L'auteur : augustin
La course : 100 km du Périgord Noir
Date : 16/4/2016
Lieu : Belves (Dordogne)
Affichage : 2030 vues
Distance : 100km
Matos : New Balance 890 v4
Manchons & cuissard Booster
Objectif : Objectif majeur
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100km du Périgord Noir – samedi 16 avril 2016
Récit d’une journée décidément pas comme les autres !
C’est l’un de mes 2 objectifs majeurs (l’autre étant de passer sous cette fichue barre des 3h sur marathon). Cela fait des années que cette course me trotte dans la tête (comme un graal jusqu’ici inaccessible), mais là, à tout juste 37 ans c’est l’occasion rêvée :
Je peux m’entrainer correctement (volume et qualité en course à pied, vélo, home-trainer et piscine) et éviter ainsi des charges 100% course à pied. 2015 a été un bon cru en volume et en qualité (à mon niveau), 2016 a bien commencé donc il faut se lancer !
Les 100 km de Belvès, c’est un rêve depuis de (très) nombreuses années : ai couru 2 fois les éditions du 50 km mais il y a fort longtemps (2003 et 2004) ; en 2003 c’était 3 semaines après le marathon de Paris, donc cela aurait pu être largement optimisé. Et avec une gestion de course calamiteuse, en admirant ces forçats de la route qui enquillaient le trajet de retour de ce que nous venions de parcourir.
Mon expérience de l’Ultra se résume aux 2x50 km évoqués plus haut…à laquelle s’ajoutent 15 marathons et 34 semis (suis tombé dedans quand j’étais petit ;-)), sans oublier 8 triathlons Half-Ironman et 4 Ironman. J’espère que cette expérience sur le (très) long sera un atout pour la course qui m’intéresse aujourd’hui.
Belvès, pour moi c’est un pèlerinage, je passe mes vacances à 15km de là depuis plus de 10 ans, je me suis marié juste à côté, et cette course me démangeait depuis longtemps….. Non je ne rêve pas de Millau mais bel et bien de Belvès !!!
Je me mets en quête d’infos sur cet ultra version route et comment appréhender -pour une première- cette distance de 100k, ô chance au bureau mon pote Fyfy, acolyte de nos séances course à pied est un ultra confirmé (Sparth’, 6j Antibes, 100k Amiens, Lavaredo…) impeccable, ce sera mon référent pour bien préparer cette échéance. Un autre pote du bureau, Yoann, acolyte d’entraînements running et piscine (et ancien cycliste) se propose pour faire l’accompagnateur vélo….si météo clémenteJ.
On fait mouliner mes temps de référence (<38’ sur 10km ; 1h18 sur semi ; 3h04 sur marathon ; VMA à 18,5 ; 1m95 et 70 kg) et cela me prédit…9h !
Ce serait carrément hallucinant mais si c’est cohérent alors cela me ferait sacrément plaisir (ça me rappelle mon 1er Ironman que je rêvais de finir en <12h et où j’avais fait 10h46 en étant encore « frais » car gestion prudente). Si on pouvait dupliquer l’expérience ce serait bien…
La tactique étant de partir les 30 premiers kms à 5’ du kilo au lieu des 5’20 flat, et à partir du 30ème et des premières difficultés de calmer le jeu en repassant aux 5’20 prévus. Sur le papier cela donne (au conditionnel, hein !) 8h43.
Cela me fera un « bonus » de 10 minutes sur le plan initial, et il y a de fortes chances que je reperde ces minutes grappillées lors des ravitos et des vraies difficultés (800m de D+ quand même, on m’avait prévenu que c’était « en prise » le plus souvent bien que les % ne soient pas très élevés). Pas de méthode Cyrano prévue, tout en courant si tout va bien ! Si le plan peut être respecté à la lettre, je signe tout de suite !
Au niveau cardio, je table sur un 130 puls pendant les 30 premiers kms puis 140 sur la partie 30ème au 50ème, et plutôt autour de 150 après -sans non plus que cela s’envole-, on surveillera ça.
J’ai sous la main un plan d’entraînement sur 9 semaines (donc à partir de mi-février), 6 séances de cap par semaine bigre ça représente beaucoup (je m’entraîne habituellement 7x par semaine, mais cap-vélo-natation mélangés). Cela dit l’une des séances hebdo peut être remplacée par du vélo donc je vais adopter cette version (sinon cela représente un volume de 80 à 120k hebdos, donc 860 km au programme en un peu plus de 2 mois ça fait quand même beaucoup pour moi….je m’entraine habituellement en cap 130-140km….par mois !). Ça ne loupera pas, la fatigue sera belle et bien présente lors du plan car les semaines à près de 100km laissent des traces sur l’organisme !
