L'auteur : zeze
La course : Trail Verbier St-Bernard - X-Alpine - 111 km
Date : 8/7/2017
Lieu : Verbier (Suisse)
Affichage : 3850 vues
Distance : 111km
Objectif : Terminer
Partager : Tweet
Oui je sais je dévoile la fin de l'histoire dès le titre. J'ai tué le suspense mais maintenant il n'y a de suspense que pendant la course. Il y a le bouzin kikourou, livetrail, facebook, les sms, nous sommes connected, GPSysés …....
L'histoire, Elle a commencé il y a plus de trois ans. Régulièrement le sujet du trail Verbier Saint Bernard revenait lors de nos discussions au sein du LUR (Lyon Ultra Run , association qui a pour but d'encourager la pratique de la course longue distance à travers quelques rendez vous sympathiques tout au long de l'année dans Lyon et ses environs : l'Ultra Boucle de la Sarra, le LUT, le LUT by night, la 180 , quelques off de découvertes de lyon et ses environs, ....)
Ainsi chaque année une petite équipe de Luriens se présente sur la ligne de départ de Verbier avec à sa tête Arthur notre président.
Pour quel résultat ? Dans la moyenne de l'épreuve soit moins de 50 % de finishers....
A entendre tous les revenants, c'est une course de référence dans la difficulté au même titre que la Montagn'hard, l'Echappée Belle, la Diagonale des fous, l'UTMB et celles que je ne connais pas.
Il y a donc une sorte de challenge entre nous …. et toi tu as baché où ? A la Fouly ...oui moi aussi j'étais mort cuit.... bon, je retenterai ma chance l'année prochaine...ou pas ! Mais il y a aussi nos Finishers qui nous tiennent tous le même discours : ne t'arrête pas à La Fouly après c'est roulant, pas La Fouly non pas La Fouly faut tenter la suite...c'est maintenant un leitmotiv Pas La Fouly une obsession Pas La Fouly
Et ainsi, année après année, un petit contingent de luriens tente ou retente sa chance et espère aller plus loin que La Fouly.
Cette année je retente ma chance avec Arthur, William, Corinne, Olivier. Stéphane était avec nous mais inscrit sur la traversée.
Oui je retente. Je retente car l'année dernière je me voyais déjà en haut de l'affiche ou plutôt de La Chaux sans passer par les cases Catogne et Orny. Tout cela parce que j'avais fini assez facilement la TDS et qu'un exès de confiance m'a fait croire que c'était gagné d'avance. J'ai abandonné pour la première fois une course .....abandonné.......
Avec un arrêt, où ça , à La Fouly bien sur, complètement vidé, cuit, sans force. Je me suis juré de revenir mais cette fois ci entrainé.
Des septembre 2016 et le trail d'Alberville, j'ai en tête l'X Alpine 2. Je vais me préparer une année. Toutes mes séances sont visibles dans Strava. En gros j'ai fait 3 fois plus de dénivelé. Le dernier mois a été plus corsé, j'ai enchainé les Week end plus ou moins choc : Trail des allobroges sous le déluge arrêté par la dernière barrière horaire, sortie spéciale dénivelé autour du Colombier d'Aillon (2400 D+ en 21 km), l'enchainement Pécloz, Armenaz puis Chaurionde en passant par les crêtes avec Arclusaz et Ch'ti gone (heureusement il y avait les nuages qui masquaient le gaz)
Je passe la dernière semaine à regarder régulièrement les prévisions météos qui heureusement s'arrangent de jour en jour. Les gros orages annoncés se transforment en ondée de fin de journée au fur et à mesure qu'approche le jour J.
Les 4 heures de trajet avec William sont occupés à nous raconter nos différents exploits de vieux guerriers de courses diverses et variées.
Après avoir récupéré mon dossard et salué Bernard et Florian des coureurs de mon club FFA, AAA de Lyon, je retrouve le chemin de notre parking. Oui le LUR a ses habitudes, on privatise le fond du parking Perin pour poser nos tentes à même le sol, faire un repas froid et essayer de dormir quelques heures avant le départ de 1 heure.
