L'auteur : anyah
La course : Ultratour du Léman
Date : 14/9/2013
Lieu : villeneuve (Suisse)
Affichage : 820 vues
Distance : 115km
Objectif : Terminer
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C'est dans l'inconnu que j'ai rempli en avril dernier mon inscription pour l'Ultratour du Léman du samedi 14 septembre : 175 km de course à pied non stop en 29 heures, soit une moyenne de 6 km/h pour un dénivelé positif de 660 m. Je n'avais alors aucun moyen de savoir si je pouvais tenir cette vitesse si longtemps.
J'avais six mois pour me préparer et j'ai consciencieusement appliqué cette moyenne lors du 24 h du Luc-en-Provence (147 km parcourus) du 9 mai.
Cet été, j'ai suivi un plan d'entrainement "24 heures" qui m'a bien convenu, le plus important à mes yeux étant d'éviter blessure et lassitude. En résumé, cela consiste à courir 6 fois par semaine, ne pas oublier de courir vite de temps en temps et apprendre à marcher.
Les concurrents du Léman peuvent être assistés ou non. Les accompagnants ou suiveurs sont autorisés en vélo mais pas en voiture. Mark sera présent sur le parcours, garé aux ravitaillements et m'accompagnera un peu soit en vélo, soit à pied. Sur les 175 kilomètres, il y a 7 ravitaillements espacés de 18 à 33 kilomètres : c'est moins que la moyenne sur ce type de course et ça fait de très longues distances à parcourir chargé pour les solos...
Vendredi
Nous prenons quelques minutes de calme sur une terrasse au bord du lac entre un voyage fatigant jusqu'à Villeneuve en Suisse et la réunion des coureurs de 17 heures : voilà, il est temps d'entrer dans l'arène.
Présentation des coureurs dans un gymnase : chacun des 64 partants est présenté par Jean-Luc Ridet l'organisateur. Certains ont des CV sportifs à faire pâlir.
Je prépare mes dernières affaires avant le dîner pris en commun et nous rejoignons le camping pour la nuit.
Samedi
6h15, petit déjeuner sur le lieu du départ. Dernier briefing à 6h45 et nous partons à 7h : il fait jour et très doux. Les premiers kilomètres traversent une zone humide où nous courons sur des sentiers bitumés et nous traversons le Rhône. Nous sommes encadrés à l'avant et à l'arrière par des VTT pour nous guider jusqu'en France. Je ralentis autant que possible...
Les villages se succèdent et nous courons soit le long des quais, soit sur la route nationale où il faut se faire sa place, à droite quand c'est possible, à contresens quand cela ne l'est pas. Il y a beaucoup de circulation et j'écoute la musique très fort pour atténuer le bruit des voitures. Nous traversons une zone commerciale. Il y a un fléchage discret. De manière générale sur ce parcours, c'est un environnement très urbanisé malgré les magnifiques villes d'Evian et Thonon-les-Bains où nous courons sur les quais.
Un peu avant Thonon-les-Bains, j'observe des nageurs : hmmm j'irai bien piquer une tête ici un jour, ça doit être superbe de nager ou de faire du bateau dans le plus grand lac naturel d'Europe ! Jusqu'à Yvoire (km 55), il y a encore quelques coureurs dans mon champ visuel. Le circuit fait ici un crochet et quitte enfin la grande route. Nous sommes à la campagne : profitons du paysage car il est est magnifique !
Mark vient plusieurs fois à ma rencontre en vélo : il transporte surtout à boire. Au plus chaud de la journée, je bois environ 1 litre de boisson isotonique tous les 10 km. Mon alimentation solide est variée, je grignote un peu de tout, notamment des bananes séchées, des abricots, des gâteaux secs, quelques barres énergétiques ... et du fromage suisse proposé au ravitaillement ! Je cours avec un camel-bak d'un litre et une ceinture avec poches et bidon de 0.5l. Je transporte aussi une pièce d'identité, de l'argent, 2 Ipod, le road-book, à manger et mon téléphone.
J'alterne course et marche et j'avance bien. Je maintiens mes 2 heures d'avance sur la barrière horaire de 6 km/h. Nous sommes à nouveau en Suisse et entrons dans l'agglomération genevoise : des kilomètres de zone urbaine bien proprettes avec pour paysage des murs d'enceinte partout. Le lac n'est plus visible mais il n'est pas loin. A l'entrée de Genève, nous rejoignons les quais que je traverse au milieu de la foule d'un samedi après midi. C'est très beau et ça me rappelle l'ambiance de la No Finish Line de Monaco. (Petit apparté ici : quels beaux endroits j'ai traversé depuis que je fais du sport !).
