L'auteur : Greg136
La course : 80 km du Mont-Blanc
Date : 27/6/2014
Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)
Affichage : 3872 vues
Distance : 80km
Objectif : Pas d'objectif
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Retour 1 an en arrière.
80 km du Mont-Blanc 2013 : en duo avec ma femme rachel, dont c’est le premier ultra en montagne.
Vallorcine KM 25 : nous sommes contraints d’abandonner. Rachel, qui s’était faite une contracture au mollet lors de la dernière sortie longue, boite énormément.
Petit passage chez le médecin : déchirure du mollet ! « Je crois qu’on a bien fait d’arrêter… »
Grosse déception, mais la décision est prise aussitôt, on revient l’année prochaine et cette fois on finit.
Ces 25 premiers Km ayant été magnifiques, on en fait une super pub et nous sommes une petite équipe de 5 à nous inscrire pour cette version 2014. Mix improbable de Toulousains et de Parisiens J.
Pour ma part, n’ayant pas été tiré au sort pour l’UTMB 2014, ça sera la grosse course de l’année en plus du désormais très classique 80 km de l’Eco-trail de Paris.
Bien sûr, le deal est clair avec ma femme : on court ensemble de bout en bout, on s’entraine ensemble le week-end et on finit ensemble.
Les sorties longues en forêt de Meudon, dans les Pyrénées ou dans le Mont Ventoux se multiplient avec la petite bande et je vois avec plaisir ma femme progresser énormément depuis Janvier ce qui devrait nous permettre d’avoir une marge confortable, même si nos temps de l’année dernière nous permettaient déjà de partir confiant.
Nous partons donc pour un roadbook de 22H30 + 1H pour les coups de mou. Je profite des différents récits des Kikous pour m’assurer que le roadbook est tenable (genre vérifier que je n’ai pas prévu qu’on aille aussi vite de Caro74).
Nous voici donc Vendredi matin 4H sur la ligne de départ. Nous sommes venus relativement tôt pour éviter les bouchons dans la montée au Brévent. Un peu d’émotion lorsque le dernier décompte démarre, puis c’est le départ.
Le premier km étant rapidement raide, tout le peloton passe en mode marche. Le rythme est soutenu mais régulier, d’autant plus qu’on est rapidement en single track. Assez rapidement on voit le Mont Blanc rosir et comme l’année dernière c’est un panorama exceptionnel qui nous accompagne. Le rythme est bon, Rachel est à l’aise et nous sommes pile poil sur l’allure du roadbook.
Les concurrents sont très respectueux, et les doublements se font en bonne intelligence. Quel l’on double ou que l’on soit doublé.
Arrivée à Bellachat, deux joueurs de flûte animent la montée, nous avons eu le droit au classique étoile des neiges, et tous les participants avaient un sourire. Je reprends en chœur le refrain, mais je me rends compte que je crane un peu au niveau souffle, et ça n’est rapidement plus qu’un petit murmure
Ca y est on voit le Brévent, un dernier petit effort et nous voici en 2H35 au sommet (Road Book 2H40). Nous passons sous les encouragements des cloches d’un supporter énergique et nous attaquons la descente sur la neige. Comme l’année dernière Rachel démontre ses qualités de descendeuse et nous doublons allègrement des dizaines de coureurs moins à l’aise.
Nous arrivons rapidement à Planpraz, en 3H05, ou nous avons le plaisir de faire un petit coucou au reste de notre petite troupe (qui est plus rapide que nous) qui est en train de partir.
Ravitaillement rapide, on remplit les gourdes, un peu de gâteau et ça repart pour la traversée vers la Flégère. La traversée est toujours aussi belle et nous amusons bien sur le single track. Rachel est à l’aise et n’hésite pas à doubler dans des endroits acrobatiques.
Arrivée à la Flégère en 4H10. Je m’approche des tables pour remplir un bidon et là j’entends que c’est un bidon max par concurrent car il n’y a pas assez d’eau… Je suis un peu surpris.
