L'auteur : alfredyoyo
La course : Ultra Tour des 4 Massifs - 100 Master
Date : 19/8/2017
Lieu : Uriage Les Bains (Isère)
Affichage : 3801 vues
Distance : 93km
Objectif : Terminer
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Je me pointe à l'UT4M 100 en étant passé par toutes les phases : du "mouais, de toute façon je vais à Saint Naz et je serai HS donc ce sera déja bien", jusqu'au "je sais pas, je sens un petit feeling".
Ma prépa se résume à ma façon de courir : je cours régulièrement, de manière variée, toujours un peu de D+ mais je change de configuration : du 20km avec 500+ roulant, ou à l'inverse du 1400+ en 5km quand l'occasion montagnarde se présente. Bref, j'arrive à Grenoble avec environ 1300km et 42k+ dans les pattes en 2017.
Au départ la stratégie est simple : mettre le frein à main, ne jamais l'enlever, et voir ou ca me portera. Je n'ai que trop douillé de courses parti trop vite.
J'assiste au brief la veille qui confirme le départ à 10h. Vu la chaleur, partir un poil plus tôt ne m'aurai pas déplu histoire de gagner plus rapidement de l'altitude. J'apprend qu'on shunte la Pra et le grand colon, très probablement Chamechaude, et peut être Chamrousse. Je me dis dommage sur le coup, mais je respecte trop le boulot de l'orga pour critiquer. Les mecs doivent avoir leur raison (la suite prouvera que oui ^^)
Uriage - Croix de Chamrousse km 23
Départ à 10h comme convenu, sur une grande pelouse au centrale d'Uriage.
Comme prévu, je pars quasi bon dernier en marchant. Les spectateurs doivent déja se dire "mon diou le pauvre, il en bave déja". Seul un bénévole me fait "tu as raison grand, c'est la bonne stratégie, je m'inquiète pas pour toi".
J'appréhendais cette montée très longue vers Arselle. Je la gère au souffle, en veillant à rester parfaitement cool et sans effort. Je rejoins rapidement des concurrents, et commence un pacman raisonnable. Je papote avec un collègue qui me dit gérer lui sa course à "la transpi", histoire de pas perdre trop de sel en vue de l'après midi chaude. "Si je transpire, je ralentis". Je me cale dans ces pieds pendant les tronçons les plus raides. Son rythme me plait. On ne fera que jouer au chat et à la souris jusqu'à Freydières.
J'avais reconnu cette portion, donc j'arrive content au recoin où un petit ravito sauvage fait bien plaisir. Je continue ma remontée tranquillement jusqu'à Arselle. Diantre, j'avais oublié qu'il n'y avait pas de bouffe ici. Ca fait quand même un gros morceau les 23km jusqu'à la croix sans ravito autre que le contenu de ma poche. Je ne m'attarde donc pas. Je suis hyper bien, donc j'enquille vers la Croix à un rythme pas si rapide car je suis toujours dans une aisance absolue, mais je dépasse beaucoup.
Je met un dernier petit coup pour atteindre la Croix où des péruviens jouent de la zik, super ambiance. C'est assez dingue, on doit être à 2200+ et 23km, je suis frais comme un gardon. Je m'étire un peu, me trouve un coin à l'ombre, et démoli le ravito à coup de sandwich, de soupes, bref je refais le plein à fond.
A ce stade, j'ai déja gagné pas mal de place depuis Arselle, la stratégie du Diesel quoi.
