Récit de la course : TOR330 Tor des Géants 2014, par Sylou38

L'auteur : Sylou38

La course : TOR330 Tor des Géants

Date : 7/9/2014

Lieu : Courmayeur (Italie)

Affichage : 1463 vues

Distance : 321km

Objectif : Terminer

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Le Tor, une aventure à consommer sans modération !

Le Tor des Géants… je pensais à cette course avant même d’avoir bouclé l’UT4M il y a un an, j’avais pourtant déjà du mal à imaginer pouvoir terminer un format 160 km / 10 000 m D+ mais alors là tenter le double en terme de distance et surtout en terme de dénivelé ça me semble de la pure folie.

Depuis septembre 2013 je pense au Tor des Géants en boucle tous les jours, pourtant rien n’est gagné, même si je souhaite participer, il va falloir réussir a s’inscrire début février puis attendre mars pour savoir si on a été retenu ou si l’on est sur liste d’attente, du coup il va falloir commencer à s’entraîner le plus tôt possible avant même d’avoir la confirmation de sa participation, stressant le truc! d’autant que bon nombre d’autres courses comme l’UTMB seront complètes depuis décembre, clairement ça impose de faire des choix.

Le Tor me rend dingue, j’ai lu et relu des dizaines de CR et je n’en ai trouvé aucun ayant eu une fin heureuse, où il en ressort que le coureur a terminé la course les doigts dans le nez sans avoir eu aucun problème. L’ampleur de la course et surtout de son dénivelé me semble juste irréel, ça ne me semble pas humainement possible et pourtant depuis la première édition en 2010, la moitié environ des participants sont arrivés au bout, donc un petit peu plus d’un millier de personne dans le monde a déjà réussi à boucler la boucle, pourquoi pas moi !

Replaçons nous un an en arrière, je termine donc l’UT4M en août, je me prends 3 semaines de repos, je pars du principe que je réussirai à m’inscrire au Tor en février même si je sais que les inscriptions sont généralement closes en 5 min. Histoire de ne pas relâcher mon entraînement fin 2013, je m’inscris à la SaintéLyon en décembre avec comme objectif de faire un temps, puis je décide de préparer mon entraînement spécifique Tor a partir du 1er janvier 2014.

Mon entraînement va être relativement intense, il va falloir trouver un plan pour se blinder encore plus mentalement, devenir plus fort physiquement et s’améliorer techniquement. Il est clair que vu le profil de la course, on va vite privilégier les entraînements cumulés de préférence long et à vitesse réduite.

J’ai énormément travaillé ma foulée et ma pose de pied en montée et surtout en descente, mon but étant de multiplier le nombre d’appuis au sol mais en réduisant les impacts. De toute les études que j’ai pu trouver il est clairement moins traumatisant pour les articulations de faire à distance équivalente deux poses de pied au sol plutôt qu’une seule. Le plus gros défi pour cette course ne sera donc pas d’effectuer les 336 kms de distance ni les 24 000 m de D+ mais plutôt de réaliser les 24 000 m de D- sans casse. J’ai donc passé des heures à effectuer en boucle des descentes dans un mode très concentré, avec une foulée réduite, rasante, en m’aidant également de bâtons pour amortir les chocs sur les terrains très accidentés afin d’obtenir le moins d’impact au sol possible et en ayant une foulée propre, sans bruit, sans déplacer le moindre caillou.

Janvier a donné le ton, j’ai voulu imiter Christophe le Saux, qui de son coté effectue une sortie par jour d’au moins 2h tous les jours de l’année (tranquille le type). J’ai donc décidé d’effectuer une sortie par jour pendant 31 jours, en commençant dès le premier Janvier par la terrible montée de l’Arselle empruntée par l’UT4M sous une fine couche de neige, j’effectuerai d’ailleurs cette montée des dizaines de fois au cours de l’année.

Globalement je n’ai presque jamais couru sur du terrain plat ou vallonné, je n’ai fait que du terrain technique avec à chaque sortie un max de dénivelé (un minimum de 1000 m de D+ par sortie me semblait pas mal en ce début d’année). Énormément de sorties sous la pluie ou sous la neige, de nuit, dans le brouillard, le fait d’aller courir tous les jours et certes dangereux pour les blessures, mais très intéressant d’un point de vue mental, au bout de ma 12eme sortie de suite de Janvier, j’avais des sensations étranges, où je n’arrivais plus à accélérer même si j’en demandais l’ordre à mon cerveau, une sorte de mécanisme protecteur était en train de se mettre en marche. Le plus on approchait de la fin du mois le plus ça devenait rude, on rentre du boulot, il fait nuit, il pleut, on met sa frontale et on retourne courir, au moins on ne se pose pas la question de savoir si on va courir ou pas étant donné que l’on sort tous les jours. Je me répétais toujours la même chose dans les moments difficiles, ne me dis pas que tu trouves ça difficile, là sur le Tor tu commenceras juste d’avoir ces sensations à la fin de la première journée, donc dis toi que tu n’as rien du tout et avance.  Janvier se termine avec plus de 330 kms tiens tiens la distance du Tor, et un petit peu plus de 17 000 m de D+, pas mal pour un début d’année !

Clairement je décide par contre d’arrêter de courir tous les jours, vu mon état après 31 jours, je vais me flinguer les jambes si je continue comme cela, cependant je note que ce type d’entraînement est très intéressant pour reproduire des sensations de fatigue que l’on peut observer sur des courses longues, à refaire suivant le genre de course que je préparerai dans le futur.

Je me prends qq jours de repos, et je décide d’attaquer les mois suivants de Février à Avril en alternant les sorties cumulées sur 3 à 4 jours  p.ex Vendredi/Samedi/Dimanche puis repos lundi et mardi, petite sortie le mercredi, repos le jeudi etc… Je pense que la clé du succès c’est vraiment se s’imposer du repos quand on le juge nécessaire et ne pas chercher à faire comme lors de mon entraînement UT4M ou je voulais courir au moins 6 fois par semaine.

Durant ces 3 prochains mois, je vais faire la majorité de mes sorties dans la neige, dans beaucoup de neige, comme je veux faire 1000 m de D+ par sortie, je termine souvent mon ascension avec de la neige bien au dessus des genoux, je mets du coup souvent un temps fou à avancer, bien deux fois plus lentement que ma vitesse d’ascension sans neige, mais ça me parait bon pour le moral d’avoir du mal à avancer les jambes dans le froid, d’autant que l’intérêt c’est que l’on minimise les chocs dans les descentes avec ce matelas moelleux. Au final je continue de monter dans Belledonne et sur le plateau de l’Arselle quelles que  soient les conditions. Je fais énormément de sorties techniques sous la pluie, quitte à refaire plusieurs fois de suite la même montée, je fais également pas mal de sorties hors sentiers en passant parfois par des endroits plutôt vertigineux. Je reste sur une moyenne d’environ 13 000 / 14 000 m de D+ par mois jusqu’à avril.

A chacune de mes sorties je ne suis pas là mais je me vois en train de courir sur le Tor, ça me motive pas mal, en regardant mon cumul de D+ depuis le début de l’année je me dis que si je veux que mes genoux tiennent le coup il va vraiment falloir que j’écoute mes jambes et que je réduise encore ma vitesse, pour privilégier la longueur et la durée. J’essaie de limiter l’amplitude de mes pas pour éviter les TFL (Tendinites du Tenseur Fascia Lata) j’en ai chopé pas mal ces 2 dernières années ça serait bien d’éviter ça pour le Tor.

Je me suis interdit toute course officielle intermédiaire afin de tenter un coup de Poker, juste le Tor au programme en 2014, ça passe ou je ne terminerai aucune course cette année. Je pourrai faire quelques courses intermédiaires en mode entraînement bien sur, mais je me connais trop bien, même après plusieurs jours d’entraînement il suffit que je croise un coureur qui me cherche pour que je me mette dans un mode «jeu du plus con» à accélérer comme un malade pour le doubler, donc même pas la peine sur une vraie course, je tiendrai tout au plus 5 min à me laisser doubler. Je préfère donc m’entraîner seul dans les montagnes qui entourent ma maison et que je commence de bien connaître.

Aucune blessure à l’horizon je passe à 20 000 m de D+ en mai, je redescends un petit peu en juin, je frôle les 25 000 m de D+ en juillet et je rebaisse un poil au mois d’août. Grosso modo j’aurai réalisé un petit peu plus de 125 000 m de D+ en 8 mois, même si ça va bien je me demande si je n’en ai pas un petit peu trop fait. J’ai réalisé pas mal de WE chocs successifs, avec au moins 3 000 m de D+ par jour, je suis plutôt confiant pour les 2 ou 3 premiers jour sur le Tor. Pas de blessure mais je ressens un truc au niveau de mon genou droit fin juillet, ce n’est pas douloureux mais comme je ne sais pas ce que c’est je me pose plein de questions.

Je décide comme l’année dernière de faire un gros break de 15j juste avant la course, en ne faisant absolument plus aucune sortie, de toutes façons le gros du volume est fait depuis un bon moment ce n’est pas maintenant que je risque de changer grand-chose sur ma masse musculaire, au pire je vais perdre un petit peu de VMA mais ça ne devrait pas être gênant sur ce profil de course. J’arrête également de manger n’importe quoi, et la dernière semaine je suis à nouveau un régime d’avant course qu’un collègue m’a filé il y a un bon moment maintenant et qui me réussit visiblement bien. Un grand merci à ma femme pour avoir pesé au gramme près tous les aliments et pour m’avoir concocté entre autres cette crème petit déjeuner de warrior certainement très bonne pour la santé mais qui reste infâme au goût, finir le Tor me parait un détail comparé à finir ma crème petit déjeuner tous les matins.  

Samedi – retrait des dossards

 

dernier contrôle après 3h d’attente !     le dossard tant attendu      le célèbre sac de base de vie

 

Cette fois c’est parti on dit au revoir aux enfants et à mes parents en espérant les revoir uniquement dans une semaine et pas avant ! Sandrine me conduit à Courmayeur où nous arrivons vers 15h30. Première étape récupérer son dossard, et là gloups il y a une queue interminable ! et ça avance très très doucement, on prend son mal en patience, une heure, 2 heures, args c’est pas vrai on mettra autant de temps à récupérer ce dossard qu’à faire la route depuis Grenoble ! Enfin notre tour, on comprend vite le problème, il y a plus de 700 concurrents qui doivent récupérer leurs dossards et au niveau du check du matériel obligatoire (c’est nouveau cette année visiblement depuis le décès d’un concurrent Chinois lors de l’édition 2013), il n’y a que 2 tables ! ça fait un goulot d’étranglement monstre !! un loupé de l’organisation espérons que ce sera le seul. Bon la vérification se passe bien, d’un autre coté je vérifie / revérifie / re-re vérifie mes sacs depuis 15j impossible d’avoir oublié quelque chose, puis je récupère enfin mon dossard et mon bracelet qui ne me quittera plus d’ici la fin de la course, un coureur sans son bracelet étant le signe d’un coureur qui a abandonné => ça jamais !

Enfin la remise du tant attendu Sac Jaune Grivel qui va nous suivre de base de vie en base de vie et dans lequel je vais pouvoir laisser des affaires de rechange. A première vue il me parait relativement grand c’est plutôt un bon point, je me suis assez rongé le cerveau avec cela, Sandrine ayant même demandé la taille du sac en centimètre à l’organisation il y a une semaine je confirme c’est bien ce qui était annoncé.

Direction maintenant l’hôtel, on est situé a 1.5 km du départ de la course, on cherche au hasard, le GPS ne passe pas et on n’a pas de plan bien entendu, on se plante et on atterri dans un cul de sac au début d’un bois, on va pour faire demi tour et là gloups, je vois une banderole jaune TDG qui part dans un chemin, c’est visiblement là que l’on va quitter le bitume de Courmayeur demain . L’hôtel est finalement juste un petit peu plus bas, visiblement la seule clientèle va participer de près ou de loin au Tor vu le nombre de sacs jaunes Grivel au mètre carré. Sandrine est dans un état de stress assez avancé, moi je reste relativement calme, même stratégie que d’habitude, je fais croire à mon cerveau que je suis un accompagnant et que je ne participe pas à cette course de dingue. Je fais rapidement mon sac de base de vie, sans vraiment le vérifier, j’ai totalement confiance je cogite à ça depuis des jours, je décide même de le rapporter directement au camion (on pouvait le garder jusqu'au départ et le remettre uniquement le dimanche matin) histoire de ne pas passer la nuit à revérifier en boucle si j’avais mis le bon nombre de paires de chaussettes ou de t-shirts. J’ai déjà vérifié ça des centaines de fois grosso modo mon sac se compose de:

-        6 paires de chaussettes
-        6 caleçons
-        4 t-shirts
-        3 polaires
-        2 sous couches thermiques odlo xwarm
-        3 collants xwarm
-        2 shorts
-        2 paires de chaussures
-        Un énorme lot de piles de rechange
-        Un chargeur USB 5500 mA avec chargeur de téléphone / montre / appareil photo
-        Une trousse de toilette et serviette pour la douche
-        Un nécessaire à ampoule et des médicaments (mal le ventre / douleur)
-        De la poudre énergétique et des barres
-        Des accessoires de rechange divers (pipette pour les bidons, semelles… )

 

 

               ce que j’avais prévu de prendre                                                       rangement express a l’hôtel

 On assiste à la pasta party à une table bien sympa où je fais la connaissance de quelques coureurs que je reverrai tout au long de la semaine. On nous annonce une météo sympa pour les premiers jours, on nous signale quelques zones à risques qui se sont créées à cause des pluies de la semaine passée , la forte pluie a  visiblement bien raviné certains endroits du parcours et il faudra être vigilants, on nous rappelle également qu’il est interdit de dormir en dehors des bases de vie / refuges, que des contrôles seront effectués. Dans la réalité bon nombre de coureurs dormiront dans des camping car, à l’hôtel ou dans des voitures, chose que je me refuse catégoriquement à faire, c’est du grand n’importe quoi. On savoure notre dernier repas composé de charcuterie, pâtes à la sauce tomate (heureusement que j’aime ça,je vais en manger pas mal pendant la semaine) et un dessert que j’ai complètement oublié, l’heure tourne et il va falloir rentrer à l’hôtel.

L’heure du dernier dodo dans un vrai lit approche, je dors comme un bébé durant cette dernière nuit, Sandrine va quand à elle passer une nuit blanche, mince alors elle ne prend pas le départ pourtant la miss...

Je suis debout un bon moment avant le réveil, je me douche et je prépare mes affaires, direction petit déjeuner histoire de faire le plein de calories, le prochain repas assis ça sera dans un bon moment. 

 Ok je suis prêt, je remplis mes 2 bidons, je prends mon sac de 5kg sur le dos, il va falloir supporter ce poids sur les épaules pendant quelques jours, puis on descend à pied à Courmayeur direction le sas de départ, on a une bonne heure d’avance, on arrive vers 9h du matin. Je décide de rentrer rapidement dans le sas, histoire d’être assez proche de la ligne élite / VIP et de ne pas rester coincé tout au fond, même si sur cette course ça ne devrait pas être trop gênant.  Les concurrents arrivent rapidement, mince il y en a pas mal qui n’en sont pas à leur premier coup d’essai sur ce Tor. En effet une particularité de la course c’est qu’il y a 2 types de dossards, ceux comme le mien avec juste un numéro violet sur un fond blanc ayant un numéro supérieur à 500 (j’ai le dossard 868 alors que la course ne compte que 770 participants) et puis les dossards avec une police blanche sur un fond violet avec le nom et prénom du concurrent et un numéro inférieur à 400, là c’est respect, ces dossards correspondent à des concurrents qui ont terminé la précédente édition du Tor des géants 2013 et qui se représentent à cette édition 2014. Leur numéro de dossard correspond à leur classement 2013, autant dire qu’il faut se méfier des numéros à 2 chiffres. En regardant autour de moi je vois un bon nombre de finisher de l’édition précédente qui se représentent, c’est dingue comment peut on vouloir faire ça 2 fois de suite? Je m’interroge d’ailleurs sur la concurrence, vu le nombre de VIP, plus le nombre de finisher qui ont pas mal de chance je pense de terminer cette édition à nouveau, ça envoie du lourd, quelles sont mes chances de survie dans cet environnement hostile?

