Récit de la course : 80 km du Mont-Blanc 2017, par Yo CAM

L'auteur : Yo CAM

La course : 80 km du Mont-Blanc

Date : 23/6/2017

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 3720 vues

Distance : 80km

Objectif : Terminer

6 commentaires

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Mon 80km du Mont Blanc à moi

Mon 80 km du Mont Blanc à moi.

Tout a commencé à cause de Sébastien, un collègue. Un peu plus jeune que moi, un peu plus fort aussi. Il a fait le MMB et il a tellement adoré qu’il veut s’inscrire pour le 80 et nous a tous motivé de venir avec lui. Inscription, tirage au sort, je suis le seul à obtenir le sésame. Oups. La course c’est un jour en semaine, je n’aurai donc pas d’assistance. Je ne connais personne qui y va (je passe pour un extraterrestre dans le coin). Cela ressemble de plus en plus à un grand projet bien solitaire tout ça. J’hésite, mais un dossard sur le 80 MB cela ne se refuse pas.
Inscription à la confrérie des Kikourou, pour essayer de rencontrer des gens, covoiturage, partage d’expérience. J’en manque cruellement sur cette distance, cette durée, ce dénivelé. Je me lance dans le truc le plus dur que je n’ai jamais fait. Ce paragraphe rassemble les deux éléments fondateurs de cette aventure. Vous allez voir….

La préparation se passe bien. Des Week end chocs, du fractio toutes les semaines, quelques sorties et courses (moyennement) longues. J’aborde le déplacement à Chamonix avec des stats pas trop ridicules (je croyais) : 18km/h VMA, environ 1 000 km et plus de 24 000 m dénivelés en 2017. Pas d’alcool pendant les 4 jours précédents, pas de stress de dernière minute au boulot, les collègues et amis m’envoient de nombreux messages d’encouragement et de soutien, ma femme sous forme de clin d’œil m’offre une corbeille avec des crèmes Mont blanc (j’adore), des bières et de l’eau minérale du MB. Tous les voyant sont au verts, le moral est tout en haut, mais au fond de moi-même, y’a quand même une très très grosse incertitude …

La road book est prêt. Presqu’aussi beau que ceux de Bubulle. J’apprends l’enchainement de montées et descentes, les distances, les dénivelés, les ravito. Je connais le Brevent, planpraz, la flégère, les Montets pour y avoir été en rando-course l’été. Le reste est inconnu. Je redoute Emosson, synonyme de tant d’arrêts les années précédentes. Je me promets de ne pas finir à Emosson … je me promets de tout faire pour aller le plus loin possible. J’annonce avec ambition un temps de 20 h (si tout va bien). A bon y’a des barrières horaires ?  Cela doit être pour que l’orga ne finisse pas trop tard... Pour les derniers … même pas je les note sur mon roadbook. Moral au beau fixe, qu’on vous dit ... manque d’expérience vous pouvez répondre. 

Première nouvelle expérience (confirmée par Bubulle) : un road book cela ne sert que avant la course, parce que pendant, on se contente de faire de son mieux, et d’avancer, avancer …

 

Préparation du sac : merci à mes sponsors salomon, Decathlon, adidas, Kinetics/MT Ventoux, Go pro, freegun, BV sport, Oxsitis, petzl, raidlight (merci la société de consommation), et je n’oublie pas mon oreiller.

 

Direction Chamonix, le Chamoniard volant, gite très simple à 800 m du départ. De toute façon les deux nuits que je vais y passer vont être courtes. Retrait des dossards, pas trop de monde, vérification du matériel obligatoire (ouf tout passe), la photo du groupie de base, et LE dossard du 80MB devant le MB sous les nuages. La classe. J’avais remarqué que le dossard 5212 pouvait être presque associé à une tragédie, si on lui enlève le premier 2 … une histoire de yohan me direz-vous.

   

Avec des kikourous, que je ne connais pas, on a rdv à 18h30. Chouette je ne vais plus être seul. On se retrouve et direction la microbrasserie, lieu incontournable de Chamonix. Grande question : peut-on boire une bière la veille d’un 85/6200d+ ? et bien eux oui ! encore une nouvelle expérience. Je saute mon tour (pour une raison toute bête que j’ai oublié d’acheter mon petit dej pour demain). Bon le groupe est super sympa, semble bien expérimenté, je ne pensais qu’il prendrait autant d’importance pour le lendemain. Diner très sympa avec Rem et Cedtrail95, qui a donné lieu à une réflexion philosophique sur l’impact de l’assaisonnement des pâtes la veille d’un ultra.