Croix - Freydières km40
Je repars de la croix au bout de 15minutes environ, pas mécontent d'avoir quand même pu y grimper (j'apprendrai plus tard qu'elle sera shuntée pour les suivants). J'y vais très mollo sur la première partie de la descente car bien raide, et je veux absolumeent préserver mes cuisses. Je sais que mes jambes ne sont clairement pas l'élément limitant pour moi sur du long, alors autant les soigner. On démarre le parcours de repli. Outre son sex-appeal limité, la digestion de mon orgie croix-chamroussienne me calme un peu et j'y vais donc doucement, en marche rapide le temps de récupérer. Très peu de concurrents me double, me faisant dire que le rythme est pas déconnant. Je suis toujours en très bonne aisance respiratoire, ce qui est bon pour le moral, et suis toujours frileux à vraiment courir. A ce stade, j'aurai trottiné pour rejoindre Arselle, et c'est à peu près tout :)
Bon, la je rentre pas dans la polémique, mais ce tronçon est quand même bien long donc je passe le temps, je met un peu de zik, je tape les batons en rythme, je compte même mes pas pour estimer la distance. Oui, ma montre en mode ultra craque légèrement sur la distance (logique ceci dit). Je papote un peu. Puis je me fais ratrapper en marchant par un mec qui court, avec un dossard rouge. J'entame la discussion, le mec est hyper sympa, me dit que rien n'est joué pour lui, il gère mais fait attention. Ayant un peu honte, je me mets à trottiner avec lui. Grâce à lui, je remet un bon coup de trot jusqu'au pied de la montée du ravito de Freydières, un grand merci pour m'avoir reboosté dans cette section. La digestion passé, je retrouve cette aisance absolue que je ne connais que rarement. Je reprends un pied monstre en me disant que j'en suis presque à 40km et que je vole littérallement (tout est relatif n'est ce pas). Disons que le moral est à +10000.
Quelque part dans ce tronçon, le bon gros orage de 17h sur Belledonne, dont un qui a pas du passer très long étant donné le laps de temps infime entre la lumière et le son. Comme quoi, la météo à J-1 ils y connaissent ! La rabasse est intense mais fort heureusement courte.
Petit point d'eau clandestin qui fait plaisir avant la montée vers le ravito, même si je ne suis pas vraiment dans le besoin sur ce tronçon.
Freydères - Saint Naz km 53
Arrivée à Freydières. Pas vraiment de souvenir particulier. J'y fais un arrêt express, et enchaine. La descente sur Versoud se fait en trottinant tout le long, sauf sur les rares parties techniques et/ou trop pentues (toujours la gestion!). Le Versoud passe tranquillement. Je suis complétement ahuri de voir que je trottine comme un lapin dans le Grésivaudan, moi qui me voyait être à la peine, et bien pas du tout. Ce passage est finalement plutôt "ludique" et l'odeur lointaine de la base vie fini de motiver. Je sais aussi que pour moi, qui craignait la chaleur, je suis arrivé en bas, l'orage m'a rafraichi, je n'aurais donc plus ca à gérer. Une nouvelle course commence.
Saint Naz - Habert km 65
30min montre en main à Saint Naz, le temps d'une douche, de deux bols de pates et de me changer. J'ai le moral à bloc, à ce moment je suis certain que je vais finir, je ne vois plus les kilomètres restant (40) mais seulement les lieux à checkpointer, telles des formalités. La salle est blindée, mais je me fais une place. Je repars à la frontale, toujours en Tshirt, avec toutefois ma veste trempée roulée en boule dans un sac plastique, en sachant bien que l'orage chartreux va pas tarder à me tomber sur le coin du nez.
J'attaque seul (vraiment seul !) la montée vers la Faïta, j'avance bien, aucune peine à la montée. La nuit se fait plus noir, on en est à 12h-13h de course, et toujours le physique et le moral qui suit. Je sais que la montée est longue et raide, mais je sais aussi que si j'arrive au Habert, faudra serrer un peu les dents mais que globalement il n'y aura plus de difficulté. J'avance bien, je prends mon mal en patience, je compte les minutes où le grondement lanssinant en fond se transformera en orage. La pluie arrive doucement, stoppé par la densité de la végétation puis... patatra, le vrai le gros arrive, ze orage. Lui aussi, il est à l'heure comme son copain Belledonnien. Tant mieux me dis-je, ce sera fait.
L'orage me tape un peu le moral quand même, bien que je n'ai pas encore trop froid et que ma veste me protège bien, même si complétement trempée elle aussi. Après cette période, je suis toujours seul, mais j'entends et vois un petit train quelques dizaines de m+ au dessus de moi. J'avoue que la compagnie me manque un peu alors je met un petit coup pour faire la jonction. Je suis accueilli chaleuresement et suis content de retrouver un peu de civilisation. Rapidement, la tête du train veut se reposer, et on se retrouve à trois gaillards. On met en place des relais pour la tête, on monte doucement mais surement, de manière très régulière. Le col de Faïta est annoncé à 2km depuis environ 1000ans, on jure, on est impatient, on trouve le temps long, mais on se motive ensemble. Merci messieurs de m'avoir monté en haut, tout seul sur toute cette montée ca aurait été compliqué ! Paradoxalement, c'est sur cette section que j'ai clairement manqué de flotte. Obligé de me rationner, j'ai senti les débuts de crampe et ai donc du être très vigilant !