Nous campons en face du catogne qui déjà par sa hauteur, sa masse imposante nous défie ….. oui les p'tits gars demain je vous aurai.......
Après avoir somnolé, fermé les yeux, écouté la musique de la soirée du bout de la rue, facebooké, m'être couvert, découvert, tenté le sommeil sur le dos, le côté, l'autre côté...il est temps de remballer la tente et de se préparer.
Maintenant je ne peux plus reculer, je suis sur la ligne. J'ai tout fait pour revivre cet instant.
Mon objectif est simple : être finisher. Je n'ai pas de plan de marche précis si ce n'est de connaître mes temps de passage de l'année dernière, les barrières horaires et une heure , l'Heure que j'ai repéré sur le plan de marche donné sur le site de la course : il faut quitter La Fouly à 16 h 20 pour finir en 36 H, temps limite de la course.
Dans la suite de ce récit les comparaisons de temps ont été faites à postériori au moment de sa rédaction, sauf à La Fouly bien sur.
Chapitre 1 : Verbier – Sambrancher
C'est la mise en jambe pas si facile avec une belle montée et une descente piégeuse qu'il vaut mieux prendre par temps sec. Quand le faisceau de la lampe s'égare sur le coté du vide ..mieux vaut ne pas glisser ou tomber.
J'arrive à Sambrancher à peu près dans le même temps que l'année dernière à 2 minutes près. Je remplis mes 2 gourdes. Nous attaquons La Montée jusqu'au catogne avec une halte à l'alpage soit en tout 1900 M de D+ en 11 km 3
Chapitre 2 : Sambrancher - Alpage de Catogne
Il n'y a pas de difficultés particulières sur cette partie. Nous progressons souvent sur de la piste ou du chemin déjà bien pentu et arrivé à l'alpage il reste encore presque 800 m de D+. L'année dernière j'étais déjà bien entamé et j'avais été obligé de faire une pose d'une dizaine de minutes. Je remplis mes bidons avale quelques bouchées avant de continuer ma leçon de géographie. Nous partons de la vallée dans la forêt jusqu'à l'alpage où débute les prés puis le terrain devient de plus en plus minéral pour finir par des amats de pierres qu'il faut traverser puis refaire la leçon à l'envers en descendant sur Champex
Chapitre 3 : Alpage de Catogne – Sommet du Catogne
A partir de l'alpage nous progressons à découvert pour finir par la crête terminale qui nous mêne au sommet Ma vitesse ascensionnelle n'est pas terrible mais je progresse à mon rythme et surtout je ne fatigue pas. Je suis au sommet 10 minutes plus tôt que l'année dernière. Le jour se lève et je ne peux pas résiter à l'arrêt photo. Il faut profiter de l'instant et de la vue extraordinaire. Surtout qu'il va falloir redescendre.
Photos souvenirs en haut du catogne
Chapitre 4 :Sommet du Catogne - Champex
La première grosse descente qui mérite bien la description de l'organisation:
Le sentier de descente du Catogne sur Champex est coté T3 sur une échelle de difficulté allant de T1 à T6. La difficulté T3 demande d'avoir un pied sûr et une expérience élémentaire de la montagne. Il est toutefois entièrement marqué et sera de plus bien balisé et sécurisé avec des cordes sur certains passages, le rendant ainsi plus accessible pour le jour de la course. Parfois, l'appui des mains peut être éventuellement nécessaire pour l'équilibre. Quelques passages avec risque de chute, quelques pierriers et racines sur le chemin. A noter que ce sentier sert de référence suisse pour ce degrés de difficulté sur le site camp to camp (www.camptocamp.org), où vous trouverez d'autres exemples de sentiers similaires
Pour résumé : les escaliers de Lyon, la piste de la sarra, le mont Thou c'est bien mais ce n'est pas suffisant. Un conseil, le week end direction la montagne.
