L'auteur : P38
La course : Trail du Gypaète - 29 km
Date : 7/6/2014
Lieu : Thyez (Haute-Savoie)
Affichage : 4045 vues
Distance : 31km
Matos : Salomon XT-wing 3
Objectif : Terminer
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Tout d'abord je me présente (car c'est mon premier récit): je suis un grand-père proche des V3 et j'ai commencé le trail et la course à pieds fin 2010. Une trentaine de trails à mon actif avec une préférence pour les parcours en montagne (mon élément depuis longtemps). En gros, un bon diesel, pas du tout rapide mais assez endurant... L'année 2014 est difficile pour moi: une grosse blessure fin 2013, j'ai du mal à m'y remettre et je galère depuis le début de l'année pour retrouver mon niveau (qui était déjà bien bas avant!).
Je n'avais pas du tout prévu de faire ce trail du Gypaète. Un des objectifs de ma saison était le Maratour de Chartreuse le samedi d'avant, mais ça ne s'est pas du tout bien passé et je suis rentré très frustré, assez dégouté même de la façon dont ça s'est déroulé (je vous raconterai peut-être ça ultérieurement).
Pour ne pas rester sur cette mauvaise impression et pour retrouver le gout du trail, je décide donc au pied levé de faire ce trail du Gypaète: je suis un peu haut-savoyard sur les bords (bien qu'habitant en isère) et on m'en avait dit beaucoup de bien. Je m'inscris donc en dernière minute au 29 km, j'ai longtemps hésité de faire le 41 km mais j'ai eu une dure semaine auparavant et la sagesse l'emporte.
Je me retrouve donc tout seul (sans mes compagnons habituels) à Marnaz samedi matin pour prendre le car en direction du Chinaillon; je voyage en compagnie d'un vieux monsieur avec qui je discute: j'apprendrais plus tard que c'est Lucien Burgolzer et qu'il a 74 ans!
On passe par le col de la Colombière que je connais bien et ses superbes paysages et on aperçoit les premiers du 74 km qui descendent jusqu'à la station.
On a 1 h d'attente au Chinaillon car le départ est à 11h: tard, trop tard. car on comprend vite qu'il va faire très très chaud! Au repos c'est dur de rester au soleil et ça inquiète tout le monde, les gens se mettent tous à l'ombre en attendant.
A 11h on a un briefing rapide: on nous dit que des ravitaillements supplémentaires sont prévus mais qu'il faut faire attention à la chaleur. Le départ donné ça part très vite sur le goudron surchauffé, je décide de partir vite contrairement à d'habitude. Après avoir quitté le village, on grimpe raide dans la forêt, un peu d'ombre mais c'est très chaud et tout le monde semble à bloc. Une légère descente et on remonte en direction de l'aiguille Verte.
Je trouve que ça monte vraiment vite et je finis par lever le pied et termine tranquillement. Après une montée raide on chemine sur une arête superbe: c'est magnifique et je prend le temps de faire des photos.
On rejoint un col et on commence la descente sur le Lac de Lessy; Il y a beaucoup de neige et de la boue, je m'éclate dans ce genre de terrain et je double beaucoup de monde.
Au loin on apreçoit le Col de sosay et le deuxième montée du jour. Le terrain n'est pas facile mais je me sens bien et monte à un bon rythme à quelques mètres de Lucien Burgolzer, que je suis à distance depuis le départ. Au col c'est la surprise: beaucoup de neige! On descend en dévers et ça glisse beaucoup. Ca me rappelle l'Altispeed de l'année dernière. Devant moi, Lucien se prend une grosse boîte et dévale le névé jusqu'en bas. Il se relève avec l'aide des secouristes, il saigne mais refuse les soins: il veut terminer 1° en V4 et il a un concurrent (unique je crois) qui le talonne! Il repart à grandes enjambées!
On arrive aux grandes étendues du plateau de Cenise, le paysage et le terrain changent et ça devient très roulant sur de grandes pistes. Un ravito, je bois beaucoup (c'est mon obsession depuis le départ avec la chaleur) mais je n'arrive pas à manger. Sur les pistes je me sens bien et je cours à un bon rythme en doublant pas mal de monde.
On plonge ensuite sur Mont-Saxonnex, la descente devient de plus en plus raide et finit par devenir humide; je me casse la figure dans la boue et je me calme (un concurrent s'est fait mal à cet endroit et attend les secours). On arrive au village et au ravitaillement. Tout le monde est dehors et applaudit, c'est vraiment très sympa. Le ravito est très complet et les bénévoles sont aux petits soins. Un monsieur s'occupe de moi et me dit qu'il va devoir arrêter pour aller traire ses vaches! Pour moi tous les voyants sont au vert. J'ai mis un peu plus de 3h pour faire les 17km et il ne reste plus beaucoup de D+ à faire (enfin c'est ce que je crois). Je suis content, je vais faire un bon temps...Cruelle erreur!