Je prendrai quand même quelques libertés avec ce plan, ne pouvant effectuer 100% des séances demandées à cause de contraintes de timing, donc je rabote quelques séances et tente de compenser par des extras-entrainements en natation et home-trainer.
Cela fait quand même drôle de devoir respecter des allures volontairement plus lentes et ne plus faire de sorties longues à 4’30 du kilo ! Mais bon, il faut être consciencieux et je préfère mettre toutes les chances de mon côté, alors je tente de suivre le plan le plus possible…
En Janvier ai couru 133k (donc hors plan), en février 249k (avec plan débutant milieu de mois), et en mars 383k ! Avec une plus grosse semaine à 120km sur 6 jours glissants…Détails ci-dessous (au final j’aurai fait 91% du plan, course incluse):
REALS |
|||||||
KM PLAN |
CAP |
NAT |
V |
HT |
H |
||
W1 |
15/02 AU 21/02 |
80 |
77 |
3 |
|
|
8h09 |
W2 |
22/02 AU 28/02 |
90 |
93 |
|
|
|
7h16 |
W3 |
29/02 AU 06/03 |
102 |
90 |
|
|
1 |
8h17 |
W4 |
07/03 AU 13/03 |
68 |
56 |
7 |
|
3 |
9h30 |
W5 |
14/03 AU 20/03 |
107 |
85 |
2 |
|
1 |
8h18 |
W6 |
21/03 AU 27/03 |
119 |
99 |
6 |
|
|
9h36 |
W7 |
28/03 AU 03/04 |
103 |
91 |
3 |
|
|
8h12 |
W8 |
04/04 AU 10/04 |
75 |
72 |
3 |
|
|
6h30 |
W9 |
11/04 AU 17/04 |
116 |
118 |
|
|
|
11h |
TOTAL |
860 |
781 |
24 |
0 |
5 |
(91%)
J’ai beaucoup lu de récits d’ultras et notamment émanant des ADDM et Kikous, merci à tous pour votre prose qui m’a fait vivre par procuration vos exploits et qui m’a permis de bien préparer (au moins dans la tête) ce type d’évènement. Comme en triathlon, le diable se cache parmi les détails et je potasse au maximum pour bien appréhender ce passage dans le Grand Ultra. Cette mine d’informations m’est très utile pour me projeter et je tâche de faire ça le plus sérieusement possible.
J’ai en tête une partie du parcours car j’avais effectué l’été dernier une partie en reconnaissance (bon ok, en vélo de route à >30 km/h ça a l’air simple ;-)), et la première moitié du parcours je la connais déjà de l’époque des 50 km.
Les trois jours précédant la course je m’abreuve de Malto et je commence à rentrer dans ma bulle. L’œil rivé aux prévisions météo, je croise les doigts pour que la clémence météorologique soit avec nous, mais chaque site web météo donne sa propre version (façon manifs, version organisateurs et version Police…).
Par contre patatras le collègue et pote Yoann qui devait faire l’accompagnateur est KO et me fait faux bond 48h avant…Argh ! logistique à revoir du coup, mes plans sont chamboulés, dommage ! Je me mets en quête d’une ceinture porte-bidon, car ma petite gourde sur ma ceinture porte-gels est inadaptée sans accompagnateur vélo (1 gourde 175 mL contre 600 mL pour le bidon), et Fyfy me sauvera la mise sur ce coup-là.
Départ de la région Parisienne aux aurores le vendredi matin en famille, pour l’occasion j’ai fait sécher l’école aux enfants (cas de force majeure quoi !) histoire d’être sur place dès la fin de matinée.
Dans l’après-midi on file à Belvès, récupération du dossard (117, j’espère tu me porteras chance !), cool un seul dossard à gérer (j’avais lu que d’habitude il en faut aussi un derrière) puis repos de retour à la maison, un mot tout relatif car avec 4 enfants en bas âge ce mot a disparu de mon vocabulaire ! J
Passage en revue de la multitude de détails (merci la check-list) pour pouvoir être –presque- détendu demain. L’œil rivé sur les prévisions météo aussi, elles sont déterminantes ! A priori +11° le matin et 19° l’après-midi si tout va bien, mais la question est plutôt « pluie : quand et combien de temps ??? »
Après une bonne nuit, réveil tôt, j’avale le demi-Gatosport règlementaire, un petit café et le rituel du coureur de fond : pansements, Nok, équipement selon météo, Smecta au cas où. Un coup de talc quand même dans les chaussures, vieille habitude du triathlon.
