. Benoît me racontera le lendemain en avoir profité pour s’allonger face à l’infini et profiter de ces instants uniques où tu es seul au monde et en comprenant pourquoi tu aimes autant la montagne.
C’est la fin du parcours : je me laisse aller. Plus de difficultés. J’avance. Je commence à croire que je vais finir cette belle échappée. Même si je sais que cette année il n’y aura pas de ravito sauvage au sommet du col de la Perche : Vik a pris un dossard (et je ne le sais pas encore mais il a déjà fait sonner la cloche). Pas de viande à goinfrer ni de mélèzine à siroter. Non plus de ravito bière-génépi à Montgilbert puisque JuCB a aussi pris un dossard. Pas grave. En avant. Le Grand Chat nous laisse voir le panorama cette année, sympa. La longue descente jusqu’au Pontet passe bien. Aurais-je retrouvé le mode zombie qui m’habitait l’année dernière à ce stade de la course ?
Arrivé au Pontet : je fais un passage éclair. Soupe, fromage et saucisson : rebelote. Plus un café. Et on repart. Ne plus s’arrêter faute de quoi…
Je passe devant la yourte qui avait abrité un dernier sommeil l’année dernière. Sûr de moi. Mouais… Allez : plus qu’une bosse ! Mais plus dure que dans mon souvenir. Arrivé à Montgilbert, j’enquille directement pour en finir. Longue glissade vers Aiguebelle. Là encore, toujours plus long que dans les souvenirs. Le retour à la civilisation que je juge au fait de fouler le bitume se fait désirer. Enfin…
Qui va là ?... Les chaussettes jaunes vous l’avez deviné. Il est là. Celui grâce à qui je vais faire sonner la cloche à Aiguebelle. Celui qui m’a poussé, porté, aidé, soutenu depuis environ 40 heures. Celui qui a affiné une prépa tip-top pour l’UTMB en enchaînant 2 nuits blanches une semaine avant le départ !
Les derniers hectomètres sont pénibles, mais l’euphorie porte toujours et finit de compenser l’écrasante fatigue qui m’envahit. Entrée dans Aiguebelle. Parking. Traversée de la route. Gymnase. Parc. Et la cloche apparaît dans la ligne de mire.
Ding dong.
Merci Benoît. Tu m’as fait rater mon abandon !
24 commentaires
Commentaire de L'Dingo posté le 24-09-2019 à 08:42:25
C'est un très beau récit qui c'est étonnant se suffit à lui même, sans photos, videos, et même sans jeux de mots alambiqués.
Simplement le déroulé d'un périple montagnard , qui se révèle être aussi une aventure intérieure avec ses luttes, ses dépressions et ses euphories.
Les ressources où tu vas puiser ne sont pas seulement physiques et mentales mais aussi dans un truc qu'on appelle la solidarité, la camaraderie et même l'amitié (avec Benman ) de nombre de kikous qui sont rencontrés tout au long du parcours.
J'ai beaucoup aimé, surement parce que ces moments je les ai si souvent vécus par le passé.
Te reste à enquiller sur le partage d'un bivouac sauvage une prochaine fois ;-)
Commentaire de xsbgv posté le 24-09-2019 à 09:01:15
Merci. Tu as raison pour les photos: j'en ai à rajouter... je ne pensais pas qu'il se mettait en ligne directement... je vais essayer de rattraper le coup.
Commentaire de L'Dingo posté le 24-09-2019 à 13:49:48
C'est vrai qu'ils sont forts à l'association l'Echapée Belle pour construire une passerelle verticale comme ça !!!
Et réussir à l'emprunter c'est encore plus fort :-)))
Commentaire de xsbgv posté le 24-09-2019 à 14:32:28
rhôôô… c'est malin… :lol:
photo modifiée!
Commentaire de Cheville de Miel posté le 24-09-2019 à 10:11:34
Pourquoi c'est toujours quand on a aucune chance de finir qu'on y arrive toujours?
Beau CR, et avec Benman à tes côtés il ne pouvait rien t'arriver!
Commentaire de xsbgv posté le 25-09-2019 à 22:05:34
Merci Rémi. "Sur un malentendu..." comme disait l'autre ;-)
Pour les chaussettes jaunes je confirme: elles rendent intouchable! On avait déjà eu récemment la preuve aux Allobroges... à bientôt
Commentaire de jano posté le 24-09-2019 à 14:35:18
bravo, celle là, fallait la finir...merci pour le bout de chemin ensemble vendredi matin et surtout pour m'avoir voituré jeudi AM, ça m'a fait gagné un peu de temps et toi perdre pas mal, désolé.