Je finis par arriver à Champex avec 40 minutes d'avance sur mon temps de l'année dernière non sans avoir déjà vu les premiers partis à 4 h me doubler !!!. J'y retrouve William qui m'annonce qu'il va certainement abandonner car il a cassé un baton quand il est tombé, puis il s'est tordu le genou dans une glissade. Il a du mal à descendre. Je prends un bol de bouillon, refais le plein des bidons et je ressors pour affronter ce qui pour moi est le passage le plus difficile de cette course : la montée vers la cabane d'Orny.
Chapitre 5 : Champex – cabane d'Orny
Il y a un an, cette montée avait été un long chemin de croix.
Je retrouve William quelques centaines de mètres après le ravito. Après plusieurs tentatives, il se fabrique un baton de secours. Avec une jambe et demi et un baton de fortune il finit par me dépasser, et petit à petit je le vois s'éloigner lacets après lacets. Cette forêt n'en finit pas et quand elle finit, elle débouche sur ça :
La montée vers le col breya n'est plus un chemin de croix mais un enfer, il commence à faire chaud. L'année dernière j'avais été brulé au second degré dans le cou. Cette année j'ai investi dans une casquettte saharienne, j'ai la crème solaire mais je n'en ai pas mis, je cuis litéralement. Je bois, je bois, j'ai tout le temps soif, j'ai de plus en plus de mal à déglutir et avaler la moindre bouchée de mes barres. Pourtant j'ai besoin de forces. Tout le liquide ingurgité se transforme instantanément en sueur, je suis trempé. J'ai l'impression que ma montée est encore pire que l'année dernière. Mais pierre après pierre, dalle après dalle, je finis par arriver en haut. Il reste une traversée à flanc pour finir la dernière ascension vers la cabane. Je me fais dépasser par des dizaines de concurrents. J'ai toujours en exemple Tidgi que j'ai doublé dans la montée vers le passeur de Pralognan à l'agonie et qui a fini la TDS bien retapé. Cette année je suis bien mieux préparé et je ne m'affole pas. Vu ma vitesse je prends le temps de faire quelques photos.
Finalement j'ai mis 20 minutes de moins que l'année dernière pour monter et j'ai toujours 39 minutes d'avance. Je reprends mes esprits, je remplis mes gourdes, je me force à avaler quelques bouchées de barre, quelques verres de Rivella et de coca et je repars. J'utilise enfin ma crème solaire pour me badigeonner. Je récupérerai dans la descente.
Chapitre 6 : Orny – La fouly
Prochaine étape le juge de paix ou le mouroir pour beaucoup.
Je croise Arthur sur le passage commun aller retour avant d'entamer la descente, je pensais qu'il était devant.
Le supplice continue, les pierres renvoient une chaleur presque insoutenable, aujourd'hui est un jour classé canicule. Nous passons à quelques mètres des énormes cascades des torrents de fonte du glacier d'Orny dans un bruit de douche que l'on imagine bien fraiche à souhait sans pouvoir y tremper le moindre centimètre de peau.
Cette descente est moins technique mais elle est longue mais longue. C'est une caractéristique de l'X Alpine, tout paraît long. Enfin j'arrive en bas où un ravitaillement liquide supplémentaire a été déposé. Quelques familles de supporters ce sont improvisés bénévoles et font le service.
Mais nous ne sommes pas encore à la Fouly, il reste 5 Km avec 400 m de D+. J'avance sans trop de soucis.
Il y a 1 an, la rue principale de La Fouly m'avait paru pentue mais pentue et je m'étais trainé jusqu'à l'entrée du ravito. Il était 16h50. Je souris intérieurement quand je m'aperçois qu'elle est pratiquement plate. Je cours jusqu'au pointage et je regarde ma montre....il est 15 h 48. Yess j'ai 30 minutes devant moi.