 

        avant l’entrée dans le sas         je suis dans les premiers a arriver                      on va se lancer!

 

L’émotion grandit à mesure que les minutes avancent, on appelle les VIP les plus connus,

Oscar Perez, Bruno Brunod, Christophe le Saux et j’en passe, j’essaie de rester concentré, Sandrine est en larmes derrière la barrière à coté de moi, la musique résonne assez fort dans les hauts parleurs, ça donne le tempo pour la suite, surtout respirer bien profondément et ne pas penser que l’on prend le départ d’une course de dingue, le temps passe très vite ici, et le sas se remplit rapidement, je regarde autour de moi et ça fait pas mal de personne qd même cette histoire, le speaker nous annonce que le décompte va bientôt arriver, j’embrasse Sandrine une dernière fois en lui disant à tt à l’heure, on se reverra maintenant dans 17km après le premier col franchi.

SECTION 1 – 49kms / 3800m D+ / 3300m D-

 

L’heure est grave, la musique est lancée, ça me glace le sang, punaise cette fois c’est une réalité tu es bien réveillé et tu vas y aller mec, concentre toi concentre toi, le décompte commence en Italien sur une musique forte en émotion, je respire fort encore un bon coup et tout le monde se lance dans les rues de Courmayeur. Première impression, ouah le nombre de spectateurs présents est réellement impressionnant! Il y en a de partout avec des cloches, à applaudir, crier, punaise l’ambiance est incroyable, après avoir parcouru le centre ville, on redescend puis on remonte en direction de notre hôtel vers ce chemin vu hier soir, je relance un petit peu dans la montée, encore du monde de partout, un drone nous filme, je regarde rapidement ma montre, yes déjà 2kms de fait, plus que 334 je me dis arrête tt de suite ces conneries, et reste sur du très court terme en l’occurrence le premier Col sinon tu cours à la catastrophe, objectif simplifié donc et je ne pense qu’au col de l’Arc à priori assez simple, 1300 m de D+ sur 10kms, une pente plutôt faible pour commencer. Je monte clairement en sous régime dans le bois, la route est assez large, c’est une piste carrossable où l’on peut se doubler sans problème, mais au final tout le monde garde à peu près le même rythme. Un type un peu space se met à relancer à fond et à doubler comme un dingue pendant l’ascension, puis il s’arrête puis il redouble, on se marre bien avec les concurrents à coté de moi, on se demande si ce rigolo a connaissance de la suite du parcours ou si il à déjà perdu la raison.

A la sortie du bois, l’hélicoptère passe et repasse plusieurs fois pour nous filmer, génial, on se croirait dans un James Bond, il fait du stationnaire juste à coté de moi je lui fais des grands signes et je continue de monter. Le temps est magnifique, les arbres finissent pas disparaître nous sommes a 2000m d’altitude, ça devient plus rocailleux, j’aperçois le col, plus que 500m de montée, je regarde à un moment ma montre nous sommes partis depuis 1h55 et j’avais prévu de faire cette partie en 2h je décide donc de donner un bon coup d’accélérateur sur la fin et je passe le col a 2h00min15sec yes, une fois de plus je me dis mais arrête de faire le con c’est juste une estimation, ne commence pas à accélérer maintenant, je me marre on voit bien que la course ne fait que commencer!

J’attaque la descente, très roulante et relativement facile, c’est dans des champs, effectivement bien raviné à plusieurs endroits mais rien de bien inquiétant pour moi, soudain mince une douleur dans le pied droit, c’est pas vrai comme si la chaussure avait été trop serrée ce qui me parait impossible, ça ne m’est jamais arrivé sur ce pied et j’ai vraiment fait attention au laçage ce matin. Je m’arrête desserre encore les lacets et je continue, la douleur reste cependant présente jusqu'au premier ravito au refuge Youlaz. Je remplis mes bidons je refais encore une fois mes lacets et je repars. On descend désormais sur une route goudronnée moins sympa et je rejoins le second ravitaillement à La Thuile en 3h15 ce qui est en ligne avec mon planning (j’avais prévu 3h30). La ville est blindée de monde, je cherche ma femme que je finis par trouver juste avant la base de vie cool, un gros bisous et je rentre pour me ravitailler et me faire badger c’est le premier point de contrôle du Tor, cette première base étant interdite aux accompagnateurs (ce qui me semble normal vu le nombre de personnes présentes en même temps !). Je remplis mes bidons à nouveau et sans m’en rendre compte je me plante je met de l’eau gazeuse au lieu de l’eau plate quel boulet ! Je retrouve ma femme à la sortie je l’embrasse a nouveau et je repars en pleine forme pour les 2 prochains cols de cette section. On se reverra en fin de journée à la première base de vie. On entre à nouveau dans les bois direction le col Haut Pas à plus de 2800m soit encore 1300m de D+. J’essaie de trouver un rythme ni trop lent ni trop rapide, histoire de me rassurer je ne suis pas longtemps les concurrents ayant un dossard similaire au mien, je recherche ceux qui ont déjà terminé l’édition précédente avec un numéro compris entre 100 et 200 ça me va bien, je pense qu’ils connaissent bien le rythme à avoir, d’un coup je rattrape un coureur avec le numéro 50 oups, là il va falloir se calmer, surtout reste derrière, ne le double pas, c’est trop agressif là, un mec 50eme c’est quelqu’un qui effectue la boucle en un tout petit peu plus de 100h rien à voir avec mon objectif de 130h !

La montée est belle on passe à coté d’un lac et d’un glacier, c’est superbe il fait grand soleil et là encore il y a un monde fou sur le parcours c’est incroyable, des familles, des enfants, des jeunes des moins jeunes j’ai l’impression que toute la ville s’est réunie ici pour nous encourager !

Je discute avec un coureur, on rigole car l’un comme l’autre on doit en être à notre millième merci aux spectateurs depuis le départ. Arrivée au refuge de Deffeyes je me pose 5 min, je n’ai pas encore mangé de solide et je préfère continuer avec uniquement de la boisson sur cette première section histoire d’éviter les troubles digestifs. C’est parti pour le second Col, on entre apparemment dans le vif du sujet, clairement ça devient vraiment plus raide le chemin devient de moins en moins large, je sens que je suis moins à l'aise pour respirer je ne comprends pas encore à ce moment que c’est lié à l’altitude. Je mets pas mal de temps pour effectuer la dernière centaine de mètres de dénivelé, le col est bien visible mais la montée reste très lente à mon goût d’un autre coté personne ne me double je dois être dans le bon rythme.

Ouf j’atteins enfin le sommet, je passe le col après 6h50 de course, j’avais prévu 7h donc je suis en ligne avec mes prévisions cool. Je prends une photo du cairn et je ne traîne pas pour redescendre, ça devient vraiment technique, il y a pas mal de gros blocs de cailloux de hauteurs variables, on va y aller en douceur pour préserver au maximum les genoux, mon point faible jusqu'à présent.

 

                  descente après le col Haut Pas                                              celle après le col Crosatie

A ce moment en tous cas je me sens tellement bien que je me dis au final peu importe que je finisse ou pas le Tor, je vais essayer d’aller le plus loin possible et d’en profiter au maximum, j’ai pas mal de chance d’être là en ces lieux il faut savourer pleinement le décor qui m’entoure.

Après 1h de descente, voici le dernier gros morceau de la section le col Crosatie. Je monte d’un bon pas mais le chemin se dégrade de plus en plus, on monte sur les cailloux assez instables empilés les uns sur les autres, et d’un coup en posant mon pied je fait tomber un gros bloc: je crie «cailloux», relayé par le cri de tous les coureurs à proximité, je regarde en bas le caillou prend de la vitesse, quelques personnes en dessous s’arrête heureusement pour le laisser passer, et il s’arrête contre un autre bloc une bonne centaine de mètres plus bas. Ouf je n’en mène pas large hum hum j’aurai juste pu tuer un concurrent avec cette erreur. On va faire profil bas et monter en faisant très attention. On atteint finalement un passage avec une immense main courante, et des énormes marches de pierre à gravir, je reconnais ce passage que j’avais vu en vidéo, pour moi le col est juste après cette main courante, aie erreur, en fait c’est juste le début de la montée ça la vidéo ne le montrait pas, waouh mais c’est dingue, on monte en file indienne en laissant quelques mètres avec le suivant, c’est très raide et il ne faut pas tomber sinon c’est clairement bye bye. J’atteins le col après 9h de course (9h30 dans mes plans) et je n’en reviens pas du profil de ces derniers km. Moi qui pensais que le parcours était relativement roulant, grave erreur c’est encore plus technique que de courir dans Belledonne mince alors ! J’attaque la descente en passant à coté du Lac du fond direction la première base de vie du parcours. Je me rappelle à ce moment ce que disait un finisher lors du repas de samedi soir, fais ta course, ne te laisse pas influencer par ceux qui te doublent ou ceux qui sont devant toi, garde ton rythme et ne te cale sur personne. J’applique ses conseils à la lettre je me concentre sur ce que je fais, je double systématiquement ceux que je rattrape et je laisse filer ceux qui veulent me doubler sans savoir si je ne vais pas assez vite, je gère comme je l’entends, je dois impérativement m’économiser.

Lors de la descente on passe devant la stèle du concurrent Chinois qui a perdu la vie l’année dernière en faisant une mauvaise chute. C’est émouvant mais vu le terrain je m’interroge surtout sur le fait qu’il n’y ait qu’une seule stèle à cet endroit. Je termine la descente prudemment et j’arrive a Planaval, dernier ravito avant la base de vie, je ne reste pas trop longtemps car je suis trop impatient de revoir Sandrine.

Après 5km de faux plat j’arrive a Valgrisenche, vers 21h30, 11h30 de course au lieu des 12h prévues pour ces premiers 50 km, 3800 m de D+. Ça va bien j’ai la forme, en discutant autour de moi, je m’interroge quand même sur cette section qui était censée être facile, au vu des visages marqués autour de moi visiblement ce n’était pas si simple je me dis waouh qu’est ce que nous réserve la suite du parcours !

Il faut savoir que toutes les sections impaires du Tor sont visiblement faciles et toutes les sections paires (donc comme la prochaine) sont beaucoup plus difficiles, ce qui veut dire que je ne vais pas tarder à savoir ce qu’on appelle une section difficile!

 

 

      Première base de vie je suis encore frais                                     Premier pin's et première signature

Cette première base de vie est également interdite aux accompagnateurs, Sandrine parlant Italien comme une vraie Italienne elle parvient à rentrer sans trop de problème. Je suis content de la revoir, on me remet un pin’s de Valgrisenche, c’est marrant en fait on a un pin's à chaque fois que l’on a atteint une base de vie, le pin's de Courmayeur étant le plus convoité je laisse une signature sur le premier tableau du Tor, de mémoire je dessine une fleur avec Lily et Tom et je signe. Puis je monte sans elle dans une chambre pour me changer. Je me retrouve comme un con avec mon énorme sac jaune, je ne sais pas trop quoi faire, je ne compte pas dormir ici ni prendre de douche. Je me lave rapidement au lavabo, je recharge ma montre, je change de chaussettes, aie j’ai déjà 2 petites ampoules sur le coté qui sont percées. Un concurrent me donne une astuce que je ne suivrai pas (je ne sais pas pourquoi et c’est dommage car ça aurait pu m’éviter bien des galères par la suite). Il me dit n’avoir jamais eu d’ampoule, son secret se badigeonner le pied en excès de crème anti-frottement NOK quitte à ce que la crème ressorte par la chaussette dans la chaussure. Bof ça ne me dit rien je mets juste un petit peu de crème comme à mon habitude et je sors de la chambre. Je retrouve ma femme en bas, je vais manger un morceau quelques pâtes uniquement et je ressors, je me pose sur un banc en fermant les yeux quelques minutes. Je remets mon sac de base de vie je badge pour sortir je suis reste 1h07 au lieu des 1h prévues, clairement ça passe très très vite. Je dois retrouver Sandrine à la sortie,  je suis dehors depuis 5 min et je ne trouve personne, je regarde à droite à gauche et personne je commence a m’impatienter, Sandrine m’attend en fait à un autre endroit, je lui passe un coup de fil et elle fini par arriver, je lui fais un bisou et je repars pour la deuxième section.

 SECTION 2 – 54kms / 4200m D+ / 4300m D-

 

Bon cette fois ça ne rigole plus il est bientôt 23h, on a 3 col à passer, 2 de nuit dont un 3000m et le plus haut col du Tor ensuite qui culmine a 3300m

Je compte gérer mon sommeil uniquement avec des pauses de 30 min toutes les 6h à partir de la 17eme heure, j’aimerai éviter les pauses de plus d’une heure, je pense que repartir après avoir laissé son corps complètement refroidir  doit être terrible, donc autant éviter cela autant que possible ou le laisser pour la fin de semaine quand je serai complètement défoncé.

Premier col de cette seconde section, le col fenêtre, la nuit est belle c’est la pleine lune je m’arrête pour me ravitailler au Refuge de l’Épée, je me mets à l’intérieur sur un banc et je pose 5 min la tête sur les poings les yeux fermés en essayant d’évacuer un maximum de ces 13 premières heures de course, il va falloir être lucide pour la suite.

Je ressors du refuge et je trouve qu’il fait relativement froid, hop je mets la gore-tex et je continue ma route. L’ascension est vraiment difficile je mets pas loin de 3h pour passer le col au lieu des 2h30 prévues. Je ne comprends toujours pas pourquoi j’avance si lentement et pourquoi j’ai la tête en vrac. En fait j’aurai le même symptôme tout au long de la course lié à l’altitude. Cela peut paraître étrange mais clairement à partir de 2700m je ressens une sorte de mal à la tête avec quelques difficultés à respirer normalement. Beaucoup d’autres coureurs ont le même symptôme à une altitude quasi similaire, il y en a peu autour de moi qui ne semblent pas épargnés. Clairement je ne pensais pas une seconde avoir des problèmes liés à l’altitude en étant aussi bas, 2700 m ce n’est rien du tout! Est-ce un effet cumulé de la fatigue et du froid, je n’en sais rien mais je me dis que si je veux faire de l’alpinisme un jour c’est râpé, je deviens une larve à 3000m au secours!

 

                         Premier col de la mort!                                              A quoi ça ressemble vu de jour…

J’attaque désormais la descente et là stupeur, qu’est ce que c’est que ce délire la pente doit avoisiner les 30%! c’est certain on sera vite en bas mais il va falloir faire vraiment gaffe. C’est dément moi qui pensait avoir tout vu avec la descente de l’Arselle dans Belledonne, c’est clairement un niveau au dessus ici, juste incroyable de passer ici de nuit. Je mets une heure pour rejoindre Rhème Notre Dame, il est 2h45 du matin et Sandrine est là pour m’accueillir. Elle a dormi seulement quelques heures dans la voiture sans couverture et elle est morte de froid. Le fait de la revoir me booste vraiment. A partir de ce moment je ne vois plus la course comme étant une succession de base de vie / ravitaillement mais plutôt comme une succession de moments où j’aurais la chance de retrouver ma femme et moralement c’est une aide presque vitale!

Comme prévu je tente de dormir 30 min sur une table au milieu du brouhaha général, la salle est petite et vu le monde le volume sonore est particulièrement élevé, je n’ai pas vraiment l’impression d’avoir dormi une minute. Je rempli mes bidons, je donne rendez vous a Sandrine 5h plus tard et c’est parti pour le deuxième col de la section. Sur cette course clairement on ne pense jamais au parcours dans sa globalité sinon on deviendrait fou, on ne pense d’ailleurs jamais à la section suivante, on se focalise uniquement sur des objectifs à très court terme, le prochain col, le prochain ravito / refuge etc… et de mon coté je tente de rester à peu près en ligne avec mes prévisions.

