Le cadre :
Sans aucune expérience particulière de la course-à-pied, je me suis inscrit en octobre dernier au Marathon de Paris. Ca me tentait beaucoup. En plus, j'ai vécu 20 ans à Paris. Et la course passe pour ainsi dire chez mes parents, au niveau du Cours Vincennes. J'évolue à domicile. Ce marathon, je le voulais ... J'y suis, après un entraînement assidu (plan JI de 3h30).
Mes objectifs ? Tout d'abord, finir ! Eh oui, je n'ai jamais couru plus de 2h30 ou 25 km, donc je fonce (ou plutôt je trotte, et je laisse les Kenyans foncer) vers l'inconnue. Comment vais-je réagir ? Finir est donc un vrai objectif en soi.
Le deuxième, c'est de faire 3h30. Je me suis entraîné pour après tout.
Le troisième, c'est de faire moi de 3h30 ! Etonnant, certes. Mais je me sens en forme. J'ai confiance. La préparation a été bonne. Je me sens capable de tenter 3h20 ou 3h25. C'est risqué, c'est sûr. je risque de me griller. Mais, question de tempérament, je suis prêt à prendre un petit risque.
Enfin, pour les calculs et les références chronométriques, je me base sur 5 mn au km. Ce qui donne 3h31 au marathon. L'objectif, sur cette base de 5 mn au km, est donc de gagner au moins une minute en 42.2 km.
Du réveil à l'attente dans le sas :
Il paraît qu'il faut avoir fini de manger 3h avant sa course. Je décide donc de commencer 3h avant, soit un réveil à 5h45, ce qui me semble déjà bien suffisant. 30 mn de petit-déj. Départ à 7h10. RER. Direction les vestiaires. Un bref échauffement, et à 8h10, je rentre dans le sas bleu. Il n'y a encore pas trop de monde. Peu avant le départ, deux des porteurs de ballon bleu viennent se placer juste à côté de moi. Je ne peux pas les rater !
Les conditions météo, contrairement aux rumeurs qu'avaient pu colporter certains oiseux de mauvaise augure (... c'est-à-dire moi, en fait
), sont quasi parfaites. Température idéale, quasi pas de vent, pas de pluie.
Ca y est, c'est parti. Je ne mets que 2'37 pour franchir la ligne.
Du départ au 8e km :
Le départ est pénible : il faut slalomer entre les sacs, les bouteilles ... et les personnes qui s'arrêtent pour une vidange contre les camionnettes dès la descente des Champs !
Premier km en descente plus euphorie du départ égal gros danger
Ne surtout pas partir trop vite. Je perds un peu de terrain sur les deux ballons bleus. 1er km en 5'12. Je ne suis pas parti trop vite. Yes
Ca bouchonne à la Concorde. 2e km en 10'12. c'est nickel. Je passe devant les ballons bleus. A partir de là, j'adopte mon rythme légèrement optimiste.
Rue de Rivoli, Bastille. Premier ravito. Et deux mauvaises surprises. Premièrement la température très fraîche de l'eau, et deuxièmement les bousculades. Dur de prendre une bouteille sans couper la route des autres, tout en évitant les obstacles au sol, et les chicanes constituées par ceux qui s'arrêtent brutalement !
A propos d'eau, une remarque : pourquoi avoir distribué des bouteilles de 50 cl ? La taille inférieure aurait suffi. Je n'ai vu personne finir sa bouteille. Certains en vidant même une partie avant de boire ...
Rue du Faubourg St Antoine. Premières douleurs, légères, dans les genoux. Mais elles passent rapidement. Nation. J'approche de chez mes parents
Passage au 8e km. Ca y est, j'ai une minute d'avance. Au bout de 8 km, et non de 42,2 km. Je me sens bien. Je compte garder ce rythme.
km 8 à km 10 :
Pourquoi consacrer un chapitre à deux kilomètres seulement ? Car ce sont les deux plus mauvais ... car les deux plus rapides. Deux km parcourus en un peu plus de 9 mn, soit près d'une pleine minute de gagnée
Pourquoi cette erreur ? Dur à dire. Sur le cours de Vincennes, tout se passe bien. Je vois ma mère au point de rendez-vous prévu. C'est plus sur le boulevard Soult, en montée puis descente, que j'ai dû aller franchement trop vite.