On file vers Belvès avec madame et le petit dernier dès 7h du matin. Arrivée sur place sans problème par les petites routes (ça aide de connaître le coin !), les rues sont déjà bien encombrées, Belvès vit au rythme des cent bornards ! Je laisse ma moitié qui va rentrer à la maison puis me rejoindra en voiture lors de quelques ravitos.
Ca y est on y est, c’est le D-Day et Belvès, c’est « the place to be ! »
Je vais me placer, cette année la course attire beaucoup de monde (40ème anniversaire !) et je n’en reviens pas d’être ici, « dans la cour des grands » ! Au niveau de la ligne, je me place plutôt devant histoire de ne pas être bloqué sur les premiers kms, tout en restant attentif à ne pas partir comme une balle….
En première ligne j’aperçois les cadors dont Hervé Seitz (ses récits de course sont extras en anecdotes et en conseils, je recommande !), je repense aussi à Christophe Buquet, ex-acolyte de club (Rouen Triathlon au début des années 2000), un grand champion, abordable et toujours plein de bons conseils, lui a gagné ici en 2006, 2008, 2009 et 2010 (excusez du peu !). Mon seul point commun avec lui, même gabarit, très grand et très sec ! Dommage, j’aurai bien aimé qu’il soit des nôtres aujourd’hui !
Pour cette édition anniversaire, nous serons nombreux (>600 inscrits) au départ (et avec un plateau relevé, les France se courant en octobre prochain à Amiens), et comme je m’y attendais je suis dans les plus jeunes (senior). Nos amis marathoniens partiront 1h après nous, donc nous sommes « entre ADDM ».
Concentration, les visages sont tendus, chacun est dans sa bulle. Je repense à une de mes phrases fétiches « J’ai toujours adoré ces petits moments de calme avant la tempête » (copyright film « Léon »), nous sommes exactement dans ce cas de figure !
Je suis partagé au niveau des sentiments, d’un côté assez anxieux pour savoir si je serai à la hauteur de ce challenge, me doutant bien qu’il y aura des moments de « moins bien » à gérer, de l’autre confiant sur la prépa et le rythme choisi, qui est beaucoup plus faible que celui de mes allures habituelles. Je suis de toutes façons très humble devant la course, je sais que beaucoup de choses peuvent arriver et que personne n’est à l’abri d’une défaillance ou d’un quelconque pépin qui peut ruiner des mois de sacrifices. Et puis il faut relativiser, ce n’est que du sport, amateur qui plus est !
Emotion forte sur cette ligne de départ quelques minutes avant le coup de pistolet libérateur, je pars à la découverte de cette distance, l’enjeu est important pour moi. Dans la précipitation j’oublie d’avaler mon gel & ma sportenine d’avant-départ. En termes d’équipements, j’ai opté pour un tee-shirt MC, manchettes, coupe-vent, manchons de mollets, casquette, ceinture porte bidon et gels…normalement je n’ai rien oublié. Garmin chargé à 100%. Temps de passage glissés sous le poignet.
A 8 heures le top départ est donné, concentré sur les sensations, la montre, mais pas la musique (grrrr…) vu que la FFA a décrété que c’était une aide (!) pour les coureurs, et donc l’a proscrit. Ubuesque !
La température est déjà élevée vue l’heure (11°)….partout j’ai lu qu’il fallait partir doucement, « avec le frein à main » comme disent les anciens, donc prudence dans la première boucle de 2km dans Belvès puis dans la descente vers Fongauffier…
Une petite boucle de 2km dans Belvès pour saluer les habitants qui ont été réveillés tôt avec la sono J nous sommes quand même dans un des plus beaux villages de France ! Temps de passage quasi respectés, 5’ au kilo. Puis la fameuse descente vers Fongauffier en mode « frein à main », sommes un groupe de 4-5 coureurs dont une féminine (la 2ème du classement) et enfin la longue ligne droite vers Siorac. Je reste à mon train de 5’, dépasse le groupe et continue mon bonhomme de chemin. Je consulte régulièrement mes temps de passage imprimés sous mon poignet comme ci-dessous :
1 |
5'00+5'20 |
5 |
25'00 |
10 |
50'00 |
15 |
1h15 |
20 |
1h40 |
25 |
2h05 |
30 |
2h30 |
35 |
2h56'40 |
40 |
3h23'20 |
45 |
3h50'00 |
50 |
4h16'40 |
55 |
4h43'20 |
60 |
5h10 |
65 |
5h36'40 |
70 |
6h03'20 |
75 |
6h30'00 |
80 |
6h56'40 |
85 |
7h23'20 |
90 |
7h50 |
95 |
8h16'40 |
100 |
8h43'20 |
Ma Garmin est chargée à bloc et prête pour enregistrer toutes les infos qu’elle devra gérer puis que je dissèquerai derrière mon ordi J. Pas de crainte de manquer de quoi que ce soit avec la pléthore de ravitos disséminés tout au long du parcours (au nombre de 24, donc tous les 4-5km environ.