Le col Entrelor, c’est un col à 3000m cette fois, et un grand moment de solitude pour moi. Je monte péniblement et lorsque je dépasse 2700m je ne suis vraiment pas bien, pas bien du tout, j’ai la tête qui tourne, j’ai la nausée, une fois, puis une deuxième fois, puis une troisième fois je suis à la limite de vomir, je décide de m’asseoir en urgence sur un gros caillou dans la pente. Je me pose 5 min en fermant les yeux et ça se passe. Je me relève confiant, et je continue a monter mais idem 2 min plus tard je titube je ne suis toujours pas bien, je dois encore m’arrêter, mince alors. On approche péniblement du col, la montée est interminable vu le nombre de pause que je fais, et je suis toujours mal en point, je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. En regardant autour de moi je constate que je ne suis pas le seul à souffrir visiblement, beaucoup de coureurs autour de moi sont à l’arrêt complet. Même en m’arrêtant toutes les 2min personne ne me double. Je suis enfin dans la dernière ligne droite et la fin est hallucinante, il y a des marches scellées dans le rocher comme si on montait sur un mur à 90 degré avec une grande main courante sur plusieurs mètres ! Un concurrent passe à coté et escalade directement le rocher par la gauche sans prendre la main courante, sans raison je le suis, il est environ 6h du mat et je suis en train de faire de l’escalade en libre a 3000m d’altitude tranquille le mec, c’est vrai quoi autant éviter les mains courantes, ça sera encore plus fun. On finit par passer le col waouh, je suis tellement défoncé que je ne m’arrête même pas prendre une photo du cairn final, je veux redescendre au plus vite, oxygène vite! ça y est, il ne me reste plus que la descente vers Eaux Rousses qui durera pas loin de 2h dans un environnement lunaire mais heureusement avec le lever du jour et la beauté du paysage çà se passera sans trop de problème.

 

       Le col d’Entrelor, je suis passé là de nuit sans prendre les escaliers en escaladant directement ce truc…

Arrivée a Eaux Rousses, ma femme n’est pas là, je tente un puis deux puis trois coups de fil, visiblement elle prend un café a l’hôtel mitoyen au Ravitaillement. Je la retrouve avec émotion, il fait toujours aussi froid. J’apprends que certains coureurs on passé la nuit à cet hôtel, ils s’en vantent même, d’autres vont faire une pause au chaud a l’intérieur. Moi je mets mon bonnet, ma gore-tex et je reste 30 min sur une table à l’extérieur dans le froid en respectant la règle du jeu, il doit faire juste quelques degrés. Au final je m’en tape de ces gens chacun voit et tente de finir le Tor a sa manière, je reste fidèle à mes principes, à savoir pas de triche. Les 30 min sont passées il est temps de repartir, le jour est pourtant levé mais le froid est encore bien présent, grosso modo je décide de tout garder encore sur moi, on verra plus tard pour se changer.

Je quitte Sandrine en lui demandant à ce qu’elle se trouve un hôtel pour dormir sinon elle va vite sombrer dans le même état que moi, même si pour le moment avec l’excitation de la course je n’éprouve aucun manque de sommeil particulier.

 

Petite sieste rapide a Eaux Rousses, ça caille dehors

Il reste encore un très très gros morceau sur cette section, le col Loson, le plus haut col du Tor qui culmine a 3300m. D’après ce que j’ai pu entendre il faut 4/5 h pour le gravir, la montée est interminable on n’arrête pas de voir le col sans jamais l’atteindre, hum prometteur comme programme! On commence donc cette ascension de 1600m de D+ par de grand lacet en foret, j’alterne entre sensation d’avoir trop chaud et trop froid, je ne cesse d’ouvrir et de fermer ma gore-tex, c’est vraiment chiant, d’autant qu’en ce début de course il faut faire très attention, se choper un coup de froid des le deuxième jour serait certainement fatal pour espérer terminer. Finalement on finit par sortir du bois, le jour étant désormais bien levé, et n’ayant plus d’arbres pour m’abriter je suis en plein soleil et j’ai clairement trop chaud cette fois, je décide rapidement de tout poser et de rester juste en t-shirt. J’ai du mal a tout caser dans mon sac, et je ne veux pas prendre 2min pour tout ranger, j’attache du coup ma polaire sur les anses arrières du sac avec un nœud double tour sur les manches.

 

        Vue pendant la montée du Loson oui oui on est descendu pendant la nuit du col juste en face

Je me souviens alors de ce que j’avais pu lire dans les récits sur ce secteur, la montée est tellement longue qu’il faut prévoir un ravitaillement sauvage intermédiaire dans une cascade ou un ruisseau a mi-chemin, le prochain ravitaillement officiel étant dans très longtemps (a priori refuge de Sella dans 5/6h), mes bidons étant quasi à sec, je m’arrête aussitôt dans une rivière à coté du chemin pour prendre de l’eau et heureusement, car ensuite on reste en pleine fournaise sans aucun ruisseau à proximité, j’ai bien fait de regarder un minimum le parcours avant de partir, et d’avoir noté ce genre de détail important sur mes fiches plastifier. En effet j’avais préparé 7 fiches par secteur que Sandrine m’avait plastifié, avec dessus le profil, les ravitaillements, mes arrêts sieste, et mes estimations, à chaque base de vie je prenais la carte du secteur suivant et seulement celle-ci, du coup même en étant complètement défoncé je pouvais rapidement avoir des informations utiles sur ma position. 

Nous entrons maintenant dans un petit vallon invisible du bas ou l’on commence d’apercevoir le col qui semble effectivement très très loin de nous, j’effectue cette ascension à un bon rythme à savoir personne ne me double, et je garde le même rythme du début a la fin, comme lors de toutes les ascensions (exception faite du col précèdent où j’ai vraiment eu l’impression d’y laisser ma peau) je ne m’arrête jamais en montée, dès que je doute ou que je veux faire une pause je me répète la même connerie «il n’y a que les faibles qui s’arrêtent dans une montée » et généralement c’est suffisant pour que je ne me pose plus aucune question!

 


la descente de Loson a 3300m, je suis content qu’il fasse beau temps!

Ça continue de serpenter dans un milieu de plus en plus rocailleux, la barre des 2800m est passée, punaise encore 500m de D+ dans ce milieu hostile, c’est terrible! Les derniers ressauts avant le col sont très raides, je me sers de mes mains pour progresser, et finalement j’atteins la bascule après plus de 4h d’ascension, c’est correct je pensais mettre plus de temps que cela. Le paysage est splendide mais comme d’habitude la règle numéro un lorsque l’on a atteint un col très élevé, c’est de ne pas stagner et de redescendre au plus vite à une altitude disons plus respirable!

Je commence la descente et wahou une fois de plus, c’est dément, le chemin qui serpente est minuscule avec des mains courantes de partout, c’est très exposé je trouve, je n’imagine même pas ce passage par temps de pluie, çà doit être du suicide!

On croise pas mal de randonneurs pendant la descente qui aborde le col par l’autre coté je ne sais pas si c’est plus simple mais du coup les croisements sont délicats, plus hallucinant encore je croise une maman avec un petit pas beaucoup plus grand que le mien (je pense dans les 5 ans) vers 3000m d’altitude, le petit semble très à l’aise dans cet environnement, je me dit que la compétition avec mes enfants pour les années à venir est donc bien lancé!

En tous cas on continue de nous acclamer de toute part, le type derrière moi est Français et me pose une question intéressante, il me demande à ton avis les spectateurs nous acclament vraiment ou ils nous applaudissent pour la forme mais en réalité dans leur tête ils nous prennent pour des fous. Là je lui réponds clairement qu’ils nous prennent pour des cinglés ça me parait évident, d’ailleurs il y a tous les ans des études sur le Tor sur la fatigue extrême engendrée par ce type de course, il me paraîtrait intéressant d’avoir une autre étude sur le profil des gens qui s’inscrivent à cette course. Pour moi on a forcement des points communs, il doit nous manquer la même case à l’intérieur du cerveau.

La descente est à l’image de la montée très longue, on passe par une partie avec de longues dalles posées dans tous les sens, on y va tranquillement et on rejoint un refuge extrêmement sympathique, le refuge de Sella. Le lieu ainsi que ses propriétaires est vraiment exceptionnel, je me dit que cette course est vraiment à part je n’ai jamais vu un accueil aussi chaleureux. Je me pose un bon moment je ne sais plus trop pourquoi mais on se paye la tête d’un concurrent Australien je crois avec les propriétaires du refuge, tout le monde se marre. Je déguste de la charcuterie locale et pas mal de fromage, c’est un vrai régal! On passe un bon moment à en oublier complètement la course.

Je me décide à partir en espérant trouver d’autres ravito de ce type, je reprends la descente et je finis par  rejoindre un dernier bois moins technique, je croise ici pas mal d’enfants, qui ont monté des mini ravitaillements, l’un deux me propose un petit verre d’eau, un second me propose des friandises sucrées c’est vraiment top, me voilà donc en train de croquer un biscuit double chocolat pendant la fin du parcours.

J’arrive finalement à Cogne Lundi à 15h30, j’ai 2h d’avance sur mon plan initial. Il fait beau, je retrouve Sandrine, je récupère mon sac de base de vie et je me pose à l’extérieur. Mais là tt ne se passe pas comme prévu, je ne sais pas pourquoi mais je suis de mauvais poil, j’ai l’impression que je perds du temps et que je ne prends pas les bonnes décisions. Sandrine téléphone à mes parents elle me montre la camera installée à chaque base de vie, je fais un vague coucou aux enfants je ne vois même pas où est la webcam, ensuite je vais prendre une douche (hum la seule de la semaine à ce propos…), j’attends un petit peu qu’une place se libère, ensuite je passe aux toilettes et là bordel je découvre des wc turcs, j’enrage comme la majorité des participants, comment peut on tenir accroupi après plus de 24h de course? j’essaie de me tenir comme je peux au mur derrière enfin bon un enfer. Je retrouve ma femme, je mange un morceau des pâtes et du poulet, j’ai ma montre à recharger et je voulais me faire masser mais c’est l’anarchie, il faut attendre son tour, des mecs passent devant, c’est du grand n’importe quoi, j’attends un bon moment, finalement on me dit de revenir dans 15 min, du coup je vais dormir 30 min, je reviens visiblement et mon tour est passé mais on ne m’a pas oublié, je commence de trouver le temps long, une masseuse me dit de m’asseoir là et je passerai dans 5 min. J’attends 2/3 min assis, à priori mon tour arrive elle a bientôt terminé avec son massage actuel, mais fidèle à mon habitude ça me saoule, et je décide de partir là maintenant sans massage j’ai assez perdu de temps, je sens que je dois partir. Je vais voir Sandrine, je ne suis pas sympa à ce moment là, je lui dis que mon arrêt ici est nul, inefficace au possible, j’ai perdu trop de temps je me casse, et je ne sais pas pourquoi je sors cette phrase assez méchante, je lui dis que ça ne se serait pas passé comme cela si j’avais été tout seul. Complètement con le mec, même si je commence d’être  fatigué, ce n’est pas le genre de truc à sortir d’autant que pour le coup elle n’y peut rien du tout, elle fait tout pour m’aider, si je suis organisé comme un manche c’est ma faute, et puis au final je n’ai pas perdu autant de temps que cela. 2h30 d’arrêt au total incluant un repos, une douche, un plat chaud, et un changement complet de tenue, je reste dans la moyenne. Je pars donc pour la section 3 avec l’image de ma femme les larmes aux yeux, et merde…

SECTION 3 – 47kms / 2300m D+ / 3100m D-

 

Bon j’entame cette lonnnngue section qui sur le papier semble assez simple (très peu de dénivelé) avec un cerveau pas au top… je n’arrête pas de penser à ce que j’ai dit à ma femme à la base de vie, je ne comprends pas comment j’ai pu être aussi débile, je lui passe un coup de fil, je m’excuse platement je ne sais pas ce qui m’a pris, mais je lui dis  que clairement j’ai besoin d’elle, elle me répond qu’il n’y a pas de soucis, elle comprend que je ne suis pas dans mon état normal… une femme en or quoi.

J’entame cette longue montée de 20kms en étant plus serein. Je croise un coureur qui commence de me parler il n’est pas à une allure délirante mais semble assez sympa, je reste un petit peu avec lui, il commence de me raconter toutes ses courses, il a visiblement fait la PTL plusieurs fois (la Petite Trotte a Léon, une course similaire de plus de 300 kms dans les Alpes mais uniquement en équipe) au bout de qq min je sens que j’ai encore pas mal de jambes du coup je le laisse et je relance. Un petit ravito apparaît avec un type qui joue de la musique (pour le coup j’ai complètement oublié son instrument) je remplis juste un bidon et je repars. Le soleil commence de se coucher c’est vraiment top, je finis pas trouver un finisher devant moi qui a un rythme similaire au mien, il a un dossard dans les 200, je garde mes distances et je me cale un petit moment derrière lui, un autre concurrent fait de même quelques mètres derrière moi. Il fait de plus en plus noir, et personne n’allume sa frontale, le parcours devient cependant un petit peu plus caillouteux, le type devant vient de glisser dangereusement, clairement on ne voit plus rien du tout, on rigole tous les 3 un bon coup et on allume nos frontales ça serait con de se faire une cheville parce qu’on n’a pas allumé nos lampes.

A mesure que l’on avance ça devient moins fun, il y a de plus en plus de brouillard et le chemin est de moins en moins visible, je décide à ce moment d’accélérer, je double donc tout le monde et je me retrouve vite seul dans cette purée de pois.

J’arrive au refuge de Sogne, je mange pas mal de charcuterie, et cool il y a plusieurs énormes canapés avec des couvertures. Je me pose quelques minutes dans ce lit douillet, je me pose 10 min sous les draps et je repars, par contre ouch ressortir du refuge n’est pas aussi facile que ça en a l’air, comme à chaque fois les refuges sont surchauffés et ça caille pas mal à l’extérieur, le choc de température est rude ! Gore-tex again et on avance d’un bon pas pour se réchauffer. Le temps devient strange, il y a pas mal d’orages qui éclatent aux alentours, assez loin pour ne pas entendre le tonnerre mais assez près pour voir les éclairs se déchaîner, espérons que cela reste loin de nous. Au fur et à mesure que le col arrive on remarque des gros pylônes haute tensions, les lignes n’arrêtent pas de faire des micro flash de lumières, je n’arrive pas à savoir si ce sont des éclairs ou si ce sont les lignes je commence d’être dans le gaz.

J’arrive rapidement au col Fenêtre de Champorcher, la descente est un mix d’escalier, d’allées pavées avec de grosses dalles qui brisent bien les jambes et de routes assez larges, ça reste relativement facile, il y a par contre 30 kms de descente avant de rejoindre la 3eme base de vie ça va prendre un bon moment !

Soudain j’ai un coup de stress, je suis parti devant tt seul, il y a pas mal de brouillard et cela fait plusieurs minutes que je n’ai plus vu de fanion TDG, mince si je ne suis pas sur la bonne route il va falloir faire rapidement demi-tour je ne sais pas trop quoi faire, je continue ma descente mais plus rien, je regarde derrière moi, aucun coureur…. Mince zut c’est pas vrai, je me pose 5 min histoire de réfléchir à la situation, soudain je vois la lueur d’une frontale au loin, ok je vais attendre ce coureur, si il passe par là c’est qu’à priori je suis sur le bon chemin. J’attends j’attends un bon moment, finalement il arrive et c’est le coureur avec qui j’avais discuté en debut de section. Il pense que c’est le bon chemin il n’a pas vu de bifurcation, donc on décide de continuer la descente tous les deux. Punaise effectivement après 5/10 min on retrouve un balisage qui confirma la route, cool!

D’après mon plan j’ai du m’arrêter 30 min pour une sieste au refuge Dondenas, mais j’ai beau chercher dans mon cerveau je n’en ai aucun souvenir, nada, pourtant j’ai forcément passé ce refuge mais je devais commencer d’être bien fatigue, c’est comme si ce refuge n’existait pas, je n’en ai aucun souvenir. Mes souvenirs reviennent bien plus tard au ravitaillement de Champorcher, une grande tente est installée dans le village, je me souviens très bien de cet endroit car il y avait une meule entière de parmesan avec son couteau, j’ai du manger la moitié de la meule avec de la charcuterie, c'est qu'après 130kms on commence d’avoir de l’appétit.

