L'auteur : Zaille
La course : Marathon du Vignoble d'Alsace
Date : 19/6/2016
Lieu : Molsheim (Bas-Rhin)
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Distance : 42.195km
Matos : Altra Lone Peak 2.5
Objectif : Faire un temps
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En course à pied, à un moment et plus ou moins rapidement, on en vient toujours à parler un jour de Marathon : le graal du coureur de fond. On fait des cross, des 10 puis un jour un semi en pensant ne jamais aller plus loin et pourtant !
Même les gens qui ne courent pas vous posent souvent la question : « Et alors t’as aussi fait des marathons ?». Même les moins sportifs savent que pour un coureur il manquera toujours une pièce au puzzle si on n’est pas au moins une fois « Finisher » mais ont-ils idée vraiment ce qu’un tel effort représente ? 42.195, un nombre mythique que j’ai décidé de m’approprier en m’inscrivant au Marathon du Vignoble d’Alsace.
Aujourd’hui les marathons sont devenus des courses populaires, des dizaines de milliers de personnes courent des marathons rien qu’en France et moi et moi ! Moi, mon objectif est modeste tout en restant dans une certaine norme : 3h45 et dans tous les cas pas au-delà de 4h00.
Pour arriver à ces pronostics j’ai mixé mes meilleurs temps de l’année sur semi (1:36), sur 10 (44:13) et le dénivelé de l’épreuve (250m environ). Ce marathon est connu pour ne pas être un des plus faciles avec quelques grimpettes dans les vignes et des ravitos gastroviniques auxquels il faudra résister. Je me suis donc rajouté 15 minutes d’handicap à mon temps théorique de 3h30.
Je cours régulièrement depuis 2ans et demi avec des semaines de 3 sorties parfois agrémentées de randonnées cyclotouristes. J’ai à mon actif 3-4 trails allant jusqu’à 30km, 3 semi, quelques 10, des cross et quelques bike and run.
Pour préparer ce marathon je suis passé sur 4 séances hebdomadaires avec un plan d’entraînement débutant 9 semaines avant le coup d’envoi. Les semaines de préparation se découpaient en une séance de récupération, un fractionné long, un fractionné court et l’indispensable sortie longue. La plus grosse semaine faisait 61km avec une moyenne tournant autour de 50km hebdo pour un total de 426km. J’ai également inclus un semi dans ma préparation, semi que j’ai fait à allure théorique marathon (5:00) pour valider le matériel et la nutrition mais aussi pour me rassurer en me plongeant un peu dans l’ambiance de ce que sera la course.
A propos de matériel, j’avais juste un moment de doute sur les chaussures. Je n’ai pas ce qu’il faut pour une aussi longue distance sur bitume mais j’ai des Altra Lone Peak 2.5 pour les trails et que j’aime vraiment beaucoup surtout depuis que mes mollets digèrent sans broncher le drop zéro. Ok, ce sont des chaussures de trail avec les gros crampons mais à la vitesse à laquelle je vais courir ça ne sera pas préjudiciable à ma perf’.
Autre point important et que j’ai validé au semi-marathon de Strasbourg, c’est la nutrition solide et liquide. J’ai fait la connaissance grâce à un ami traileur des produits Endur’Activ conçus et vendus par Alain Roche. C’est BIO, réfléchi et le concepteur, un érudit en matière de nutrition, est plus qu’accessible sur les réseaux sociaux. J’ai donc emmené avec moi des barres céréales/amandes et un litre de boisson dans un sac d’hydratation. A raison de 1/3 de barre toutes les 20 minutes et des gorgées régulières, je n’ai eu aucun souci gastrique ni aucun coup de mou. Pour le Marathon je n’emmènerai qu’un litre et demi de boisson que je compléterai par l’eau claire des ravitos. Pour le solide j’embarquerai donc 4 barres
La dernière semaine je fais un peu attention à mon alimentation quotidienne : pas d’alcool (juste un petit rhum la veille, ça fait partie de mes rituels), des pâtes tous les jours, des fruits (sauf la veille) et je me suis forcé à m’hydrater plus que d’habitude.
Je me suis aussi fait un plan théorique km/km de mes temps de passage avec moyenne et vitesse. J’ai pris en compte le dénivelé de chaque kilomètre et évidemment la fatigue au fur et à mesure des bornes. J’ai prévu les premiers km à 5 :10/5:15 pour arriver à 5:00 vers le 5ème km jusqu’au 15ème à la faveur d’un long faux-plat descendant. Après le passage du semi on fera ce qu’on pourra.
Le départ est à 8h00 au Cora de Dorlisheim, j’y arrive 40 minutes avant, ça suffit largement. J’ai cherché le dossard la veille et l’échauffement sera réduit au minimum. L’idée de faire partir le Marathon sur un parking de supermarché est bonne, aucun problème pour se garer et la ville est désengorgée de centaines de voitures.