Néanmoins rien de critique dans la mesure, où on a encore de l’eau.
Nous enchainons maintenant la montée vers la tête au vent. C’est toujours aussi chouette, et pour ne pas gâcher le plaisir, la montée passe très vite et nous semble beaucoup plus facile que l’année dernière.
Nous arrivons en 5h15, et nous basculons dans la descente, d’abord douce et aérienne ou on peut courir puis raide et technique comme je les aime (du moins tant que j’ai encore des jambes, car en général je trouve ces descentes moins marrantes en fin de course, lorsque les quadri savent se rappeler à notre bon souvenir)
Comme à son habitude Rachel lâche les chevaux et joue à PacMan, parfois de façon un peu acrobatique, mais toujours de façon efficace (cf la photo)
Avec tout ça nous voilà au Buet en 6h10 avec 50min d’avance sur la barrière, pile dans le temps du road book, tous les voyants sont au verts, nous avons bien bu jusque-là 3L pour moi, et 4,5L pour Rachel + le traditionnel gel par heure.
J’attaque donc le remplissage des bidons et camel back : 1,5 L pour Rachel et 3,5L pour moi (je porte 1,5 L pour Rachel)
Extrait d’une discussion des bénévoles en face de nous :
- je crois qu’on a un problème
- pourquoi plus de saucisson ?
- si seulement…. C’est le dernier pack d’eau !
- pas drôle ta blague
- pas une blague….
- F# !
J’avoue alors une pensée pas très cool de ma part : « au moins mes bidons sont pleins…. ». Par contre pas/plus de coca, pas/plus d’eau gazeuse. Je commence à faire la comparaison avec les ravitos de la CCC, TDS ou même Eco-trail, et là je me dis que que là ça joue dans une catégorie inférieure.
Je vais rejoindre Rachel qui s’est mise à l’ombre, je profite un peu du fromage et du pain, et nous voici repartis, pour le second gros morceau de la journée : 1300m de D+ en 8km, donc la même pente que le Brévent.
Comme prévu, ça commence à monter, puis surprise on longe le torrent sur du plat. Bizarre, j’ai dû louper ça sur le profil. Après 15 min de plat, ça y est on monte. Le rythme est correct 500-600m de D+ à l’heure, même si je sens Rachel un peu moins alerte. La chaleur y est sans doute pour quelque chose. Néanmoins on monte assez rapidement à 1800m d’altitude. Bizarrement, on voit de nombreux concurrents redescendre. Je suis assez surpris.
Tiens une descente… Elle n’était pas sur le profil…. Elle dure longtemps…. Mais pourquoi c’est plat maintenant ? C’est super beau c’est sûr, mais ça devrait monter. Bizarre… Il dure longtemps ce plat… et l’altimètre qui reste bloqué à 1900 m… Quand est-ce qu’on va les faire les derniers 700m de D+. Je commence à calculer (Rachel aussi je crois), comment il nous reste plus qu’une heure pour faire 700m de D+ et toujours pas de montée…. Plus que 45 min pour faire 700 de D+…. Bon là, ça va être compliqué d’être aligné sur le road book, pas grave on a de l’avance sur la BH. Heureusement, ça y est ça commence à monter… plutôt raide.