Mes pieds sont douloureux, je les montre à un secouriste, mais visiblement il n’a pas le droit de faire quoi que ce soit, j’ai des petites ampoules qui se forment sur le haut du pied là où je tape sur le sol mais il ne peut rien faire à part me filer une seringue et du désinfectant, hum ouaip pas cool ça. Je décide en discutant avec lui de mettre un pansement double peau compeed sous chaque pied, ce sera l’erreur à ne plus jamais commettre mais je comprendrai cela bien plus tard… je remets mes chaussures je me dis que je soignerai tout cela avec les podologues de la prochaine base de vie dans une vingtaine de kms.

Allez encore 10kms de descente avant le prochain ravitaillement, on y va tranquille, et puis soudain la pluie pointe son nez pour la première fois assez doucement mais d’un coup il pleut à grosses gouttes et c’est la douche assurée! args moi qui avait rangé ma gore-tex il y a 5 min, je la ressors illico pour mettre la capuche. J’ai d’ailleurs vite trop chaud vu que l’on est redescendu assez bas en altitude la température est assez élevée, il me faudrait juste un coup vent pluie léger pas une gore-tex, malheureusement c’est le seul vêtement dans mon sac qui a une capuche.

Je prends note d’acheter pour mes prochaines aventures un vêtement pluie extrêmement léger pour ce cas de figure, histoire de ne pas mariner dans la gore-tex quand il faut chaud.

La pluie redouble d’intensité, certains se rangent sous des abris de fortunes, d’autres continuent en espérant que la pluie s’arrêtera. Par expérience, si il pleut tu mets une veste avec une capuche et tu continues, ça peut durer un bon moment et ce sera le cas ici, mon short et mes chaussures commencent d’ailleurs d'être trempés. Nous arrivons enfin au dernier ravitaillement avant la base de vie, encore une fois je mange ou plutôt je dévore tout ce que je trouve, je ne m’arrête pas longtemps, les derniers 10kms semblent relativement facile, enfin c’est vite dit, un concurrent me lance

Tu connais la suite? Moi:euh non ça semble assez simple non?

Il me sort détrompe toi cette section est vraiment chiante (et une de plus) on n’arrête pas de passer et de repasser a droite et a gauche d’une rivière et ça n’arrête pas de monter et de descendre.

Hum zut pour moi il ne restait presque plus de dénivelé, c’était pas dans mes plans ça, alors je me lance et effectivement la section est vraiment pénible, on passe sur un pont de bois instable, on remonte, on redescend, on repasse un pont de bois pour revenir du même coté que précédemment et ça une bonne dizaine de fois, je regarde ma montre et au final on aura fait pas loin de 1000 m de D+ et autant de D- supplémentaires par rapport à ce qui était prévu sur la section…

D’un coup je suis moins bien, je comprends que ma frontale commence de flancher même avec des piles lithium, je comprendrai plus tard que piles lithium ou piles alcalines même combat, il faut changer de piles une fois par nuit sinon l’éclairage devient vraiment insuffisant.

Je suis dans un chemin boueux j’entends des mecs qui glissent et qui tombent à coté de moi, galère de mon coté je m’arrête et j’essaie d’ouvrir ma frontale pour changer les piles, du coup je l’éteins et je ne vois plus rien grosse galère je n’arrive pas à l’ouvrir. Là un concurrent super sympa que j’avais déjà vu bien reconnaissable grâce à son énorme moustache vient à mon secours, il m’éclaire et me dit que je n’ai pas besoin de changer les piles car on arrive en ville.

Ok je le remercie et je repars sans changer les piles, 5, 10 min se passent et punaise je suis toujours dans le bois args je n’y vois plus rien. Je me pose encore et cette fois je prends ma frontale de secours sans tenter a nouveau de changer les piles de ma frontale actuelle. Ha ça va mieux, au bout de 30 min je rejoins mon ami grosse moustache, il s’excuse pour la mauvaise information, il croyait vraiment que l’on arrivait en ville et il s’est bien gouré. Avec l’éclairage je constate qu’il est en très mauvais état, bien pire que moi! Il est complètement explosé, il marche au radar de gauche à droite, il me dit qu’il va tenter de rejoindre la base dans cet état, je décide de rester avec lui il ne reste plus que 2 ou 3 km à marcher dans la ville pour rejoindre Donnas. On passe sur un passage romain avec des dalles posées dans tous les sens, il reste assez lucide pour me dire de faire gaffe, c’est le seul endroit où l’on peut se faire une cheville sur le Tor. Le seul endroit ça je ne suis pas certain mais clairement les Romains ont vraiment fait un sale boulot. C’est dingue les pavés sont tous posés n’importe comment, c’était quoi leur intervalle de tolérance? le mètre? effectivement il faut être particulièrement vigilant à cet endroit.

 

 

            Arrivée a Donnas avec Mr Moustache                 Je ne suis plus très frais au moment de partir

On sort enfin de cette section pour retrouver le bitume, je rigole car mon ami grosse moustache part vraiment en vrille, il y a des voitures qui arrivent en face et lui au lieu de se mettre sur le coté il se décale juste vers leurs phares, je lui prends le bras en lui demandant de rester avec moi sur le coté, je lui explique qu’il faut éviter les voitures, il est réellement a l’ouest, je ne peux pas le laisser tout seul ici il va se tuer.

Là on croise quelques concurrents qui nous souhaitent bonne chance, ils viennent d’abandonner et on lit leur détresse sur leur visage, ça me glace le sang, je me dit, même si je n’ai jamais évoqué / envisagé la moindre possibilité d’abandon dans ma tête, punaise clairement jamais ça!

J’arrive à la 3eme base mardi à 6h30, toujours 1h d’avance sur mes prévisions.

Je retrouve Sandrine, dans ma tête ça va bien, je compte dormir 30 min dans un vrai lit, me faire soigner les pieds et si possible me faire masser. Je déchante cependant bien vite… le dortoir est plein à craquer, pas moyen de dormir, super, il faut faire la queue pour les massages ok, je montre mes pieds et mes ampoules qui sont énormes et très douloureuses aux médecins, ils me répondent qu’ils ne peuvent rien faire?

Quoi rien faire? mais c’est quoi ce délire, je ne vais pas continuer comme cela, qu’est ce qu’ils conseillent? percer / pas percer, strapper? Rien ils n’en savent rien. Je demande juste quel est le risque de continuer dans cet état? on me répond avec un air sombre, au pire tu perdras toute la peau sous tes pieds et tu ne pourras plus poser le pied par terre pendant 3 semaines.  Moi souriant seulement 3 semaines? aucun problème!

Sandrine ayant gardé mon tour coté massage je pars me faire masser après 150 km. Le kiné me demande si j’ai mal quelque part et c’est bête à dire mais mis à part mes ampoules je n’ai à ce moment aucune douleur articulaire et aucune douleur musculaire, un truc de dingue. Le kiné s’en rend bien compte il appuie assez fort à certains endroits, me demande si j’ai mal, je lui réponds que non, il me masse tranquillement les 2 jambes mais tout va bien de ce coté.

Je mange un morceau et je décide de dormir 30 min sur une table, je demande à Sandrine de se renseigner sur ce qu’il y à de mieux à faire pour mes ampoules pendant que je me repose, ça me préoccupe au plus haut point. Je dors 30 min sur une table en ayant gardé ma polaire, ma gore-tex et sous une grosse couverture, au réveil je suis complètement HS, je pose la couverture, j’ai trop trop chaud, je passe devant une fenêtre grande ouverte qui balaie de l’air froid, et là le choc thermique est trop rude, je titube je deviens tout blanc, je dis à Sandrine que je vais tomber par terre! vite on prévient les médecins, je m’allonge 5 min sur un de leur lit, on prend ma tension, mon pouls, un échantillon de mon sang, punaise la totale, ça commence à aller mieux mais ils continuent de m’examiner, je veux fuir les médecins a tout prix, ils ont le pouvoir de te faire arrêter la course si ils jugent que tu n’es pas en état de continuer. Les examens sont bons, par contre ils veulent me revoir dès que je quitterai la base de vie grhh.

On discute encore ampoule avec Sandrine et on ne sait toujours pas quoi faire. On se dit que le mieux serait de strapper les énormes ampoules sans les percer et de laisser comme cela jusque a la fin. Ça implique ne pas mouiller les pansements et plus de douche pendant plusieurs jours, ok ça marche je vais tenter, je n’ai pas d’autre solution, même si ça me fait extrêmement mal de marcher, je me dit que je ne suis pas le seul à avoir des problèmes, chacun à sa dose et cela fait partie de la course. On met un strap, je décide de mettre 2 paires de chaussettes pour limiter les frottements et de prendre mes chaussures 2 pointures plus élevés, j’enfile donc mes saucony taille 44 au lieu de ma pointure 42 habituelle. Bizarrement je trouve qu’elle me vont plutôt bien, mes 2 pieds ont du pas mal gonfler mais ça ne se remarque pas à l’œil nu. J’aurai du mettre ces chaussures bien plus tôt, je vais perdre pas mal d’ongles visiblement à cause de mes pieds trop serrés qui ont pas mal tapé au fond de mes chaussures taille 42 depuis le début de la course, désormais, plus de problèmes d’ongles qui tapent au fond, mes pieds ont de la place.

Je repasse faire un check rapide chez les médecins oui oui tout va bien je suis en pleine forme et je repars, petit examen de routine et on me donne le feu vert, je quitte la base presque 3h après, que de temps de perdu pour pas grand chose…

Je donne rdv juste qq km plus loin à Sandrine à Pont Saint Martin, elle a passé la nuit dans un hôtel a cote du pont, je voudrai simplement voir avec elle si les straps à mes pieds tiennent bon après 2/3 km.

SECTION 4 – 52kms / 4700m D+ / 3600m D-

 

J’arrive au pont assez facilement là il y a le gardien du temple, le diable lui même semble être le propriétaire du pont, il me court après et me pique les fesses avec sa fourche en plastique, c’est assez marrant!

 

      Petit moment de bonheur, je vais en avoir besoin                              si si je suis bien au milieu du pont

Une fois en haut du pont je déchausse et regarde les pansements, ça n’a pas bougé mais de mémoire ça ne me convient pas, on décide de tout enlever et de tout refaire en mettant plus de pansements, 3 bandes de pansements classique entouré d’un énorme strap adhésif qui fera le tour de chaque pied. Je remets mes chaussures, clairement la douleur est toujours assez élevée comme je n’ai pas percé les ampoules, chaque pas me tient bien éveillé!

Je m’attends au pire sur cette section, d’après mes lectures c’est la plus difficile du Tor, une section bien hard pour mater les coureurs de mon espèce, mais j’y suis préparé, pour moi si je termine cette section je termine le Tor. Je sais qu’il y a une barrière horaire à laquelle il faut faire attention, c’est celle de la mi course au Lac à Lago Vargno que l’on doit atteindre avant Mercredi 12h. Ça va j’ai plus d’une journée devant moi ça va le faire.

On commence par la montée / descente de la Tour d'Hereraz un Italien me dit tu verras c’est la section la plus nulle du Tor, on monte des escaliers pendant 1h30 (600m de D+) et on redescend, ok sympa, je le suis on entre effectivement par une petite porte dérobée et on monte, on monte des marches bancales de hauteurs très variables, je me dis  sacré romain je pense qu’il n’y avait que des apprentis sur la construction de cet escalier ou bien ils étaient sacrement bourrés, c’est pas possible de faire un truc comme cela,  on retrouve à un moment un chemin et encore des dalles, on bout d’un bon moment on attaque enfin la descente.

Je repars d’un bon pas en tentant d’oublier la douleur direction le refuge de Sassa une petite montée de 800m de D+, le chemin est pour le coup pas trop mal, moins de cailloux que d’habitude avec toujours des sections avec des marches en pierres un petit peu mieux ça devait être la deuxième réalisation des romains dans le coin. J’arrive à Sassa vers 14h, j’ai 30 min de retard sur mon plan, l’arrivée au refuge se fait sous les acclamations et les sons de cloches et là en arrivant, ce qui n’était absolument pas prévu je vois Sandrine en train de déguster un plat de pâtes avec un coca au refuge! Excellent, elle a réussi a monter ici en voiture alors que c’était clairement déconseillé, la route est longue et limite pour une seule voiture, les croisements étant quasi impossibles on s’était donné rdv à la base de vie de Gressoney. Ça me fait vraiment chaud au cœur de la voir, on discute 5 min, je mange un morceau et je vais dormir 30 min comme à mon habitude, j’ai enfin un vrai lit avec un seul compagnon de chambre, je me repose bien mais certainement pas assez. Je ressors avec un manque de lucidité certain, je me change, il ne fait pas très chaud et j’enfile une polaire, je fais un gros bisou à ma femme et je reprends la montée il me reste 1000m de D+ pour rejoindre le refuge de Coda.

 

               Contrôle puce à Sassa                           Après 30min de sieste on repart pour une nuit d’enfer

La montée se passe relativement bien, on retrouve des passages techniques où je dois mettre les mains pour passer, puis ça monte de plus en plus raide, le brouillard et le froid se lèvent d’un coup, j’ai très froid, je me change et j’arrive péniblement au refuge de Coda dans un brouillard très dense. Le refuge est pittoresque, je descends dans une grande salle réservée aux coureurs, il n’y a pas beaucoup de place mais il n’y a pas beaucoup de coureurs non plus, on me sert un plat chaud spécialité du refuge, je ne sais plus du tout ce que c’était je me souviens juste que c’était très bon, je fais le plein de charcuterie / fromage et je remonte, je demande si il y a moyen de dormir 30 min sur une table, a priori pas de problème, je rentre dans la salle a l’étage, je me pose quelques minutes mais la toujours le même problème, le refuge est surchauffé même en posant ma polaire j’ai trop chaud ! J’écourte cette pause a seulement 10 min et je décide de continuer ma route. Clairement je ne suis plus trop mon plan de sommeil a partir d’ici.

Il reste de mémoire une 10zaine de km de descente et une petite montée avant d’arriver a la mi-parcours . Je retrouve a ce moment quelques coureurs que je connais bien, ils ont le même prénom Nicolas et je vais les croiser plusieurs fois sur le parcours, le brouillard se lève enfin dans la descente, c’est encore une fois difficile de savoir comment s’habiller j’ai tantôt trop chaud puis trop froid. Au final la réponse à mes interrogations va vite cesser, il se met d’un coup a pleuvoir des cordes, et ça va durer des heures…

Avec la pluie je commence d’être trempé sur les jambes et pour la première fois j’ai très froid dans le bas du corps, je suis loin de tout je cherche un endroit pour mettre un pantalon de pluie mais je ne trouve rien aucun abri, je continue et je vois une vieille bergerie qui semble désaffectée, je rentre a l’intérieur pour me changer mais l’endroit est infâme, c’est couvert d’excréments du sol au plafond, je ne vois même pas 10 cm2 de clean pour pouvoir poser mon sac, zut, je reste la 5 min en espérant que la pluie s’arrête mais rien, j’ai de plus en plus froid, et je repars en espérant arriver au prochain refuge rapidement.

