Récit de la course : L'Echappée Belle - Intégrale - 145 km 2017, par Gilles45

L'auteur : Gilles45

La course : L'Echappée Belle - Intégrale - 145 km

Date : 25/8/2017

Lieu : Vizille (Isère)

Affichage : 3621 vues

Distance : 144km

Matos : Deux bonnes guiboles

Objectif : Terminer

8 commentaires

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Ma première Échappée Belle - Mon premier Ultra

 

Un récit, fait assez vite (durant le taff mais chut !) donc soyez indugents pour d'éventuelles coquilles et fautes de frappe

Intro rapide :

Le projet Echappée Belle 2017 remonte finalement à une année auparavant.

En Aout 2016, je bâche à Champex sur la CCC, course que j’avais pourtant terminée sans trop de difficulté l’année précédente.

Les raisons je les explique dans mon CR de l’époque, mais le manque de motivation pour refaire la même course était assez flagrant à l’époque (accessoirement, le manque de préparation un peu également).

 

« Lesson One » : Je n’aime pas refaire les courses que j’ai déjà faites. Lorsque je connais déjà le parcours j’ai vraiment du mal à me remobiliser. C’est con mais c’est la découverte qui me pousse.

D’ailleurs en aparté, le speaker sur la finish line d’Aiguebelle me demandera si j’ai fait des recos au préalable, je lui réponds : « T’es fou, t’as vu ce terrain, si j’avais fait des recos je n’aurais jamais osé m’inscrire ! »

 

Je me pose un peu la question de la suite de la saison, un pote me propose la Sainté Lyon, course qui ne me branche pas du tout (désolé pour les Lyonnais). Par contre, je choppe un dossard de dernière minute pour l’Endurance Trail des Templiers. La Course est belle, me correspond bien et se passe de très belle manière.

 

La saison 2016 est terminée, je me cherche un objectif pour 2017. La réflexion ne sera pas hyper longue :

J’adore Belledonne pour y avoir passé des vacances en famille sur la partie sud (Chamrousse). Va pour l’Echappée Belle. Au départ le 85km me parait plus raisonnable, mais rapidement c’est « la grande » qui me fait de l’œil.

 

Quand on a bâché la CCC, c’est un peu présomptueux te tenter l’aventure, mais banco. Avant l’inscription, je crois m’être plongé dans la quasi-totalité des CR Kikourou

J’ai d’ailleurs beaucoup repensé à leurs récits durant la course : merci à tous

En début d’année je m’inscris.

 

« Lesson two » : Demander conseil aux « séniors ».

En début d’année 2017, j’échange via Kikourou avec des personnes plus expérimentées. Parmi ces personnes Manu/El Numax qui me donnera deux clés importantes :

-        Faire au moins 3 ou 4 course de 60/80 bornes avec de la technicité et du dénivelé (comme c’est Manu, il faut du fun aussi) : Se sera Trail de Vulcain – Tiranges – Allobroges. Tout se passe très bien sur ces courses, notamment sur la dernière qui me rassure sur mon mental dans des conditions très difficiles (pluie, froid, boue). Je vous conseille d’ailleurs ces beaux évènements ainsi que le trail des Piqueurs que je n’ai malheureusement pas pu faire pour raisons familiales

-        Le second conseil reçu par Manu : « Tous les mecs que je connaissais qui sont venu sur le 144 sans assistance en 2016 ont bâché ». Moi qui suis habitué à courir seul j’avoue ne pas être totalement convaincu, mais la suite lui donnera raison à 200%

 

Pour finir cette intro :

-        Un entraînement sérieux, raisonnable mais sans plus entre janvier et juin

-        Pas de gainage, pas de pliométrie…je sais que c’est hyper important, mais vraiment ça me saoule, je n’arrive définitivement pas à m’y mettre

-        En parlant de se saouler, arrête de l’alcool depuis août 2016

-        Quelques virées aux 25 bosses (1 tout à chaque fois 2h05/2h10)

-        Un mois de vacances en Corse pour manger un peu de D+ (surtout en vélo de route)

-        3 semaines de repos complète avant l’EB (un peu contraint et forcé : Pubalgie, découverte d’une hernie inguinale un mois avant la course…)

 

 

L’avant Course :

 

J’arrive seul sur Aiguebelle le jeudi, ma femme, une amie à elle et deux de ses enfants ados me feront l’assistance et sont basés à Chamrousse. Nos 4 enfants me soutiennent à distance d’Orléans. Les avoir sur la course, les voir m’attendre de nuit m’aurait sans doute mis une pression négative

 

La journée du jeudi est calme. Je dirai même que cette phase préparatoire : partir de chez moi, faire la route, récupérer le dossard, sentir l’ambiance, fait partie des moments que j’adore avant la course.