Rachel vide ses bidons, je lui passe ceux que je porte en réserve pour elle et dans le doute je préfère les remplir dans les torrents illico, pour éviter qu’on ne se retrouve à sec (bonne initiative car j’ai ravitaillé de nombreux concurrents qui étaient à sec)
Rachel commence à négocier des pauses (ce que femme veut… )pas bon signe ça. Cela dit autour de nous tout le monde est assis voir allongé. Bon je lance un coup de bluff « moi j’emmène tous ceux qui me suivent à Chamonix » ça fait son petit effet et un gruppetto me suit dans le début de montée. Maintenant la neige, on continue à avancer, ça y est l’altimètre monte à toute vitesse…. Et c’est le moment, où je commence à avoir un coup de moins bien (pas maintenant non !!!!), je décide de ne rien montrer (j’ai mon honneur), je sais que dès que j’aurais atteint le sommet ça passera, donc je débranche le cerveau et je prends un rythme qui me convient (un peu plus rapide que le gruppeto) et je m’envoie la montée jusqu’en haut d’une traite. Vu que ça montait tout droit dans la neige, c’est passé assez vite. Le sommet du col est très beau dans la neige (sauf le gros pilone électrique). Je vois Rachel, finir l’ascension rapidement. Cool ! son coup de bambou est passé et le mien aussi d’ailleurs. Bilan des courses on a une 1H15 de retard sur le road book (on a mis 2H de plus que prévu), mais on a 6km de plus et 300m de D+ en plus que prévu… Du coup faut pas trainer pour la BH.
On assiste néanmoins à la demande en mariage d’un couple qui était dans le gruppetto. Mon oreille indiscrète a entendu « je voulais te demander à l’arrivée, mais vu les circonstances, autant le faire au point le plus haut »… J’ai trouvé ça très cool…
Maintenant il faut courir.
On attaque la descente dans la neige, c’est sympas, pas de chute, je maitrise bien malgré la neige un peu molle. Rachel a un peu plus de mal, mais trouve vite la parade en descendant en glissant sur les fesses.
On avance bien, la descente est belle et roulante. Je sais qu’on est un peu juste sur les BH, mais je me dis qu’ils vont peut-être les étendre un peu, il y a encore du monde derrière nous (200 personnes on apprendra plus tard par les secouristes qui nous comptaient à Vallorcine).
Avec tout ça, on arrive au ravito du Passet. Il nous reste 1H20 pour atteindre Vallorcine… Pas gagné… car d’après mon Roadbook il y en a pour 1h50.
Pendant que je négocie un peu d’eau (à nouveau plus d’eau au ravito, mais là je ne m’agace plus, j’ai compris que l’orga a été dépassée par l’évènement) j’entends Rachel crier : « David mais qu’est-ce que tu fous là ! ».
Ils avaient 60 min d’avance sur nous au Buet, mais ils ont complètement explosés et ils venaient d’arriver 5 min avant nous…. « ben on a arrêté, on est cuit, mais pour info, ils ont allongé les barrières de 15min ».
Je regarde Rachel, qui me regarde. « Chiche ? » « Chiche ? »
Go on part, comme des cabris… David et Franck nous emboitent le pas… Mais fichtre ça monte ! (et ça c’était sur le profil)…. On n’avance pas bien vite…. Finalement, on doit se rendre à l’évidence, ça ne va pas le faire. On lève le pied, et on attaque tranquillement la descente.
Lorsqu’on arrive au chalet de la Loriaz un groupe de secouristes, nous propose un peu d’eau, et on commence à discuter. Ils nous apprennent que Emelie Forsberg a gagné, s’ensuit alors une étonnante discussion sur les charmes d’Emelie. Ma femme et les secouristes sont sur la même longueur d’onde. La dissertation sur la fleur dans les cheveux est ubuesque…. Bon c’est pas tout ça, il faut descendre. On attaque au ralenti, la descente est belle et mériterait d’être courue, mais le cœur n’y est plus et nous prenons un train de Sénateur.
Bubulle qui fait le suivi live postera « Greg doit être en galère, j’espère que tout va bien ». Oui tout va bien, on discute des prochaines vacances, de la bière qu’on va se boire, et on se traine J
A Vallorcine, la copine de David nous attend, avec le dernier de la bande. Il est arrivé avec 40 min d’avance sur les BH, il a commencé la montée vers les Posettes, mais il a finalement décidé d’abandonner. Je m’en veux un peu car il a essayé de m’appeler pour que je le motive, mais mon tel était coupé. J’aurais pu le motiver et il m’avoue que si j’avais promis de le rejoindre à Argentière pour finir avec lui il aurait continué… Fichu Black Berry.