La pluie ne cesse pas, je lutte comme je peux et j’arrive enfin au refuge Vargno vers 22h, ok c’est dans la poche pour la barrière horaire j’ai 14h d’avance. Je rentre pour manger un morceau et clairement ce refuge est encore vraiment typique, il y a des tonnes de nourritures maison, viande séchées, fromages, on me propose plusieurs types de plats chaud, je choisis un plat Italien avec du veau dont j’ai encore oublié le nom, c’était juste délicieux, clairement je garde ma boisson énergétique mais coté nourriture je fais le plein tt semble passer sur ce Tor autant en profiter! Je reprends du jambon cru et je demande ensuite à me reposer 30 min, visiblement c’est possible au sous-sol, je descends et la ça devient glauque, les lits sont posés sur une bâche bleue dans une sorte de cave ou d’étable, il ne fait pas chaud, le sol est couvert de boue, pas d’éclairage ça ronfle de partout, il faut s’organiser. Avant de m’endormir comme d’habitude je prépare entièrement mon sac et mes affaires pour partir, impossible de faire ça au réveil on met trop de temps pour revenir a la réalité, je m’endors un petit peu moins de 30min et c’est déjà le moment de partir. Je me change sur le lit, je tente de ne rien faire tomber par terre vu la quantité d’eau et de boue au sol ce serait une catastrophe, je met mon pantalon pluie et je sors sous une pluie battante. Il n’y a pas beaucoup de candidats au départ visiblement, tout le monde préfère rester se reposer, cool au moins je ferai l’ascension du col Marmontana seul et en pleine nuit. Les bénévoles m’acclament et je pars effectivement seul sous la pluie dans un chemin complètement détrempé. Je me dis a ce moment c’est étrange quand même depuis le début cette section 4 est très longue mais pas si difficile que cela… j’aurai mieux fait de me taire, en fait les difficultés arrivent à l’instant, une fois sorti du bois, je contemple avec stupeur le terrain, mince c’est quoi ça? des énormes blocs de roches qui bougent quand on pose le pied dessus posées dans tous les sens, bien glissants a souhait. Ha ouais ce ne sera pas une partie de plaisir, je progresse temps bien que mal dans cette environnement complètement nouveau pour moi, j’arrive au col Mamontana après pas mal de galère et complètement trempé, mais cette dois pas de problème de manque d’oxygène on est seulement à 2400m. Stupeur au moment de descendre, mais qu’est ce que c’est que ce délire! Il n’y a maintenant que des rochers, parfois des marches instables et souvent orientées dans le mauvais sens! bordel si je glisse ici je me fracasse en bas, clairement faux pas interdit durant toute la descente, je regarde autour de moi absolument personne gloups! j’ai l’impression de descendre comme un escargot et de mettre des heures pour rejoindre le ravitaillement improvisé au milieu de nulle part, un box a été apporté en hélicoptère, il y a peu de place mais un bon feu a été préparé idéal pour se réchauffer et je mange encore un nouveau plat chaud décidément je passe mon temps à table heureusement que je crame pas mal de calories sinon je prendrai 10kg le temps de la course.

Au moment de repartir je vois quelques frontales dans la pente que je viens de descendre, 2 coureurs arrivent paniqués vers les secours, apparemment il y a un type qui a fait une grosse chute, il s’est casse le coccyx mais il ne veut pas que les secours viennent l’aider, il veut continuer seul, hum je vois qu’il y a plus barjot que moi, je décide de continuer vers le col suivant, je n’ai plus aucune idée de mes prévisions temps a ce moment, le pluie s’est arrêtée mais c’est vraiment trempé de partout, j’ai pas loin de 500m de D+ a effectuer pour rejoindre le col La Crenna du Luie (l’entaille du Loup en Patois), la montée est périlleuse et encore une fois bien dangereuse, je m’aide de mes mains, j’ai parfois l’impression que je vais basculer en arrière sur ces pierres je suis clairement dans un bad trip, j’arrive après un bon moment au niveau de cette entaille, je suis a nouveau tout seul et l’endroit est lugubre digne d’un bon film d’horreur, il faut que j’entame la descente au plus vite cette section me rend dingue.

 

         Col difficile a passer sous la pluie                               L’infâme Crenna du Luie ou l’entaille du loup

A peine le col passe, je me rend compte que c’est encore plus raide et dangereux qu’auparavant, c’est pas vrai comment c’est possible, c’est la première fois a ma connaissance que j’ai peur dans une descente, le manque de sommeil ne doit pas aider mais clairement j’ai peur de tomber et de me tuer ici je n’ai jamais eu ce genre de sensation, j’ai pourtant réalisé tout mon entraînement dans des endroits techniques parfois assez dangereux, mais la je n’ai jamais vu ça, j’y vais vraiment tranquillement et même en allant doucement je glisse dans tous les sens sur ces pierres plates instables et trempées. Je désescalade a plusieurs endroits en utilisant mes mains, heureusement que j’ai quelques notions de grimpe  je me demande comment doit faire une personne qui a n’a pas l’habitude de courir en montagne, moi qui pensait être au top je n’en mène vraiment pas large. Après pas mal de labeur j’arrive a une nouvelle base de vie encore un box apporté par un hélicoptère, il y a juste qq chaises dehors et un bon feu, la je me souviens avoir mangé une énorme assiette de polenta mijotée depuis des heures, un plat juste divin pour me remettre de mes émotions. Il y a 2 types sous des couvertures, je ne sais pas trop ce qu’il leur est arrivé même si j’en ai une petite idée au vu du profil que je viens de descendre.

Je m’apprête a partir confiant car d’après mon roadbook il reste une petite montée et puis une longue descente vers le refuge de Niel, et la encore une fois un coureur surgit de nulle part brise mes espoirs en deux, il me dit qu’il connaît bien la descente, qu’elle est très délicate déjà par temps sec, donc la vu les quantité de boue et d’humidité sur les rochers il n’a aucune idée du temps que cela va nous prendre, il me dit que la descente est fastidieuse, c’est un balcon interminable, j’ai l’impression d’entendre ça a chaque section! il pense que ça va prendre très longtemps, mais il me rassure en me disant de ttes façons ça sera les mêmes conditions pour tout le monde donc pas de stress à avoir.

Effectivement il avait raison, la c’est le summum, l’apothéose, il y a bien 10cm de boue de partout, des pierres glissantes et un chemin étroit en balcon avec le vide a cote, autant dire que je suis tellement concentré que j’en oublie complètement ma douleur aux pieds. Je tente d’éviter au maximum la boue et je marche sur le bord du chemin, a qq centimètres du bord, le vide est parfois relatif mais il y a au minimum qq mètres de chute assurée si on ripe. Cette descente sera de loin la plus pénible de tout le Tor, on n’en voit effectivement jamais le bout, je baigne dans la boue, je glisse, je trébuche, j’ai l’impression que pendant des heures il y a des types à coté du chemin avec un gros morceau de bois dans la main et dès que je passe à coté ils me donnent un énorme coup derrière la tête, je tombe je me relève et le type me dit si tu continues le prochain coup sera encore plus fort et je continue avec une sensation bizarre que je n’arriverai jamais au bout. Je me demande à ce moment combien de personnes vont lâcher l’affaire sur cette section, certainement pas moi mais pour le coup je m’interroge sur la suite du parcours, si c’est comme cela pendant les 180 prochains km la je ne suis pas certain d’arriver dans les temps.

Je commence d’être de plus en plus fatigue, mes yeux se ferment et le terrain est toujours aussi dangereux, je me répète en boucle pour rester éveillé, concentre toi concentre toi! Quelques personnes me doublent certaines un petit peu trop vite et font de belles chutes à coté de moi, je garde mon rythme lent mon but étant d’arriver en vie à la prochaine base de vie. Je rejoins Nicolas qui n’annonce que Nicolas (l’autre !) est tombé vers la Griffe du Loup et s’est ouvert le genou ouch !

Nous arrivons ensemble enfin à Niel je ne sais pas combien de temps aura duré cette descente mais elle m’aura achevé, je rentre au refuge complètement perdu, je ne sais pas quoi faire, je rentre dans la salle commune, il y a des cadavres de partout, je pousse un type pour me poser sur une table, mais au bout de 5min j’ai encore et toujours trop chaud, je sors du refuge, je me pose dehors sans boire ni manger je suis vanné, au bout de 5 min je demande si il y a moyen de dormir qq part, la on me dit qu’il n’y a plus de lit de disponible par contre il y a quelques grandes tentes a l’extérieur, ok ça me va! je suis la bénévole qui me dit c’est en bas, zut encore des marches d’escalier a descendre la je découvre une grande tente de 4 ou 5 places, je rentre encore une bâche plastique au sol pleine de boue et un lit de camp super! Je pose mes affaires sur le lit sans trop préparer la suite je suis claqué, je me pose 1h dans le lit et je m’endors assez vite, après quelques minutes je suis vite réveillé par le froid, je n’avais pas remarqué mais la tente n’est pas chauffée et le dernier type qui est sorti n’a pas fermé la tente bordel, je pique rapidement une couverture à coté et je dors quelques dizaine de minutes. Après 1h de pause comme demandé on vient me réveiller, je ne suis pas en super forme mais ce repos m’aura fait du bien, je suis frigorifié mais j’ai l’habitude, je remets ma gore-tex et je sors, je monte péniblement les marches, je reprends de l’eau, je signale mon départ et je quitte le refuge sans rien manger cette fois, je veux terminer cette section et il me reste encore le Col Lassoney à passer, 800m de D+ et 1000 m de D- avant la prochaine base de vie.

Je double deux personnes de mémoire qui vont encore plus lentement que moi, dingue j’ai pourtant l’allure d’un mec qui monte avec un déambulateur, à chaque arrêt désormais il me faut une bonne heure pour me réchauffer et reprendre un rythme disons normal. La enfin une bonne nouvelle, on me dit que le parcours change, que le col est plutôt facile et que la descente va se faire dans un magnifique vallon. Ouf le profil change enfin! Et effectivement j’arrive rapidement au col, en haut on se croirait sur le plateau du Taillefer, il n’y a pas de chemin franchement tracé mais ça passe presque partout, il faut juste éviter les gros trous d’eau, et au final peu importe mes chaussures sont trempées. J’aborde la descente avec le lever du jour, et effectivement le vallon est vraiment superbe, j’en oublie complètement ma nuit de folie. C’est ça la magie du Tor on passe en permanence d’un état où l’on se demande comment on va pouvoir continuer à un état de confiance ultime et de pure bonheur, c’est le plein de sensation perpétuel. J’arrive à une habitation où se trouve un berger, ce n’est pas un ravitaillement mais il me propose son aide si j’ai besoin de quoi que ce soit, je lui dit que je n’ai besoin de rien mais je prends 5 min pour discuter avec lui, ce type est incroyable, il me demande ce que je pense de la région il est impressionné par la course, et pour moi il en fait complètement partie, ça fait même partie des éléments clé de la course qui te permette de continuer. Je reprends ma route et je m’arrête peu de temps après au refuge Ober Loo. Je passe un moment ici, le propriétaire a sorti un nombre impressionnant de fromages locaux, terrible, moi qui n’avait pas mange à Niel je vais faire le plein de saveurs une fois de plus, je goûte a tout, avec plusieurs variétés de pain et de jambon, que du bonheur.

Je repars en direction de la base de vie et je croise a nouveau Nico (l’autre cette fois), il est bien tombé visiblement vers la griffe du loup là où il ne fallait pas tomber et il s’est ouvert le genou! du coup on lui a mis des points de suture et il est resté un bon moment à coté des box de secours pour se reposer, ça devait être lui que j’avais vu sous les couvertures, dingue il continue malgré sa blessure qui ne doit pas être des plus sympas! Son frère a effectué les quelques km qui nous séparent de la base de vie pour l’aider dans la descente. Je les suis et effectivement il faut à nouveau faire attention, les roches sont ombragées dans ce secteur et à nouveau très glissantes. Finalement j’arrive à la base de Vie de Gressoney après plus de 26h30 de course!!

26h30 pour faire seulement une 50ene de km avec certes pas loin de 5000 m de D+ mais bon plus d’une journée pour effectuer la section ça calme! Tous les coureurs que je croise et qui en sont comme moi à leur premier Tor n’en reviennent pas de la section, tout le monde a trouvé ça vraiment trop dangereux.

 

    30 min de repos super confort les pieds dans un sale etat                         d’attaque pour la 5eme section

Je retrouve Sandrine vers 12h à la base de vie, cette fois notre organisation est au top, on est rodés ! Je vais voir pour me faire masser visiblement il y a une liste d’attente interminable, Sandrine parlant Italien à la perfection, les masseurs croient qu’elle est Italienne et du coup ils me font passer tt de suite, il y aurait donc un léger favoritisme pour les Italiens dont je vais profiter cool, le massage me fait du bien même si encore une fois je n’ai pas de douleur musculaire et toujours pas de douleur aux genoux, j’ai la cheville gauche qui a bien enflé comme l’année dernière à la fin de l’UT4M, il faudra que je me penche sur le sujet, la douleur est assez intense mais ça reste supportable comparé à mes ampoules! Le masseur me scotche une poche de glace histoire de réduire l’inflammation, il me suggère d’aller voir le médecin, il a le nécessaire pour me faire une échographie de la zone apparemment, et en fonction il pourra me bander la cheville, j’hésite 5 min je lui dit oui oui j’irai le voir, mais clairement je n’ai vraiment pas le temps et je ne veux pas savoir. Je retrouve mon sac, Sandrine m’a apporté à manger, rempli mes bidons, commencé à recharger ma montre et mon téléphone presque HS. Je mange rapidement, je me change et je dors 30 min pas plus sur des gradins en bois d’un gymnase en plein jour. Après 30 min je vire ma poche de glace et je repars au plus vite pour la prochaine section. Cool on n’aura pas traîné dans cette base de vie un arrêt de 2h seulement il faut continuer sur cette lancée!

J’embrasse ma femme, je laisse un petit mot sur le poster Tor des Géants de la base de Vie de Gressoney, je badge et je sors pour attaquer une section à priori assez simple.

Section 5 – 36kms / 2800m D+ / 2700m D-

 

Au poste de sortie je retrouve encore Nico avec son frère décidément. Il est visiblement dans un état similaire au mien, on avance péniblement en marchant au même rythme on doit frôler les 2kms/h je pense le temps de se réchauffer le corps. Sandrine me laisse on se donne rendez vous à la prochaine base de vie, le parcours étant trop accidente pour se revoir d’ici la. Je vais faire la moitie de la section de jour avec lui, j’ai clairement du mal à aller plus vite que lui, je me dit que ça ne peut pas faire de mal d’être avec quelqu’un pour passer le premier col.

Il fait beau et nous avons environ 1300 m de D+ à effectuer avant d’atteindre le premier col le col Pinter.

La montée se passe plutôt bien le terrain est nettement moins technique que la précédente section, ça fait du bien au moral, nous arrivons rapidement au refuge Alpenzu. Le refuge est sympa, la propriétaire est au petit soin pour nous, on peut manger et boire ce que l’on veut c’est offert par la maison, elle nous propose des expressos, mais de mon coté je préfère rester sur mon régime fromage / coca et charcuterie ça passe bien depuis le début autant ne rien changer. Après un arrêt très bref nous reprenons la montée du Col. Celle-ci se passe plutôt bien, il fait jour et au moment de faire la bascule je rigole, il y a encore bien moyen de se faire mal dans la descente, le sentier est très étroit par endroit et une dizaine de mètres de mains courantes sont installées, que j’utiliserai pour la plupart même si le sol est plutôt sec, je me sens moyennement confiant, c’est vraiment incroyable existe-t-il des cols faciles à passer sur ce parcours ?

Après un bon moment de descente toujours en compagnie de Nico, on commence d’avoir un coup de moins bien en arrivant au Refuge l’Aroula célèbre pour ses escalopes de veau, Nico mange un morceau moi je n’ai pas spécialement faim, je remplis mes bidons et je veux continuer au plus vite. On repart assez vite pour atteindre seulement quelques km plus loin le refuge de Crest qui est sur la liste des pointages, je passe Mercredi à 19:30 ce qui est quasi en ligne avec mes plans c’est du délire j’ai un battement de seulement 30 min après plus de 3j de course!

Idem je ne m’éternise pas à Crest je veux continuer jusqu'à la moitié de la Section au ravitaillement de Saint Jacques. Le parcours est nettement moins intéressant j’ai l’impression que pour la première fois on descend sur des pistes de ski assez larges et monotone, la nuit commence d’approcher, Nico pique vraiment du nez il va de moins en moins bien, nous allumons nos frontales en urgence. La fatigue nous gagne visiblement en même temps, il faut avancer et vite! Clairement il faut que je me pose au prochain refuge, Nico me dit que son frère sera là et qu’il compte dormir 2h dans sa voiture, bon ok de mon cote  je vais m’activer pour rejoindre le refuge.