Autre bonne nouvelle, il y a des toilettes en quantité et propres. Bah oui, c’est super important, qui n’était jamais au départ d’une course avec un accès impossible aux 2 pauvres WC dédiés à 1000 coureurs !! Et comme chez moi ça ne rate pas même si je prends toujours mes précautions avant de partir de chez moi, le stress aidant …. Je vous épargne les détails.
Bon le départ, 8h pile, 900 coureurs (ils ont fait le plein et c’est une première) et beaucoup de déguisés comme le veut la tradition sur cette course. Je vous avoue, comme c’est mon 1er et vu toutes les questions qui sont encore sans réponse pour moi au moment du départ, je n’ai prévu aucune fantaisie dans ma tenue : mes Altra, bas de compression, cuissard idem et maillot Mizuno qui ne me découpe pas les tétons !
Les 15 premiers km sont les plus faciles, je commence avec un 5:25 puis 5:15 et me cale rapidement et facilement sur 5:00 jusqu’au km16 et c’est là que ça commence à être beaucoup moins roulant.
Première montée dans les vignobles et la boue, on glisse, on slalome entre les flaques et on cherche les endroits qui vous colleront le moins de boue possible sous les chaussures. Là je suis bien content d’avoir les crampons de mes Altra. Je monte à tout petits pas mais je sens un véritable premier coup de bambou, la difficulté était conséquente et vraiment casse-pattes.
Les montées se succèdent sur bitume ou sur chemins jusqu’au km20, mes derniers pointages sont aux alentours de 5:30/km mais ça je l’avais prévu et comme j’ai plus d’une minute d’avance sur mon planning, pas de stress.
A Scharrachbergheim (vous pouvez vérifier, l’orthographe est exacte) c’est la folie, la mi-course marque aussi le point de départ du semi où les coureurs sont pour les marathoniens des supporters survoltés et en plus on a enfin de nouveau une bonne descente, mon km22 je le fais en 4:52, ça sera mon plus rapide. Les prochains seront fait aux alentours de 5:20, à nouveau comme prévu, et j’ai 2 minutes d’avance sur mon objectif mais arrive la 2ème grooooosse côôôte.
Km 28, ça monte et je commence à en avoir pleins les chaussettes et patatra , je marche. Alors là c’est le début de la fin, je crois que je réalise que je suis cramé, le mythique mur tant redouté est là ! 6:20 ! A partir de là je tourne au ralenti malgré les régulières descentes jusqu’au km32, j’ai du mal à passer sous 5:50 et mon avance s’évapore, il me reste pourtant encore 30 secondes !
Dernière grosse montée, je marche, la honte, les gens voient à ma tête que j’en chie un max, ils m’encouragent par mon prénom (on a nos prénoms sur le dossard) mais rien n’y fait : 7:33, on touche le fond là. J’essaie de retourner le problème dans tous les sens, le mental peut beaucoup mais là je suis cuit de chez cuit.
Il reste 9km, c’est que dalle, une petite sortie d’entraînement entre midi et deux mais pourtant ça me parait si loin ! Je sais maintenant que mon objectif primaire de 3h45 est enterré. J’ai à présent un nouvel objectif : faire en-dessous de 4h.
Je change l’affichage sur ma montre, ma vitesse je ne veux plus la voir, je mets le chrono et je fais du calcul mental avec le peu de lucidité qui me reste et me dis qu’avec une base de 7 minutes au kilo (arghhh, ça me fait mal même de l’écrire) ça pourrait passer tout juste. La barre des 4h est la barre psychologique ultime.
Maintenant je profite de chaque ravitaillement pour boire mais aussi pour marcher un peu, j’en peux plus, je regarde ma montre tous les 200m. Le moindre faux-plat me fait ralentir encore plus et même marcher. Je limite la casse, si on peut dire, en réussissant à faire encore quelques km aux alentours de 6:30 (incroyable !).
On me dépasse dans tous les sens mais ce sont (je l’espère) en grande majorité les semi-marathoniens qui passent comme des fusées. A côté de moi-même un enfant passerait comme une fusée.
Après le km40, plus que 2,195km, je fais le décompte 100m par 100m, que c’est long. L’avant dernier je le fais en 7:12 !!! En moon-walk Mickael Jackson irait plus vite mais comme il est mort …. Bon . Arrive ENFIN l’arrivée avec mon épouse et mes filles qui sont venues voir pour la fête des pères leur marathonien de papa. Je passe la ligne avec les 3 blondinettes : 3h56, ouf !!