Au ravito du 10e km, occupé à sucer mon premier sucre, je coupe méchamment la route à un concurrent, qui râle, à fort juste titre. S'il me lit, toutes mes excuses
Du 10e au tunnel des Tuileries :
Je reprends un rythme plus raisonnable. Optimiste, mais raisonnable. Entrée dans le Bois de Vincennes.
Problème : de nouvelles douleurs apparaissent. Et surtout une pénible, et encore inconnue. Mal au niveau du raccord jambe / pied, sur le dessus. Au dessus de la cheville, là où ça fait un angle droit. J'essaye de ne pas en tenir compte, mais c'est tout de même très pénible
Je me sens chez moi dans tout cet Est-Parisien. Château de Vincennes, puis Parc Floral à notre droite.
Au 15e km, j'ai trois minutes d'avance. J'avale une pâte de fruit. A l'exception de la douleur au pied, les sensations sont très bonnes. Au niveau du 16e, on fait environ demi-tour. Ca y est, on a fini de s'éloigner géographiquement de l'arrivée. Désormais, chaque mètre parcouru l'est "dans le bon sens". A l'occasion de ce demi-tour, je réalise qu'on devait avoir un infime vent de dos avant, car je le sens maintenant de face. Mais c'est limite imperceptible.
La descente Avenue de Gravelle fait du bien, car je commence à avoir les jambes lourdes. Les cuisses peinent un peu. Déjà
Peu avant le 19e, deuxième rendez-vous réussi avec ma mère.
Passage au semi, Porte de Charenton. Il y a beaucoup d'encouragement. Ca fait plaisir. 4 minutes d'avance. Je suis tout juste sur les bases de 3h23. Que faut-il en penser
Trop rapide, ou non ? En tout cas, j'ai déjà mal aux jambes. A ce moment-là, je me dis que je dois viser 3h25.
Je négocie correctement la montée Rue de Charenton, en n'hésitant pas à lever le pied. Avenue Daumesnil. Puis nouveau passage à la Bastille. Je n'en mène pas large pour mon pied et mes jambes, mais globalement ça va ... encore !
On s'engage sur les quais de Seine. Au 26e, je rate un copain venu m'encourager. Je le cherchais à gauche, il était à droite. Dommage. Arrive alors le tunnel des Tuileries
Du tunnel des Tuileries au 36e km :
Il faut bien le dire, c'est le passage le moins sympa du parcours. Il est même franchement désagréable. Un tunnel très long, mal éclairé, où ça sent mauvais, dont on ne voit pas la fin ... A partir de là, mes jambes vont vraiment mal. Et on n'est qu'au 27e. Ca ne se ressent pas encore au niveau du chrono, car le tunnel est en descente, mais la fin va être très dure.
J'aborde prudemment les trois tunnels suivants, en ralentissant dans les montées. Je ne suis plus très lucide. La Tour Eiffel ? Pas vue. Le 30e approche. Le mur ? Certains l'ont manifestement rencontré, eux qui sont arrêtés sur le bord de la route. Le ravito du 30e, je le gère très mal : en pleine gauche, alors que le ravito est à droite. D'ailleurs, pourquoi ne pas mettre des ravitos des deux côtés ? Ca limiterait les bousculades. Une deuxième pâte de fruit. A ce moment, j'espère encore qu'elle me permettra de finir bien.
Au 30e, j'ai près de 5 minutes d'avance ... Le début de la fin. A partir de maintenant, je décompte, km par km, en visant 5 mn par kilo. Utopie !
Arrive la Rue Mirabeau, dont je comprends la réputation en la voyant. Ca monte ! Mes jambes ! Mais je continue à courir.
Porte d'Auteuil, Roand Garros. Je sens bien qu'à la moindre tentative de relance, je vais occasionner une énorme crampe. Dommage, car côté coeur, ça va très bien (
). je pourrais accélérer. Mais mes jambes refusent.
Le 35e. Toujours pas de mur. Voilà déjà un très bon point. Je devrais pouvoir finir, sans marcher qui plus est. Un sucre à ce ravitaillement. De l'eau. Je jette la bouteille sur le côté, et là, le mouvement de bras est à deux doigts de provoquer une crampe derrière la cuisse
L'horreur. Quand je vois tous ces coureurs en train de s'étirer sur le côté, ça ne me rassure pas.
Pire : à ma gauche, un coureur s'effondre, en se tenant la cuisse. Crampe ou claquage. Le pauvre.