J’arrive 2h plus tard a Saint Jacques complètement décalqué, je reste assis sur un banc en bois quelques min sans trop comprendre ce qui se passe ici. Je mange un morceau et je demande si je peux dormir 30 min, pas de problème, on me fait monter dans une immense chambre de 6 personnes complètement vide et au calme. Je m’endors presqu'illico, 30 min après on me réveille, je ne suis pas au top de ma forme, je me rhabille, je passe aux toilettes, au final je me rends compte que je perds un temps fou à chaque fois pour ne dormir qu’une demi-heure, ce n’était peut être pas la bonne stratégie, le temps de prendre la chambre, de se déshabiller de dormir 30min et de s’habiller a nouveau, il faut compter une bonne heure, ça fait pas mal de temps de perdu pour peu de sommeil.

Je repars à l’assaut du 2eme col qui avoisine encore les 2800m, le col Nana, j’ai l’impression en reprenant ma route que je suis dans le même état de défonce qu’en arrivant au refuge, mais bon je me dis  c’est normal il faut que le corps se réchauffe et d’ici quelques minutes ça ira mieux. Malheureusement ça va de moins en moins bien, c’est la pleine lune et je sombre de plus en plus, je commence par piquer du nez à dormir debout, heureusement la montée n’est pas hyper technique, mais soudain le délire devient tout autre, j’ai des hallucinations! Mais vraiment des énormes hallucinations, les cailloux devant moi ont la forme d’animaux et ils se transforment en lapin, poisson dès que je passe à coté, et merde c’est flippant! Je suis seul et à plusieurs reprises j’entends des coureurs derrière moi, je me retourne il y a visiblement quelqu’un, je laisse passer mais dès que je regarde devant moi, il n’y a plus personne, putain je deviens fou les mecs qui sont derrière moi n’existent pas et les cailloux se transforment en animaux c’est pas bon du tout ça.

A plusieurs reprises je vois un type arrêté sur le bord du chemin, je vais pour lui parler et à chaque fois c’est un énorme cairn, nooon je confonds un tas de cailloux avec un coureur. Il faut que j’avance il faut que j’avance, je regarde ma carte, je me dis  que je n’arriverai jamais à passer le col dans cet état, et ouf, je note un refuge juste avant celui-ci, il faut absolument l’atteindre même si ce n’était pas dans mes plans de m’arrêter ici, je monte en zigzagant j’ai du mal à rester droit, j’entends soudain un type assis près d’un cairn, je me dit encore une hallucination, je suis limite à lui foutre un bon coup de bâton sur la tête pour le faire disparaître qd je réalise que cette fois c’est réellement un coureur.

C’est pas vrai ça comment je fais moi pour distinguer le vrai du faux si il reste des vrais coureurs sur cette section. Le type est visiblement dans le même état que moi, même pire que moi, il n’a pas dormi une seule fois depuis le départ, il a passé 3 nuit blanches, il me propose de monter ensemble au refuge il faut qu’il dorme là bas tout comme moi, ok pas de problème, nous montons tous les 2, je suis complètement défoncé et il me parle de son boulot je crois qu’il doit terminer avant samedi apres-midi car il a un Salon à Lyon le Dimanche, je suis complètement HS et je veux dormir de toute urgence.

On arrive, je ne sais trop comment, à atteindre le refuge, je m’écroule sur une table, et on nous apporte à manger, je me souviens en particulier d’une délicieuse salade de fruits. Puis on demande si l’on peut dormir la durée maximale prévue dans un refuge à savoir 2h. Pas de problème on entre dans une chambre déjà bien pleine, je pose mon sac, je vais pour enlever ma deuxième chaussure et mon compagnon s’écroule en ronflant à faire bouger les murs... Je me pose sous ma couverture, et je reste au moins 20min sans pouvoir dormir, c’est un concert de ronflement dans cette chambre, puis d’un coup je parviens à m’endormir un petit peu moins d’une heure à ma montre. On doit venir nous réveiller dans 40min maintenant, je tente de dormir à nouveau mais il y a vraiment trop de bruit, je décide de me lever plus tôt que prévu et de continuer seul, vu comme il ronfle de toute façon il n’est pas près de se remettre en route. 

Je m’habille et je signale mon départ aux bénévoles, je sors du refuge a 2500m d’altitude et le froid me glace le corps, il va me falloir clairement un certain temps avant de pouvoir me réchauffer. Pour le coup je sens que ma tête va nettement mieux, je me dit que la soirée va finalement être top, je suis tout seul pas une seule frontale à l’horizon, la lune est juste à coté de moi, c’est superbe, je savoure vraiment ce moment, il me reste moins de 300m de D+ avant d’atteindre le col, toujours quelques passages techniques, et je commence la descente, dans ma tête une fois le col passé on descendait jusqu'à la base de vie, mais erreur, je n’avais pas noté qu’après le col Nana il y avait encore un autre col à passer! args après une longue descente on remonte pour un nouveau Col, finalement ça se passe bien, le chemin est top entre 2 montagnes, le fait d’être seul ici de nuit à plus de 2700m me fait un bien fou, c’est vraiment ce genre de moment que je suis venu chercher sur cette course! J’aborde la descente tranquillement il y a moins de 10km de descente avant d’atteindre la base de vie, je gère tranquillement ma course. Après quelques heures on retrouve de la végétation et des arbres, on voit au loin les lumières d’une ville proche ça fait du bien ça veut dire que l’on arrive bientôt. Moins de 2h après, je sors du bois et j’entre en ville, j’appelle Sandrine pour lui dire que j’arrive, je ne sais pas dans combien de temps je rejoindrai la base parfois on marche plusieurs km en ville avant de l’atteindre, je raccroche, et juste à ce moment je me rends compte que la base de Vie est juste devant moi excellent. Je pointe à Valtournenche Jeudi à 6h14, mince j’ai plus de 3h de retard sur mes plans, je me suis planté sur cette section, enfin après les 2h de pause au refuge on change la donne, mais j’ai mis plus de temps que prévu.

La base est située dans une salle de cinéma hum comment dire pas top pour s’asseoir, si on pose un truc sur le fauteuil dès que l’on se lève, le fauteuil se replie et tout tombe par terre! Je pose mes chaussures et je découvre encore de nouvelles ampoules, ben ça alors quelle surprise. Il n’y a pas de masseur à cette heure là et les médecins sont les mêmes que depuis le début, ils ne soignent pas les ampoules… du coup je me pose sur un lit de massage et Sandrine se charge d’enlever le liquide de mes nouvelles ampoules avec une seringue, puis éosine et nouveau pansement. J’ai l’impression que ça dure des heures, une fois les ampoules traitées, elle me masse rapidement les jambes mais comme depuis le début je n’ai aucune douleur, j’ai juste besoin de glace pour mes chevilles, la cheville droite commence en effet à gonfler comme la gauche!

 

  Pas très pratique la salle de cinema...                            c’est parti pour l’avant dernière section

Poche de glace scotchée aux deux chevilles je prends la direction d’une grande salle à coté du cinéma rempli de lit de camp, en pleine lumière du jour, je demande à Sandrine de me réveiller dans 2h. Je pose mon tour de cou sur mes yeux et je dors de mémoire un petit peu plus d’une heure en 2 fois. Je me réveille avant les 2h prévues, et je tente de me lever ouhla c’est très très douloureux, je n’arrive plus à plier les pieds au niveau des chevilles, la douleur des ampoules quand je marche est vraiment insupportable, je me dirige aux toilettes en marchant en canard, on se prend d’un fou rire avec un américain, qui trouve ma démarche nettement plus élégante que la sienne, il a visiblement le même problème aux pieds et avance un peu comme moi, c’est marrant en regardant autour de moi je me sens moins seul, on en est pratiquement tous au même point, tout le monde est atterré que personne ne sache / veuille soigner nos ampoules! Si il n’y avait qu’un truc à avoir c’est pourtant bien ça, les massages ne sont pas indispensables mais soigner les ampoules ça concerne bien les ¾ des coureurs. Grand moment de solitude aux toilettes, encore et toujours des toilettes turcs…. Là je ne peux plus du tout plier les jambes pfff sans commentaires.

Retour à la salle de cinéma, Sandrine est vraiment d’une aide précieuse, je suis clairement un privilégié par rapport aux concurrents qui sont complètement seuls. Le simple fait de m’apporter un verre de coca, à manger, recharger ma montre, remplir mes bidons avec sa présence à mes cotés permet de positiver à tous les instants, en plus je sais que j’ai un fan club de folie à mon boulot, quoi demander de plus. Le fait de savoir que je suis suivi par mes parents, mes amis, mes collègues est clairement une aide indispensable pour le mental, si je ne flanche pas c’est vraiment grâce à ça. Je mange un morceau, je me change et je prends la direction de la sortie pour l’avant dernière section. Je sors de la base à 10:30 j’ai 6h de retard désormais sur mes prévisions zut zut…

Section 6 – 47kms / 3400m D+ / 3500m D-

 

 

Je reprends la route comme un petit vieux, le Soleil est encore présent aujourd’hui, on aperçoit le Cervin, j’embrasse Sandrine et je commence cette section sur une petite partie bitumeuse, c’est assez rare sur le parcours. Je suis heureux, je ne pense toujours pas à la prochaine et dernière section, je continue de raisonner court terme, je sais que cette section va être difficile, on reste pratiquement tout le temps a 2500m d’altitude mais je n’ai presque pas étudié le parcours, ça va être la surprise.

On commence la journée avec une montée de 800m de D+ pour atteindre le refuge de Barnasse à coté d’un grand barrage. Le sentier est correct, je commence à être chaud et je monte d’un pas régulier, un groupe d’Italiens est juste derrière moi, les mecs n’arrêtent pas de parler de je ne sais pas quoi et ça me saoule, je décide d’accélérer un petit peu, j’aimerai bien être seul comme la nuit précédente. Le refuge est atteint assez rapidement, je m’arrête juste le temps de remplir mes bidons et je repars illico.

A peine parti les nuages se lèvent et il se met a faire terriblement froid, mince alors je sors ma gore-tex, je la passe, et au final 5 min après j’ai trop chaud, je la pose puis j’ai a nouveau froid, c’est énervant et je passe mon temps à me couvrir et à me découvrir tous les jours, enfin bon on ne va quand même pas se plaindre d’avoir du soleil, je ne range même plus ma gore-tex dans le sac, je l’attache directement derrière moi par les manches. On descend quelques centaines de mètres de dénivelé pour remonter par la suite dans un chemin plutôt bien trace et on fini par arriver à un ravitaillement sous une tente, idem je ne traîne pas ici il faut que j’avance dans cette section ça devient obsessionnel.

Je rattrape pas mal de monde dans la montée que je double j’ai une patate d’enfer, on atteint 2500m d’altitude et je me sens bien comme à la maison le profil ressemble exactement à ce que l’on peut trouver dans Belledonne mon terrain de jeu préféré, il n'y à pas de cailloux rond et poli mais stable, on peut poser le pied dessus sans faire tomber la moitié de la montagne. Je continue ma montée vers le premier col du Tzan, là je rattrape un type qui ne fait pas partie de la course, un randonneur à priori, sauf qu’il ne se pousse pas pour se laisser doubler, c’est pathétique à voir, je le rattrape et on voit vraiment qu’au lieu de se pousser il accélère au maximum pour que je ne passe pas devant, punaise j’ai croisé des milliers de personnes et voila le premier abruti, remarque il en faut bien un pour confirmer la règle, ça me faisait bien rire pendant 5min mais la même avec 250 km dans les pattes, il va vraiment falloir qu’il se pousse, d’un coup la pente augmente et il a du mal, j’en profite pour lui passer devant en forcant un peu, je regarde ma montre, je suis à un rythme plutôt correct de 700m de D+ à l’heure pas mal à ce niveau de la course. Ce type m’a bien boosté!

 

                        La fenêtre du tsan                                                   A peine arrive a Oyace, vite on repart!

Fenêtre du tsan torché, la descente qui suit est terrible, je glisse dans tous les sens mais j’ai terriblement confiance dans mes appuis, j’atteins très rapidement le refuge Reboulaz où je ne m’arrête presque pas, je veux avancer, je suis complètement cinglé sans raison apparente, nous sommes désormais en permanence a 2500 m d’altitude au minimum, j’attaque la monte du col suivant, je rejoins une Américaine qui avance pas mal, je lui demande si c’est sa première participation au Tor, elle me répond First Time, Last Time, too hard, je rigole un bon coup car à ce moment précis je pense exactement la même chose, first time last time, ça résume bien tout. Elle me laisse passer elle trouve que je monte trop vite, je double pas mal de monde effectivement, j’arrive à relancer après 250 kms je ne comprends pas trop comment c’est possible mais je m’en tiens aux faits, pas besoin de comprendre pourquoi!

Une fois le col atteint, une nouvelle terrible descente nous attend, je vais plutôt vite mais l'américaine me double, je me demande comment elle fait pour descendre aussi vite, elle me dit qu’elle ne comprend pas non plus comment elle fait ça, elle n’a jamais eu aucune douleur à ses genoux du coup elle part comme une fusée. J’arrive au refuge Cuney, je pointe et la bonne surprise, j’ai mis 7h pour faire cette section au lieu des 9h prévues et je ne me suis pas arrêté pour dormir, du coup je n’ai plus que 3h30 de retard sur mes plans.

Très intéressant, à ce moment il se passe plein de choses dans ma tête niveau stratégie, et si je changeais mes plans, à savoir et si je continuais à avancer le plus vite possible en m’arrêtant pour dormir uniquement si j’ai des hallucinations? Avec un petit peu de chance je pourrai rattraper le temps perdu, et pourquoi pas arriver plus tôt que prévu vendredi, c’est vrai quoi c’est pas top d’arriver vendredi à minuit, en fin de journée ce serait génial, surtout passer le Malatra de jour, il faut absolument que je parte là dessus.

Sur ce je pars sur des délires en essayant de calculer à quelle heure je vais arriver si je gratte une heure ici, une demi heure là. Je me rends compte d’ailleurs à ce moment que je n’arrive pas à faire une soustraction simple style 20h – 2h =?? c’est dingue il me faut 10 min pour être certain de la réponse, je me rends compte que je suis en train de muter en animal, seules les fonctionnalités de base de mon cerveau fonctionnent à savoir ne pas tomber dans une descente, boire de l’eau et manger tout ce que l’on trouve, tout le reste est inutile et semble parti, mince je n’avais déjà pas grand-chose à la base mais alors là c’est le désert à l’intérieur de ma tête. 

Allez arrête de réfléchir à tes conneries et accélère, je suis bien conscient de jouer avec le feu, mon corps doit commencer d’être dans un état de destruction avancée, accélérer maintenant c’est un risque de casser un truc prématurément. Je me dis  que ce n’est pas grave, même avec une tendinite, une entorse, je dois avoir assez de temps pour terminer avant samedi 16h, ça vaut le coup de tenter!

C’est parti je monte comme un fou les 2 bosses qui suivent le refuge de Cuney, je n’arrêterai pas de doubler l’Américaine dans toutes les montées et elle me dépassera à chaque fois dans les descentes. Le chemin est top, en balcon la plupart du temps, j’ai l’impression d’être à la maison et je me remets à courir sur certaines sections c’est de la folie, pourvu que ça dure!

Je finis par arriver au biv Clermont, un tout petit refuge, juste avant l’avant dernier col de la section qui frôle encore les 2800m. Hum je regarde le soleil devrait se coucher dans une petite heure, les discussions sont pessimistes au refuge, bon nombre de coureurs veulent faire une grosse pause ici avant de reprendre la route, il reste 2 cols à passer, il faudra de nombreuses heures avant d’atteindre la base de vie, visiblement tout le monde veut se reposer ici ou au refuge après le col, mais personne ne veut tenter la base de vie… hum ça ne me va pas du tout, je demande une assiette de pâtes que je mange en 2min chrono et je sors immédiatement du refuge, je ne veux pas m’arrêter, je veux absolument passer ce col avant la tombée de la nuit

Allez il te reste une petite heure, vas y! et c’est chose faite assez rapidement, ça souffle assez fort en haut, et je suis content d’être monté avec les derniers rayons de soleil, je me retrouve à nouveau seul et vraiment bien. Les 200 /300 premiers m de D- sont comme d’habitude très raides, je prends ma foulée réduite et j’aborde la descente en courant, je croise un randonneur qui me dit que j’ai une excellente foulée, merci du compliment, ça veut dire que je ne me débrouille pas trop mal pour le coup. On rejoint assez vite une foret, et la descente sera longue, environ 10 km pour rejoindre le ravitaillement à Oyace.

