Récit de la course : Sur les Traces des Ducs de Savoie 2016, par Garraty

L'auteur : Garraty

La course : Sur les Traces des Ducs de Savoie

Date : 24/8/2016

Lieu : Courmayeur (Italie)

Affichage : 1232 vues

Distance : 119km

Objectif : Terminer

12 commentaires

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Chronique d’un échec prévisible


2015 

   Fin août 2015, Garraty a réussi sa CCC. Un chrono honorable, pas de blessure, et surtout du plaisir à la faire. Mais il n’a pas vraiment envie de s’affronter à plus long, à plus dur. Il est rentré dans le mode des ultra-traileurs mais 100 bornes, cela lui parait suffisant. Faire plus, apparait incompatible avec le temps qu’il passe à l’entrainement.

   Alors l’automne passe…puis vient le temps des pré-inscriptions à l’UTMB. Pour regoûter à l’ambiance de cette semaine-là, il décide de s’inscrire à l’OTC : 55 kms c’est bien, la distance  est raisonnable. En plus maintenant, il connait le parcours.

  Mais cette année, il ne connait pas la chance du débutant, il est recalé au tirage au sort. Pourtant, dans le message reçu de l’organisation, il découvre que l’on peut parcourir une épreuve de l’UTMB avec un dossard dit solidaire. En versant 2000€ à une association caritative, on bénéficie d’un dossard sur la course de son choix. Garraty a une chance : il est le patron de son entreprise ; c’est elle qui sponsorisera le dossard ! Oui, mais voilà, une folle idée lui traverse l’esprit. Quitte à courir pour une association, autant le faire en grand. Il courra la TDS ! (Et ce sera donc pour la Fondation pour les maladies rares).


La préparation

   L’année avance. Le programme est fait. Ce sera Trail des crêtes à Bellevaux (38kms) en mai, Ultra-tour du Giffre à Samoëns en juin (83kms) puis Tour des Fiz à Passy en juillet (61kms).Mais tout ne va pas se passer comme prévu…

   Mai et juin passent tant bien que mal et l’Ultra-tour du Giffre en point d’orgue se fait dans des conditions difficiles (neige, boue, parcours réduit à 77kms et 5400D+ pendant la course). Pourtant ça passe et les kilomètres s’accumulent tout doucement et sans blessure qui plus est. La confiance est là.

   Juillet est une catastrophe au niveau de l’entrainement. …Vacances en famille, déplacements à l’étranger…quelques footings sans plus. A tel point, qu’il préfère ne pas se rendre au Trail des Fiz car il est rentré la veille chez lui.

   Début août, une ou deux sorties longues ne compensent pas le déficit d’entrainement. Mais il se dit que la course se fera à l’expérience en utilisant les acquis. Et puis arrive le coup de grâce : son petit dernier attrape une salmonellose le samedi qui précède la course ; il ne mange rien pendant 3 jours, se réveille la nuit, commence à se déshydrater. Garraty est inquiet et n’a plus la tête du tout à la course. Il se demande même s’il va y aller. Le mardi, l’état de santé du petit s’améliore. Ok, il ira à Courmayeur.


La course

   Réveil à 2h du matin pour être à Chamonix au bus de 4 h pour Courmayeur. Quelques minutes avant le départ Garraty est accosté par un autre coureur qui lui aussi court pour la Fondation. Plutôt sympa de discuter 5 minutes avec quelqu’un avant de partir…

   Dès le départ, toujours dans cette ambiance si particulière à l’UTMB, Garraty part en mode tranquillou et attaque la première côte à un petit rythme mais à l’occasion d’un virage, il découvre qu’il est quasiment dans les derniers. Pas de panique, mais quand même cela veut dire que le gros du peloton part vraiment vite ou alors que le niveau de la TDS est plutôt relevé. Premier pointage, effectivement, il est 1632ème en 1h25.

   Au premier ravito de Checrouit, il ne s’arrête pas (il a à boire et à  manger pour tenir jusqu’au prochain ravito) mais il se retrouve rapidement dans les embouteillages et c’est au ralenti que l’ascension de l’arrête Favre se fait (1499ème en 2h37). La descente se passe bien, tout en retenu, pour ne pas taper dedans et c’est l’arrivée au bord du lac Combal. Ce passage est absolument magnifique ; Garraty essaie d’en profiter un maximum. Peu après la fin de la descente, il rattrape par le plus grand des hasards l’autre coureur de la Fondation et c’est ensemble en discutant le bout de gras qu’ils parcourent le plat qui rejoint le ravito. Au ravitaillement, il y a beaucoup de monde et Garraty s’empresse de remplir les gourdes et de filer (trop vite ?). A la sortie, Garraty est pointé 1430ème en 3h11 et il a perdu de vue son compagnon. Un peu égoïstement, il se dit que c’est mieux pour rester dans sa bulle.

