Récit de la course : Trail du Viaduc des Fauvettes - 50 km 2015, par The Running Lawyer

L'auteur : The Running Lawyer

La course : Trail du Viaduc des Fauvettes - 50 km

Date : 11/10/2015

Lieu : Gometz Le Chatel (Essonne)

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Distance : 50km

Objectif : Terminer

12 commentaires

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« Lepiota procera, lepiota cristata ou amanita » ou comment courir 50 kilomètres avec une obsession mycologique

Dimanche 11 octobre 2015. 10 heures. Le soleil brille sur Gometz le Châtel et sur le parcours en boucle du Trail du Viaduc des Fauvettes qui m’attend.

Je m’apprête à prendre le départ de mon second 50 km. Ici, ce qui m’attend plus précisément, c’est le dénivelé. Je le sais. Après un échauffement sympathique, le départ est donné : c’est parti pour un premier kilomètre autour du village, destiné à étirer le groupe des « presque » 400 coureurs que nous sommes avant « d’attaquer » les bois.

Et dès la première boucle, après 25 minutes de course en sous-bois alternant montées et descentes, je les vois ! Ils sont là. A deux reprises, à 10 minutes d’intervalle, je les croise : de leurs chapeaux élancés, ils semblent m’adresser un bonjour narquois… Je passe un peu vite, certes, et ne prends pas le temps de m’arrêter pour m’en assurer, mais j’ai la forte impression qu’il s’agit de lepiota procera… communément appelées coulemelles.

Depuis l’âge de 6 ans je les ramasse et m’en délecte, sautées avec du beurre à l’ail. Celles-ci n’échapperont pas à ma casserole ; très rapidement, je mémorise l’endroit. Je suis décidé à revenir après la course pour ramasser les champignons insolents qui narguent le 400 runners courageux qui vont tenter de parcourir 50 kilomètres et près de 2.000 mètres de dénivelé.

Et très vite également, je les oublie… il faut dire que le parcours est exigeant : quelques beaux lacets étroits où seul passe un coureur (on appelle cela « single »), quelques côtes parfois agrémentées d’une corde ou d’une barre pour se tracter à la force des bras, de belles descentes techniques parfaitement signalées… tout pour plaire ou presque.

Presque, car une des difficultés majeures me rappelle que nous sommes faits de chair, d’os et de volonté. Nous devons gravir la côte qui part du pied du viaduc pour nous mener à son sommet, soit 42 mètres plus haut. 42 mètres de dénivelé à parcourir sur des marches plus ou moins hautes, dans le sable… Les cuisses piquent un peu, dès le premier tour. Mais les organisateurs ont bien fait les choses et sont présents pour nous encourager avec humour : « Allez ! C’est cadeau ! »

De l’humour et de la bonne humeur, cela ne manquera pas sur ce trail où la signalétique (que je ne repère qu’au deuxième tour…) est omniprésente et parfois décalée. En haut du viaduc, un panneau indique « Notez votre FCM » (fréquence cardiaque maximale). J’en souris encore… Quelques kilomètres plus tôt, c’est « Welcome to the Gometz’s Jungle » qui nous attendait. Et plus loin un panneau indique « Micro-zone de paludisme » alors que l’on se trouve les pieds dans un ru. Mon panneau préféré reste cependant celui qui attend les coureurs, pour les prévenir, en haut d’une côte : « Attention ! Terrain plat ». Et que penser de cette vue sur le (joli) cimetière de Gometz à moins de 200 mètres de la ligne d’arrivée de la boucle ? ;-)

Je termine le premier tour en 1 heure 04 et décide de ne pas m’arrêter au ravitaillement. Je suis en pleine forme, et même si je suis parti un peu vite à mon goût, je repense déjà à mes amis : lépiotées ou amanitées ? Plus j’approche de l’endroit où ils poussent tranquillement, plus le doute s’installe : ne seraient-ce pas plutôt quelques amanites perfides ou quelques coulemelles puantes qui tenteraient habilement de se faire passer pour ce qu’elles ne sont pas ?

J’alimente ce doute en passant à nouveau trop vite pour étudier les champignons comme il se doit. Je n’ai aperçu ni le mamelon typique qui surplombe le chapeau, ni l’anneau détaché qui se situe habituellement sur le pied. Pour tout dire, je ne les trouve pas particulièrement hauts sur pieds et n’ai pu apercevoir que des sujets adultes. Pourtant, la forme et la couleur tigrée du chapeau me laissent à penser qu’il s’agit bien de coulemelles ou de lépiotes déguenillées.