Je tente à plusieurs reprises de téléphoner a Sandrine mais impossible le téléphone n’est pas passé de la journée il faut descendre encore un peu. Finalement après de nombreux essais j’arrive enfin à appeler, je lui dit que je ne devrais plus trop tarder à arriver mais que je ne vais pas rester à Oyace bien longtemps.

Elle ne comprend à priori pas trop mon délire a ce moment, j’arrive rapidement au ravitaillement à Oyace où j’avais prévu de dormir au moins 30 min comme bon nombre de coureurs. Je rentre et je retrouve ma femme en train de discuter avec une dame que je ne connais pas et le frère de Nico. Je me pose juste le temps de manger, Sandrine discute encore avec d’autres personnes, punaise comme à mon habitude ça m’énerve un petit peu je pense qu’elle n’a pas compris que je ne vais pas rester ici pour me reposer, que je veux me dépêcher pour tenter de passer le dernier col de la section au pas de course et dormir juste après, en espérant ne pas avoir d’hallucination pendant les 4/5 prochaines heures.

Je me pose 20 minutes et je repars déjà, je me dit que j’aurai pu faire plus vite, j’ai encore l’impression d’avoir perdu du temps ici alors que d’après mon plan initial je n’ai plus qu’une heure et trente minute de retard. Je suis au km 270, il reste un dernier col à passer avant la base de vie le col Brison, grosso modo 1000m de D+ et autant de D- sur un petit peu plus de 10kms. Je demande à droite et  à gauche combien de temps il faut pour monter, visiblement 2h30 semble realiste, je décide de me caler là dessus, je quitte Sandrine en coup de vent, je lui dit juste que si j’arrive a la prochaine base de vie en un seul morceau, il faudra que mon arrêt soit vraiment optimisé, 2h de dodo et 1h max pour manger me changer et tout le reste, un arrêt maximum de 3h à Ollomont.

Je pense qu’elle a noté que j’étais en train de perdre la raison quand je quitte le ravitaillement. Je commence l’ascension encore seul, encore avec la pleine lune, et avec un terrain au top, je me dit dans ma tête que je monte à une cabane que je connais bien là où j’habite, un 1000m de D+ du même profil à coté du plateau du Taillefer. Je monte le plus vite possible, je ne croise personne, j’arrive rapidement à un ravitaillement, il y a un souci de groupe électrogène visiblement les types sont dans le noir, je ne m’arrête pas et je continue la montée, un bénévole signale au talkie que je viens de quitter le lieu, grosso modo si on n’a pas de nouvelle de moi a la base de vie dans les prochaines heures il faudra engager des recherches...

Je passe sans problème le col en un petit peu plus de 2h, j’arrive à une nouvelle cabine de secours posée sur les rochers en abordant la descente, je demande au type combien de temps il faut pour arriver en bas, il me répond que vu mon temps de montée je devrais mettre 1h30 cool! Je descends relativement vite, j’ai encore toute ma tête, donc on se dépêche, le chemin devient de moins en moins sympa on rejoint une route en terre carrossable avec du coup une pente assez faible, on voit au loin le village d’Ollomont, mais on serpente et on descend très lentement sur ces longues portions de route, je remarque un type qui triche, il coupe tt droit la route pour éviter ces longs virages, qu’il se fasse plaisir pour le coup depuis le début je n’ai coupé aucun virage ça c’est certifie, ça fait parti du deal de départ, faire le parcours prévu, si on cherche a raccourcir le parcours au maximum, autant faire une autre course je dirai!

Enfin de la lumière j’arrive à Ollomont vendredi à 2h40 du matin je suis à nouveau en ligne avec mon plan cool! En arrivant je discute un moment avec un concurrent qui a déjà fait le Tor mais qui cette année souffre de troubles digestifs depuis le début de la semaine, grosso modo il ne peut quasiment rien manger, il semble dans un sale état, il m’explique en détail la Section 7 la dernière que je n’ai jamais étudié pour le coup, peur d’un mauvais présage, pour lui la section est facile et très rapide, on peut aller très vite vers Saint Rhémy en Bosses et le Malatra reste un col hyper simple a passer. Intéressant comme information avant d’aller se coucher!

Je retrouve Sandrine, on passe voir les médecins pour mes pieds, comme elle parle Italien ils veulent bien regarder, pour eux il faut percer 2 ongles qui sont mal en point, le médecin perce le premier, laisse échapper le liquide et met un pansement, puis il laisse son assistante faire le 2eme ongle, quelle erreur, elle me perce l’ongle mais aussi la 2eme peau qui se trouve en dessous, j’hurle de douleur, le sang coule, le premier médecin semble furax il reprend la main, il éponge le sang et met un pansement. Il place un autre pansement sur mon orteil où un autre ongle risque de partir à tout moment, il me dit qu’au moins comme cela il ne tombera pas dans la chaussette. Les bandages terminés pour lui ça devrait tenir jusqu'à la fin de la course.

 

    Je suis clairement moins frais                                                       Les pieds sont vraiment mal en point!

Je retrouve Sandrine, cette base de vie est vraiment pourrie, il y a plusieurs tentes mais pour passer de l’une à l’autre il faut sortir dehors et il fait très très froid! Je décide d’aller me coucher en priorité, je passe dans la tente où les lits de camp sont à même le sol, il n’y a pas assez de couverture, certains types en ont 3 d’autres n’en ont pas, quel bordel. On ressort il y a apparemment des dortoirs à l’étage, on monte voir on trouve un lit mais là pour le coup je trouve que c’est surchauffé, on pique une couverture qui traîne et on retourne vers les lits de camp. Je m’endors rapidement et puis au bout d’une heure je me réveille en tremblant, j’ai froid, je me rend compte que cette tente n’est visiblement pas chauffée et qu’avec une couverture ce n’est pas suffisant, j’envoie un sms sos a Sandrine. Elle revient quelques minutes plus tard avec des couvertures trouvées je ne sais où, j’ai désormais 3 couches et je me caille encore ça devient hard. Je reste un moment dans le lit en me disant que je n’ai pas froid et puis la fin des 2h approche, il est temps de partir. Sandrine m’a trouvé des tranches de parmesan géantes visiblement celles réservées aux coureurs Italiens! merci pour cet accent qui laisse croire que tu es du pays. Mais je n’ai pas très faim avec le fromage et la charcuterie,  j’ai plutôt faim d’en finir avec cette section. Je mange relativement peu de mémoire, je m’habille prêt à affronter le froid, sur pantalon, polaire et gore tex et me voila parti. Une dernière photo, un dernier bisou et on se donne rdv a St Rhémy en Bosses, je quitte Ollomont vers 6h du matin, Sandrine aura passé une nuit blanche de son coté à m’attendre.

Section 7 – 49kms / 2600m D+ / 3100m D-

 

Punaise je réalise tout doucement que je suis dans la dernière section et à part grosse erreur de ma part cette fois ça y est je suis sur la dernière ligne droite et je me dit que peut être je pourrai éventuellement franchir la ligne d’arrivée ! je découvre le profil de la section ça commence fort avec un col visiblement assez facile a 2700m l’avant dernier col du Tor! J’ai 1300m de D+ à faire et je compte bien les faire au pas de course, à peine la montée commence je crève de chaud, j’ai chaud mais j’ai chaud c’est pas possible, je m’arrête, je ne suis parti que depuis 10min et déjà je repose tout, j’enlève le sur-pantalon, je vire la gore-tex et je reprends la route. Le jour se lève et j’ai une patate d’enfer, je double et je redouble du monde, personne ne me doublera sur cette section je suis gonflé à bloc. Les relations entre coureurs sont extrêmement amicales, dès que j’approche de quelqu’un celui-ci s’arrête, on se regarde en souriant, on se comprend, on a vécu pas mal de galères similaires et on savoure pleinement cette dernière ligne droite, on se serre la main et on se dit a tt a l’heure à Courmayeur, ces échanges entre coureurs sont vraiment intenses en émotion.

J’arrive assez vite au refuge Champillon, juste le temps de remplir mes bidons, je constate à l’intérieur que c’est l'hécatombe! La mine des types qui sont ici n’est vraiment pas belle à voir, ça doit être des types comme moi mais qui ont voulu allez le plus loin possible avant de s’écrouler sauf que là ils ont étés trop loin je pense. Je suis vraiment content de ma stratégie pour le coup de faire un bon arrêt a la base de vie, au moins on dort le temps que l’on veut et on a son sac d’assistance si on en a besoin, ce qui n’est pas le cas dans un refuge. Je ressors et je termine l’ascension à un pas cadencé, je pense à la vidéo d’Uli Steck quand il termine la face Nord de l’Eiger il monte sur la crête à un rythme et une cadence d’enfer droite / gauche droite gauche, je pense à un max de connerie pour tenir, célèbre réplique de Kilian Jornet la douleur est temporaire l’abandon est définitif, ça me booste le moral et je me sens pousser des ailes.  J’arrive rapidement au col, relativement facile pour le coup et j’entame la descente de 1000m de D- très confiant, ça déroule bien jusqu'à ce que je pense avoir une nouvelle hallucination, je vois un type qui semble descendre devant moi mais en montant? bizarre je m’arrête à ses cotés, c’est un concurrent Chinois, il me montre son genou visiblement il est HS, il veut continuer du coup comme il ne peut plus aborder la pente de face, il descend la pente à reculons, j’essaie de le réconforter comme je peux, après tout il lui reste 30 heures pour arriver à Courmayeur ça risque d’être douloureux mais je ferai la même chose si j’étais à sa place. Je continue ma descente à fond la caisse, soudain le vent se lève, assez fort, je sais que je devrais me couvrir mais je ne veux pas m’arrêter, je continue et j’ai de plus en plus froid, je croise soudain quelqu’un qui monte, je lui demande si il fait moins froid en bas, il me répond que non, il y a autant de vent dans la vallée, zut je pose mon sac je récupère ma gore-tex et je l’enfile en vitesse, ha ça va mieux, je me demande toujours pourquoi j’attends dans ces cas là au lieu de la sortir directement, ha oui si ça me revient je veux arriver au plus vite!

J’arrive désormais au refuge de Ponteilles, bizarre l’endroit semble désert pourtant il y a un pointage ici, je fais le tour du bâtiment, il y a bien les fanions des sponsors mais personne, je frappe à la porte et on m’ouvre, on dirait que je suis le seul coureur qui entre ici depuis des lustres ! L’accueil est super sympa, les proprio ont envie de discuter visiblement, je prends 5 min mais je veux vraiment filer! Un type du refuge sort avec moi et me montre en m’expliquant en détail la suite du parcours sympa, du coup je note une petite descente, une toute petite montée de rien du tout, et puis 10km de plat où l’on peut aller très vite excellent! Je le remercie et je file une fois la montée terminée me voici sur la section en foret plutôt plate, la seule du parcours à ma connaissance, j’alterne course et marche très rapide pour passer cette section au plus vite, d’ailleurs a mesure que les km défilent je regarde ma montre et mince j’avais estimé une arrivée à Saint Rhémy à 12h30 dans mes plans, vu ma vitesse ce sera clairement bien avant! Il faut que je prévienne Sandrine, j’arrive à la joindre et je lui dis  que je serai au ravitaillement dans 30min maxi, aie comme elle a passé une nuit blanche elle s’est endormie une heure et elle est assez loin du ravitaillement mais bon visiblement elle sera là à temps. De mon coté je garde mon allure je vois Saint Rhémy au loin, je passe un petit village où je croise 2 anciens qui me disent que je suis bientôt arrivé, ils me conseillent de goûter le jambon cru, c’est une spécialité locale, je les remercie du conseil car comme à mon habitude je commence d’avoir bien faim!

J’arrive à Saint Rhémy avec 5 min de retard, je suis certain que Sandrine sera là et puis mince personne… bon pas grave je vais prendre une pause pour manger un bon morceau avant d’attaquer le dernier col de la saga. Je demande une énorme assiette de pâtes, avec ce fameux jambon, juste divin, et des tonnes de fromage, on me file directement la demi meule de parmesan. Je suis visiblement le seul en pleine  forme à cette table, il y a 2 ou 3 coureurs avec une tête effrayante, mi homme mi zombie, qui stagnent sur les bancs. Je termine mon assiette je remplis mes bidons et je repars sous un soleil qui commence de bien taper. Quelques minutes après mon départ je reçois un coup de fil, c’est Sandrine qui s’est plantée d’endroit apparemment, elle est là où je viens de partir il y a 5 min mais bon tant pis, je ne vais pas faire demi tour maintenant, je continue ma progression. Une fois sorti du village, je cherche les fanions et plus rien mince, en regardant de plus près je constate qu’il reste des piquets sans drapeaux par ci par là, des morceaux mâchouillés, j’en déduis que les vaches aux alentours se sont fait plaisir, je me souviens d’après les récits que l’on passait sous l’autoroute par ici, je me dirige donc sans hésiter dans cette direction. On rejoint un petit sentier très sympa toujours en plein soleil, je m’arrête 5min pour me mettre de la crème solaire pour la première fois de la semaine, ce serait con d’avoir un problème à cause d’un coup de chaud! et je repars sur un rythme délirant, je double plusieurs randonneurs qui se dirigent également vers le Malatra, une dame me dit qu’elle l’a déjà fait ce col et qu’il n’est pas spécialement difficile, ça me rassure mais d’un autre coté elle ne doit pas savoir que j’ai bientôt 310 km dans les pattes et un petit peu plus de 22 km de D+, du coup je ne sais pas si on peut toujours considérer ça comme facile avec ce léger handicap? On rejoint une piste carrossable, là je loupe un fanion qui permettait de couper la route, du coup je reste sur la route et je fais quelques centaines de mètres en plus, je me marre, bof tu n’en es plus à ça près maintenant. J’arrive au refuge de Fressati, on m’applaudit, en rentrant j’ai l’impression d’être dans un asile de fou, les types sont allongés dans tous les sens, un type dont j’ignore la nationalité me parle dans une langue inconnue, je ne comprends rien à son délire, un autre vient me dire qu’il est défoncé, il va rejoindre Courmayeur mais il va prendre son temps, il faut qu’il se repose sinon il va passer l’arme à gauche avant le Malatra. Hum ça respire les ondes positives ici, je ne mange rien je prends juste de l’eau et je pars au plus vite, j’ai la forme pourvu que ça dure!

 

                                                                Le Malatra en approche

Peu de temps après le refuge, punaise je passe dans un secteur qui pue la merde, mais vraiment à vomir, je regarde le coin et ha ok voici le lieu dit Les Merdeux, je comprends maintenant, c’est le nom donné à une ferme qui baigne tout simplement dans de la bouse de vache. Clairement l’allure des habitants correspond bien au lieu on dirait un gag. Je marche dans la bouse un bon moment avant de sortir de la, wahou cette fois le Malatra se présente enfin face a moi, quelle émotion! on voit un long chemin étroit qui serpente jusqu’à son sommet, c’est comme dans un rêve!

