Récit de la course : Sur les Traces des Ducs de Savoie 2013, par beurt

L'auteur : beurt

La course : Sur les Traces des Ducs de Savoie

Date : 28/8/2013

Lieu : Courmayeur (Italie)

Affichage : 1490 vues

Distance : 119km

Objectif : Terminer

3 commentaires

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Ma TDS

Comme tout le monde, cette histoire a vraiment commencé en décembre 2012 lors des inscriptions (voire un peu avant dans la tête !).
Pourquoi la TDS et pas la CCC, qui semblerait plus logique en terme de progression ?
Parce que pas de tirage au sort, parceque moins de monde, et surtout parce que plus sauvage dit on ... Donc elle me correspond mieux.

Pour arriver à cet "objectif" de 2013 (en clair, ma plus longue distance), mis à part des "petits" trails en région parisienne en début d'année, il y a eu les boueuses Citadelles fin mars (73km et +/-3500m), puis l'Ardennes Méga Trail mi juin (91km et +/-4800m).
Pour parfaire le tout, il y a eu aussi la caniculaire 6000D fin juillet (64km et +/-3800m avec une fin par 38°C …), et un petit tour dans les montagnes turques histoire de marcher et de monter à 5165m peu avant la TDS ...

Mon seul objectif est de finir en un seul morceau, en moins de 33 heures.
Pas d'objectif de chrono, même si je ne peux m'empêcher de faire des règles de trois pour voir ce que ça pourrait donner, tout en sachant que ça ne sert à rien Clin d'œil
Et dans l'idéal, je souhaite passer le Passeur de Pralognan avant la nuit, histoire d'éviter la galère.

La TDS, c'est ça (le but c'est de faire Courmayeur / Chamonix, sans passer par le tunnel ...) :

 

Me voilà donc arrivé au Pays du Mont Blanc ce samedi 24/08, pour prendre possession du petit chalet d'alpage loué au dessus des Contamines (quand même 20 minutes de piste - limite carrossable sans 4x4 - pour y arriver !).
Arrivée sous une pluie battante et dans le brouillard : ambiance ! Pied de nez

 

Retrait du dossard mardi 27/08 après midi ... En plus d'une heure et demi quand même ! (le seul point à améliorer de mon point de vue).
La pression monte d'un cran.

 

Comme à mon habitude, le soir je défais tout et refais le sac.
Vers 20:00, tout est fin prêt, chargé dans le coffre de la voiture.
Suffit juste de manger, se doucher, de poser les pansements aux doigts de pieds, et d'aller coucher !

 

Courte nuit de 5 heures de sommeil, de toutes façons je n'aurais pas pu aller me coucher avant.

 

Réveil à 03:00 pour un rapide petit dèj (après coup, jolie erreur de ma part : j'ai pris le même petit dèj que celui que je prends 2 heures avant le départ d'une course, sauf que là on est 4 heures avant le départ !)
Départ à 03:35 pour récupérer Laurent et Yannick à Saint Gervais à 04:10, qui seront on ne peut plus ponctuels.
Garés au Grépon à 04:35, on file prendre une navette pour Courmayeur. Navette qui sera elle aussi ponctuelle : départ à 05:00 pour une arrivée au centre sportif de Courmayeur à 05:30.

 

Yannick file direct se positionner au départ, alors qu'avec Laurent on va attendre une petite heure au centre sportif.

Puis on se dirige vers le départ (environ 10 minutes à pieds, idéal pour s'échauffer).
La pression monte encore d'un cran : ça va, il reste beaucoup de crans à franchir Clin d'œil
On dépose les deux sacs d'allègement (un à récupérer au ravito du Cormet de Roselend, et l'autre à retrouver à la fin à Chamonix), et on se place dans le sas de départ.
Difficile de dire comment on était situé exactement, mais c'était plutôt vers la fin ! (je dirais dans les 200 derniers, mais le pointage à Chécrouit ne colle pas ...)

 

On discute, on attend.
Le jour se lève, le soleil commence à illuminer les montagnes derrière.
J'en oublie d'anticiper le lancement du GPS, et le démarre juste quand j'entends "45 secondes avant le départ" ! (inutile de préciser que la 310XT mettra plus de 45 secondes pour accrocher ..).

 


07:00 - COURMAYEUR (1 220 m) - vers la fin !

Cumuls : 0.0 km / 0 m+ / 0 m-


 

Le top est donné en musique ...
1525 coureurs à partir, autant dire que ça ne bouge pas à notre niveau !
De mémoire, on mettra dans les 2 minutes avant de passer la ligne de départ.