Nuit agitée, chaud, froid, peti déj à 3h qui passe bien en préparant le sac. Quelques minutes de marche pour arriver au départ. Une ambiance magique, feutrée. Les esprits sont encore endormis ? déjà concentrés ? Toujours cette incertitude de l’inconnu, mais tout va bien. Je reste près du sas élite pour tenter une photo d’une star. Personne. ils sont où ? Je ne vois que Mimy, qui va gagner en féminine. 3h45 je rejoins le peloton et me mets comme prévu plutôt vers la fin. Pas de stress cela va être très long. on monte au Brévent dans la masse on verra après. Je reprends une photo d’un CR kikourou précédent (merci BENman) car c’est moi là à gauche sur la photo, de dos, en bleu.

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Le départ ressemble un peu à une délivrance. Tout ce temps de préparation, a en parler à tout le monde, à faire des sorties longues…enfin on y est. Et cela ressemble à n’importe quel départ de trail. Mais faut partir doucement, et il y a la boule au ventre … cette incertitude ...

Vous connaissez le début, on trottine 2km sur route, je double tranquillement sans effort, bouchon au début, puis alaqueueleuleu pendant 2h jusqu’en haut. Le lever de soleil, c’est grandiose. C’est le pied !

        

2h41 pour arriver au sommet. Plus long que prévu, et alors ? Les sensations sont bonnes, j’ai suivi d’un bon pas tout le monde. Je m’imagine dans le ventre mou du centre du groupe, et sans trop d’effort. (je suis 785 en fait). C’est bon pour la suite. Jonction à Plan Praz facile, les jambes me font plaisir, la confiance continue de s’installer. Toujours tranquille pour durer, c’est le maitre mot de cette journée. Ravito tout pourri, où on est tous serrés, il faut jouer des coudes pour un bout de banane. Pas à la hauteur de l’événement je trouve. Je bois bien depuis le début, je mange un petit peu.

Et c’est reparti, on trottine, toujours entourés de plein de monde. Tiens déjà La Flégère ? trop bon ! un petit SMS à la maison pour envoyer la photo du resto où on avait pris la tarte à la myrtille en revenant du lac blanc. ‘Tout se passe bien !’ j’ai écrit.  On m’a doublé, j’ai dû en doubler aussi, toujours ventre mou du milieu j’imagine (je suis 810 en fait …). Les chamois, les bouquetins, que c’est beau, on avance jusqu’à la tête aux vents, je reconnais. La descente est moins dur que dans le Ventoux, près de chez moi, je me surprends à laisser aller. En bas de la descente, je blague avec des spectateurs, j’ai la banane, ça commence à tirer un peu, mais normal pour 28 km 2000 d+.

  

 

Le ravito du Buet est également décevant, à plusieurs titres. D’abord parce qu’il est très mal fourni, il faut attendre pour avoir des boissons et à manger, ensuite parce que j’entends mon classement 767 ! oups, c’est vrai que c’est plus exigeant et relevé que prévu. Je croise Cedtrail95 qui repart. Il a l’air à fond et hyper motivé. Respect ! Je m’accorde 10 min de pause. L’esprit est légèrement confus, la fatigue commence à s’installer je me dis. Il commence à faire plus chaud. 2h de la barrière horaire.

6h00 de course : Prochaine étape Chalet de la Loriaz. Magnifique sous-bois, montée régulière, j’y vais d’un bon pas, mais toujours sur la réserve, pour durer. Et là je commence à ne plus me souvenir de tout. L’eau, chaude dans la poche à eau, ne passe plus. L’idée de manger m’est désagréable, et le tonus s’enfuit au fur et à mesure. La progression est bonne mais de plus ne plus lente. L’envie s’évapore, comme l’eau à la surface de ma peau. C’est long, c’est trop dur. Ce chalet n’en finit plus de ne pas arriver. On sort du sous-bois, la nouvelle boucle exprès pour allonger en plein cagnard, je m’assoie au bord du chemin, pour faire une première pause. Cela surprend tout le monde. ‘Ça va ?’ qu’ils demandent gentiment. Ben non, sinon je serais en train de courir ! … enfin le sommet. Y’a rien à manger, rien à boire, de toute façon je n’arrive plus à manger et à boire depuis plus d’une heure déjà. Je pose le sac, m’allonge, essaie de dormir pour faire passer cette sensation de mal-être qui m’envahi. REM arrive, me salue poliment et voit bien que c’est chaud pour moi. Il a l’air bien, ça fait plaisir. Prochaine fois je prends les pâtes avec la poêlée de légumes.
L’estomac se rebelle enfin. Une purge bienfaitrice sur le moment. Je passe la tête sous l’eau froide, me ressaisi, et repars à l’assaut de cette foutue médaille. 1 h de la barrière horaire.