Au niveau professionnel, je travaille dans le conseil en Ressources Humaines, j’enseigne souvent aux gens que je croise l’importance des « rituels positifs ». Toute cette phase de préparation est souvent une clé de performance.

A ce titre, je conseil à ceux qui aiment lire un bon bouquin (« le pouvoir de l’engagement total » de Loer et Schwartz).

 

Arrivé à Aiguebelle, je me mets dans la file d’attente rendue dense par le contrôle de l’intégralité du matériel. Derrière moi je capte des bribes d’une discussion : J’entends parler de SPIR, de Bouzin, de JuCB…ça sent le Kikou à plein nez.

D’un naturel très discret habituellement je me fais connaître. J’aurais la joie de passer un petit moment avec Courotaf et Cheville de Miel. Marrant de mettre des visages sur des gars connus via leurs commentaires et leur CR. Ravi de vous avoir vu messieurs.

 

Le contrôle se passe bien, les bénévoles sont charmant. L’attente sera un peu longue ensuite pour la pasta, mais quel Pasta ! Préparée par (Michele je crois) un Italien fort sympa installé depuis des années dans la région.

Je partage le repas avec deux traileurs du sud Ouest (Ariège je crois) très sympas et d’un niveau sans doute très supérieur au mien. Je recroiserai l’un deux deux fois : Une fois dans la descente de la croix de Chamrousse (pour lui), et donc dans la montée pour moi. Je le reverrai ensuite avant la montée vers les Férices, très en galère car abimé au niveau de la plante des pieds.

Je ne sais pas s’il a pu finir

 

Passée la Pasta, direction Vizille pour une nuit à L’hôtel. Une nuit blanche malheureusement tant l’excitation mêlée d’appréhension est grande.

C’est un peu mon souci, anxieux de nature, l’endormissement est souvent très compliqué. Pas grave, 4 heures debout, préparation.

La suite (notamment au Pleynet) me montrera que le déficit de sommeil se paie souvent cash.

 

5 heures, direction le départ, le petit dej. Je suis déjà charmé par la bonne humeur mélée de concentration. Les bénévoles sont déjà à fond autour du petit déjeuner et transmettent de bonnes ondes. Ce petit déjà offert est vraiment top. La métoo est au RDV, tout va bien

 

A ce moment pourtant je crois que je me sens le plus petit possible dans mes chaussures.

Pour les accros du matos : je garderai la même paire de pompes toute la course, les nouvelles Kalenji MT. Rien à dire, top, pas une ampoule, une super accroche. Je suis fan

La Course (enfin) :

J’ai tellement vu de vidéo YouTube que le briefing me parait déjà connu : « gestion, gestion, gestion ». 6h, go, les fauves sont lâchés.

 

Mis à part la volonté d’aller au bout, je n’ai pas de réelle stratégie de course. Je sais cependant que la montée jusqu’à l’Arselle n’est même pas le début d’un amuse-bouche.

Je reste donc hyper tranquille dans les pas des personnes qui me précèdent.

A ce moment de la course, cela parle très peu dans le peloton. De mon côté, je suis dans ma bulle, très à l’écoute de mes sensations.

Mes deux adducteurs tirent déjà beaucoup (pubalgie) mais je ne m’inquiète pas plus que cela.

Dans quelques heures, j’aurais tellement mal partout que je n’y penserais plus.

Rien de spéciale à signaler sur cette partie : Une montée régulière, assez large, peu technique, de la fraicheur notamment sur la zone du Luitel. C’est idéal pour se mettre en jambe après 3 semaines sans aucune sortie

 

Plateau de l’Arselle : 8h49.

J’arrive et aperçois mon « crew » ainsi qu’un pote de travail qui m’a apporté une mignonette de chartreuse en prévision des moments difficile. C’est super bon de recevoir leurs encouragement même si c’est encore très tôt dans la course.

Le ravito dans le foyer de fond est quant à lui blindé de chez blindé, ce qui me pousse à aller boire un peu à l’extérieur et à repartir assez rapidement.