Folle traversée de Courmayeur que je pensais avoir filmée (en fait j'ai du mal appuyer sur le bouton ... ça commence mal cette course !).
L'ambiance est là, il y a pas mal de monde sur les côtés.
On redescend la grande route (souvenir de mon TMB d'il y a deux ans ...), pour remonter et passer au pied du centre sportif.
L'hélico qui survole la ville depuis le départ permet de mesurer l'avance des premiers Surpris

Rapidement, la piste montante commence et tout le monde arrête de courir pour marcher.
La progression se fait tranquillement, à bon rythme.
Je commence à rentrer dans le jeu.

Au replat de la télécabine, je me remets à courir tandis que Laurent continue à son rythme.

Je continue donc "seul" cette montée, surement pas la plus jolie du parcours, mais il faut bien s'extirper de la ville !
La piste est large, et ça permet à chacun de prendre son rythme et de trouver sa place.

Rapidement, le col Chécrouit se présente à nous ...

 


08:18 - COL CHECROUIT (1 956 m) - 858ème

Cumuls : 6.5 km / 801 m+ / 65 m-


 

Je regarde rapidement ce qu'offre le ravito, mais je trace direct : trop de monde, et surtout, je n'ai quasi rien bu pour le moment, donc pas de besoin de se ravitailler.

Le chemin continue en single track, donc longue file sur ce joli chemin en balcon avec le massif du Mont Blanc à main droite.

Un "boulet" ne peut s'empêcher d'essayer de doubler par la droite ... et se vautre lamentablement dans les buissons ! Je n'ai jamais compris ces gars : pourquoi ne partent-ils pas plus devant ?
Bref, rigolade générale, et le gars rentre dans le rang ... Rigolant

Le chemin continue en montée sans encombre, les paysages sont magnifiques !
Je filme un peu, et me retourne de temps en temps pour voir la longue file colorée derrière.

Je reconnais le spot où j'avais planté ma tente il y a deux ans lors du TMB : excellent, juste en face du Mont Blanc !

 


09:16 - ARETE DU MONT-FAVRE (2 435 m) - 781ème

Cumuls : 11.2 km / 1 315 m+ / 100 m-


 

De là, ça va être une descente continue de presque 500 m jusqu'au ravito du lac Combal. Pas évident de doubler, bien au contraire. D'autant qu'on croise quelques randonneurs du TMB, qu'il faut éviter Innocent

J'entends un "mais pourquoi ils ne les font pas courir sur la route en bas ??"
Je médite sur le positionnement du trail : alors que le coureur sur route considère le traileur comme un randonneur, le randonneur le considère comme un coureur sur route ... Bref, pas facile de trouver sa place !

Passage par les anciennes fermes en ruine, puis on retrouve la piste quasi plate pour rejoindre le ravito.

 


09:49-09:55 - LAC COMBAL (1 970 m) - 795ème     [BH = 11:00]

Cumuls : 15.2 km / 1 329 m+ / 579 m-


 

Rapide complément d'eau, et je mange un peu.
Il y a quand même pas mal de monde (dont des squatteurs de ravito ...), donc je ne m'attarde pas.
Je repars pour monter jusqu'au col Chavannes, quelques 600 m plus haut.

Le début est soft. On laisse le refuge Elisabeta à main droite. Et puis ça commence à monter un peu plus raide.
Au fond à droite, on voit clairement le col de la Seigne.

Dans le fond de la vallée, un agriculteur fait descendre son troupeau de vaches et le regroupe, ce qui donne un joli concert de cloches !

La montée est progressive, et je suis surpris de constater qu'il y a très peu de bouchon, même au col qu'on distingue maintenant très bien.

L'ambiance est maintenant plus montagneuse. L'arrivée au col se gère sans soucis.

 


11:03 - COL CHAVANNES (2 603 m) - 785ème

Cumuls : 19.7 km / 1 962 m+ / 579 m-


 

Superbe panorama depuis ce col où quelques supporters et les bénévoles nous accueillent !

De là, une grande descente roulante sur piste permet de reprendre un rythme de course sur 9 km.

Dès le 20ème, les maux de ventre commencent et les tendons d'Achille se font sentir … Aïe, pas bon ça ... Incertain

Un peu avant de quitter la piste, Laurent me rattrape : il a l'air d'avoir la forme !

On quitte la piste pour traverser les prairies et rejoindre le hameau d'Arpettes, point bas de cette section à 1768 m.