J'aperçois William qui me confirme qu'il arrête, il arrive à monter mais la descente est vraiment pénible car il a mal au genou. J'arrive enfin à avaler du solide. Lors d'un de mes nombreux passages vers la table.. Arthur est devant moi...tu es descendu comme une fusée .. non je me suis fait ramener en voiture j'ai une tendinite..sa 4 ème tentative s'arrête aussi à la Fouly.
Je regarde mon portable et quelques messages sur facebook sur mon suivi livetrail. C'est dingue l'effet du changement de tarification du téléphone portable sur cette course. Plus de frayeur d'avoir une note salée en rentrant, il y a du coureur rivé sur son écran ...
Bien entendu il est hors de question de lacher. Je fais confiance au tableau des heures de passage du site, donc je suis dans les temps. Je remets mon sac, à 16h09 je réponds à Anthony sur mon portable (double finisher qui m'a donné de précieux conseils) « J'y vais » , Arthur et William m'encouragent, je suis pointé à 16h12 en sortie en route pour La Traversée.
Chapitre 7 : La Fouly – Col Fenêtre
Me voici enfin sur la partie qui est paraît il beaucoup plus roulante. Effectivement après le petit raidillon pour quitter la route à la sortie du village, nous rejoignons une piste que l'on va utiliser quelques kilomètres.
Elle monte doucement doucement vers un hameau. Je revis, je marche rapidement mais sans me fatiguer. J'essaie d'avoir toujours mes bidons remplis Je ne suis pas parti depuis longtemps mais je me laisse tenter par l'eau bien fraiche qui coule au dessus de cet abreuvoir comme beaucoup d'ailleurs.
Mon eau étant tiède je vide même un de mes bidons. Je complète le bidon d'isostar. Je porte les lèvres à ma gourde pour prendre une bonne gorgée et je me rends compte de mon erreur...cette eau sent la vache Me voici obligé de me rationner je ne ne veux pas risquer de maux de ventre et je ne prends aucun risque. Je ne boirais que dans mon bidon qui contient le mélange. Il a quand même un goût bizarre : mélange d'odeur de vache et d'isostar dilué.
Je ne connais pas l'allure de référence pour passer la barrière horaire au col du GD St Bernard. Dès que je le peux je cours, pas bien vite mais je cours. Nous serpentons au milieu des troupeaux. J'entends un choc de cornes. Je me retourne et j'assiste de loin à un combat de reines. Il faut profiter de ce bel après midi maintenant moins chaud. Le ciel se couvre et des averses sont possibles.
J'atteins enfin le replat. Le chemin serpente autour des lacs. Le col des fenêtres est au bout du vallon et il faut encore monter un peu mais la pente et le chemin sont presque agréables malgré la fatigue finalement pas trop présente. Nous traversons quelques névés mais rien à voir avec les quantités de neige des photos que l'on peut voir sur le site de la course.
Une ondée m'oblige à mettre ma veste de pluie. Heureusement elle est de courte durée
Le col est au milieu de la plaque de neige qui touche le ciel.
J'atteins le col à 19 h 47
La prochaine barrière horaire est à 21 heure en sortie du ravitaillement Grand St Bernard
Chapitre 8 : Col de Fenêtre – Gd St Bernard
La descente est facile et rapide .... j'aperçois du monde dans un hameau plus bas au bord d'un lac. Je regarde ma montre, j'ai le temps. J'arrive dans les maisons....Pas de ravitaillement..... Je demande aux supporters présents s'il est encore loin …....vous voyez le chemin qui monte sous la route ; oui, vous le prenez...en haut vous traversez la route et c'est là juste de l'autre côté.... faut pas trainer , encore environ 1 kilomètre et je tombe sur le ravitaillement qui est niché derrière une butte. Il est 20 h 32 .
Je vide immédiatement mes bidons qui sentent la vache pour refaire le plein. Je n'ai plus de poudre isostar, je remplis une de mes gourdes avec du sirop. J'aurai au moins un peu d'eau sucré.