 

La suite, je la connais bien en raison de mes nombreuses vacances à Chamrousse. J’adore la partie Achard – Infernet – Col de la Botte – Lac Robert. Du single qui commence à devenir plus technique. Un paysage sauvage sous une légère lumière jaune/sépia. Je profite à fond de ces moments sur un rythme d’ailleurs toujours aussi cool.

D’ailleurs, mon équipe a profité de la gratuité des « œufs » de Chamrousse pour remonter me voir au col de la Botte.

Ils m’encouragent tellement fort quand j’arrive que j’en suis presque gêné vu mon niveau. On dirait l’arrivée du futur vainqueur !

 

Suite au magnifique passage des Lacs Roberts, le sentier bifurque vers les lacs David. Je ne connaissais pas cette partie, étant habitué à aller vers le refuge de la Pra par le sentier de randonnée. C’est la première fois qu’il faut commencer à mettre les mains pour passer certains raidillons.

De mon point de vue, la véritable technicité de Belledonne commence ici et se terminera à Val pelouse, beaucoup….beaucoup plus loin.

 

La Pra : 11h38

L’arrivée sur les hauteurs de l’alpage de la Pra est superbe. J’arrive au ravito et suis surpris par le fait que nous ne puissions pas profiter de la grande cour du refuge. Je ne sais pas si les gardiens en ont refusé l’accès, mais le ravito est un peu étriqué par rapport au flux encore relativement important de coureurs.

Je découvre pour la première fois sur une course des petits flacons hydro alcooliques permettant de se désinfecter les mains avant de les plonger dans les tucs !! L’idée est bonne.

Les bénévoles sont toujours à fond. Je commence à noter que pas mal de trailers commencent à être bien entamés.

 

La suite est dure, superbe et une totale découverte pour moi. J’en prends plein les yeux dès la montée vers les lacs du Doménon. C’est brutal, sauvage, magnifique. Un concurrent s’arrête dans le chemin et me montre une harde de bouquetins sur un point haut.

 

Ça va paraître sans doute un peu con con pour les locaux, mais je n’avais jamais vu de bouquetins en vrai en j’en rêvais ! Je suis ému

Je commence à croiser ceux qui redescendent et qui doivent avoir à vue de nez une heure d’avance. Toujours un petit mot sympa pour nous. Finalement le passage commun entre les deux parcours reste relativement court.

 

L’arrivée à la croix est magique. Je ne suis pas superstitieux donc je ne tiens pas compte de l’adage qui dit « qui touche la croix fait sonner la cloche ». Je ne grimpe pas les quelques mètres supplémentaires. Sur le coup j’avoue faire jouer un peu mon égo en me disant : « je vais vous montrer, moi si on ne va pas au bout sans toucher la croix » ! 

J’ai eu chaud car l’abandon…y a des moments où je n’en suis pas passé loin (voir plus bas…).

J’ai une pensé pour P’tit Franck qui y va tellement souvent, je comprends pourquoi…mais il doit avoir de beaux mollets maintenant

 

La descente qui va suivre est un vrai moment de bonheur si ce n’est une flask RL qui perce en route…(c’est chiant de perdre 600ml d’un coup !).

La partie rochers rouges – Col de Freydane – Torrent de Freydane – lac Blanc est franchement superbe. La technicité, les cailloux dans les chaussures s’oublient totalement devant la beauté des lieux. C’est à couper le souffle jusqu’au Lac Blanc.

 

A ce moment je suis au top…ce qui aurait dû m’inquiéter car chez moi c’est souvent le signe annonciateur d’un bon coup de mou qui va arriver.

Celui-ci va intervenir juste avant Jean Collet.

 

Je me souviens d’un récit de Bubulle où il était écrit qu’il existe deux types de refuges : ceux que tu vois juste au moment où tu arrives et ceux que tu vois très longtemps à l’avance mais qui semblent ne jamais arriver. Jean Collet est dans ce second cas. Il est visible 3 km avant avec sa belle couleur jaune mais que c’est looooong …

 

A ce moment, je rattrape et discute avec une bande très sympa et qui emploie un vocabulaire très Kikouresque. Visiblement ça déconne bien aussi.

Présentations réciproques, il s’agit (de mémoire) de Jano, Xian et Phildar.

D’ailleurs mon égo en prend un petit coup quand Xian me dit : « Gilles45160 ? Mais tu devrais être largement devant toi… ».