Au 8ème km, passage par Siorac en Périgord, ça baigne (le contraire serait inquiétant !) puis déjà le passage au 10ème km, 50 min du plan quasiment respectées, je passe avec 50 secondes d’avance. Par contre le cardio que je pensais calme est plutôt étonnement haut à 145 (émotion ? à voir)
11ème à Mouzens, jonction avec les accompagnateurs vélo. Il y a du monde au portillon ! Ils sont sympas ils nous encouragent nous autres coureurs, scrutant leurs poulains respectifs parmi le troupeau de coureurs qui leur passe devant. Ça fait un peu course de vélo, tous alignés en rang d’oignon bien sagement !
1ère heure de course et un peu plus de 12 bornes faites, un gel et un comprimé de sporténine comme à chaque heure, sauf que je me rendrai compte plus tard que j’ai laissé ouverte la poche zippée contenant gels, et je pense en avoir perdus 2 sur le trajet L , erreur de débutant, la honte !
Je double vers le 15ème km la 1ère féminine (qui a droit à sa voiture ouvreuse), depuis quelques kilomètres je discute avec un acolyte, Damien, qui a la même allure du coup nous papotons un peu avant de nous séparer.
20 km à Bézenac, sur le plan passage en 1h40, en réalité 1h38/39. Passage du semi en 1h44, jusqu’ici tout va bien (tant mieux, la course n’a pas encore commencé !)
25ème km à Beynac, toujours aussi beau, météo bien mais gaffe à la température qui monte progressivement. Un peu après le 29ème une montée à 11%, ça calme mais ça ne dure pas.
30 km, passage prévu en 2h30 sur le papier, suis quasiment en ligne avec le plan (2 minutes d’avance)
Fin de la partie courue à 5’ du kilo, arrivée des premières difficultés. Mes jambes commencent à envoyer des signaux de fatigue, ouille c’est un peu tôt quand même, ce n’était pas prévu. Dans le genre boulette aussi ai oublié de désactiver le mode « AutoPause » Garmin, du coup quand je m’arrête à un ravito la montre se met en pause… 2ème erreur de débutant, décidément !
31ème km à la Roque Gageac puis selon les anciens ce sont les montagnes Russes qui commencent : 31-58ème km. Rapidement le 33ème : 1/3 de course ! 2h44 au compteur, toujours en avance, j’enchaîne les kilos plutôt entre 5’ et 5’15.
35ème à Port de Vitrac, c’est ici que j’ai rdv avec ma tendre et chère pour échanger le bidon iso et faire le plein de gels, malheureusement j’ai 2 minutes d’avance sur le plan et elle n’est pas encore arrivée. Je demande à un gentil bénévole du ravito de la prévenir tandis que je file devant !
3 heures de course au compteur et 36,3k donc moyenne horaire à 12,1, je baisse doucement mais suis en ligne. Par contre la chaleur va crescendo, donc vigilance avec les ravitos : eau, pâte de fruit, banane… tant que les ravitos sont facilement atteignables (certains sur le parcours seront dans des salles).
Ravito du 38ème, aïe toujours pas de femme en vue (la mienne hein, les autres m’importent peu !) je pousse le vice jusqu’à emprunter le téléphone portable d’une bénévole du ravito pour aller aux nouvelles et prévenir que je continue ma route. Mon bidon est vide et je suis en retard sur les gels donc j’aimerai bien que ça rentre dans l’ordre ;-)
41km à Carsac, ouf ça y est je vais retrouver madame et les kids, échange de bidon, recharge de gels et de t-shirt par la même occasion (la chaleur se fait bien sentir). J’éponge désormais à chaque ravito les cuisses pour les rafraîchir car elles sont « à point » !