Je repars, on retraverse le village et ça monte tranquillement par paliers. Il fait très chaud et je sens que ma forme devient moyenne. Je baisse le rythme et mange un peu: je me suis très peu alimenté jusque là, je n'ai pas la sensation de faim et je pense surtout à boire...La chaleur devient accablante et ma forme se dégrade rapidement. On traverse une colonie de vacances où un ravitaillement en eau est improvisé. Un peu de goudron, on descend et on attaque LA montée. Car je n'avais pas bien étudié le parcours, il reste une grosse bosse: la montée au lac Bénit, horriblement raide dans la forêt. Et la je suis scotché, la grosse défaillance...J'avance à un rythme d'escargot, l'altimètre ne semble pas bouger! Un nombre important de concurrents me double (beaucoup de coureurs du 41 km qui vont assez vite). Tout le monde a l'air de souffrir mais je suis vraiment au plus mal! On m'encourage, un traileur me tape sur l'épaule et me dit de m'accrocher; je dois avoir une mine épouventable. Je comprends mon erreur: obsédé par l'hydratation, je n'ai pas assez mangé et je suis complètement en hypoglycémie. Je prends un gel mais c'est dur de récupérer dans ce terrain. Car c'est de plus en plus raide, un mur avec un mauvais sentier. Un calvaire! Je mets un pas devant l'autre, on finit par arriver à une partie moins raide, je me sens un peu mieux. En rejoignant la piste de ski, je passe devant deux concurrentes d'un duo, allongées dans l'herbe, puis un coureur assis en train de grignoter: je ne suis pas le seul à souffrir...
Devant moi, la paroi du Bargy et ses yeux qui me rappellent de beaux souvenirs de grimpe (il y a 30 ans!!!).
J'arrive au ravito: il y a des coureurs affalés partout, ça a été dur pour tout le monde me disent les bénévoles; je m'assieds sur une chaise et récupère, en essayant de manger mais ça ne passe pas. J'ai mis plus d'une heure et demie pour faire les 5 km depuis le ravito précédent. Il y a beaucoup plus de D+ que prévu car l'alti me donne plus de 1800m déjà... Je repars en me disant que l'objectif maintenant c'est de terminer, il n'y a plus que la descente, ça devrait aller: au début c'est assez facile effectivement sur un bon chemin, mais rapidement ça se gate, c'est raide, très boueux avec des racines. Et puis c'est une descente avec des montées! Des relances, des coups de cul et une bonne bosse, pas l'idéal quand on est au bout du rouleau comme moi. J'avance à mon rythme et je me fais doubler par beaucoup de monde. Heureusement il y a plusieurs ravitos improvisés avec de l'eau (même des particuliers qui ont sorti leur table de camping). Je finis péniblement par arriver dans la vallée, il fait vraiment très chaud (34° on m'a dit). Le terrain devient plus facile, je retrouve des jambes correctes. Sur le bitume, j'arrive à courir à un bon rythme et je redouble des concurrents qui ont l'air au bout du rouleau également et qui marchent!
Le gymnase et l'arrivée, une chaise, un verre d'eau, une bière...J'ai mis 6h30, moins de 5km/h de moyenne! Il y avait plus de 31 km et pas loin de 2000m d+, beaucoup plus que prévu. Autour de moi, je vois des visages bien épuisés, des concurrents du 41 et du 74 arrivent complètement explosés par la chaleur. Il y a eu beaucoup d'abandons!
Mais je suis content: une ambiance conviviale, un parcours superbe et montagnard, une organisation impressionnante (bravo pour les ravitos supplémentaires improvisés), beaucoup de spectateurs tout au long du parcours. Vraiment un superbe trail, mais bien plus dur que prévu!
2 commentaires
Commentaire de loiseau posté le 08-06-2014 à 17:30:46
Merci P38 pour ce joli récit bien illustré, ça me rappelle de bons souvenirs de randonnées dans le coin.
Bravo surtout d'avoir su rebondir après ta déception en Chartreuse, et d'avoir trouvé le morale pour continuer avec une hypoglycémie et cette chaleur !!
Commentaire de guigou posté le 09-06-2014 à 10:46:22
Bravo P38 pour être allé au bout, c'était vraiment dur ce samedi, nous avons vécu la même course... j'étais sur le 41, coup de calcaire au km 30 avant Mont Saxonnex, au bord de l'abandon, puis j'ai terminé après avoir calé 30' au ravito...
Tes photos sont superbes, c'est vari qu'on a été gatés par le paysage et le temps, mais qu'on a subi la chaleur!!!
Bonne récup à toi
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