Euh oui les gars, mais je suis jamais allé au-delà de 100 bornes et 20h donc je vais piano, piano. Franchement sur l’EB ma côté ITRA…rien à battre :-)

 

Jean Collet : 15h02

L’arrivée à Jean Collet est folle de chez folle. Je crois que l’ambiance est mise par le groupe de Franck de Brignais entre autre : cloches, banderoles…je ne suis pas un kikou connu, mais j’apprécie et je m’approprie un peu cet accueil

L’ambiance est franchement géniale.

NOK, changement de chaussettes et zou, c’est partie pour l’une des partie sans doute les plus technique du parcours.

D’ailleurs, c’est assez paradoxal car j’ai un souvenir très flou de l’enchaînement mine de fer/roche fendue jusqu’à mon arrivée au Habert d’Aiguebelle.

Je suis incapable de vous dire si j’étais bien ou pas. Petit blackout mais je n’ai pas le sentiment d’avoir trop subi cet enchaînement que je redoutais pourtant beaucoup

 

Le ravito du Habert est le premier où je commence à ressentir des difficultés, notamment en termes de lucidité. Le signe chez moi c’est un gros manque d’efficacité et d’organisation aux ravitos, je me pose au mauvaise endroit, je ne sais pas trop quoi manger ou boire. Heureusement le bénévoles sont encore une fois au top et se chargent de vous remplir vos gourdes…

C’est incroyable d’être au petit soin comme cela. Je fais le maximum pour être le plus courtois possible, avec le recul, j’aurais aimé être encore plus reconnaissant.

 

Lorsque je repars, je suis déjà très impatient de retrouver les miens au Pleynet, pourtant la route va être longue

La progression vers le col de la vache est lente et la vue franchement impressionnante. Un bénévole va me glisser à l’oreille un petit mot très sympa et qui m’aidera beaucoup : « tu vois le col de la vache c’est la bas, vue d’ici, cela parait très dur, très loin et pourtant tu y seras assez rapidement, plus vite que tu ne le crois ». Merci mon ami

 

Alors effectivement, les récits Kikourou sont justes : ce sont de gros blocs, parfois instables, très usants, mais j’ai la chance d’y passer de jours, en suivant les pas d’un coureur qui chemine avec efficacité dans ce dédale.

L’arrivée en haut est un vrai soulagement car je suis heureux d’avoir terminé cette partie de jours.

 

Je prendrai beaucoup de plaisir dans la première partie de la descente vers les lacs du cos et des 7 laux d’autant que je discute avec d’autres coureurs d’un l’un qui m’annonce vouloir arriver avant samedi soir (!!) alors que je suis moi-même sur un plan dimanche à 5heures !!

Je me dis qu’il ne va pas chômer sur la suite, il me confirme qu’il coure au frein à main depuis le départ mais qu’il ne va pas tarder à envoyer. Je ne sais pas ce que tu es devenu l’ami, je n’ai pas vu ton dossard.

 

La suite sera sans doute mon premier gros ras le bol, ma première grosse défaillance de la course : je ne suis pas bien dans la descente du col de la vieille, je peste contre le contournement du Pleynet que je trouve inutile, sans intérêt.

 

Le Pleynet : 23h11 – 01h25

A mon arrivée à la base vie, je suis mort, ému de retrouver ma troupe, mais aussi dans le doute sur le fait de repartir ou pas. Le confort m’attire, je n’ai pas la gnacque et pas envie de souffrir plus.

 

Je n’ai à ce moment qu’une obsession, dormir. Ma nuit blanche précédent la course me pèse et je ne pense franchement qu’à cela. Je sais qu’une couchette est prête dans mon monospace, je ne veux rien d’autre.

Heureusement mon team va me forcer à passer par certaines étapes au préalable.

A ce moment, aucun doute, sans eux, j’aurais abandonné.

Je finirai quand même par dormir une heure dans la voiture. Cette heure passera en un clin d’œil, sommeil profond direct. Salvateur.

