L'auteur : cedtrail95
La course : Grand Raid Ventoux - 100 km
Date : 27/4/2019
Lieu : Gigondas (Vaucluse)
Affichage : 1239 vues
Distance : 100km
Objectif : Pas d'objectif
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Grand raid du Ventoux : un apéro et ça repart.
Ce samedi 27 avril 2019, j’ai couru les 100 km du Grand raid du Ventoux en 17 h 28 min et 49 sec pour terminer à la 100ème place au scratch sur 207 arrivants. C’est la première fois que je termine dans la première moitié du scratch d’une épreuve longue distance donc, ça me convient. Mais ce n’est pas là l’essentiel.
Ce Grand raid du Ventoux n’était pas à mon programme, mais cette année, c'est Runphil60 qui a fixé mon calendrier de début de saison (One&1 en duo début avril et Ventoux fin avril donc). Et j’ai bien fait de me laisser faire. Bon, je dois le reconnaître, je l’ai maudit entre la douzième et la quinzième heure.
J’ai apprécié cette épreuve pour son parcours, son organisation (à part le saucisson promis qui n’était pas sur les ravitaillements), l’expérience retirée de la gestion des trails longs, les rencontres et les paysages qui auraient pu être encore plus beaux avec un ciel plus dégagé (mais le corps lui a préféré ce ciel souvent voilé).
Tout commence le vendredi soir par le retrait des dossards à la cave coopérative de Gigondas avec une bouteille de vin offerte. Je retrouve Runphil et un de ses copains. Ils m’amènent déposer mes affaires à la chambre qu’ils ont louée sur Airbnb. La logeuse est d’accord pour que j’installe mon tapis de sol et mon duvet au pied de leur lit. Arrivé sur place, un panneau publicitaire sur l’activité de vente de toilette sèche de la logeuse me fait venir à l’esprit une série de solides préjugés… Avec un bon biais de confirmation, je ne verrai que ce qui vient les confirmer : huiles essentielles bio sur l’étagère, affiche sur la nourriture santé avec les fruits et légumes de saison, maison dont l’aménagement ne respire pas le consumérisme. Seules les fenêtres sont récentes, pour avoir un double vitrage isolant. Par contre, je crains de mourir à chaque fois que je touche un interrupteur aux normes électriques de l’époque où il n’y en avait pas. Bon, c’est gratuit (enfin, payé par ceux qui dorment dans un lit), ça à son charme, c’est l’esprit roots qui convient à mon squat de la chambre et la logeuse est sympa, elle accepte une personne de plus alors qu’elle va se faire réveiller au milieu de la nuit !
On se retrouve ensuite à 4 dans un resto à Gigondas où j’apprendrai que le copain de Runphil habite à côté de chez moi. On s’installe avec toto38 qui nous parle de sa recette de pommes de terre pour ultra postée sur Kikourou. Je verrai en vrai le lendemain ce joli sachet. Ça m’a l’air bien sympa, il faudra que j’essaye un jour.
Retour dans la chambre. Ah mince, j’ai oublié dans ma voiture une partie de mon petit déjeuner, il faut que je ressorte.
- « Philippe, il y a deux chats devant la porte qui veulent sortir, tu as eu des consignes, on peut les laisser sortir ? »
- « Non, je n’ai pas eu de consignes ».
- « Bon, je les laisse sortir alors ».
Je vais récupérer mon yaourt à la fraise que je retournerai demain sur un mélange de riz et de quinoa. C’est un test de petit déjeuner qui s’est avéré concluant.
Je m’endors un peu après 23h pour me réveiller un peu avant 23h50. Ensuite, je compte les minutes qui passent pour me lever à 2h10 du matin. Je suis coincé dans ce duvet, j’ai trop chaud, le parquet grince quand je bouge, j’ai mal partout avec la dureté du sol et je songe trop à la course.
A 3h30, c’est le départ de la navette pour le départ de la course à 5h. J’ai une heure pour fermer les yeux et me laisser bercer. Ce sera vain.
A 5h02, top départ après un rappel de l’organisation sur le fait qu’ils seront attentifs à l’équipement des coureurs au chalet Reynard avec les gants, le bonnet, le pantalon et la veste car la température ressentie en haut du Ventoux devrait être de moins 6°. Mince alors, pas de gants, ni de pantalon. Bon, pas de panique, apparemment, s’ils ne veulent pas stopper la moitié des coureurs, il faudra qu’ils soient moins exigeants. De fait, à l’heure où je passerai, à midi, il n’y aura aucun contrôle.