 

             le Malatra, le dernier col a franchir                dans la fenêtre du Col, a l’arrière le Mont Blanc

Je commence d’être nostalgique, punaise c’est top je vais franchir le dernier col sous un soleil alors que l’édition 2012 a été stoppée ici à cause de la neige et de la glace qui bloquait le passage, je me dit que d’ici peu de temps cette fantastique aventure sera terminée… mince la semaine a pourtant été longue et rude mais c’est comme si j’en voulais encore… il faut se résoudre je me dis  profite pleinement de ces instants c’est hyper intense, j’avais les larmes aux yeux pendant toute la montée. Pas mal de monde m’attend au sommet, il y a quelques blocs à escalader rien de bien méchant, et j’entre dans cette faille, c’est magique, de l’autre coté le Mont Blanc cadre parfaitement la fenêtre bon sang comme c’est chouette, je veux rester là! bon mine de rien difficile de rester longtemps car en restant au milieu on bouche carrément le passage des 2 cotés du col. Je demande à ce qu’on me prenne en photo et j’entame la descente dans ces éboulis lunaires. Je cours d’un bon pas, je croise un randonneur qui trouve ma technique de descente au top, cool j’ai eu 2 fois le compliment en 2 jours et je maîtrise encore le sujet sur la dernière section. La descente est assez longue d’autant que l’on découvre le refuge juste au dernier moment visiblement, c’est plus facile moralement d’avoir un point de vue le plus vite possible mais là il va falloir attendre un bon moment visiblement, il faut faire gaffe à ne pas se tromper de chemin je me souviens de ce concurrent qui avait été disqualifié alors qu’il était premier car il avait loupé le pointage de Bonatti Soudain le temps change encore il y a du vent, j’ai froid je ne me sens pas très bien, je remets ma gore-tex mais j’ai un coup de massue sur la tête un coup de barre je ne comprends pas ce qui se passe, j’arrive enfin au refuge de Bonatti au bout d’un temps interminable. Je m’assieds 5 min un médecin me demande si ça va, je lui réponds que oui tout va bien alors qu’en réalité ça ne va pas du tout mais vraiment pas du tout. Je mange un bol de vermicelle et le vent redouble d’intensité, j’ai du mal à voir le visage des gens autour de moi, il faut que je parte d’ici et vite!

Bon je continue ma descente mais clairement ça ne va pas, le type du refuge nous dit qu’il faut 2 bonnes heures pour rejoindre le refuge de Bertone, mince moi qui pensait être à Courmayeur en moins de 2h30! Je ne réalise même pas que j’ai explosé mon temps d’arrivée à Bonatti j’avais prévu 21h et il est à peine 16h, tu m’étonnes je peux commencer à être fatigue! J’ai du mal à relancer, du coup je décide de me remettre à une marche rapide, je vois un type qui veut me doubler, je le laisse passer puis je regarde devant moi personne, punaise ce n’est pas vrai pas encore des hallucinations!

Il faut que je trouve une solution et vite je n’arrête pas en ce moment à penser à une histoire d’un type qui s’est écroulé 8kms avant Courmayeur d’épuisement total, il faut absolument que je gère cette fin de course! Je décide d’enlever Gore-tex et polaire quitte à avoir froid au moins ça me tiendra éveillé je dois avancer plus lentement et me tenir prêt si jamais je vois que je sombre à me poser avec ma couverture de suivie à l’écart du chemin histoire de dormir un petit peu si ça ne peut plus attendre, il vaut mieux arriver avec du retard que pas du tout.

Les minutes passent péniblement cette descente est vraiment longue, je regarde ma montre, une heure, bordel si j’en crois le type on n’a pas encore fait la moitié puis je croise des randonneurs qui nous indiquent que Bertone n’est plus très loin, je reprends confiance et effectivement 30min plus tard me voici au dernier refuge! Ouhouh à priori plus que 4kms de descente dont 2 sur du bitume génial! Le moral va de mieux en mieux je téléphone à Sandrine pour lui dire que je ne devrais plus tarder, je double encore quelques coureurs qui vont vraiment lentement, effectivement on termine vite la partie technique du bois, on entre sur une route carrossable avec de grands lacets, je croise encore un type qui triche en coupant grossièrement les lacets de la route, sérieux calme toi l’ami il reste 2 km termine au moins cette portion en suivant les fanions. Mon cœur s’accélère, tout s’emballe, il y a de plus en plus de spectateurs sur les bords de la route, j’oublie absolument tout, mes douleurs au pieds, mon manque de sommeil, j’ai l’impression d’être en pleine forme, je rentre à Courmayeur sans trop comprendre ce qui est en train de se passer, soudain je vois Sandrine les larmes aux yeux, elle me saute au cou et je l’embrasse comme au premier jour! je lui prends la main et nous courons ensemble jusqu’à l’arche d’arrivée, c’est dément l’intensité de ce qui se passe en moi à ce moment, je n’ai jamais connu cela!

                                                 Un moment d'une rare intensite

Je l’embrasse à nouveau, j’ai l’impression que je ne vais pas revenir sur terre avant un bon moment, je speaker me pose quelques questions sur la course, je lui réponds juste que c’est génial, Sandrine me dit que je suis suivi par pas mal de monde en ce moment, du coup je fais coucou à la camera et nous restons un bon moment ici juste sous la webcam, dommage je réaliserai par la suite que nous sommes hors champ de camera, du coup on ne verra qu’un rapide coucou et ensuite plus rien, on a du rester 5 bonnes minutes à coté sans être visible. On me remet le dernier pin's le plus précieux, celui de Courmayeur et je signe le dernier poster du Tor.

 

                                                                    Une derniere signature !

 Une histoire fantastique qui se termine en un petit peu plus de 128h, j’ai du mal à réaliser ce qui s’est passé cette semaine, mais ça a été fort en émotion et pas que pour moi, ma femme a visiblement adoré, on a vécu des moments d’une rare intensité ensemble, seule la douleur à mes pieds me ramène à la réalité. De retour à l’hôtel je constate effectivement que mes pieds sont dans un sale état, l’eau de la douche me fait hurler, il va falloir passer rapidement par la case urgence pour nettoyer tout ça proprement (heureusement d’ailleurs mes pieds commençaient à être infecte j’ai eu droit à 3 prélèvements de peau pas trop sympa pour vérifier que la gangrène ne s’était pas installé gloups!), mais peu importe la suite, j’ai l’impression que cette semaine restera gravée dans mon cerveau à jamais. Je récupère mon sac jaune Grivel qui m’a suivi tout au long de la semaine et je regarde mon téléphone, j’ai des dizaines de nouveaux messages en attente, ça fait chaud au cœur. Clairement j’ai une chance inouïe d’avoir eu tout ce soutien, que ce soit ma femme qui n’a pas eu une semaine de tout repos, mes parents qui ont gardé les enfants pendant notre absence, les petits qui ne nous ont pas vu pendant toute la semaine, et bien évidemment tous mes amis et collègues de boulot qui m’ont soutenu pendant toute la semaine, c’est tout ce travail d’équipe qui fait que l’on arrive au bout d’une telle aventure, on carbure uniquement au mental, un grand merci à tous ceux qui était derrière moi pendant cette semaine, et un immense merci à ma femme Sandrine sans qui tout cela n’aurait pas été possible!

Il est clair que je veux revivre ca enfin si possible sans l’épisode des pieds :)

 

 

21 commentaires

Commentaire de Piloumontagne posté le 04-10-2014 à 06:46:05

C'est un très beau reportage que tu nous livres. Riche en détails et émotions.
Merci d'avoir pris le temps de retranscrire en mots et en images cette aventure unique qu'est le Tor des Géants.

Commentaire de Sylou38 posté le 05-10-2014 à 12:01:50

Merci Philou ! et un grand merci a toi également pour tes CR des éditions précédentes qui m'ont bien aide a préparer cette formidable aventure, je n'avais d'ailleurs pas note que tu l'avais termine 3 fois, incroyable, félicitations !

Commentaire de philtraverses posté le 04-10-2014 à 11:42:32

merci pour ton récit très détaillé, plein d'émotions, très instructif pour ceux qui envisagent un jour de relever cet immense défi.. Bravo pour ton courage d'avoir fini malgré la souffrance. Tu peux être fier de toi. Il n'y en a pas 10 000 sur terre qui ont couru une telle distance sur 7 milliards d'individus. Ça laisse rêveur..

Commentaire de Sylou38 posté le 05-10-2014 à 12:09:30

Merci pour ton commentaire emilcioran, j'ai essaye de retranscrire au mieux ce que j'ai vécu pendant cette semaine de folie, la course est tellement fantastique qu'elle éclipse une bonne partie de la douleur, dans ma tête je suis d'ailleurs toujours en Italie en ce moment :)

Commentaire de nicobreizh posté le 04-10-2014 à 18:10:29

Sylvain, tu as fait un superbe CR très détaillé !. Bravo parce que ça prends du temps aussi pour l'écrire. Tu m'as d'ailleurs rappelé des détails que j'avais oublié pendant que je rédigeais le mien : comme le gamin croisé dans la descente du col Loson à plus de 3000m, le brouillard très épais à un moment donné dans la descente du col Fenêtre de Champorcher, les ponts de bois instables et j'en passe ...
Sur la préparation, quand je vois que sur janvier tu as fait 17000m de D+ alors que c'est ce que j'ai fait sur 8 mois ... c'est vrai aussi que l'on a pas le même environnement pour s'entraîner. Bravo pour ta préparation.
Pour le refuge Dondena, tu as bien dormi car on s'est croisé quand tu sortais de la chambre à l'étage alors que moi j'allais y rentrer.
Encore un grand bravo pour ta course !.

Commentaire de Sylou38 posté le 05-10-2014 à 12:16:49

Salut Nicolas, effectivement pour Dondena maintenant je me souviens bien, je t'ai croise dans le couloir au moment ou je partais, j’étais tellement en vrac que j'avais complétement oublie cette partie de la course, tout comme notre arrivée ensemble a la seconde base de vie, mes souvenirs sont revenus grâce a ton CR, c'est dingue !
Pour la préparation tu prouves bien que le cumul du D+ a l'entrainement n'est pas un facteur clé de réussite, disons que moi ça m'aide a me rassurer et effectivement j'ai l'environnement pour le faire.
Merci et toi et au plaisir de te revoir !

Commentaire de Fironman posté le 04-10-2014 à 18:24:58

Salut ! Très beau et émouvant récit, bravo pour ta belle course et pour ton finish depuis valtournenche. Avec l'expérience et en gommant quelques erreurs, tu feras certainement beaucoup mieux, mais est-ce vraiment l'essentiel ? On s'est effectivement parlé à Valgrisenche, j'ai vu que tu étais plutôt inquiet mais je ne l'étais pas moins à ce moment là aussi...Bravo, en tous cas !

Commentaire de Sylou38 posté le 05-10-2014 à 12:27:09

Salut Fironman, merci pour ton commentaire, c’était donc bien toi a l’hôtel dont j'avais lu bon nombre de CR sur le Tor ! Je ne souvenais plus trop de ton visage mais je me souviens bien de ton histoire avec l'Italien au téléphone pendant la descente, c'est incroyable, j'ai croise un type similaire avant d'arriver a Courmayeur, heureusement ça reste une très faible minorité !
Félicitation pour ta course, clairement en connaissant le parcours on doit pouvoir optimiser mais vu la distance la part d'inconnu reste prédominante, le but étant clairement pour ma part de terminer.
Bonne continuation a toi !

Commentaire de Renard Luxo posté le 24-12-2014 à 21:20:04

Fabuleux récit, j'hésitais à me pré-inscrire sur le Tor 2015 et tu m'as absolument convaincu ... de reporter l'échéance d'un an ou deux ! C'est une course qui se mérite, nécessite un maximum de préparation et d'expérience, autre chose que l'UTMB, une autoroute à côté ... Bravo pour cette aventure, merci de l'avoir partagé. A+.

Commentaire de Sylou38 posté le 05-01-2015 à 10:45:30

Salut Renard74, merci bcp pour ton commentaire et bonne annee au passage, tu viens de terminer l'UTMB si le Tor te fait rever de mon cote je n'ai qu'un conseil a te donner pour 2015: fonce !
Avant le Tor ma seule grosse course etait l'UT4M, un format similaire a l'UTMB et le Tor s'est plutot bien passe hormis qq ampoules hors norme et une tendinite du coup de pied qui est quasi gueri aujourd'hui.
Honnetement cela va bientot faire 4 mois que le Tor est terminee et je pense a ca tt le temps c'est comme si la course s'etait terminee hier, c'est une experience dingue, une ambiance de folie, des gens formidables et un decors de reve, je vais essayer de me re-inscrire pour 2015 je veux revivre ca et vite !
Tente le coup, tu ne pourras plus t'en passer :)

Commentaire de Renard Luxo posté le 05-01-2015 à 16:21:29

Haaaaa, tu me donnes la bave aux lèvres ... On verra si je trouve le courage de cliquer, puis la chance d'être sélectionné, ce qui fait déjà deux conditions pas évidentes. ;-) Mais il est clair que cette course commence tout doucement à m'obséder, à l'image de l'UTMB il y a 2 ans. Bonne chance pour ton éventuel "replay", futur sénateur ?

Commentaire de Sylou38 posté le 05-01-2015 à 19:38:51

L'ambience sur cette course est vraiment a l'image de ce que j'avais pu lire => demente, ne te pose plus de question et tente ta chance tu ne le regretteras pas je n'ai jamais vu un accueil de cette ampleur !
Par contre attention pour les inscriptions, si c'est comme en 2014 c'est premier
arrive premier selectionne, grosso modo a 12h les pre-inscriptions sont ouvertes et a 12h05 c'est termine j'ai du mettre 2 ou 3 min pour remplir le formulaire et payer les 5 euros et j'etais dans les 300 premiers.
Pour etre senateur il aurait fallu que je connaisse la course en 2010 et que je la termine tt les annees suivantes :)

Commentaire de Renard Luxo posté le 05-01-2015 à 19:43:39

Merci du conseil Sylou ! Ha oui quand même, le titre de sénateur équivaut carrément à 1.500 bornes de trail de montagne ... Ce qui est rassurant, c'est qu'ils sont tjs vivants après 5 éditions, ce qui constitue en soi un exploit ! lol.

Commentaire de Bacchus posté le 09-03-2015 à 00:07:38

Bravo belle course, super récit
J'ai appris plein de choses qui vont me servir en septembre

Commentaire de Sylou38 posté le 10-03-2015 à 22:16:41

Merci Bacchus, soit fort en Septembre, tu verras c'est vraiment la plus belle des courses, je n'ai pas eu un tirage au sort favorable cette annee (j'enrage :) )
mais je tenterai a nouveau l'inscription l'annee prochaine... et les annees suivantes :)

Commentaire de Renard Luxo posté le 10-03-2015 à 22:43:33

Grrrr, "j'aurais tant aimé", "on se serait tant aimé", le Tor ... Enjoy ta course Bacchus, quant à toi Sylou, tu as déjà eu la force et le privilège rare de partager le "truc" avec nous. Que 2016 nous offre l'opportunité de lâcher prise une première ou une seconde fois dans ce sublîme Val d'Aoste et toutes ses merveilles à couper le souffle, y compris en descente ...

Commentaire de Sylou38 posté le 17-03-2015 à 09:47:16

Ca me rend juste dingue de ne pas avoir ete pris, mais vraiment dingue, pourquoi un vrai tirage au sort cette annee :) j'espere que 2016 nous sera favorable ! Du coup je ne sais pas trop faire, je me suis deja inscrit a l'Echappee Belle, et je vais certainement m'inscrire a l'UT4M et a l'UTV, ca fera l'equivalent du Tor sur 2 semaines en distance :) mais ca ne sera pas pareil...

Commentaire de crazy_french posté le 01-09-2016 à 09:25:09

Salut, j'ai lu ton CR à 10j du TOR, j'y ai trouvé pas mal d'enseignement... et ma suiveuse aussi.
Comment vas tu gérer tes problèmes de pieds? je suis surpris qu'il n'y ait pas de podologues (comme à la Ronda ou l'EB.
Au plaisir de te rencontrer.

Commentaire de Sylou38 posté le 01-09-2016 à 11:00:04

Salut, j'ai a priori resolu tous mes pb de pieds, deja virer les manchons de compression (une belle connerie) qui est la cause des pieds qui gonflent, ensuite ne pas utiliser de chaussures goretex et surtout changer de chaussette tres regulierement en mettant un maximum de creme Nok sous le pied, teste l'annee derniere et aucun pb. La je vais partir avec 18 paires de chaussettes donc je change a chaque base de vie et 1 a 2 fois par section suivant la longueur. Au plaisir de te voir a Courmayeur si il me reste du jus apres la 4k :)

Commentaire de crazy_french posté le 01-09-2016 à 13:03:06

Oups, ça calme ....
Bon courage, du coup 36 paires de chaussettes !?!

Commentaire de Sylou38 posté le 01-09-2016 à 17:02:46

Merci ! non j'espere avoir le temps de les laver :) bon courage a toi aussi.

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