La Montagn’Hard est une course en montagne, et c’est une course dure… c’est écrit dessus ! Et cette année, la course fête ses 10 ans. Pour l’occasion Olivier l’organisateur a prévu un parcours exceptionnel, et encore plus dur. Au lieu des 105 km habituels, le grand parcours en fera plus de 130 et fera des incursions inédites en haute montagne… enfin c’est ce qui était prévu avant que les grosses quantités de neige tombées cet hiver et tardant à fondre obligent Olivier à renoncer à ces variantes et à en trouver d’autres pour garder le format exceptionnel de cette édition, celui pour lequel on s’est engagé (oui oui, je me suis engagé dans cette folie…) c’est-à-dire entre 130 et 140 km pour 11000 mD+.
De Saint-Nicolas-de-Véroce à Saint-Nicolas-de-Véroce en passant par Megève, le Prarion, le Mont Lachat, le Tricot, Tré-la-Tête, le Mont Joly, le Beaufortain en une succession de longues montées et descentes qui font la spécificité et la difficulté de l’épreuve. Le profil, en mode roadbook en 38h ressemble à ça :
Compte tenu de la longueur de cette édition 2018, le départ, traditionnellement donné le samedi à 5h00, est avancé à minuit. C’est pratique, ça évite d’avoir à prévoir un hébergement sur place pour le week-end… mais ça va faire deux nuits blanches en course !!
Le décor ainsi posé fait peur, surtout pour moi qui n’ai encore pas d’expérience en ultra distance montagneuse, mais c’est super motivant. Et bien évidemment le projet de finir cette Montagn’Hard a conditionné mon entrainement sur ce premier semestre, en essayant d’ajouter du travail de D+, de renforcement, du volume… mais au final les contraintes personnelles et professionnelles ont un peu pris le dessus et je n’ai pas pu en faire autant que je voulais. Je n’ai pas non plus réussi à caser un week-end choc. Seulement trois sorties à plus de 2000 mD+ : le Trail du Lac de Paladru, le Pilatrail et une virée au Sénépi (les vidéos en cliquant sur les liens).
La dernière semaine a été consacrée au repos, et à la grasse matinée vendredi, avant de retrouver Rémi à Bourgouin, puis Antoine en Chartreuse et de mettre le cap vers Saint-Nicolas-de-Véroce où nous arrivons en fin d’après-midi. Tout est encore très calme et on ne dirait vraiment pas qu’il va y avoir une course dans quelques heures. On retire donc nos dossards puis on va se mettre au chaud (oui parce qu’il fait un peu frais à Saint-Nicolas) au « Coin du Feu », où on retrouve William, pour papoter et boire des cafés en attendant que le temps s’écoule doucement. On a du mal à réaliser qu’il va falloir s’activer à minuit.
Kikouroù est dans la place |
Papotage, entrée dans le sas, happy birthday, briefing, 5 4 3 2 1 et c’est parti dans la nuit pour avaler d’entrée de jeu un bon 900 mD+ jusqu’à l’épaule du Joly.
Saint-Nicolas-de-Véroce - Les Plans : 21,8 km 1550 mD+ en 4h00
Cette première montée est donc plus qu’un échauffement elle est déjà longue et raide. Elle donne le ton du parcours. On reste groupé avec Antoine et Rémi, sans trop forcer, dans la bonne humeur. On sort des bois et on grimpe les raides pistes de ski. Quand je lève les yeux, pensant voir les étoiles, je ne vois qu’un serpentin lumineux qui monte jusque aux cieux… c’est beau, mais ça signifie surtout que la fin de la montée n’est pas pour tout de suite.
Au bout d'1h20 on bascule dans la descente histoire de dérouler un peu les gambettes. Antoine trouve d’ailleurs qu’on descend trop vite alors qu’avec Rémi on a l’impression d’y aller vraiment cool. C’est qu’il a de l’expérience l’Antoine, et que les descentes c’est ce qui fait le plus de mal sur un ultra. Bref, là on est quand même à l’aise. Jusqu’aux 2 km de goudron sur les hauteurs de Megève qui sont moins rigolos et où il faut prendre garde à ne pas trop courir.