 La descente se passe bien, je crois, car je n‘en ai aucun souvenir, aucune image. Juste le banc dans l’herbe en bas sous les arbres et la fontaine après la portion de route (le mollard). L’eau froide fait du bien sur la tête, mais ne suffit plus. Toujours rien bu et rien mangé. M’en fiche, il faut partir à l’ascension de Emosson. 40 min de la barrière horaire. J’entends parler de plus en plus de barrière horaire. Faut-il que je m’en soucie ? Comment est-ce possible ?

L’ascension à Emosson n’a, en fait, rien de particulier. Exigeant, alpin, certes, mais cela se fait. Sauf quand on le fait en plein cagnard, après 40 km et 2800d+. Sans boire et sans manger. Alors là c’est très dur !! et ça n’en finit pas. Des cadavres partout le long du chemin, et moi parmi ceux-là. Je me traine, chaque pas est un calvaire. Je m’arrête très régulièrement, plus de force. Il parait que c’est dans la tête. Mais la tête n’est déjà plus là. J’ai chaud, puis froid, l’idée de manger et boire me donne des hauts le cœur. Quand j’essaye de me ressaisir pour avancer plus vite, mon cœur tape si fort à l’intérieur, je m’inquiète presque. Tout le monde parle de la barrière horaire de Chatelard.  Je commence à me dire, et espérer, que c’est grillé, cela sent la fin à Emosson. Double peine. Je me dis que je crois que je ne suis pas fait pour les longues distances. Faut être raisonnable, on fait avec le corps qu’on a. Un bon 25 km de quartier, y’a que ça de vrai.

Arrivée sur le barrage, aucune satisfaction, je marche sur le béton, chaque marche de l’escalier métallique se fait une après l’autre, avec une pause entre les deux. Le ravito est quasi vide. Je m’assois, j’attends. Quoi ? je ne sais pas. Arrive  ilgigrad avec son ami. Ils sont dans le même état que moi. J’arrive à garder un premier verre de coca dans l’estomac, puis un deuxième. Tout revient doucement. Lucidité, et presque énergie. Il fait froid. Il reste une heure avant la barrière horaire suivante. Ceux qui viennent de passer, donc en meilleur forme que nous, la fond en 1h30. Impossible. Arrêt définitif, on rend les dossards.

 

La suite est joyeuse, sans doute une délivrance. Le tout masqué par la contrariété de l’arrêt, mais ne plus avoir à faire d’effort, ne plus sentir cette sensation d’épuisement profond, reprendre la maitrise de son esprit, revenir en terrain connu est très agréable. La fin du récit est commune avec celle de ilgigrad (voir son CR). Une bonne bière à vallorcine avec les nouveaux amis de kikourou (un immense merci à eux, de belles rencontres) et tout repart.
Je ne suis finalement pas vraiment fatigué.  Je reste quelques heures sur la place de Chamonix, à profiter de l’ambiance du lieu. Arrivées du 80, départ du KV. J’adore cette ville et cette ambiance. Les arrivants du 80 sont au classement 35è. Je vois Zorglub74 qui arrive. Il est rincé, sa performance est impressionnante.
Une douche au gite, et je rentre sur Avignon, puisque je n’ai plus rien à faire ici. Beaucoup de messages des gens qui m’ont suivi. Je n’espère ne pas les avoir déçus, et ils m’encouragent, c’est bien et réconfortant. 
Cette aventure restera gravée à jamais dans ma mémoire tant tout ici est fort et grand. Je ne sais pas si c’est une hyperthermie hypoglycémie ou déshydratation qui m’a terrassé. Mais il faut que j’apprenne à l’éviter et à m’en sortir, sinon je ne ferai jamais plus de 6-8 h en pleine forme. L’expérience arrive tranquillement. Déjà prêt à repartir.  
Super sympa d’avoir rejoint la communauté Kikourou et d’avoir rencontré tous ces gens formidables.