Je poursuis donc ma course cette idée en tête en profitant du paysage. Regarder la forêt, le viaduc au loin, les champs, cela me vaudra deux beaux plongeons dans l’herbe et la terre lors de ce deuxième tour où la fraîcheur physique est pourtant présente. Tellement présente que je boucle celui-ci en 1 heures 07 et décide de ne compter que sur mon « ravitaillement embarqué » pour m’hydrater et m’alimenter. Du coup, je ne m’arrête pas non plus au vingtième kilomètre.

J’attaque alors mon troisième tour, celui qui me verra parcourir la distance qui va de 20 à 30 km. Je me le répète mentalement. Je suis fort mais je sens venir à moi la baisse de régime et le doute. Heureusement, une fois encore, je retrouve à deux endroits du parcours mes champignons. Ils sont toujours là. Personne ne les a cueillis. Comment est-ce possible ???

J’essaie alors de me convaincre qu’il s’agit de quelques amanites phalloïdes étrangement colorées et qu’à ce titre il est normal que personne ne les ramasse. Je commence également à me demander si j’aurai la force (le courage ?) de revenir vérifier cela en fin de course… Six kilomètres plus loin, un début de réponse s’offre à moi : je rentre dans le dur. Déjà ! J’ai les cuisses qui chauffent et si je vais au bout de ces 50 kilomètres, je n’en ferrai pas un de plus. Plus que le corps, c’est l’esprit qui est mis à rude épreuve à ce moment précis. Les côtes n’en finissent plus et j’ai moins l’allure du cabri dans les descentes que j’affectionne habituellement (« Cabri, c’est fini », merci Hervé V.).

Sur la troisième boucle, je rencontre de nouvelles difficultés que j’avais jusqu’alors surmontées sans y prêter attention : la traversée d’un tunnel dans une forte pénombre, que brisent à peine quelques bougies, me fait découvrir malgré moi le choc que représente un terrain sur lequel le moindre changement de surface (creux ou bosse) est vécu comme une surprise. Je n’ai qu’une crainte à ce moment précis : tomber. Et en sortant du tunnel, je m’interroge sur le quotidien des aveugles… et je relance la machine. Et c’est un peu plus loin, dans une descente technique, que je me prends les pieds dans le paillasson, ou plus exactement, dans une racine. Ce plongeon me voit finir à quelques centimètres d’un tronc d’arbre couché en travers du chemin. Je souffle un bon coup, me relève tranquillement, pousse un juron et redémarre.

Le tube de gel que j’ai ingurgité, il y a quelques minutes, fait son effet et je vais mieux. Il n’empêche : lors de mon coup de mou, je me suis remis en question… vais-je parvenir à terminer la course ou vais-je m’arrêter avant ? La question est d’autant plus sérieuse que la tentation est grande puisque je cours sur une boucle et qu’il est possible de s’arrêter tous les 10 km.

Ce qui me sauve, c’est que je ne suis pas sûr que les lepiota procera ne soient pas des lepiota cristata, voire des amanites. Pour bien faire, il faudrait y retourner, s’arrêter, regarder la base des champignons (volve ou non ?), l’anneau (détaché ou pas ?), les sentir (odeur agréable ou non ?)… bref, il faut donc y retourner !

Après avoir bouclé ce 3ème tour en 1 heure 17 mn, je prends le temps de recharger les accus au ravitaillement et m’arrête quelques instants. J’ai encore 20 km à parcourir, si je veux être finisher. Et je veux être finisher ! Je repars donc pour un tour, après avoir bu un mélange « coca - orangina - eau plate » et avalé des fruits secs et l’équivalent d’une petite banane. C’est la première fois que je m’alimente autant en solide lors d’une course. J’espère ne pas le regretter car mon estomac n’y est pas habitué.

Cette fois ci, je veux en avoir le cœur net, même si je n’arrive pas à me persuader de la nécessité de m’arrêter pour observer ces champignons qui occupent une partie de mon esprit depuis plus de trois heures. Je ralentis donc considérablement le rythme en arrivant à leur hauteur, par deux fois. C’est d’autant plus facile que je n’ai personne derrière moi sur ces parties de singles et que lever le pied me fait le plus grand bien.