On arrive finalement à la Faita, ce qui permet de souffler sans s'arrêter. Je suis encore bien physiquement même si j'ai trouvé ca long. On se fait l'Emeindras, et c'est finalement le dernier coup de c** avant le Habert qui va nous faire bien mal au Moral.
Habert-Sappey km75
Arrivée au Habert, je garde ma lucidité pour deux phrases : "Je pense que vous êtes les bénévoles les + cool du monde parce qu'il faut le mériter pour vous voir" et "Où est la pastèque !?". Pour info, les deux phrases obtiennent un "Oui" franc et massif !
Avant d'arriver au Habert, le temps s'était un peu rafraichi, je m'étais dit que j'allais me changer et enfiler une petite laine. Pas le short, les jambes y'a jamais de soucis de froid. Je sonde mes comparses de montée qui trainent un peu. J'aurai bien voulu repartir avec eux mais pour le coup je commence à grelotter. J'ai pas trop mal mangé, donc je me dis qu'il faut que je reparte. Je me met en mode hiver avec triple couche et les gants, et repart. 10 min à ce ravito.
Evidemment 4 min plus tard les gants tombent, et 9min après c'est la veste. Tant mieux, c'est que c'est bien géré. Je ne remettrai rien de tout ca jusqu'à l'arrivée.
La montée de Chamechaude étant zappée, on yoyote jusqu'au Sappey. Je me fais un peu doubler car je commence à avoir du mal à garder ma gestion draconnienne de l'alimentation. Il faut avouer que manger toutes les 45min en alternance saucisson fromage pain barre de céréales bonbon powerbar amandes, mélange saint yorre coca, etc... l'estomac a du mérite dans cette histoire.
J'arrive au Sappey content car il ne reste "que" le Saint Eynard, mais quand même entamé. Je me pose au ravito et la, j'ai vraiment du mal a me rebouger mes fesses. Je sais qu'il faut que je me pose un peu, mais pour la première fois je me dis que repartir va être dûr. Je me force à bien manger, l'ambiance est bien à la nuit ici, et donc c'est un peu dur. Allez, coup de pied au derrière, pose pipi, je bippe en sortie et attaque le Saint Eynard. Je n'y serai finalement resté que 15 minutes.
Sappey - Vence km 84
Sur le roadbook, il y a marqué pour Sappey-Saint Eynard : 4km - 400+. Bon, soyons clair, je ne me voyais pas vraiment arriver jusque la. Donc autant j'ai bien étudié le parcours de Belledonne, autant Chartreuse c'est assez flou après le Habert. J'ai le roadbook excel mais j'ai pas bubullé les lignes de niveau de la seconde moitié. Naïvement, je croise les doigts pour 0.4+/4km =10% de moyenne, qu'est ce que ca me plairait ca...
Et la je vois le plat, le plat, le plat. Whaat ? la redescente même...!?! Je me rappelle aussi le bénévole du Habert "bahhhh y'a le Saint Eynard et Rachais, mais c'est vraiment MEGA EASY a côté de ce que vous venez de vous enquiller". Bon disons le clairement, j'ai pleuré ma maman une fois le plat fini pour monter au Saint Eynard, j'étais en mode escargot absolu, cette fois le souffle bien court, la grosse souffrance. Mais j'ai suivi l'adage "n'aies pas peur d'être (très) lent, aies juste peur de t'arrêter". Bah alors ca j'étais lent, j'avancais environ de la longueur de mon pied sur chaque pas, mais j'avancais. Je finis par arriver en haut, où un mec faisait un feu. Je me suis assis trois minutes vers lui. Cette fois, grosse envie de dodo, j'ai fermé les yeux 18secondes, la tête sur les batons, et la le mental m'a fait "whohoohohohooooo on se bouge, si tu t'endors la tu repars plus". Il n'a pas tort. Dernier coup de fouet pour arriver en haut des espèces de remparts. Je me prends une petite sensation de vertige.