Au final : 6km et 400m de D+ en plus, et 20 min de retard sur la BH élargie (35 min sur la BH initiale, 1H35 sur le roadbook)
On retrouve un nombre important de personnes qui font la queue pour le train et les navettes. On va signaler qu’on est redescendu de la montagne. Les secouristes me demandent si ça va, je leur dit que oui et je repars en trottinant histoire de faire le beau.
Au final pas de déception, surtout qu’avec un taux d’abandon de 50%, faut être réaliste, on n'aurait pas pu finir. (Je me suis même demandé, si j’aurais pu finir en étant seul, malgré un temps 19H à la CCC ou 28H à la TDS...) Je crois qu’on s’est tous bien amusé, on a fait 56km et 4000m de D+ dans un super panorama, on n’a pas eu l’émotion de l’arrivée mais on n’a pas démérité.
Un peu mal à l’aise tout de même d’avoir emmené du monde dans cette course, alors que si le profil annoncé sur internet avait été juste, j’aurais tout de suite vu qu’on ne pouvait pas finir. Le pire c’est que le profil du suivi live était plus juste que celui partagé par les organisateurs….
Rachel m’a épaté et je suis super fier d’elle ! J’aurais tant aimé passer la ligne d’arrivée avec elle, mais je sais que ça n’est que partie remise.
D’ailleurs on a déjà commencé à partager la liste de nos prochaines aventures…
6 commentaires
Commentaire de PascalC posté le 13-07-2014 à 15:28:26
Félicitations à vous 2, il faut dire que le parcours n'était pas des plus faciles et la montée du col de la Terrasse et du Corbeau nous ont bien cassées les jambes... Je lis votre commentaire et j'ai le plaisir de me voir en photo avec vous ( 5ème et 6ème Photo : tenue Salomon noire/rouge et Buff bleu )
Pour ma part arrêté à Vallorcine après 14h10 de course.
PascalC
Commentaire de Japhy posté le 13-07-2014 à 16:22:09
Ton récit est intéressant car en quelque sorte il claque le beignet à ceux qui disent que beaucoup ne sont pas assez préparés ou "aware" comme dirait JCV, qu'ils ne regardent pas assez le profil etc, et que c'est pour ça qu'ils se plantent. Ben non, parfois c'est parce que l'orga ne leur donne pas les infos correctes, et c'est quand même dommage et assez injuste, surtout lorsque l'erreur est franchement grossière.
Bravo pour votre course en tout cas!
Commentaire de Greg136 posté le 13-07-2014 à 21:17:38
@ Pascal : le monde est petit :). On a du se croiser de nombreuses fois! C'est énorme que tu te sois reconnu sur les photos.
Commentaire de PascalC posté le 14-07-2014 à 00:00:27
oh que oui, le monde est petit... et au vu de vos temps de passages, au buet on devait encore être ensemble, après j'ai pris un peu d'avance, mais pas suffisamment. Si tu sais m'envoyer ces photos en MP tu me ferais plaisir, et si j'avais su que vous étiez des kikous... on aurait sorti une bière du sac ;)
Commentaire de Caro74 posté le 18-07-2014 à 22:00:26
Joli récit. Dommage que vous n'ayiez pas pu finir, mais félicitations pour cet état d'esprit positif et sympa, ça fait plaisir à lire!
Commentaire de caro.s91 posté le 24-07-2014 à 10:06:31
Vraiment dommage que vous n'ayez pas pu finir. De tels écarts de distance et de D+ en montagne, c'est une belle erreur d'organisation. La prochaine fois ca passera, j'en suis certaine !
En tout cas, beau récit agrémenté de jolies photos, ca donne envie !!!
Caro
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