Le chapeau me semble ovoïde, ou arrondi pour les sujets les plus vieux, très légèrement mamelonné au centre et sec. Pas de volve et un anneau qui semble vraiment mobile. Malgré la faible hauteur du pied, il ne peut pas s’agir d’une amanite. Mais je suis trop loin pour sentir une éventuelle odeur désagréable, typique de la lepiota cristata, la petite coulemelle puante que mon Maublanc recommande de rejeter… Je repars donc avec la conviction qu’il s’agit de coulemelles parfaitement comestibles et délectables et j’enrage à l’idée de ne pouvoir les emmener avec moi. Et pour corser le tout, je piétine à nouveau sur un champ de châtaignes grosse comme des noix…

Sans m’en rendre compte, je déroule à nouveau et les kilomètres passent plus facilement. La banane que j’ai avalée et ses recharges en potassium me font le plus grand bien. J’ai momentanément retrouvé des jambes et des reins. Et il en faut pour attaquer toutes ces côtes qui semblent plus longues à chaque tour. En haut de l’une d’entre elles, j’ai le plaisir de retrouver le bénévole qui m’a déjà vu passer à plusieurs reprises. Il m’attend une bouteille de bière à la main. « Quatrième tour ? Allez, bois un coup ! ». Cette « bière du quatrième tour » est une bénédiction, même si je n’en bois que deux gorgées.

J’ai les lombaires qui tirent lorsque je me redresse tant bien que mal. Depuis quelques semaines, j’aurais dû intégrer leur gainage dans ma PPG (préparation physique générale). J’aurais dû… Mais je ne l’ai pas fait et je le paie cash ! D’autant que je commence aussi à sentir mes jambes durcirent sur la fin de cette boucle.

Je ramasse deux pommes bio dans un bac en approchant du quarantième kilomètre et tente d’en extraire le jus sans en avaler la chair, en mâchant avec application avant d’en recracher la pulpe. Puis je m’arrête à nouveau au ravitaillement. Je viens de boucler ce tour en 1 heure et 25 minutes. C’est là que je prends toute l’ampleur de l’organisation : eau plate et gazeuse, orangina, coca, jus de raisin et d’orange, deux soupes chaudes, des cacahouètes, chips, bananes séchées, fruits confits ou frais, des pâtes de fruits, des cookies maison, des cakes, et j’en passe, garnissent le buffet de ravitaillement ! C’est un régal pour les yeux, un réconfort pour l’esprit et du fuel pour le corps.

Je grignote un peu de tout, bois peu et repars une ultime fois. Je pars en marchant, mâchant ma banane salvatrice au tour précédent, en espérant qu’elle m’apportera l’énergie suffisante pour finir une course démarrée trop rapidement. Car finir est mon seul objectif, sans barrière temporelle. Surtout depuis que ma montre Garmin montre odieusement des signes de faiblesse de la batterie. Je ne sais pas si je vais réussir à finir ma course en moins de 6 heures 30, mais à présent je m’en fiche.

Lors de ce dernier passage, je profite au mieux du parcours et du paysage : je croise les coulemelles que je ne mangerai pas, plaisante une dernière fois avec le bénévole qui m’offre une nouvelle bière ou avec des spectateurs que je retrouve depuis plusieurs tours à proximité de la « micro-zone de palu », me régale de la vue que nous offre le viaduc, remercie la bénévole qui m’encourage à l’arrivée de l’ascension de ce même viaduc,… Je fais également, très brièvement, connaissance de David, coureur et kikoureur dont je lis les comptes rendus de courses depuis quelques mois et que je laisse partir devant moi à un bon kilomètre de l’arrivée, alors que je me sais incapable d’augmenter mon rythme de course.

6 heures 25 minutes et 11 secondes. J’arrive. Toujours le même ravitaillement garni qui m’attend, sans l’ombre d’une poêlée de champignons. Tant pis. Je grignote à nouveau et comme la famille et les amis m’attendent à la maison depuis midi, je rentre chez moi après avoir remercié les bénévoles autour de moi.

Merci pour tout cela. Merci pour l’organisation, du retrait des dossards à l’arrivée. Merci pour la gentillesse, la disponibilité et l’écoute. Merci aussi pour l’humour et… la bière !

Si le temps s’y prête, je reviendrai vite… avec mon panier et mon couteau à champignons.

12 commentaires

Commentaire de PhilippeG-640 posté le 14-10-2015 à 21:32:06

Tu fais durer le suspens... Belles coulemelles ou pas coulemelles ?
On voudrait savoir ;-)
Sinon, bravo The Running Lawyer pour ton récit, bien écrit et ton 2e 50km, pas si facile celui-ci avec son D+.
Reste à travailler le gainage comme tu l'écris et ne pas partir trop vite mais ça, ce n'est pas le plus facile.
Rdv sur Sucy et bonne récup :)
@+
Philippe