   C’est le départ pour la montée au col Chavanne. Celle-ci se fait à la queue-leu-leu et passe pas mal. Il a le sentiment que cette TDS pourra se faire malgré les aléas de la préparation. Il passe le col 1238ème en 4h11.

   Mais un premier piège attend Garraty : la descente. Elle est facile, sur un chemin 4x4, peu pentu mais long…Il commence à faire chaud, chaque ruisseau permet de mouiller la casquette mais le problème est de savoir à quel rythme prendre cette descente. Une sorte de mal-être apparaît, un peu difficile d’expliquer ce qui se passe mais le plaisir d’être là dans ses magnifiques paysages commence à laisser place à une sorte de lassitude…

   Arrivé en bas, il faut bien remonter et c’est tant mieux, peut-être que l’énergie reviendra en changeant de rythme. Alors Garraty grimpe jusqu’à ce magnifique lac sous le col du Petit St Bernard, il le contourne puis il grimpe jusqu’au col. 1179ème en 07h05. Là, il se force à rester un peu et à manger surtout du salé mais il n’est pas de bonne humeur ; tout l’agace : le monde pour accéder aux tables notamment, alors, il repart probablement trop rapidement encore une fois.

   Et là, deuxième piège qui ressemble bizarrement au premier mais en encore plus évident : la descente sur Bourg St Maurice. Elle est très longue, Garraty est prévenu, il a lu beaucoup de récits qui en parlaient. Faut-il accepter de marcher pour s’économiser ? Faut-il courir tout le long ? Alterner les deux ? Garraty se pose longtemps la question et pendant ce temps, il trottine mais pendant ce temps, ce sentiment de mal-être déjà ressenti auparavant s’installe durablement. Quand arrive le plat, Garraty est soudain très fatigué de tout çà et là il marche. Il marche pendant deux kilomètres jusqu’au ravitaillement et pendant ce laps de temps, la décision s’impose à lui : il arrêtera là-bas !

   Le ravitaillement de Bourg St Maurice finit de l’achever. Il y a tellement de monde. Les tables sont occupées par des accompagnants de coureur à tel point, qu’un bénévole doit leur demander de laisser la place. Impossible de s’approcher du buffet sans jouer des coudes (tout en surveillant les affaires laissées sur un coin de table). Il faut faire la queue pour attendre un mini bol de soupe… Garraty s’assoit, mange un peu et appelle sa femme pour annoncer son abandon. Il pleure au téléphone. Presque une année à penser à la TDS pour arrêter si tôt…Que vont penser les autres… et la Fondation…

   Après avoir raccroché, il décide  pourtant de prendre du temps pour revenir dans la course. Il observe autour de lui, essaie de positiver, de profiter, il mange encore un peu et 50 minutes après être arrivé, il repart tant bien que mal (1121ème en 9h23). Il se dit qu’il va monter tout doucement les 2000 mètres de D+ qui l’attendent et peut-être que ça relancera la machine. Mais au bout de 15 minutes, il faut se rendre à l’évidence : Il n’a pas envie de se battre contre ce dénivelé, contre la chaleur, contre la nuit qui tombera plus tard. Il reste encore 70 bornes dont des parties techniques qu’il ne se voit pas affronter.

  Il décide de rebrousser chemin. C’est dur de croiser les regards de ceux qui montent. Faut-il leur sourire ? Tirer la tronche ? Détourner le regard ? Mais arrivé en bas, avant de rentrer dans Bourg, une nouvelle histoire va commencer pour les bâtons de Garraty. Un coureur portugais s’adresse à Garraty en anglais et lui demande s’il abandonne. Dur d’avouer que oui. L'ibère lui demande alors si Garraty peut lui prêter ses bâtons car on lui a volé les siens au ravito. Après une seconde d’hésitation, échange de numéros de téléphone et c’est un au revoir.

Les bâtons feront la TDS eux !

 

12 commentaires

Commentaire de boby69 posté le 23-09-2016 à 13:06:05

il est difficile de se battre quand la tête n'y est pas.Même en compétition,il faut un minimun de plaisir.
Bravo pour ta confiance de prêter tes bâtons à un inconnu,malgré ta déception.