J'arrive toujours à manger et à boire tranquilement. Je fais un mix de bouillon, rivella coca eau plate eau gazeuse fruits secs gateau. Avant de partir je ressors ma frontale. J'ai toujours mes manchettes des coursières des hauts du Lyonnais aux poignets mais les prévisions annoncent une nuit tès douce et la pluie demain matin.
Je ne vous parle pas de mon état physique parce que je n'ai rien à en dire. J'ai bien eu quelques baillements à un moment mais je n'ai ni problèmes de sommeil ni douleurs particulières. Je suis à mon niveau et franchement je ne pense pas que je pourrais aller beaucoup plus vite.
10 minutes avant la fermeture du poste je repars affronter la nuit
Chapitre 9 : Gd St Bernard – Bourg st Pierre
Avant d'attaquer la montée vers le col des chevaux nous traversons le col du Gd St Bernard et la frontière italo suisse au milieu des deux imposantes batisses qui composent l'hospice. Nous prenons un chemin sur la gauche en direction du col. C'est un chemin sans difficultés. Je profite des derniers instants de la clarté du jour. Vu l'heure et mon classement je suis bien seul dans la montagne. J'aperçois un concurrent devant et personne derrière. J'approche du col où un bénévole attend les derniers concurrents. Il m'encourage puis je bascule dans la descente en ayant pris soin de d'allumer ma frontale car les premieres centaines de mètres sont pentues et piégeuses. Ces lacets n'en finissent pas. Épingle à droite..épingle à gauche ...Il y a des frontales tout en bas bien loin …..Evidement avant d'arriver dans la vallée ma lampe clignotte pour me signaler que la batterie est faible. Je ne veux pas revivre ma galère du Puy Firminy ou j'ai attendu attendu pour finalement me retrouver dans le noir total cherchant mon téléphone pour avoir un peu de lumière. Je prends ma lampe de secours.
Je descends maintenant vers Bourg St Pierre Le chemin est assez roulant et il ne faut pas trainer car la barrière horaire est à 1 heure. Je dois parfois chercher le balisage, beaucoup de piquets tenant la rubalise sont à terre certainement couchés par tous les concurrents précédents de la traversée et de l'X Alpine. Je devine en contre bas la surface sombre et lisse du lac des Toules. Miracle je rattrappe un concurrent dans la nuit, je lui demande si cela va sans réponse. Les occasions sont rares pour engager une conversation. Je cherche désespérement les lumières du village dans la nuit mais il n'y a rien. Les seules fenêtres allumées sont celles des autocars qui montent vers le col sur la route de l'autre côte du lac. J'ai l'impression que le chalet illuminé très très loin la haut devant moi est la cabane de Mille. Je regarde fréquement ma montre, il est plus de minuit 15 et toujours pas de trace de village. Enfin le chemin amorce un virage sur la droite et je passe du bon côté du vallon. Encore une montée et je débouche dans Bourg St Pierre par surprise. J'entre dans le poste à 0h36 .
Les derniers sont chouchoutés, une bénévole me demande immédiatement ce que je veux manger et m'apporte une assiette de pâte. Je commence par changer ma batterie de frontale pour ne pas oublier. J'avale quelques bouchées et picore sur la table tout en remplissant mes bidons.
Je récupère mon sac d'allègement, je change de maillot, refait le plein de barres mais j'oublie de prendre mon sachet d'isostar, il est déjà presque 0h50. Il faut penser à sortir avant la fermeture.
Me voici prêt à affronter la montée vers la cabane de Mille. Je suis dans la rue, il est 0h53 .
Chapitre 10 : Bourg St Pierre – Cabane de Mille
Les derniers rescapés se retrouvent regroupés au dehors de la salle. Nous sommes tous sortis pratiquement en même temps. L'horlogerie suisse est implacable. A 1 heure le poste ferme. Je reprends ma progression mais je ne suis plus seul. Il n'y a pas pour l'instant de groupe constitué mais dans la pénombre on devine quelques frontales. Je monte maintenant la piste en suivant des pas. Je suis bien incapable de dépasser, nous progressons à la même vitesse. Puis nous voilà 3. Notre avenir commun dans cette X alpine est en train de se jouer. Quand l'un s'arrête les 2 autres aussi, il n'y a au début que peu de mots échangés mais un fil invisible semble nous relier, notre groupetto est constitué. Notre prochaine quete commune est cette cabane que nous n'apercevons toujours pas, elle doit être derrière cette épaule. Elle est là juste devant nous, apparement si proche mais finalement si loin. C'est bien le batiment aperçu dans la vallée avant Bourg st Pierre. Il est bien visible, illuminé comme si noêl durait toute l'année .