Je n’apprécie même pas le moment, je suis dans un autre monde, je souffre, je me sens mal, je suis exténué. Je m’accroupie contre une barrière, je pousse des petites cris de soulagement, de douleurs, je ne sais pas. Je suis au plus mal. On me félicite mais je ne suis réceptif à rien et j’en suis un peu navré pour mon public.
Il faut que je boive, un truc sucré, je choppe une petite bouteille de boisson énergétique que je vide peut-être trop vite et je me sens encore plus mal. Je m’assoie, je ne sais pas quoi faire, aucune position me va et je décide de prendre la douche en titubant.
La douche se passe vite vu on est 200 dans un vestiaire de gymnase, j’ai jamais vu autant de culs poilus de ma vie, et de près en plus ;-). Je rejoins ma famille pour manger mais je sais que je ne vais rien pouvoir avaler, ça va de plus en plus mal, j’ai des sueurs froides. Un coca n’aidera rien à l’affaire. Je commence à réfléchir au contenu de mon sac, il me faut un sachet, vite, très vite : l’emballage du t-shirt offert, je ne l’ai pas jeté et … la libération.
Je fonce dans un coin de la salle pour évacuer envers quoi mon estomac se bat depuis presque 1 heure ! Evidemment le sachet n’est pas étanche et je vous épargne à nouveau les détails mais ça va carrément mieux. Je picore même un peu dans mon assiette de marathonien offert avec l’inscription (en plus du t-shirt, d’une médaille et d’une bouteille de vin …. D’Alsace of course).
Dernière étape, le massage. Une école de kiné est sur place et je compte bien en profiter car les mollets sont en béton. Un moment agréable enfin, même si je ne suis pas encore en grande forme. En plus il y a de l’attente, debout. Je trouve un compagnon d’infortune ayant les mêmes maux que moi, un grand gaillard athlétique, qui utilisera une poubelle à proximité pour se soulager.
A l’arrivée j’ai qualifié cette épreuve d’inhumaine car j’en ai chié comme jamais bien que certains avaient l’air d’être en balade. J’ai aussi changé d’avis pour les autres marathoniens moins rapides que moi, que je qualifiais de promeneurs avec des temps de 4h30 ou plus : ça reste un effort hors norme et pour tout le monde. Moi, en tous cas j’ai vraiment atteint mes limites ce jour !
Le soir en vidant mon sac d’hydratation, je remarque qu’il reste un bon demi-litre (sur les 1,5 emmenés) de boisson et sur mes 4 barres restent quasiment 2. Et là, un doute devient une évidence, l’alimentation a été très mal gérée. J’ai zappé plusieurs fois le bout de barre que je devais manger toutes les 20 minutes. Bien qu’ayant bu régulièrement à chaque ravitaillement, je n’ai pris que de l’eau comptant sur ma propre boisson pour la recharge glucidique.
Je me suis donc fait avoir comme beaucoup de débutants, le mur des 30km (qui pour moi était au km27) et qui représente en général l’épuisement total des ressources en glycogène je l’ai connu par ce manque d’apport tant liquide que solide. C’est de la folie quand je pense que pour 4 heures d’effort je n’ai mangé que 2 barres et 1 litre de boisson isotonique.
Au final 163/900, ce « bon » score malgré le temps de presque 4 heures en dit long sur la difficulté du parcours, un peu de réconfort pour ma petite déception. Et puis, quand même, JE SUIS MARATHONIEN !!
5 commentaires
Commentaire de augustin posté le 22-06-2016 à 09:55:29
bravo et merci pour avoir fait partager votre récit!
Commentaire de LongJohnSilver posté le 22-06-2016 à 10:51:21
Tu as aussi résisté vaillamment à tous les ravitaillements spéciaux! Mais au final, peut-être un arrêt ou deux auraient aidé? Félicitations :)
Commentaire de Tyo posté le 26-06-2016 à 00:58:16
Bravo pour ton marathon, j'y étais aussi et je confirme qu'il n'est pas facile comme marathon avec 476m de D+ et beaucoup de boue ce jour là.
Commentaire de Eric Kb posté le 28-06-2016 à 10:15:28
C'est pire qu'un marathon avec un tel dénivelé et une telle surface. Merci pour le récit . Tu remets ça quand ? :-)
Commentaire de Zaille posté le 28-06-2016 à 10:22:37
Merci pour vos commentaires. Effectivement le dénivelé et le terrain très boueux par endroit rajoutent pas mal de difficultés. J'avais d'abord pour idée d'embrayer sur le marathon de Colmar mais après réflexion, les 12 semaines sont un peu courtes pour récupérer, partir en vacances et suivre un nouveau plan d'entraînement. Je vais donc en profiter pour faire quelques trail et semi en attendant 2017 pour probablement une nouvelle tentative à Molsheim (ou un 42.195 plus lointain ?)
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