Commentaire de xsbgv posté le 25-09-2019 à 22:07:11
Moins de mérite quand on court avec la communauté qui te pousse... même en course tu ne te sens jamais seul... comme de se retrouver de loin en loin entre kikous pour faire un bout de chemin... kenavo!
Commentaire de Arclz73 posté le 24-09-2019 à 16:48:03
Je crois que la prochaine fois que je vais enfiler mes chaussettes je vais penser à Benman maintenant xD (je ne le connais absolument pas mais j'ai aussi des chaussettes jaunes...)
Commentaire de xsbgv posté le 25-09-2019 à 22:08:19
Oui... souviens-toi la prochane fois: tu seras ébloui après les avoir enfilées et tu iras plus loin... promis!
Commentaire de Shoto posté le 24-09-2019 à 17:47:00
Bravo respect .... il fallait être sacrément culotté et courageux pour la finir celle-là !
Commentaire de xsbgv posté le 25-09-2019 à 22:13:57
Merci. Courageux je ne sais pas... inconscient?... sans doute un peu... même si à aucun moment je n'ai complètement débranché de ma tête l'envie de rallier l'arrivée... et pourtant j'en suis passé vraiment pas loin cette fois...
Commentaire de Benman posté le 24-09-2019 à 23:41:53
Je suis sacrément fier de ce que tu as fait.
Revenir deux fois de nulle part pour avoir le courage de repartir pour finir le truc alors que tu l'avais déjà fait l'an dernier... chapeau.
Et puis je suis sacrément fier de te connaître et partager dtois ces moments ensemble... c'est chouette.
Et puis je suis sacrément fier qu'avec Ewi on ait chacun bouclé notre ultra cette année.
Et puis je suis sacrément fier de ce beau récit que tu as pondu.
Et puis je suis juste sacrément fier de toi.
Commentaire de xsbgv posté le 25-09-2019 à 22:15:31
Simplement merci Benoît... surtout le compliment sur le récit venu d'une référence Kikou en la matière ;-)
Commentaire de Vik posté le 25-09-2019 à 10:37:50
et ben sacré aventure. désolé j'ai un peu rigolé sur ton passage vomito-sieste-tombage dans les pommes, mais ça devait être une drôle d'impression et pas des plus agréables !
bravo pour avoir pu apprécier les moments suivants et être allé sonner cette foutu cloche !
ps: je suis pas co-organisateur de la session Yoga, Enza s'en occupe très bien toute seule ;-)
Commentaire de xsbgv posté le 25-09-2019 à 22:26:02
Merci Vik. Ce genre d'aventures fait aussi des aléas d'un ultra. Et encore une fois ça te donne des ailes quand tu sais que tu ne cours pas seul, assisté par une personne mais aussi poussé par toute une communauté qui t'accompagne...
Je partage l'envie de rigoler... moi même après coup en revivant à la scène ;-)
Bien noté pour la séance.
Continue de bien profiter de la belle région du briançonnais...
Commentaire de Arclusaz posté le 01-10-2019 à 22:07:03
Quelle course et quel récit ! le passage avec les pâtes sur la manche est mythique. Et les pages d'amitié que vous avez écrites avec Benoit sont inoubliables. A la lecture, on sent vraiment que tu aimes ce sport : le côté sportif, les paysages et surtout les rencontres qu'il permet. Vraiment, on fait un beau sport. Bien content d'avoir enfin fait ta connaissance. A bientôt.
Commentaire de xsbgv posté le 01-10-2019 à 22:25:00
Merci Arclusaz... ça me touche... d'autant plus sincèrement que tout ce que tu as écrit est vrai! hormis les "pâtes mythiques"... je laisse les lecteurs en juger
à bientôt oui j'espère
Commentaire de Arclusaz posté le 01-10-2019 à 23:25:42
ah, au fait, le kikourou qui était avec moi au Col de la Mine de Fer, c'était Fildar.
Commentaire de xsbgv posté le 01-10-2019 à 23:33:24
merci... je fais la mise à jour...
Commentaire de Mazouth posté le 01-10-2019 à 23:03:49
Avec des pâtes plein les pattes, ce que tu as accompli m'épate !
Commentaire de xsbgv posté le 01-10-2019 à 23:31:38
Merci Mazouth... et pourtant même si je n'ai pas gardé toutes les pâtes j'en avais bien plein... bref... au plaisir de se croiser...
Commentaire de courotaf posté le 01-10-2019 à 23:27:32
Bravo Xavier, une sacrée tranche que tu as réalisé dans des conditions vraiment pas facile… Et ces moments partagés avec les kikous en général et Benman en particulier. Au plaisir de refaire un bout de chemin un de ces quatre ;-)
Commentaire de xsbgv posté le 01-10-2019 à 23:32:53
Merci Fred... j'y compte bien nous recroiser (même si les kms ne sont pas en faveur...)
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