Le peloton des 250 coureurs s’étire gentiment et à l’entrée dans le premier single, il n’y a pas de bouchons. La première partie du parcours est roulante avec 200 D+ en 8 kilomètres. Cela permet de se mettre tranquillement en route et de faire défiler les premiers kilomètres. C’est toujours bon pour le moral. Ensuite, on prend 600 D+ en 8 km sur une montée globalement assez roulante. On n’a pas à s’employer à chaque pas. Cela fait partie de ce que j’ai apprécié, il n’y a pas de longue montée très raide ce qui fait que, même à mon niveau, dans les moments un peu plus dur, on arrive à marcher sans avoir l’impression de devoir tout donner à chaque pas.
Ensuite, on repart pour 14 km avec au total 600 D- et 500D+ ce qui donne un profil assez roulant. Comme depuis le début et jusqu’à la fin de la course, il y a plus de parties roulantes que de parties techniques et ces-dernières le sont suffisamment pour éviter la monotonie mais sans transformer la course en chantier. Par ailleurs, sur les chemins roulants, la variété des environnements, de la pente, de la nature des sols et la présence régulière de monotraces tournants empêchent l’ennui.
Après ces 30 premiers kilomètres, nous rejoignons le pied du Ventoux en franchissant une série de bosses. Tout cela s’effectue sur un terrain assez souple et peu usant. L’ascension du Ventoux démarre environ au 34ème kilomètre. Elle s’effectue en 3 parties. Toute la première partie se réalise sur un terrain largement boisé et ombragé. Néanmoins, je sors quand même la casquette car la chaleur monte. La ronde de la visière commence puisque je tourne la casquette en fonction de l’orientation du soleil compte tenu d’une forte sensibilité. Heureusement qu’il n’y a pas trop de lacets ! Je croise quelques coureurs encore en manches longues ou avec une veste alors que je suis en tee-shirt depuis un bon moment. Au kilomètre 40, on redescend pendant 2 kilomètres sur une descente facile avant de reprendre l’ascension en direction du chalet Reynard. Jusqu’au chalet, l’ascension se fait dans les sous-bois. Après le ravitaillement, on est dans la partie minérale du Ventoux. Il n’y a plus d’arbre mais le chemin choisit est roulant. Il n’y a pas de marche en pierre ni de pierres instables, du moins à l’allure à laquelle je progresse.
Au kilomètre 50, on interrompt la montée par une bifurcation à droite en descente pour aller sur le versant nord du Ventoux. Les premiers lacets de la descente se font dans les pierres mais on retrouve des chemins plus tranquilles après quelques centaines de mètres. On suit un chemin à flanc de montagne pendant près de 4 km en alternant parties boisées et parties minérales dans des paysages très escarpés. On peut souvent courir mais il faut être vigilant à la pose des pieds car il y a quelques belles pierres, des cailloux et parfois des dévers sur un chemin qui n’est pas toujours très large.
Enfin, au kilomètre 55, on termine les 3 kilomètres d’ascension du Ventoux. Ainsi découpées en plusieurs parties, l’ascension du Ventoux se fait relativement bien. En haut, la tête dans le nuage et en plein vent, le ravitaillement est express. La descente se fait en deux parties. La première, de 4 km, s’effectue sur le versant sud avec un début où il faut être vigilant car on progresse dans les pierres. Je vais désormais évoluer dans un groupe assez étiré d’une petite dizaine de coureurs et l’on passera le restant de la course à se doubler au fil des regains de forme et des coups de moins bien. Après ces 4 premiers kilomètres de descente, on remonte très légèrement pour basculer sur le versant nord et rapidement retrouver le chemin que l’on emprunte pour monter le Ventoux lors du trail éponyme du mois de mars. Le chemin est agréable et très légèrement descendant, ceux qui ont les jambes peuvent probablement bien accélérer. Il ne devient plus raide et caillouteux que dans les derniers kilomètres mais les 10 kilomètres et 1000 D- qui amènent au kilomètre 72 finissent par me paraître interminables.
Après la descente du Ventoux, on attaque une courte montée et on se retrouve sur une ligne de crête. Celle-ci est constituée de dalles rocheuses en dévers. On aperçoit bien les dentelles de Montmirail qui viendront clôturer la course. Il faut manœuvrer pour poser les pieds.