La descente vers Vence fut aussi un calvaire, besoin d'énormément souffler pour garder l'air en reouvellement. J'essaie de manger car je sais que j'ai été moins rigoureux, rapport à mon estomac qui tirait un peu la gueule. Je sens aussi deux grosses ampoules sous les pieds qui rendent les descentes difficiles.
Vence - Gre km93
J'arrive à Vence en pleurnichant un peu, du classique sur le dernier ravito d'une grosse course. Je sens que c'est dur mais que je vais y arriver, je connais bien la dernière descente, je sais que ca va être long et chiant à mourir, mais je sais aussi que c'est fini. Le jour se lève, on aura un bout de joli vue depuis les balcons du rachais.
Je remercie moultement les bénévoles de Vence qui ont été adorables avec moi en me voyant tout penaud. Je reste même pas 10min. J'ai retrouvé la patate pour la mini montée vers Rachais, j'avale donc cette dernière portion de D+ tranquillement.
Pas grand chose à dire sur la dernière descente, j'ai beaucoup marché à cause des ampoules, inutile de se faire souffrir inutilement. J'arrive en bas, je trottine puis marche en alternance sur les quais, et fini évidemment avec un regain d'énergie à travers tout le parc !!
Epilogue
Une course absolument géniale, ou l'adrénaline et le plaisir de cette course bien gérée me tempèrent largement sur les petits points dommages sur les replis de parcours.
Qui plus est, je fais parti de ceux qui respectent vraiment l'orga et leur choix : Si je veux faire tous les sommets, j'y vais sur mon temps perso et j'assume. Je prends le tracé sur ma montre GPS, mon ravito perso, et les risques pour moi concernant la météo. Si je veux un cadre, un terrain parfaitement balisé, des bénévoles abusivement au petit soin, des ravitos très bien organisés, et ben j'accepte le jeu, et aussi les petites contraintes sur les risques liés à la montagne et à l'organisation d'évenement de masse.
J'ai pris un pied phénoménal pour ce premier 100km montagnard terminé, et ne peux que conseiller d'y venir. Après coup, j'observe effectivement que je gagne au classement sur tous les checkpoint (même si je m'en contrefout, c'est pour moi le signe d'une bonne gestion). La récup absolument nickel, aucune séquelle, si ce n'est celle d'avoir une faim de loup !
3 commentaires
Commentaire de loiseau posté le 24-08-2017 à 21:22:34
Merci alfredyoyo pour ce récit très agréable ! Et bravo pour ta course parfaitement gérée !! Bravo aussi pour ton état d'esprit et ta compréhension pour les décisions de l'orga. D'ailleurs, j'ai trouvé que les coureurs ont presque tous été respectueux par rapport à ces décisions malgré la déception. C'était le plus dur pour les coureurs du 100km qui arrivaient à Arselle juste après 14H30 et qui n'ont pas pu monter à la Croix de Chamrousse (une dizaine). Du coup, ils ont dû faire demi-tour pour retourner à Chamrousse-Recoin par le même chemin par lequel ils étaient venus :-(.
J'espère que ta prochaine course se passera aussi bien !!
Commentaire de alfredyoyo posté le 24-08-2017 à 23:10:54
Merci a toi et a toute l'orga! j'imagine bien que ca doit etre frustrant, que ca l'est (meme si au moins j'ai eu Chamrousse avec grand soleil). Mais quand ya tout un staff qui a un lot d'information et de contraintes a un instant t, et bien je me dis que les mecs doivent prendre une decision, et que personne n'a les clés pour en prendre une meilleure qu'eux. Bref, c'est la montagne quoi!
en tout cas ce fut une joie infinie que de venir sur cette course. pas certain qu'un an suffise pour me faire une santé pour l'Xtrem, mais ca c'est tellement bien passé... peut etre sur 2019 en passant sur un format 120 l'an prochain! En tout cas ca me tente !
Commentaire de fcorset posté le 17-12-2017 à 16:22:14
Merci Alfredyoyo pour ce récit. Je me rends compte que l'on s'est sûrement croisé dans Belledonne ou en Chartreuse. Je suis arrivé à Grenoble à 8h22, je crois...
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