Deuxième constat, courir avec un bidon plein dans le dos c’est galère, lourd et pas pratique. Quand le bidon sera à moitié vide cela sera déjà nettement mieux, mais en attendant je soulage en courant avec le bidon à la main une partie. Je savais bien qu’il ne faut jamais prendre en compète quelque chose non testé en entraînement, mais là ai pas vraiment eu le choix…
Je retrouve la première féminine, et donc la voiture ouvreuse, me permettant de calculer le retard pris à ma montre par mes pauses lors des ravitos : eh bien ça chiffre vite ! Clairement pour optimiser un accompagnateur vélo est un must, je le vois bien avec la première féminine et sa horde d’accompagnateurs, leur organisation est manifestement bien rodée, pas de sable dans les rouages !
Passage au marathon, cela fait toujours drôle de voir cette petite pancarte presque anodine pour une distance si mythique ! Quelques membres de l’organisation nous pointent à l’ancienne (cela change des tapis de course qui bipent quand on passe, puces incluses dans les dossards), cela fait un peu désuet mais tellement plus familial !
45ème à Carsac (mairie), je retrouve la voie verte, ce long faux-plat montant casse-pattes (45 au 49ème km) avec lequel il faut être vigilant, surtout ne pas s’emballer. Ce parcours est vraiment superbe, pour qui ne connaît pas la région c’est mieux qu’une brochure de l’office du tourisme !!!
50ème à Sarlat, la fameuse plaine des jeux, les dernières fois que j’avais couru ici c’est là que je m’arrêtais ! Du coup à partir d’ici c’est l’inconnu. Ravito à la volée. A l’époque en 2003 j’avais mis 4h15 puis 4h23 l’année d’après pour finir ces 50 km, là, petit coup d’œil au chrono je passe en 4h20 selon le speaker…sauf qu’il reste le trajet retour à effectuer J
Grosse montée au 51ème km, attention à la gestion, effet immédiat sur le chrono : 5’51 sur le dernier km ! A partir du 52ème km, longue descente qui est la bienvenue, mais les quadris sont en feu ! Les temps de passage baissent pour tourner autour de 5’30. Rien d’inquiétant pour autant.
55ème km à Vitrac, là c’est impressionnant nous croisons ceux qui sont dans le sens aller (donc au 35ème), un mot ou un signe d’encouragement car la journée va être longue (la course déclasse après 18h de course, donc après 2h du matin à l’arrivée!).
57.8k : reste seulement 1 marathon à parcourir, cool ! Finalement, ces 58 premiers kms, c’est un peu comme les parties natation et vélo de l’Ironman, donc normalement j’aborde ce qui est censé être ma spécialité….la course à pieds ! J Mais force est de constater que les cuisses sont bien entamées (les mollets sont ok, eux). Pas de bobos à déplorer, ni crampes ni frottements, impeccable. Au niveau du classement aucune idée, je sais juste que cela fait longtemps que je ne me suis pas fait doubler donc c’est plutôt bon signe.
58ème La Roque-Gageac (camping), ce village est toujours aussi canon, même en étant moins lucide on apprécie la beauté des paysages. Cela change de l’été ou les touristes se bousculent ! Pour ma part j’apprécie d’y passer en vélo de route tôt le matin l’été avant la foule et la chaleur.
60ème km passé, il ne reste plus « que » 4 tronçons de 10 km… Bref la course commence ! En ultra j’appréhendais les changements d’humeur, on passe de la quasi-euphorie ou au moins d’un état d’esprit positif à des coups de moins bien très vite. D’où la nécessité d’être fort dans sa tête pour lutter contre ces moments inévitables et l’intérêt d’un accompagnateur pour épauler.
62ème La Roque-Gageac encore, puis traversée de la Dordogne, le soleil cogne fort (on atteint les 24°) et au 65ème c’est le début de la boucle où l’on croise ceux qui nous précèdent de 5km, comme je les envie !!! Femme et enfants sont là pour encourager à l’aller comme au retour (point stratégique), mais moi je suis dans le dur et je rêve de voir cette tente du ravito pour boire et souffler un peu. Ça ne loupe pas, mes temps de passage décrochent (je tourne maintenant entre 5’40 et 6’ au km, à la dérive !)
66ème : passage aux 2/3 de course ! Même pas sûr d’avoir eu la lucidité d’y penser en arrivant à ce niveau-là J puis au 67ème Maisonneuve (jamais entendu parler auparavant).