A 2h15 on attaque la montée vers le Mont Joux sous un ciel aux mille étoiles. Et cette petite lune qui éclaire légèrement la nuit permettant de distinguer les sombres silhouettes des Aravis et des Fiz. Revenons-en à notre montée. William nous a rejoint (ou c’est nous qui l’avons rejoint je ne sais plus), puis raisonnablement il se laisse un peu distancer dans les parties les plus montantes. Moi aussi, quand ça monte bien je laisse Antoine et Rémi me distancer un peu puis je les rattrape sans forcer quand il y a des replats. Je sais que c’est un piège de vouloir rester avec des gars plus forts que soi, il vaut mieux que je prenne mon propre rythme, mais vu qu’ils y vont cool je préfère rester avec eux car plus on est de fous…
600 mD+ de plus dans la musette et nous revoici dans la vallée des Contamines sur une descente parfois bien raide, le truc traître qui oblige à jouer du cuissot alors qu’on aimerait bien dérouler gentiment !
Après 4 heures qui sont passées plutôt vite, nous arrivons aux Plans où le premier ravito a été installé. Nous finissons donc cette nouvelle boucle, qui est le plan B d’Olivier pour remplacer la portion de haute montagne qui a été annulée.
Etat des lieux au ravito :
- On a parcouru 22 km 1550 mD+ en 4h00.
- On a déjà un petit quart d’heure de retard sur le roadbook 37h de Christian. Pas grave mais bon.
- Christian, qui abandonne par prudence pour ménager son genou blessé, triste mais sage décision.
- J’ai la dalle et des noix de cajou et deux petits sandwichs tomme jambon cru me font le plus grand bien.
- Je rempli mes deux bidons que j’avais presque terminés, mais pas encore le troisième que j’ai pris pour plus tard, quand les ravitos seront espacés de plus de 4 heures.
- Je me trouve globalement un peu raide musculairement depuis le début, j’espère que ça va se dérouiller plus tard, mais je n’ai pas de super sensations. Peut-être l’effet du départ à minuit.
Les Plans - Les Toilles : 10,3 km 850 mD+ en 2h10
Après 10 minutes de pause on reprend le chemin « historique » de la course, en descente jusqu’à Bionnay, puis en longue montée jusqu’aux Plancerts. Comme d’hab je me laisse un peu distancer par mes deux compères dans les parties les plus raides, d’autant que je me trouve déjà un peu poussif en montée. Par contre là où j’ai de bonnes sensations, c’est dans les yeux ! Le jour se lève doucement sur les Aravis, puis les Fiz, et au détour d’un virage voici le Mont Joly qui nous salue.
Les Fiz au petit matin |
Vue sur le Mont Blanc depuis les Plancerts |
Re-sandwichs, re-remplissage des deux bidons, re-glouglou de Saint-Yorre, et ça repart après 10 minutes d’arrêt.
Les Toilles - Bionnassay : 11,4 km 850 mD+ : 2h25
Cette section c’est celle du Prarion, celle où le parcours devient encore plus beau… et encore plus dur ! Même si jusqu’au col de la Forclaz la montée reste assez facile, je laisse encore filer Antoine et Rémi devant. Puis après le col le sentier devient plus raide et plus technique, et là je commence vraiment à piocher. Antoine me conseille de bien boire et bien manger, ce que j’ai pourtant l’impression de faire mais peut-être pas assez, du coup. Bref, je prends mon rythme lent et je les laisse partir. Heureusement, la vue fait du bien tellement c’est beau.
Vue sur les Fiz |
Vue sur le Mont Blanc |
Au sommet c’est encore plus beau, je retrouve mes deux acolytes le temps d’une photo. Il parait que j’ai une salle tête d’ailleurs… faut dire que le Prarion m’aura un peu mis dans le dur ! Du coup cette fois on se sépare pour de bon et je descends doucement, tant bien que mal. Y a pas à dire je ne suis pas en forme et je commence même à me demander si je pourrais venir à bout de la longue section entre Bionnassay et Miage.
Ca cogite dans la descente mais de toute façon y a pas 36 possibilités, le plan c’est de bien me ravitailler à Bionnassay de repartir sans se poser de question et de faire le point à Miage. Si ça se trouve la forme va revenir (si ça se trouve…).