 

Coup de gueule 1 : ma montre fenix 3 en mode ultratrac me donne des distances aberrantes largement surestimées ; Pour 44.5 km faits, elle m’inique plus de 62.

Coup de gueule 2 : le Kiki qui se balade en haut de l’Everest et qui parade en short en haut du Mont Blanc avec nos sous (c’est nous qui payons son salaire quand on se paye des produits Sal…on   trop chers), il n’est pas capable de dire au moins bonjour et un sourire quand on lui demande poliment une photo sur le salon dont son employeur est sponsor principal.

 

 

 

 

6 commentaires

Commentaire de Benman posté le 30-06-2017 à 21:41:15

Je t'ai micro aperçu à la microbrasserie jeudi, c'était toi qui faisait les BH des supermarchés chamoniards? Ce CR est très lucide. On croit qu'on va y arriver, on est prêt, et paf, le rien qui arrive. Bon, tu as surement beaucoup plus appris là que si tu avais sur un coup de bol terminé. J'ai tendance à penser qu'une heure pour descendre au Chatelard pouvait être suffisant avec une bonne dose d'adrénaline, mais tu aurais souffert ensuite -ou pas, j'en suis le contre-exemple. En tous cas tant mieux si tu te sens kikou, c'est bon signe, et si tu as envoie de revenir sur ce format, ce qui est probable. Vite la suite!

Commentaire de bubulle posté le 30-06-2017 à 22:54:30

Voilà, vivement la suite, il a raison, le Benman. Il faut effectivement pas grand chose et, surtout, il est vraiment difficile ce format. C'est *aussi* la première course où je me suis préoccupé des BH (on n'était pas si loin que ça, au Buet où tu étais apparemment à 1h de la BH (et non 2, elle était à 11h).

C'est un peu le petit rien qui t'a amené des problèmes à la Loriaz qui en a décidé, pendant que de mon côté, j'avais plutôt un coup de bien à ce passage là. Question de chance, presque.

Pour les bières avant course, en fait quand on s'est vus à la micro-brasserie, j'en étais à ma deuxième pinte..;-)

Commentaire de ilgigrad posté le 30-06-2017 à 23:22:23

je connaissais la fin de l'histoire, et pour cause; le début est tout aussi passionnant. C'est ce que je trouve magnifique dans ces courses; qu'on les finisse ou qu'on abandonne; toutes ces semaines de préparations et parfois de privations, tout ces rêves dont les roadbooks font partis, cet engagement absolu et ces heures en montagne pendant lesquels nous torturons notre corps et bouleversons notre esprit; ce sont des expériences uniques. On gagne cent ans de vie sur une course pareille.
Bravo en tout cas de t'être lancé dans cette aventure. J'espère qu'il y en aura d'autres car avec une telle VMA il n'y a aucune raison pour que tu ne parviennes pas à réaliser quelques exploits. Comme je te l'ai écrit dans un commentaire de mon CR, j'étais ravi de te rencontrer là haut sur le barrage et de passé ces heures post-traumatiques avec toi.
A bientôt,

Commentaire de cedtrail95 posté le 01-07-2017 à 10:02:02

Ça passera une autre fois. En tout cas, tu étais lucide au Buet car je te confirme qu'à ce moment, j'avais le couteau entre les dents, prêt à surmonter toutes les souffrances pour en finir quel que soit la durée. Mais c'est parce que j'étais bien là...

Commentaire de Rem posté le 01-07-2017 à 10:27:45

Il y a débat si c'est les pâtes ou la bière qui a fait son effet pour moi :) Je me souviens t'avoir dit à la loriaz "on a de la marge" auquel tu as répondu , à peu près :"oui, de progression , parce que la je suis au fond" qui m'a laissé coi :) . Difficile de comprendre comment on passe de très bien à mal en qques min dans une montée sans grosse difficulté (la loriaz) . L'ultra se joue souvent sur des détails . Tu aurais pu ressuscité quand l'estomac s'est rebellé mais tu n'avais plus assez de marge pour te retaper. Il faudra y revenir peut être sur un format +court.
Ce qui me réussit : séjour montagne qques jours /une semaine avant ...?

Commentaire de Renard Luxo posté le 10-07-2017 à 23:00:37

Bref, si j'ai bien suivi, tu vas cliqu2 pour l'édition 2018, non ?!? ;-)

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