Je guette le ravito et me tient à ne pas marcher entre les ravitos (ce que je respecterai), puis miracle tente blanche en vue, je me jette dessus, eau, coca, pâtes de fruits et surtout éponge pour cuisses et nuque pour qui ce n’est pas du luxe !
68ème Castelnaud, au ravito les enfants font l’animation (ce sont les plus jeunes et ils sont devenus les chouchous des bénévoles des ravitos partout où ils s’arrêtent), leur présence me fait du bien dans ces moments de doute et de moins bien. Je repars clopint clopant, la démarche mal assurée. Plus l’arrêt au ravito est long, plus dure est la reprise de la course ! Sur le papier il n’y a plus de « montagnes russes » mais quand les jambes ne sont plus là, c’est un chemin de croix qui débute, je suis en mode « je subis la course » et plus du tout « je choisis ma course ».
70ème Un cap, moi qui me force à raisonner en tronçons de 10k, ça c’est fait, reste « plus que » 3 tronçons de 10k et basta ! Mais bon mon petit rythme ne me plait guère, j’ai conscience que mon plan initial était trop ambitieux, là je m’accroche comme je peux et quand ma montre bipe à chaque km parcouru c’est sanction immédiate : je suis passé sous les 10 km/h, dur pour le moral.
Je retrouve la partie que j’avais beaucoup appréciée l’été dernier à vélo, sous le château de Fayrac (nous sommes au 73ème km), château impeccablement entretenu et surplombant majestueusement le coin. Je double un concurrent perfusé par le SAMU sur le bas-côté, aïe.
Un arrêt étirements quand même tant les quadris crient stop, cela fait 6h45 que je cours mine de rien…
Je retrouve mon fan-club qui fait des sauts de puce discrètement pour me voir passer, pour ma femme c’est une sacré logistique : arriver à temps sur l’aire de ravito, décrocher de la voiture les 3 grands (8 ; 6 ; 3 ans) et préparer la poussette du petit dernier (1 an) puis remballer tout ce petit monde une fois que je suis reparti jusqu’au prochain point de ravito. Chapeau chérie !
75ème : raidillon du Château des Milandes puis à la Treille (au 75.5ème) je passe la première partie de la côte en courant, mais la seconde partie (avec son gros raidillon à 13%), c’est marche obligatoire (déjà en vélo l’été dernier c’était en danseuse). Nous sommes quelques coureurs à faire l’élastique sur le trajet, un coup j’en double un puis il me repasse après, nous avons quand même des têtes entamées !!!
78ème : Envaux, comme ça cela n’a l’air de rien, mais moralement sentiment mitigé, ben oui quoi, déjà pratiquement 2 marathons dans les pattes, reste un semi à courir, une paille quoi ! Nous jouons au chat et à la souris avec la première féminine, elle s’arrête moins longtemps que moi aux ravitos (normal elle a 4 vélos accompagnateurs pour elle !!!) et je la reprends un peu plus loin. Sauf qu’au ravito (dans une salle), la 2nde féminine qui était en embuscade derrière est passée en tête sans que nous la voyions.
80ème, Fin du tronçon donc et début du suivant, si si on se motive comme on peut ! Par contre gros nuages arrivant vite, le vent forcit, on entend l’orage gronder pas loin, on va y avoir droit…
7h30 de course au lieu des 6h56 du plan pour le 80ème, bon l’essentiel (surtout pour un 1er !) c’est de finir. Les jambes sont bien lourdes quand même.
Je ré-enfile coupe-vent et manchettes et peu après le ravito d’Allas les Mines (81ème km) qui est dans un chemin de terre, je sens que ça ne va pas me plaire mais j’étais prévenu, patatras c’est la grêle qui déboule, ça cogne méchamment, on perd un paquet de degrés (c’est simple, on passe de 24 à 12° !!!), la visibilité baisse très vite, et la route devient une piscine (les chaussures et chaussettes sont vite trempées). Pas d’autre choix que de tailler la route, aucun endroit où s’abriter de toutes façons ! Heureusement cette grêle se finira vite, laissant place à une pluie continue par contre jusqu’au soir. Je m’estime plutôt chanceux que l’on n’ait pas eu de pluie plus tôt ! je fais l’accordéon avec un autre jeune coureur de Bordeaux dont le papa fait accompagnateur, il court plus vite mais s’arrête régulièrement, et moi l’escargot je le repasse. Un petit mot à chaque fois pour s’entraider et aller s’accrocher ensemble pour finir.