En bas de la descente je croise Christian, qui s’est mué en super-suiveur, puis Elisabeth, puis des ânes juste avant le ravito, voilà qui me redonne le sourire.
Il est 8h55, on a parcouru 43,5 km 3250 mD+.
Au ravito je retrouve le fameux combo tomme-jambon cru, des fruits secs, et bien sûr du carburant liquide pour cette fois remplir mes trois bidons.
Je pensais trainer un peu plus longtemps ici pour reprendre des forces, mais Antoine et Rémi repartent du ravito avec un argument qui me fait changer d’avis et repartir dans leur sillage (en prenant à manger dans les poches quand même pour la route) : plus on traîne ici alors qu’il fait encore frais, plus on va subir la chaleur sur la suite du parcours. Imparable.
Bionnassay - Miage : 18,7 km 1800 D+ : 5h05
Nous voici de nouveau sur une portion inédite du parcours, qui commence par la « petite » montée vers Bellevue. C’est une montée un peu plus courte que les autres, mais quand même, il faut se la faire. Pour moi en tout cas ça va un peu mieux. Le petit regain de forme post-ravito que j’espérais semble se produire. En haut je profite de la belle vue (normal) et je me jette tel un escargot au galop dans la descente, mais doucement hein, parce que ça fait un peu mal quand même.
Les belles vues... |
... de Bellevue |
A 10h20 je suis au pied d’une longue ascension, celle du Mont Lachat : 820 mD+. Et là je rame. Le regain de forme est bien terminé et c’est de plus en plus dur. Les muscles et les tendons tirent. En levant les yeux, tout là-haut en direction du Mont Blanc, j’imagine le chemin qu’on aurait dû prendre si le parcours prévu initialement avait été maintenu… et ben je regrette beaucoup moins qu’on n’y aille pas finalement, car je ne vois pas comment j’aurais pu grimper ça tellement je peine dans ce début du Mont Lachat.
Le parcours initial devait grimper tout là-haut ! |
Le pire c’est que depuis le temps que je me sens à la ramasse je continue de doubler beaucoup plus que je ne suis doublé. Ca sent le carnage cette course.
Une constante aussi depuis le début : plus c’est dur, plus c’est beau. Et à 11h47, au sommet du Mont Lachat à 2115 m, et ben c’est très beau !
Une constante aussi depuis le début : plus c’est dur, plus c’est beau. Et à 11h47, au sommet du Mont Lachat à 2115 m, et ben c’est très beau !
Au sommet du Mont Lachat |
Et ça redescend en direction de Bellevue pour boucler la boucle et profiter d’un ravito liquide improvisé. Ca tombe bien. J’avais encore du fuel dans les bidons mais plus beaucoup et il reste encore du chemin jusqu’à Miage.
Un petit coucou à Jeanne, la rame du TMB ici présente, et je continue de descendre en direction de la mythique passerelle de Bionnassay. Mais cette descente est irrégulière, un peu technique, et ça commence à être un vrai supplice pour mon pauvre corps endolori.
J’entre alors sur le territoire des randonneurs (que je double (quand même je ne suis pas si lent que ça ;) )) et des coureurs de la MH60 et de la Moins’Hard (qui me doublent).
Puis voici la passerelle avec son torrent toujours aussi impressionnant.
La passerelle de Bionnassay |
Ensuite, c’est la montée vers le col de Tricot. Et de nouveau, je rame, grave. Je suis aussi à la ramasse et dans la douleur en montée qu’en descente. Là je sais que je n’irai pas plus loin que Miage. Je suis complètement moulu.
Un petit névé plus tard, me voici au col, avec la vue imprenable sur les Dômes de Miage, le ravito de Miage… et la terrible descente de 500 mD- qui me sépare de celui-ci.
Un petit névé plus tard, me voici au col, avec la vue imprenable sur les Dômes de Miage, le ravito de Miage… et la terrible descente de 500 mD- qui me sépare de celui-ci.