Finalement si loin car dans la nuit nous ne voyons pas le relief et nous n'irons pas en ligne droite. La cabane disparaît de notre champ de vision, elle réapparait soudainement. Tel un phare dans la nuit, la cabane nous indique la direction mais nous devons tirer de nombreux bords pour y arriver et le temps s'écoule inexorablement. C'est notre avant dernière barrière horaire fixée à 4h45. Il est à 4h19 quand bippe le capteur de Livetrail. Encore une petite marge pour profiter du ravitaillement sans se presser.
Chapitre 11 : Cabane de Mille _ Lourtier
Si Bruno a assuré le train dans notre quête de La cabane, c'est au tour de Stéphane de mener notre troupe dans cette interminable descente qui nous ramène dans la vallée. Il fait maintenant jour. Il nous guide à une allure nous permettant de rester bien grouper et surtout de ne pas ralentir. Lourtier c'est la dernière barrière horaire fixée à 8 h, après il nous suffit d'arriver avant 13 heures pour être classé. Nous voici pile au niveau de La Chaux. A partir de maintenant tout ce qui est descendu sera remonté. Le groupe nous rassure, les paroles échangées me font du bien. Je ne pense pas au sommeil, je n'ai pas de douleurs. Je ne vois pas d'autres issu que d'être finisher.
Il nous faut finalement 3 heures depuis la cabane pour arriver au poste de Lourtier, il est 7h25. Nous conservons nos 30 minutes de marge à chaque barrière ce qui nous permet de prendre notre temps.
Nous suivons toujours le plan de marche pour arriver en 36 h.
22 minutes avant l'heure limite nous laissons les bénévoles du poste à leur rangement.....cela sent la fin.
Chapitre 12 : Lourtier – La chaux
Nous savons ce qui nous attend : la terrible montée de 1000 m de D+ en 4 km . Il reste ensuite 200 m en 1 km pour arriver au self qui sert de poste. Il n'y a pas besoin de réfléchir, il faut tout donner. A la sortie du village nous retirons nos vêtements de pluie car nous n'allons pas avoir froid. Une dernière petite pause boisson, je dois maintenant faire ma part du travail.
Je passe devant pour assurer le train. La montée débute par une magnifique allée en herbe bordée d'arbres bien rectiligne sur environ 500 m. C'est magnifique mais pourquoi avoir planter à cet endroit une allée de château avec une pente d'au moins 25 % pour se terminer contre les rochers. Un mystère helvète …
Je prends un rythme régulier, je regarde mes chaussures et j'avance droit devant. Je fais des pauses pour boire et récupérer un peu. Je demande si je ne suis pas trop lent ….non non c'est bon ...à entendre les souffles dans mon dos quand j'avance je ne pense pas que ce soit une réponse de complaisance. Nous sommes maintenant dans des lacets toujours aussi pentus dans une foret. Enfin le self est visible mais encore à au moins 1 km.
Je cherche la trace que nous devons suivre mais je ne vois que des chemins qui montent au dessus du batiment. J'ai un moment de découragement, cette fois j'en ai plein les jambes...non plus de montée. Je regarde le profil sur mon dossard, nous ne montons pas si haut ...Ouf le couple qui nous a dépassé il y a quelques instants nous montre la voie, il y un sentier peu visible de loin.
Encore 1 lacet , nous passons sous les cables de la remontée et enfin nous pouvons faire notre entrée dans le dernier point de contrôle, il est 10 h24, il nous reste plus de 2 h 30 pour faire les 6 derniers km de descente...