Les choses se gâtent à partir du ravitaillement de Bellevue installé sur une voie rapide : félicitations aux bénévoles qui ont tenu ce ravito plusieurs heures dans un coin pareil .... J'ai fait la moitié du parcours, il est 19h00 et j'essaye de ne pas trop penser à la suite...
Il commence à pleuvoir et Mark vient à ma rencontre avec un imperméable. En passant devant la voiture, je prends mes lampes et un gilet réfléchissant. J'ai enlevé le camel-bak car avec la fraicheur je bois moins. Nous progressons maintenant sur la voie de droite de ce qui ressemble à une autoroute... Il est 20 heures j'ai arrêté de courir et je marche bien, en rythme avec ma musique : j'entre dans la nuit dans les bras de Moby.
Comme toujours quand je fais du sport, mes neurones ne sont pas alimentées : mon circuit sanguin se concentre dans les muscles. Je suis incapable de faire un calcul mental et je me trompe sévèrement dans le nombre de kilomètres parcourus. Je crois avoir fait 10km de plus que la réalité, soit 100 km en 13h30 alors que c'est 90km... Voici un difficile coup au moral mais je continue vaillamment.
Avec Chantal, nous jouons depuis ce matin à nous dépasser. Nous avons dîné ensemble hier soir et elle semble être comme moi : très concentrée et n'aimant pas le divertissement. Son mari plus disert l'accompagne en vélo. Ces deux-là ont un sacré palmarès !
De façon insidieuse, les pensées négatives s'installent dans mon esprit : des réflexions du genre "As-tu vraiment envie de faire encore 60 km en marchant ? Dans le noir et sous la pluie ? Marcher seule dans le noir le long de routes dangereuses : c'est vraiment ça que tu veux faire ? Et le danger : tu n'a pas peur qu'une voiture te fonce dessus ? A ce rythme-là, tu vas arriver hors délai ... Et Mark (qui est parti plus loin pour dormir allongé à l'arrière de la voiture) c'est dur pour lui aussi. Demain, dans quel état tu vas être ?" Bon, je ne vous fais pas un dessin : ma motivation faiblit !
Ajoutons à ceci une ampoule qui me fait bien souffrir sous l'avant du pied. Pour bien faire il faudrait que je m'arrête à la voiture et que je la perce, mais je n'ai pas le temps de faire ça : ma ridicule avance sur la barrière horaire fond sous la pluie.
Après le ravitaillement de Gland, ma progression est moins rapide : 4 km/h. Des coureurs sont là en attente de rapatriement (assuré par l'organisation). Ma décision est prise : je n'irai pas au bout. Je continue jusqu'à Rolle au kilomètre 115, il est 1h30 et ça fait 18h30 que je suis en course, soit une moyenne de 6,21 km/h arrêts compris.
... A Rolle, je monte dans la voiture et Mark ne dit ni oui ni non : nous partons ! Soulagement, euphorie, joie : que dire de mieux ? Mark ne fait pas d'effort pour me convaincre : il n'aime pas me voir souffrir et il n'est pas le meilleur dans le job d'assistant. Lui ne rêve que d'une chose : dormir enfin !
Après un coup de fil à l'organisation où on enregistre mon "retrait" (c'est bien mieux dit qu'abandon, non ?), notre retour en voiture vers le départ est laborieux : il nous faut nous arrêter plusieurs fois pour dormir et nous bouclons ce tour du Léman en voiture sous la pluie battante, en dépassant des coureurs escortés de leur cycliste. Quelle détermination ! 34 coureurs ont terminé dans les délais. Bravo à eux et merci aux charmants organisateurs !
1 commentaire
Commentaire de Free Wheelin' Nat posté le 16-09-2013 à 20:58:50
Une expérience de plus à ton actif dans l'ultra !
Il est certain que l'environnement n'a pas aidé à te porter sur ce parcours, et l'ampoule a sûrement rajouté à la morosité ambiante.
Visiblement ce retrait était une évidence mais quel mérite piyr avoir parcouru auatnt de kilomètres! Chapeau!
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