La descente puis les quelques parties plates qui suivent, s’effectuent non loin du village de Buis les Baronnies que l’on peut requalifier de La Baronnie des Pyrales. Le traceur a voulu s’assurer que l’on ne passerait la course à regarder nos pieds et il s’est dit qu’un petit passage au milieu des pyrales descendant des buis à l’agonie nous forcerait à lever la tête pour les éviter. Mais à ce moment, on est en sous-bois, on ne voit pas grand-chose, je ne pense plus qu’à mes douleurs, en particulier à mon genou droit, à mon mal de ventre et à ne pas gober une pyrale. On passe le ravitaillement liquide du km 84 mais il n’y a plus rien alors que je suis au milieu du peloton. Bon, ce n’est pas grave, j’ai assez d’eau, mais du coup, je ne fais pas de pause. Ensuite, on repart pour une montée qui se termine dans un univers plutôt minéral. Je ne suis pas bien, je suis doublé par des coureurs plutôt couverts alors que j’ai trop chaud en short tee-shirt. Je me demande pourquoi je m’inflige ça. Cela fait maintenant 2h30 que Runphil m’a dit qu’il passait le km 80 et j’attends son sms d’arrivée qui permettra d’estimer l’heure de ma fin de course. A chaque minute qui passe, je me dis que j’ai encore de mauvais moments à passer. Enfin, le sms arrive, bravo Runphil.
Un ravitaillement arrive. Ma montre affiche 88 km. On me propose un tabouret pour m’assoir en m’avertissant qu’il est très instable, ça commence mal. Toutes les soudures ou presque ont cédé au fil des affaissements successifs de traileurs sur ce siège. Mais, une fois assis sur mon tabouret de proprioception, les bonnes nouvelles s’enchainent. Ma montre affiche le kilomètre 88 mais le ravitaillement est au km 90. Je viens de gagner 2 kilomètres. On m’informe qu’il en reste 11 à faire et non 12, comme je le pensais au kilomètre 90. Je viens donc de gagner 3 kilomètres soit près de ¾ d’heure au rythme où j’avance depuis quelques minutes. Et puis, on me propose des cacahuètes mais des vrais (ou plutôt le contraire en fait), pas des trucs bio et cru mais des grillées et salées. Je me prends mon apéro, en fourre quelques-unes dans les poches du short et je repars. Tiens, bizarre, je me sens plus facile qu’il y a quelques minutes. Un coureur rentre sur moi et je me mets à accélérer et je parviens à tenir le rythme. Je me sens de plus en plus léger, le moral revient au beau fixe. Je suis shooté aux endorphines. Cette sensation ne me quittera plus jusqu’à la fin de la course. Dire que je ne voulais même pas prendre de doliprane pour soulager mon mal de tête car je ne trouvais pas ça éthique de réduire dans le même temps mes douleurs musculaires, que je me suis interdit d’emporter un tube de gel glaçant pour résister à mes coups de chaleur, et maintenant, je suis dans le même état qu’un coureur qui aurait pris un pot belge à son ravitaillement.
Les 270 D+ de l’ascension des dentelles se passe à bon rythme, y compris dans les passages les plus raides. Je reprends un à un tous les coureurs qui m’ont doublé depuis deux heures et qui étaient déjà repartis du ravitaillement du km 90 quand j’y suis arrivé. En haut des dentelles, j’envoie un SMS à Runphil pour lui dire que j’attaque la descente. Il soigne mon moral en me répondant : « Il y a encore au moins deux coups de cul avant l’arrivée ». Bon, ça va, j’ai une patate d’enfer bien installée. Je cours dans les faux plats montants. Je passe des coureurs que je n’avais pas vu jusque-là et j’entends l’un dire à l’autre, c’est un coureur du relai. Ca me motive pour en remettre une couche.
Et voilà, la ligne d’arrivée est franchie. C’est qui cette personne qui me tend un set de table. Ah, c’est un panneau écrit finisher pour une photo souvenir. Mais pourquoi voudrais-je d’une photo aussi affreuse ?
Runphil est revenu à la salle. Il me propose d’aller chercher ma croziflette. C’est bien volontiers. Je lui propose de boire ma bière, j’ai une heure de route à faire pour retourner sur Aix-en-Provence et après une quasi nuit blanche et 100 bornes, cela ne me paraît raisonnable de la boire. 3 heures plus tôt, je m’étais juré de bien réfléchir avant de m’engager dans mon prochain 100 km. Après mes deux dernières heures, mon objectif est de parvenir à déclencher l’état d’euphorie plus tôt.
1 commentaire
Commentaire de Runphil60 posté le 01-05-2019 à 10:37:44
Il est bien on récit Cédric, encore bravo pour ta course et ton récit , je n’ai pas forcément les mêmes passages de course en tête, mais comme tu le dis, vu la. Ires de du vainqueur, on peut beaucoup courir sur cette course avec quand même des passages techniques.
Content d’avoir partagé ces 3 courses (tu oublies Auffargis) avec toi même si là, on ne s’est pas trop parlé pendant la course !
Bonne recup
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