Nous prenons le temps de nous poser à une table pour boire tranquilement et manger un peu.
Nous ressortons au bout de 13 minutes pour entamer notre dernière descente.
Chapitre 13 : La Chaux – Verbier
Stéphane reprend la tête de la troupe pour assurer le train. J'ai du mal à suivre. Je me retouve assez rapidement décroché à une trentaine de mêtres mais ils s'arrêtent régulièrement pour m'attendre. Même si j'ai tout donné dans la montée, mon rythme de descente est plutôt dicté par la prudence que par la fatigue.
Avant d'entrer dans Verbier nous faisons une dernière pause, nous devrions pouvoir passer sous les 35 h et arriver au moment de la remise des prix, profiter de la cérémonie pour recevoir une petite part des acclamations dues aux vainqueurs.
Le ciel est bas et menaçant, il n'y a pas foule dans la rue .
Quelques applaudissements en passant devant une terrasse..... J'aperçois William qui m'a attendu et qui prend 2-3 photos pour immortaliser cet instant. Mais à part le speaker, le photographe et les supporters des 6 derniers finishers dont nous faisons parti, il n'y a pratiquement personne sur l'aire d'arrivéee. La remise des prix se déroule sous la tente du ravitaillement....Nous n'aurons pas nos miettes d'acclamations.
Je ne connaissais pas cet usage mais en tant que vétéran de notre petit groupe, ma place est paraît il au centre. Je m'exécute amusé et nous franchissons la ligne ensemble.
Notre temps : 34 h 56 minutes et 45 secondes. Yess moins de 35 heures
Epilogue
Je peux saisir les bras de Stéphane et de Bruno et les lever devant le photographe car c'est une victoire commune. Nous avons fait équipe depuis Bourg St Pierre et nous avons réussi ensemble. Le temps importe peu.
Oui il faut dépasser La Fouly et continuer coute que coute. Vous pouvez faire confiance au tableau, nous avons validé les temps de passage de la colonne 36 h jusqu'à La Chaux.
Je remercie tous les bénévoles qui nous ont accueilli tout au long de la nuit. Je ne sais pas si c'est le privilège d'être dans les derniers mais nos 20 minutes d'arrêt ont toujours été source de discussion et d'échanges très sympatiques.
Je remercie tous mes supporters,, je sentais les encouragements mais lire à postériori les commentaires du bouzin et de facebook fait très plaisir. Bernard, Florian,William qui ont eu la patience de m'attendre sur la ligne; la femme de Bruno qui a pris les photos du passage sur la ligne.
Maintenant il faut trouver une autre source de motivation, mais cela ne manque pas. J'ai en tête les coursières, l'UTB, la montagn'hard et puisque j'ai les points je vais m'inscrire au tirage au sort....j'aimerais pouvoir tenter ma chance avant d'être V3.....Soupir........
Et puis un petit 24h à St Laurent du pont, un AR Le Puy Firminy avec Bubulle Tidgi et Tom et la 180 ......
Et.......
I'm X Alpine
PS : des nouvelles des autres Luriens présents sur la ligne : Arrêt à la Fouly pour Olivier, William et Arthur, arrêt au GD St Bernard pour Corinne BH dépassée pour une minute (21h01)
14 commentaires
Commentaire de xian posté le 03-08-2017 à 10:20:35
bravo Bernard, super récit... ça donne vraiment l'impression d'être un gros morceau. mais ça donnerait presque envie d'y aller ;-)
Commentaire de zeze posté le 04-08-2017 à 16:50:57
Oui il faut y aller mais comme je l'ai écrit il faut se préparer comme pour l'UTMB ou une course de ce niveau
Commentaire de Mazouth posté le 03-08-2017 à 12:07:57
Bravo ! C'est une belle victoire, tu as vaincu la Fouly :) Ca a effectivement l'air d'être un sacré morceau cette course, et surtout quand je lis ta belle course et que je vois que tu étais toujours à moins d'une heure des BH, je me dis que le niveau est très relevé sur cette course. Encore bravo !