Commentaire de Garraty posté le 24-09-2016 à 14:25:22

Il avait vraiment l'air sincère. Je pouvais vraiment pas dire non...

Commentaire de Runphil60 posté le 23-09-2016 à 15:44:14

Et comment va la tête depuis ? On voit à travers ce récit , l'importance du moral , de la volonté , de l'envie... Tout ça est pareil !
Merci pour ce récit, et la prochaine fois, pas de pression quelconque , on fait des courses d'abord pour se faire plaisir, même si le plaisir ne peut pas être la pendant 30h00 ou plus ou moins !

Commentaire de Garraty posté le 24-09-2016 à 14:56:03


Ca va mieux mais c'est une première pour moi d'abandonner (hors blessure) et après, on refait 100 fois la course (et la prépa.) dans sa tête. Il faut du temps pour que la déception s'estompe.

Commentaire de Kashmir57 posté le 23-09-2016 à 18:40:20

" Ce sont les echecs bien supportés qui donnent le droit de réussir " .Bravo pour ta demie TDS et pour la complete qui ne manquera pas d'arriver bientot ...


PS : Au fait , as tu recuperer tes batons ?

Commentaire de Garraty posté le 24-09-2016 à 14:22:43

Oui, j'ai récupéré les bâtons le lendemain. Ce fût une plaisir de sentir que je l'avais vraiment dépanné.

Commentaire de bubulle posté le 23-09-2016 à 20:14:52

Il a eu raison, Garraty, de faire ce récit. Je suppose que c'est difficile de faire un récit sur un abandon, mais c'est certainement une façon de conjurer le mauvais sort qui t'a fait partir en n'ayant pas la tête à ça.

Et puis, un coureur solidaire, je ne peux que saluer. Peut-être dommage de ne pas avoir capitalisé là-dessus pour retrouver cette motivation, mais la machine semblait vraiment cassée dans ta description des deux descentes maudites.

Il faudra remettre cela ! Puisque tu t'es promis de ne pas dépasser les 100km, pourquoi pas sur une Montagn'hard l'an prochain ? Il la finira, celle-là, Garraty ! Allez, je promets : si tu la fais, je viens te chercher sur le Joly pour terminer !

Commentaire de Garraty posté le 24-09-2016 à 14:20:13

Allez, chiche pour la Montagn'hard?;-)
Sinon, c'est vrai que j'espérais que le dossard solidaire m'aiderait à me motiver...

Commentaire de Renard Luxo posté le 23-09-2016 à 20:56:26

Oui, pour rebondir sur Bubulle, les récits d'abandons sont aussi utiles sinon plus que les récits de finishers, tant pour soi que pour ceux qui partagent notre passion. En 2015 sur l'UT4M, mon mental a flanché aussi, pour de bonnes (les tiennes sont évidentes) ou mauvaises mais UTILES raisons ! Merci et à bientôt pour de nouvelles aventures, sur la toute pourrite, la MH100 ou ailleurs. A ce sujet, le 80 Km MB (qui en vaut bien 100 ...) fin juin vaut le déplacement !

Commentaire de Garraty posté le 24-09-2016 à 14:24:25

Merci pour les idées de nouvelles épreuves ;-)
Les 80kms du MB me tentent bien

Commentaire de Bert75 posté le 25-09-2016 à 12:24:32

Merci pour ton récit, ce n'est pas évident d'écrire quand on n'a pas été au bout du chemin. Cela te servira dans le futur et tu reviendras certainement sur un 100 bornes ou plus.
Mon petit secret à moi, c'est, quoi qu'il se passe, d'être toujours heureux en course et de savourer la chance d'avoir la santé pour le faire. Les 10 ans où je n'ai pas pu courir m'y aident beaucoup. Je réussis même à ne pas m'énerver avec les quelques coureurs et leur "assistance" sans gène et, pourtant, à Bourg Saint-maurice, il y en a eu dont le comportement était honteux d'égoïsme...
A bientôt sur une prochaine course.

Commentaire de keaky posté le 26-01-2017 à 22:41:31

Récit plein d'humilité et de sincérité. Malgré l'arrêt à Bourg, rien que l'histoire du bâton est agréable à évoquer :)
Des fois avec les aléas, la tête ne suis pas. Tu as fait le bon choix.
Au plaisir!!

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