Paradoxalement les jambes vont plutôt mieux, le cardio a beaucoup baissé (?), et je retrouve une allure moins contrainte (je re-flirte avec les 6’ au kilo), ça fait du bien bien que le progrès soit modeste !
85ème : Le Garrit, les pauvres bénévoles qui font la circulation sont sous des seaux d’eau, stoïques, avec toujours un petit mot gentil ou un encouragement pour les fadas en baskets qui courent de façon désordonnée devant eux. Chapeau à tous ces bénévoles qui font de cette épreuve une telle réussite, ils ont largement contribué à la notoriété de cette épreuve depuis 1977 !
86ème : St Cyprien, ah on se rapproche, doucement mais sûrement, je repasse même sous les 6’, jour de fête ! Tout signal positif est bienvenu pour le moral.
90ème à Mouzens, ravito, ma troupe de choc est fidèle au poste pour mettre l’ambiance au poste de ravitaillement, merci merci les enfants ça me fait chaud au cœur. Dernier tronçon de la journée donc, maintenant c’est fait je sais que je serai finisher mais bon, faut que je table sur 1h ou presque pour finir les 10 derniers km, ce qui casse le moral !
94ème à Siorac et passage dans la ville, ça grimpe (mais je pensais que ce serait encore plus dur) et vu l’état de fraicheur des jambes ce n’est pas la panacée. Ravito en haut puis début de cette longue ligne droite jusqu’au pied de la côte finale, l’avantage c’est que c’est plat (ou presque) et que la visibilité est bonne.
A partir du 95ème, marquage de chaque kilomètre au sol, ça sent l’écurie !!! Long faux-plat montant, mais on court avec la tête… Au 96ème je double la voiture balai du marathon (!) suivant le dernier coureur que j’imagine être Valerio, la célébrité locale de 88 ans ou pas loin, qui fait tout en marchant (on est à 8h20 de marathon pour lui, là !). Moi j’ai débranché le cerveau depuis quelque temps déjà, j’allonge ma foulée, et les sensations sont étonnamment pas vilaines.
Ravito (dernier) au km 97,5, je ne m’arrête pas car il me reste un peu d’eau et les jambes sont bonnes, j’enchaîne les km à 5’40 et je rattrape quelques concurrents.
Un peu après le 98ème c’est Fongauffier, le fameux rond-point, restent les derniers 1,5 km qui sont à 7-8% de moyenne. Le speaker m’annonce avec un nom de club inconnu au bataillon (les petons gragnagais, quelqu’un connait ?), où ont-ils été pêcher ça ?
Je suis confiant sur mes jambes, je reviens sur un coureur en perdition, lui propose de finir ensemble mais il est cuit et marche. Moi j’ai le feu aux fesses, je fais tout en courant (5’37 ; 5’44 ; 5’52 sur les 3 derniers kms) et j’ai hâte d’en découdre. Cela fait tellement d’années que j’en rêve !
Annonce du speaker qui relaie l’info des coureurs arrivant en ligne de mire, moi je guette mes enfants pour finir avec eux (si assez lucide ?). Oui Alléluia ils sont là sur le bord de la route, fidèles au poste, à attendre leur papa courageusement sous la pluie, je récupère au passage les numéros 2 et 3 (donc 6 et 3 ans si vous vous souvenez bien J) pour ces dernières dizaines de mètres.
Je cours comme un robot (une machine comme dirait Yoann) puis je franchis cette ligne d’arrivée tant désirée en 9 h 35 min, je suis ému, ah ce que j’en ai rêvé de cette arche d’arrivée ! J’arrête mon GPS, fiabilité réelle car j’ai 100,25k à ma montre, merci Garmin ! 30ème au classement général sur 400 classés (la pluie a fait pas mal de dégâts en abandons, nous étions 600 au départ) et 8ème de ma catégorie (senior) !
Ça y est je fais partie de la famille des cent bornards J Je retrouve ma femme, merci ma chérie de m’avoir soutenu et accompagné pour cette journée pas comme les autres, je partage volontiers cette victoire avec toi car ton soutien m’est primordial.
Je me dirige vers la tente des massages pour tenter de redonner une nouvelle vie à mes guiboles, quoi qu’il en soit elles ont bien travaillé aujourd’hui je leur en suis reconnaissant ! Je les confie aux mains expertes des élèves kinés, sympas et appliqués.