Commentaire de zeze posté le 04-08-2017 à 16:57:37
Merci Je te confirme je suis à ma place. Je suis à la base un marathonien. Dans toutes les courses avec peu de longues montées j'arrive à être assez bien placé (type sainté Lyon) Mais sur ce type de profil je suis à ma place (entre 90 et 98 % des arrivants). Pour comparer avec la TDS (je suis 60 % des arrivants) il y a beaucoup d'endroits où l'on peut courir
Commentaire de tidgi posté le 03-08-2017 à 12:15:10
Tu vois ? T'as bien fait de continuer après la Fouly : c'est là que çà devient bien roulant pour un marathonien comme toi...
Superbe récit qui me rappelle de bons moments, tu étais quasi dans les mêmes temps que moi en 2015, mais tu as fini un poil plus vite plus vite. Surement parce que tu n'avais pas à débaliser ;-)
Un grand bravo Bernard !
Commentaire de zeze posté le 04-08-2017 à 17:00:20
Merci Oui je savais qu'il fallait continuer mais il faut arriver à La Fouly pas trop entamé Comme écrit dans le CR il faut s'entrainer spécifiquement. ce que je n'avais pas fait l'année dernière en m'entrainant pour le 24 h tout plat au lieu d'aller faire des côtes.
Commentaire de Trixou posté le 03-08-2017 à 15:43:08
Bravo Bernard, quelle course ! et quel récit !
Commentaire de zeze posté le 04-08-2017 à 17:02:51
Merci le temps passé pour écrire le récit a été proportionnel au temps mis pour faire la course
Commentaire de Grego On The Run posté le 03-08-2017 à 16:33:23
Bravo ! ça c'est ce qui s'appelle être allé au bout sans peur et sans crainte. Il en fallait du courage avec les barrières qui pouvaient faucher comme un couperet. Et franchement poursuivre après le col des chevaux dans le noir : hyper impressionnant, j'aurais été effrayé.
Commentaire de zeze posté le 03-08-2017 à 17:22:11
Merci. Je te rassure je n'ai jamais été dans le noir . Ma lampe clignote pour annoncer la fin de la batterie et j'ai immédiatement changé de lampe. C'est au puy Firminy que j'ai galéré pour attendre un concurrent et lui emboiter le pas. Je ne me vois pas descendre le col dans le noir
Finalement pour les barrières nous étions tranquiles (je parle pour 3 ) car nous regagnions systématiquement 20 à 30 minutes sur la suivante pour se poser. Cette course est vraiment un super souvenir.
Commentaire de Spir posté le 05-08-2017 à 22:15:22
Finalement, c'est parce que tu ne t'es pas Fouly que tu y est arrivé ;) Merci pour ce récit. Cette course avec les BH, et ce petit groupe qui se constitue sans avoir à se parler... Ca, c'est la magie des ultra je trouve. On peut se retrouver à passer des heures avec des personnes qu'on ne connaissait pas, et pendant le temps de la course, chacun sait qu'il peut compter sur l'autre pour le soutenir et le motiver à continuer.
A+ !
Commentaire de Jean-Phi posté le 07-08-2017 à 14:57:32
Chapeau Bernard ! J'ai suivi à distance, ai eu peur un moment et me suis rappelé combien tu es dur au mal.Un entraînement bien mené, de l'abnégation sur la course et la volonté de ne rien lâcher.Vraiment une très belle leçon que tu nous donnes. Fier de te connaître !
Commentaire de Benman posté le 10-08-2017 à 19:14:56
Bravo. Les 35h,ce n'est donc pas un mythe, mais le signe d'une perf exceptionnelle. Merci Bernard pour ce récit.
Commentaire de Speedy29 posté le 11-08-2017 à 13:11:41
Félicitations Bernard, finishers de ce magnifique trail très technique. Et merci pour ce magnifique compte rendu avec de superbes photos
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.