 

« Lesson 3 » – bien anticiper la course et briefer son assistance

Retour un mois avant l’EB : J’avais dit à ma femme : « Au Pleynet beaucoup de coureurs abandonnent, si je te le demande, je compte sur toi pour me forcer à repartir ». Elle l’a fait la bougresse ! et avec conviction

Le plan de départ était simple : Douche – repas – dodo – départ (1h30 d’arrêt)

Le réalisé : Douche – Ostéo – Podo – repas – Dodo – départ (2h20)

 

Quand j’en discute avec mon équipe en après-course, c’est assez drôle, nous avons deux points de vues divergents. Ils ont adoré l’ambiance du Pleynet, de mon côté, j’ai trouvé la base vie hyper glauque. La super Ostéo qui m’a manipulée et que j’ai revu à l’arrivée me dira d’ailleurs : « Gilles, vu tes adducteurs et ton état général, je n’aurais pas mis un euro sur le fait que tu termines… »

 

Bref, je n’y croyais pas mais je finis par repartir dans le froid et l’humidité vers ce que je considère comme l’Echappée Belle volume II.

 

 

La partie entre le Pleynet et Gleysin se fera franchement au radar. Je n’ai que très peu de souvenir du parcours. Ah si…ça monte, ça monte.

Durant la nuit, l’orage commence à gronder et la pluie à tomber. Je finirai par me regrouper avec plusieurs collègues autour d’un point tenu par des bénévoles.

Je m’abrite comme je peux de la pluie…sous leur table en bois, je bois un café. Ça fait du bien mais…

Dans ma tête c’est décidé, je stoppe au Gleysin (pas de stress hein…je la sonnerai au final cette p** de cloche)

 

Gleysin : 5h51

J’en avais lu des trucs sur cette bergerie, effectivement, c’est un peu le champ de waterloo après la bataille

A gauche le ravito, à droite un banc avec des traileurs abattus, sur le flanc.

Là je suis mal, je ne me vois franchement pas m’enquiller la monter vers le Moretan et plus de 20h de course.

 

Echanges de SMS avec Mme : « Je ne vais pas pouvoir continuer » - « t’inquiète, si tu arrêtes, je suis déjà fière de toi ».

 

Allez, c’est fini, je vais voir un bénévole :

-        « Pardon, si je dépose le dossard savez-vous si des navettes repartent d’ici »

-        « Ah mon ami, je t’arrête tout de suite, tu n’abandonnes pas, c’est tout »

-        « pardon ? »

-        « Ecoutes, si je te mets hors course c’est définitif, je l’ai fait pour un gars tout à l’heure, il regrette déjà, il a voulu repartir mais c’est trop tard, je ne peux plus rien faire. Alors tu n’es pas blessé, il n’y a pas de navette avant 2 heures, tu es large sur les barrières alors tu te reposes et tu repars. Point. »

-        « Ah c’est comme ça que tu le prends…tchao…je repars de suite, na ! »

 

Monsieur le bénévole, je ne te remercierais jamais assez.

 

« Lesson 4 » : j’avais lu dans un CR : « tant que tu n’es pas blessé et dans les BH tu n’abandonnes pas une course ». Je le dis et redis pour vous, qui serez les prochains à tenter, vous n’imaginez pas les ressources du corps même quand vous êtes au fond du seau.

Mentalement, ce n’est pas simple de se remettre d’un arrêt, je l’ai vécu après la CCC 2016

 

Je sors du Gleysin, le jour se lève, le vent tourne, le moral commence à sortir des abimes. La sortie de nuit à un vrai pouvoir de remobilisation

 

La montée du Moretan sera un peu comme la montée du col de la vache. J’en avais une telle appréhension au départ que la réalité ne paraîtra pas si terrible. C’est d’ailleurs une constante de cette EB. Mes cauchemars des mois précédents n’auront pas été mes points les plus compliqués. Ce seront plutôt ceux que j’ai négligé qui vont me faire souffrir…

« Lesson 5 » : étudie bien en détail le road book et ne te focalise pas sur les « ogres » du parcours

 

Bref, une montée sympa jusqu’au refuge de l’Oule où une fois encore je tombe sur des gens au top. Nous sommes plusieurs à monter dans un rythme assez lent mais régulier. Après l’Oule c’est un peu plus technique, sur blocs rocheux mais c’est correct.

Des promeneurs ont installés des tentes pour du camping sauvage, vraiment trop cool, je les envie.

En 3h, le col est vaincu

 

Ah oui, j’oubliais. A 200m du col (vers 9h du mat), grosse averse….hum, elle va être roots la descente.

Cette fameuse descente tant redoutée…et bien finalement, même sans nevée, elle se passe plutôt correctement, d’autant que je suis hyper prudent. Le plus chiant au final sera sans doute cette satanée moraine équipée d’une corde qui bifurque vers la gauche.