Commentaire de The Running Lawyer posté le 14-10-2015 à 21:39:50

Merci Philippe. Pour ce qui est du suspens, je mets mes plus belles chaussures au feu qu'il s'agissait de coulemelles... GGrrrr !
Pour le reste, j'ai encore beaucoup à apprendre et du travail à faire. J'ai fait ma sortie de reprise ce matin entre 6 et 7 heures et ça caillait ! Mais je crois que je commence à être camé aux endorphines. Si tu t'entraine en semaine sur Sucy, fais moi signe pour une sortie cool (je ne suis pas sûr de te suivre sur du fractionné !). A très vite

Commentaire de PhilippeG-640 posté le 15-10-2015 à 09:36:13

Je ne cours plus que le w.e Samedi matin + Dimanche matin, 1h, le Dimanche avec Guillaume vers 9h30, si tu veux te joindre à nous ce sera avec plaisir, nous avons un petit parcours en forêt sympa.

Commentaire de The Running Lawyer posté le 15-10-2015 à 12:31:54

Et comment ! Je te contacte vite pour le RDV de dimanche matin prochain.

Commentaire de PhilippeG-640 posté le 15-10-2015 à 17:43:22

Désolé the Running Lawyer, pas ce Dimanche 18 (vacances) mais le suivant, oui: le 25 je serai revenu ;-)

Commentaire de The Running Lawyer posté le 15-10-2015 à 21:14:45

Zut, flute... moi je pars la seconde semaine... Nous courrons donc ensemble le mois prochain ! ;-)

Commentaire de DavidSMFC posté le 14-10-2015 à 22:23:52

Un récit qui se lit merveilleusement bien ! Je m'y retrouve bien sur certains paragraphes, notamment le troisième tour plus dur et le début de 4e reboosté. Encore bravo pour la performance et félicitations pour cette belle manière de raconter la course, d'une traite mais avec plusieurs angles abordés.

Au plaisir de se recroiser sur une course.
Par ailleurs, je suis personnellement engagé sur La Sagittaire, en parlant de Sucy...

Commentaire de PhilippeG-640 posté le 15-10-2015 à 09:39:21

La Sagittaire est très sympa avec son passage ou plutôt sa traversée de rivière unique (de l'eau jusqu'à la taille sur certaines éditions) :-)
A faire...

Commentaire de The Running Lawyer posté le 15-10-2015 à 12:30:09

Je suis d'accord avec Philippe : sympa petite course où le dénivelé est raisonnable (juste la cote des griffons à monter... on y voit d'ailleurs des courageux s'y lancer à fond et caler dans les derniers metres... ce qui était le cas de mon partenaire l'an dernier) et où l'on se rafraichit les pieds (et le reste, en fonction de la pluviométrie et du niveau du Réveillon) en fin de parcours. Je compte m'y inscrire cette année. L'occasion de s'y retrouver non ?
Attention toutefois, si tu viens en voiture, le point de départ et d'arrivée ne sont pas au même endroit. Mieux vaut se garer à l'arrivée et se rendre à pieds au départ. Ceci dit, je peux venir te chercher au point d'arrivée, avec mon chauffeur ;-)

Commentaire de bubulle posté le 15-10-2015 à 07:20:09

J'ai du te dépasser à un moment puisqu'en 1h04, tu étais nécessairement devant sur le premier tour (soit dit en passant, c'est TRES rapide, tu pourrais gagner à équilibrer peut-être le rythme entre début et fin de course). A l'estime, ce devait être pendant notre 3ème ou 4ème tour (plutot 4ème...peut-être au moment du bénévole "à bières" à l'extrémité Nord du parcours).

Etonnant que tes coulemelles, fil rouge de cette course, aient survécu, car nous avons croisé à plusieurs endroits des cueilleurs de champignons. Mais, finalement, je ne suis pas trop surpris que le courage d'aller les rechercher ne soit plus là, après ces tournicotages un peu "piquants".

Commentaire de The Running Lawyer posté le 15-10-2015 à 12:25:45

En ce qui concerne les coulemelles, elles se situaient bien loin des premiers cueilleurs que nous avons croisés. C'est ce qui me faisait enrager d'ailleurs... mais je gage que les coureurs mycologues de la région qui les ont également vues lors de cette course ont dû aller les ramasser le lendemain.

Commentaire de The Running Lawyer posté le 15-10-2015 à 08:13:10

Je suis tout a fait d'accord avec toi Bubulle : je suis parti beaucoup trop vite ! Mais depuis quelques temps, j'ai pris le parti de courir sans regarder ma montre. Du coup, je cours "à la sensation". Et mes sensations sur les deux premiers tours m'indiquaient que j'étais bien... et un peu rapide... un peu trop, d'ailleurs ;-)

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