Début de la descente du Tricot vers Miage |
Il m’aura fallu une demi-heure de souffrance pour me traîner en bas, jusqu’au ravito, où je retrouve Christian, et Stéphane (bénévole aux petits soins, merci !). Je ne tarde pas à annoncer mon abandon. Je n’ai plus besoin d’y réfléchir tellement tout mon corps, des pieds à la tête en passant par les cuisses et le dos, me fait mal. Je ne peux plus rien en tirer. C’est terminé.
Avec Christian à Miage |
J'abandonne donc, fracassé après 62,2 km 5050 mD+ et 14h10 de plaisir et de souffrance mélangés.
Bilan
J'ai une bonne déception à digérer pour plusieurs raisons :
- Un abandon ça ne fait jamais plaisir, mais là c'est la première fois que j'abandonne sur une course qui était un objectif, ça passe donc encore moins.
- Finalement je n'avais à peu près aucune chance de finir (je n'ai pas pu faire le volume d'entrainement qu'il fallait et je le savais) donc ce n'est même pas l'abandon en tant que tel qui me fait rager, mais c'est de ne pas avoir pu rester plus longtemps en bon état physique et de ne pas avoir pu continuer au moins jusqu'au Joly (ou au moins jusqu'à la bif).
- Avec la MH60 2016 et le Tour des Fiz 2017 je restais sur deux formats 60 km/5000 mD+ et je comptais bien monter d'un cran. Raté, j'ai encore fait 60 km / 5000 mD+, et en plus mauvais état en plus.
- Je n'ai pas assez profité de la beauté des lieux, et de la convivialité kikouresque.
- Je voulais découvrir les sensations qu'on ne rencontre qu'en ultra, mais pour ça il faut tenir un peu plus que 14h mon gars...
Je dois donc me laisser un peu de temps de récup, tirer les leçons de cet "échec", puis retourner au charbon et me projeter sur d'autres objectifs, pour fin août ou début septembre ça serait top mais rien n'est sûr du tout. Sinon il y aura toujours la SaintéLyon début décembre.
8 commentaires
Commentaire de rico69 posté le 11-07-2018 à 14:32:07
Oui prend ton temps mais fait en un. D'abord parce que tu as une belle plume ;-) et ensuite parce que ça fait partie selon moi d'une espèce de thérapie pour passer à autre chose.
bonne récup
Commentaire de Mazouth posté le 13-07-2018 à 00:50:01
J'ai fini par le faire le récit ;)
Commentaire de manoubis posté le 11-07-2018 à 23:31:19
Sympa la vidéo, belle aperçue des difficultés et du superbe paysage ... ça donne envie ;-)
Merci et bravo à toi
Commentaire de bubulle posté le 12-07-2018 à 13:42:39
Merci pour ce beau film qui....donne des regrets, eh oui. Mais au vu de la tête que j'ai vue en te croisant à Miage....tu as quand même bien fait!
A une prochaine qui sera une réussite !
Commentaire de Arclusaz posté le 13-07-2018 à 07:47:07
Ne laisse pas trop la déception t'envahir. Tu as passé une magnifique journée en montagne avec des copains et ne banalise pas les 60 km et 5000m de D+.Bravo !
Commentaire de Cheville de Miel posté le 16-07-2018 à 15:09:35
En fait tu vas trop vite en descente :-)
Il te manque pas grand chose au final pour un jour "sans", après celui là a fini en Boucherie donc pas trop de regret.
Le week choc t'aurais sans doûte permis de mieux gerer les montées! a bloquer pour 2019!
En tout cas de chouettes moments partages quand même!
Commentaire de Cheville de Miel posté le 16-07-2018 à 15:10:58
En fait tu vas trop vite en descente :-)
Il te manque pas grand chose au final pour un jour "sans", après celui là a fini en Boucherie donc pas trop de regret.
Le week choc t'aurais sans doûte permis de mieux gerer les montées! a bloquer pour 2019!
En tout cas de chouettes moments partages quand même!
Commentaire de Mazouth posté le 16-07-2018 à 15:54:13
Ouais mais si je freine trop en descente je vais me péter le frein XD
Sinon c'est sûr que ça manquait de week-end choc dans la prépa, mais qu'on s'est bien marré quand même ;)
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