 

Je m’étais promis de ne plus poser aucune question aux spectateurs et accompagnateurs sur les distances, les durées…et bien je n’ai pas pu m’y tenir.

Je demande à un jeune homme qui remonte avec son appareil photo : « C’est loin Périoule ? ».

Réponse : « Tu vois les deux toiles de tente en bas de la moraine ? Quand tu y sera le parcours est hyper roulant, en 10 minutes t’es à Périoule… »

 

J’en foutrais moi du roulant…..

 

Périoule : 10h32

 

Ce ravito est vraiment super, je me gave de pommes de terre cuite à l’eau, un régal. Nous sommes depuis peu dépassés par les premiers du 85. Le premier d’entre eux avait d’ailleurs un rythme hyper impressionnant. Ils ont tous un mot sympa

Je repars tranquillou, A ce moment le temps commence à être vraiment chaud.

 

La suite a été racontée 100 fois dans les récits, une descente assez cool, technique mais ludique puis l’enfer de la remontée vers la Pierre du Carre : Dré dans la pente, des montées en ligne droite où tu vois constamment la file de traileurs devant toi, le cagnard qui tape fort…chaud, dur, ça râle sec dans le peloton. Celle-ci aura laissé des souvenir à pas mal de monde j’en suis certain.

 

Heureusement au sommet, on commence rapidement à apercevoir Super Collet sur un piton à Gauche ce qui donne un bon coup au moral.

Depuis un an où je pense tous les jours à cette course je me suis toujours dit : « si tu arrives à Super Collet, tu iras au bout ».

Je suis dans cet état d’esprit.

Je suis heureux de rejoindre mon groupe qui est venu au-devant de moi

 

 

 

 

Super Collet : 13h48

Je suis zen sur ce ravito, mon groupe est rôdé :

Je manse, je me change, 45 minutes de dodo dans la voiture.

Le réveil par contre est difficile, je suis en plein cagnard, j’ai un petit coup de chaud, il ne faut pas tarder à repartir.

Mon équipe m’annonce que contrairement au programme initial, ils ne repartent pas à Chamrousse mais vont me suivre à Val Pelouse puis à l’arrivée…je suis trop content même si j’ai une pointe de culpabilité à leur infliger cela pendant leurs vacances. 1000 mercis à eux

 

J’attaque la montée près du télésiège sur un bon rythme. Dans la descente vers le chalet de la Balme j’entends un « salut Gilles »

C’est Numax à fond les gamelles dans la descente, accompagné d’un pote (Bastien je crois).

Très sympa d’avoir croisé Manu à ce moment, d’autant qu’il a joué un rôle important dans ma préparation.

« Bravo pour la 180 manu et RDV à 12h pour une bière à Aiguebelle »

 

Cette partie permet une fois encore d’apprécier le côté très aquatique de Belledonne : les sources, les torrents sont d’une fraicheur et d’une qualité incroyable.

Je profite de chaque possibilité de rafraichissement. Un régal

 

Pour ceux qui prépareront une future EB, j’avais totalement négligé la difficulté de la partie suivante et je suis bien incapable de vous dire pourquoi. Sans doute pensais-je qu’à Super Collet le plus dur était fait.

J’avais sous-estimé les 900m de montée vers le refuge puis la crête des Férice.

D’ailleurs merci aux bénévoles du refuge. Partout les gens sont charmants, mais là c’était vraiment top. Si je reviens en tant que bénévole, c’est là que j’aimerais me poser !

 

Bref, cette montée, difficile, raide. A chaque fois que je crois voir le col, j’aperçois à nouveau des traileurs très haut dans la montagne. C’est un peu décourageant. Heureusement, le panorama en cette fin de journée (et donc avec le soleil couchant) est à tomber, j’en ai presque les larmes aux yeux.

 

Sur le sommet de la crêtes les bénévoles m’indiques la suite jusqu’à val pelouse avec pas mal de justesse : de la descente assez technique avec deux petits raidillons à franchir. Merci à eux.

La fin de la descente se fait dans un état général plutôt bon avec la frontale sur la dernière heure.

 

 

Val Pelouse : 21h42

Mon équipe est là et à même confectionné une superbe banderole « Gillou FINISHER ». Je suis très touché.