Au 36e, j'ai reperdu la minute gagnée entre le semi et le 30e.
Du 36e à la ligne d'arrivée :
Ma tête vient suppléer mes jambes, incapables de me porter. Maintenant, c'est du 5'15 au kilo. De pire en pire.
Le stand d'épongeage du km 37,5 est le premier, ravitos et éponges confondus, auquel je ne prends rien. Un dernier sucre, plus pour me faire croire qu'il va m'aider qu'autre chose. Au 38e, ironie : un stand de supporters bretons passe des chansons de Mat Matta (pardon pour l'orthographe). Et à mon passage, j'ai droit à : "Si tu aimes la marche à pied, viens donc faire un tour à Lambé."
Et ça s'aggrave encore. Même pas possible de décontracter les bras en les laissant pendants : ils sont tétanisés. Et mes jambes ! Je tombe à 5'30 au kilo. Je me raccroche à des objectifs qui chutent les uns après les autres : 3h26 ... 3h27 ... 3h28 ... 3h29 ... Au moins rester devant les ballons bleus. Oui, ça, je vais y arriver.
La fin est proche. "Plus que 400 mètres" lance un spectateur. Quelques mètres plus loin : "Plus que 500 mètres"
L'agonie, jusqu'au bout ! Il paraît que ma mère était là en bas de l'Avenue Foch. Peut-être. Je n'avais pas la force de chercher quelqu'un du regard.
... OUF ... Je franchis la ligne : 3h28'41
Après la ligne :
J'arrive à peine à marcher. Je ne parviens même pas à savourer. Une bénévole veut me remettre la médaille. Pas moyen de me baisser, je la prends à la main
Impossible de m'étirer : la moindre tentative induit une crampe ailleurs.
Aux massages, trop de monde. je ne me sens pas capable de faire la queue debout. A la réflexion, j'aurais dû patienter. Ravitaillement d'après course. Dommage, il n'y a pas de fruits secs. Vestiaires. J'ai toutes les peines du monde à enfiler mon pantalon de jogging
Puis direction le RER, tout doucement. Près d'une heure entre le franchissement de la ligne et l'arrivée dans les couloirs du RER. Je suis dans un état lamentable.
Chiffres :
Pour les amateurs de chiffres (BM, reviens !), voici quelques éléments plus factuels :
Du départ au 10e : 4'49 au km en moyenne. Passage au 10e en 48'13.
Du 10e au semi : 4'48 au km en moyenne. Passage au semi en 1h41'29.
Du semi au 30e : 4'55 au km en moyenne. passage au 30e en 2h25'18.
Du 30e à l'arrivée : 5'12 au km en moyenne
Une course pas très bien gérée donc, avec un deuxième semi près de 6 minutes plus lent que le premier.
Par contre, au niveau classements, les chiffres ne confirment pas mes impressions : même sur la fin, j'ai plus doublé que le contraire. Les arrêts involontaires des autres explique peut-être cela, car j'avais vraiment la sensation d'être plus lent que le flot sur la fin.
6866e au 10e, 6565e au semi, 6494e au 30e, 5971e à l'arrivée. Cela dit, je me moque pas mal du classement. Et j'aurais préféré finir 2000 places plus lent, mais avec 1 minute de moins
Bilan :
Avant tout, il convient de se souvenir de l'objectif premier : finir. Oui, j'ai réussi. J'ai couru tout du long, je n'ai pas rencontré le mur. Voilà qui est très positif.
Le deuxième objectif, 3h30, je l'ai également rempli. Le troisième, moins de 3h30, c'est raté. Mais ce n'est pas si grave. Dommage, mais pas grave.
Alors, oui, bien sûr, j'aurais peut-être pu faire mieux. Aurais-je fait un meilleur temps sur une base légèrement moins ambitieuse ? Peut-être. Mais je voulais tenter le coup. Par contre, j'aurais sans doute fini en meilleur état, ce qui n'aurait clairement pas été du luxe.
Et si je n'étais pas allé trop vite entre le 8e et le 10e ? Et si je n'avais pas eu cette douleur au pied ? Et si ça avait moins bousculé aux ravitos ? Mais avec des si, on mettrait Paris en bouteille. Or je l'ai déjà mis dans ma poche, ce qui n'est pas si mal.
1 commentaire
Commentaire de riri51 posté le 15-08-2006 à 14:23:00
félicitations!!!
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