Une petite soupe qui réchauffe, je discute 30 secondes avec le vainqueur du jour, Hervé Seitz qui a fini en 7h44 et le félicite pour sa perf bien sûr, mais aussi pour ses récits publiés (évoqués au début).
Puis change complet histoire de ne pas attraper froid, ouille les muscles refroidis ça tétanise, je m’efforce de boire et marcher pour éliminer au plus vite ces toxines et retour fissa à la maison car tout ce petit monde est transi de froid et cela gâche le finish, toujours balayé par ce vent et cette pluie.
Désormais place à la restauration ou plutôt gavage vu que c’est la région ad-hoc ;-)
Conclusion : une bien belle épreuve, et vous l’aurez compris qui me tenait particulièrement à cœur. Un grand Bravo aux organisateurs et aux bénévoles pour nous proposer une épreuve aussi sympa dans un cadre aussi idyllique. C’est une organisation quasi familiale, loin des grosses organisations et qui a su garder son cachet (et heureusement !). Les bénévoles font un travail formidable, toujours disponibles et souriants, ils sont un atout maître de cette épreuve. Je l’ai redit et souligné auprès du président de la course Jean-Pierre Sinico peu après l’arrivée. Je dirai qu’en termes de difficulté c’est un cran au-dessus de l’Ironman, pas étonnant finalement car même si le timing est moindre, ici nous sommes 100% sur un sport non-porté.
Merci à la femme de ma vie pour sa patience, son soutien dans ma prépa et pour son accompagnement au long de la course (respect avec les 4 petits à manager)
Désormais je commence une semaine de vacances à une dizaine de km d’ici, à me remettre doucement, et rapidement si tout va bien un peu de tronçonneuse !
« les 100km de Belvès on s’y 100 bien et on y revient ! »
8 commentaires
Commentaire de Laurent V posté le 21-04-2016 à 12:39:45
Ah non, c'est pas sympa ça ! Je me dis, allez, 30 secondes de pause, juste le temps de lire les 2, 3 premiers paragraphes, et... pas moyen de m'arrêter de lire ce récit captivant ! (oui me je fais quoi des dossiers qu'il me reste à traiter ?)
Vraiment bravo pour cette belle course et la belle description des sensations. On y était. Bravo à toi et aussi à ton équipe de logistique de folie. C'est beau, une telle aventure partagée en famille.
Commentaire de augustin posté le 23-04-2016 à 18:47:36
Merci Laurent! Je suis comme toi, quand j attaque la lecture D un récit il faut que j en vienne à bout rapidement!
Commentaire de doudouX posté le 21-04-2016 à 15:34:04
Dis, tu me prêtes ta femme ? ;0)))) . Un grand bravo à toi pour ta perf qui impressionne et à ton équipière de choc. Je suis impressionné par ce dévouement tout au long de la course.
Je sais ce que c'est qu'attacher et détacher 3 marmots du même âge... donc 4 à chaque ravito, on pourrait croire qu'elle s'est entrainée aussi.
Grand bravo à toute la famille ... surtout s'il pleuvait à la fin.
Commentaire de augustin posté le 23-04-2016 à 18:49:19
Merci! Ma femme est traileuse donc ça aide pour bien comprendre notre monde de coureurs :)
Commentaire de trailaulongcours posté le 21-04-2016 à 18:05:51
Super récit. Sacrée course et sacrée performance. J'ai du mal à imaginer courir à une telle vitesse aussi longtemps. De la fiction pour moi. Faut dire que tu t'es entraîné pour, donc le résultat est mérité!
Commentaire de augustin posté le 23-04-2016 à 18:50:51
Merci! La fiction C est pour la tête de course, arrivée 1h45 avant! Bon trails à toi!
Commentaire de Phénix posté le 21-04-2016 à 19:08:41
Je suis epoustoufle par ta performance ! Et un peu admiratif de ton endurance. Bravo aussi à ton epouse, j'ai moi aussi 4 enfants et je sais combien elle a dû prendre sur elle pendant ta prépa. Ta victoire est aussi la sienne! Chapeau à vous deux ! Participeras tu au marathon du grand Périgueux en octobre ? Signé un perigordin de souche exilé en Rhône Alpes.
Commentaire de augustin posté le 23-04-2016 à 18:52:37
Merci Physicos! Pas de marathon périgourdin pour moi, depuis Paris ca fait une trotte quand même et souvent j ai une compète de triathlon à ce moment là :)
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