Je vois d’ailleurs qu’ils s’éclatent dans leur rôle d’accompagnants et me remercie de leur faire découvrir tout cela. C’est le monde à l’envers, c’est moi qui suis plein de gratitude mais cette communion de groupe est vraiment géniale.

Je suis cependant ravi qu’ils aient découvert, apprécié l’esprit trail. Ils ont notamment adoré échanger avec vos amis, vos familles respectives qui sait ?

 

A Val Pelouse j’ai faim. Et quand j’ai faim, je mange…(cette phrase ne restera pas dans l’histoire)

 

Je m’équipe pour la nuit et je décide de filer assez vite

Flo, une copine me dit : « Aller t’es au bout, va la faire sonner cette cloche ».

« euh…oui il me reste bien 9h/10h de course quand même »

 

Lors du ravito, j’ai pris enfin le temps de jeter un œil au Road Book, finalement il n’y a que 3 petit coups de cul jusqu’au Pontet (300/400/115).

Ces montées se passent relativement bien même si j’ai le besoin de me poser un peu à chaque sommet. Je suis un peu déçu de ne pas profiter de la vue de jour mais c’est ma faute, il fallait aller plus vite. Le sommeil commence à me tendre les bras mais pas autant que durant la nuit précédente. L’excitation de l’arrivée doit commencer à irriguer

Je suis assez surpris de voir de nombreux traileurs en train de dormir dans l’herbe sur le bas-côté mais dans l’alpage ils ont l’air franchement bien.

 

La suite me parait très looooongue jusqu’au Pontet. Ces 1000m de D- sont interminables et sans intérêt (ce n’est pas moi qui le dit, c’est le RB).

D’ailleurs petite note pour l’orga : le panneau « ravito 1km » est à 1,6km…bah oui quand on en a marre on compte les pas…grrrrrr

 

Le Pontet : 3h02

 

Au Pontet, je me rends vraiment compte de la différence avec/sans assistance.

Je suis PAUME…je m’assois, je ne sais pas quoi faire, j’ai froid, je mange mal, je ne trouve d’ailleurs pas tout de suite la salle ou se trouve le ravito.

Je voudrais repartir mais comble du comble, j’ai peur d’arriver trop tôt à Aiguebelle et sortir mon groupe de son sommeil à 6h du mat’.

Tant pis, je repas en mode cool.

 

Je partagerais la montée avec Lise une franco-Américaine très sympa du 85 qui a déjà tenté le tirage au sort de la Western State. On papote, on fait nos pronos sur les favoris UTMB, c’est cool. Merci Lise

Dans la montée en sous-bois il faut encore chaud, lourd, mais le rythme est bon

 

Cette dernière montée est particulière car en fait je n’ai pas exactement capté où était le sommet. Je devais être un peu dans le gaz

Arrivée au pointage, un bénévole me dit : « allez 9km de descente est c’est bon ».

 

La suite se fait sur un mode rando / marche assez cool, je me remets à galoper lorsque j’arrive sur la route.

Pour l’anecdote, je ferai la seule erreur du parcours mais qui me rajoutera près d’un KM.

Le nez dans mon portable pour prévenir de mon arrivée, je ne vois pas que le sentier quitte la route par la gauche au-dessus de Montgilbert et je poursuis sur le bitume. Je mettrai bien 400/500m avant de faire demi-tour

 

Une fois l’église de Montgilbert passée, je me sens pousser des ailes, la suite se fera en courant à fond les gamelles (bon…12 à 13km/h…pas plus).

 

Au gymnase j’ai déjà les larmes aux yeux, dans le parc, je ne touche pas l’herbe. Premier Ultra sur 2  jours.

 

6h55, la cloche sonne…cette arrivée est passée trop vite (happé par le speaker…très sympa d’ailleurs), embrassades avec mon groupe aussi ému que moi

 

Une bière…

Une seconde offert par un finisher du 85 qui ne boit pas d’alcool

Un sentiment de plénitude

 

« Lesson 6 » : Ce moment final passe trop vite, savourez le comme une bonne bière, prenez le temps de prendre vos proches dans les bras, ils ont autant de mérite que nous dans une épreuve pareille.

 

Le speaker me demande « tu reviendras »

-        « je ne sais pas, c’est beau, c’est dur »

-        « Gilles, on rembobine, tu reviendras ? »

-        « Oui, sans aucun doute »

 

Pour être franc là, maintenant, mon envie c’est de redonner ce que j’ai reçu. L’an prochain je serai bénévole sur l’EB.

 

Merci à

Christelle ma femme et aux 4 petits

Flo et l’équipe « Gillou Finisher »

Tous les Kikous croisés

Tous les rédacteurs de CR

Et bien sur les bénévoles au top du top

8 commentaires

Commentaire de franck de Brignais posté le 31-08-2017 à 17:01:37

Merci Gilles pour ce récit très juste, on sent quelqu'un de rationnel qui ne pouvait que finir à la vue de la préparation. Il n'est pas impossible que ce soit la team "deBrignais" que tu ais croisé à Jean Collet. il semble qu'ils aient été assez... actifs...
Bravo à toi, on s'est suivi un bon bout de temps à moins d'une heure et puis ta gestion des derniers ravitos t'a permis de faire sonner la cloche plus tôt !
Peut être que l'on se croisera en tant que bénévole l'année prochaine du coup !!... :)
Bonne récup' !

Commentaire de chrislam posté le 31-08-2017 à 19:55:45

Bravo!
J ai trop aimé le passage au gleysin avec le benevole....

Commentaire de Albacor38 posté le 31-08-2017 à 21:52:18

Très beau CR.
Détaillé, instructif et personnel à la fois.
T'as fait ça au Taf OK mais t'as pas perdu ta journée :)
Merci

Commentaire de JuCB posté le 01-09-2017 à 00:52:55

Bravo
Avec ce choix de coach, tu partais du bon pied.
Même si tu as ajouté d'autres préceptes "arrête de l’alcool depuis août 2016" : pas très Olivier pilloud ça. ..

Je pense que l'on se croise ou rate de peu au Pontet où je retrouve Lise la miraculée des Férices, sauvée avec 1g de sel de la cantine du boulot. Heureusement que l'on travaille : ça permet d'écrire de jolis récits et de sauver de jolis minois.

2018 : on sera dans la même équipe si Flo veut bien de nous. On a proposé de prendre un Palc (p=poste) : si tu veux te joindre, tu es le bienvenu.

Bonne redescente, je reste encore là-haut un peu, je fais serre-file.

Commentaire de elnumaa[X] posté le 02-09-2017 à 22:30:48

WHAOOU ! Gilles tu appartiens à tous mes héros " des plats pays de l'ouest " qui osent affronter ce genre de runs très élitistes ... RESPECT !!!!
ds un coin de mon cerveau je savais que tu faisais l'EB , et te "croiser " fut un immmense plaisir . dsl ds l'euphorie du moment jon y(a pas attendu, avec Loic ( un gars du nord !! )
O grand plaisir , o piqueurs ou ailleurs !
manu

Commentaire de Spir posté le 04-09-2017 à 22:52:35

Comme quoi, la différence entre finir et abandonner tient à très peu de choses : la bonne personne, ou les bons mots aux bons moments ! Tu t'en serais voulu s'il n'y avait pas eu ce bénévole qui te renvoie en montagne.
En tout cas bravo. On a navigué pas trop loin les uns des autres, mais tu nous a mis un beau coup d'accélérateur dans la vue sur la deuxième section !
Au plaisir de te croiser sur une course ou ailleurs !

Commentaire de Simon71 posté le 05-09-2017 à 01:37:14

Bravo pour cette belle course et ton CR.
Il faut faire des CR pour donner envie et aider les suivants (résolution de la rentrée :))
J'ai fait (entre autres) ces 2 erreurs l'an dernier :
-Sous-estimer les Férices, fatigue+chaleur ça peut vite sembler interminable : aux refuges il te reste un gros bout avant de descendre sur Val Pelouse
-Envoyer un SMS en marchant à Montgilbert pour vérifier que l'asistance sera là, et bim on loupe la bifurcation...

Commentaire de Albacor38 posté le 23-01-2018 à 16:43:26

"Ecoutes, si je te mets hors course c’est définitif, je l’ai fait pour un gars tout à l’heure, il regrette déjà, il a voulu repartir mais c’est trop tard, je ne peux plus rien faire. Alors tu n’es pas blessé, il n’y a pas de navette avant 2 heures, tu es large sur les barrières alors tu te reposes et tu repars. Point"...

Je suis presque sûr que ces doctes paroles sont à mettre au crédit de notre ami le Dude... Grand trailer devant l'éternel...

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