Puis ça remonte, forcément ! Le but est de rejoindre le prochain ravito au col du Petit Saint Bernard.
La montée se fait en 3 temps : grosse montée par un mixte de pistes et de sentiers, puis un petit replat pour arriver au lac de Verney (superbe, surtout les couleurs rouges à la fin !), et enfin une montée sèche dans les fourrés pour rejoindre le ravito du col …

Lors de la grosse montée, on discute pas mal de la montée après Bourg Saint Maurice : il faut garder des réserves paraît-il, du fait des 2000 m de positif à enchaîner pour rejoindre le passeur de Pralognan ! On verra bien …

L'arrivée au col se fait sans encombre, à un bon rythme.

 


13:32-13:45 - COL DU PETIT ST-BERNARD (2 188 m) - 771ème     [BH = 16:30]

Cumuls : 35.9 km / 2 524 m+ / 1 556 m-


 

Je commence à attaquer le salé (pas mal ce saucisson !), prends quelques barres en réserve, et refait le plein d'eau.
On reste un peu pour souffler, et on se décide à y aller …

5 minutes après le ravito, Laurent s'arrête pour régler un problème de caillou dans les chaussures, et j'en profite pour m'arrêter aussi pour enfiler mon coupe vent, 5 mètres après.
Il ne m'a pas vu m'arrêter …
Je ne l'ai pas vu repartir …
Bref, il pense que je suis devant et accélère pour me rattraper, et moi j'ai trop mal au bide pour pouvoir accélérer !
On se perd donc …

Je continue tranquillement le début de descente, peu pentu et donc assez barbant pour moi (j'en profite pour faire des exercices de respiration histoire de retrouver un semblant de ventre ! Ca fonctionne pas mal …).

La pente devient plus forte et je commence alors à m'éclater un peu plus : je sens que je suis efficace et j'aime ça !
Du coup je tombe la veste et les manchettes, il commence à faire bon.

Passage par Saint Germain, joli hameau avec son moulin à eau. Les bénévoles ont mis un peu de musique pour l'ambiance, sympa Sourire

La descente infernale continue, et je m'éclate toujours autant quand il y a de la pente.

Rapidement, on arrive à Séez, et là je m'arrête à un lavoir pour mouiller la casquette (oui, on est en début d'après midi, on perd de l'altitude, et ça commence donc à cogner pas mal !).
Je fais la connaissance de Jérôme, qui se refroidit les cuisses à l'eau fraîche !
Du coup, on continue le chemin ensemble, et on arrive rapidement à l'entrée de Bourg Saint Maurice.

L'arrivée au ravito est assez barbante : ça sent la ville et c'est plat, vivement le retour dans les montagnes ! Criant

 


15:36-15:56 - BOURG SAINT-MAURICE (813 m) - 730ème     [BH = 19:00]

Cumuls : 50.7 km / 2 571 m+ / 2 975 m-


 

Le ravito est situé en plein centre ville !
On se pose une vingtaine de minutes, histoire de bien manger et refaire le plein d'eau.
Du coup, je croise Laurent qui a pris pas mal d'avance en essayant de me rattraper !
Il repart de son côté, et je continue peu après avec Jérôme : contrôle des sacs en sortie de ravito (m'enfin, juste le téléphone, la veste et la frontale, histoire d'attaquer la nuit), et on est fin prêt pour cette fameuse montée …

Ca commence soft, en traversant la ville en fait : j'ai encore en tête le regard halluciné de certains touristes quand ils nous ont vu passer !!
On quitte assez vite la ville, tout en profitant des derniers lavoirs pour se rafraîchir.
Les dernières maisons, et ça y est, le chemin part tranquillement à l'ombre des arbres.
Le rythme est donné par Jérôme, entre 500 et 600 m/h.
On commence à voir des gars en pause le long du sentier …

Avant de traverser une petite route, on perd les arbres, et c'est aussi là qu'on voit le premier gars qui redescend parce qu'il abandonne …

Passage par le fort du Truc (un moment, on a cru être au fort de la Platte !), avec de plus en plus de mecs arrêtés le long du chemin ! …
Rapide pause technique, et on enchaîne à deux la suite des festivités … Il reste encore 400 m avant le prochain fort.

Aux deux tiers de cette montée au fort de la Platte, Jérôme baisse le rythme et je continue, en convenant de s'attendre au fort de la Platte.
La fin de la montée se fait toujours à un bon rythme.

 


17:56-18:06 - FORT DE LA PLATTE (1 997 m) - 690ème     [BH = 21:45]

Cumuls : 56.0 km / 3 741 m+ / 2 985 m-


 

Rapide pause histoire de boire un coup, mais surtout de s'habiller (manchettes, coupe vent, bonnet et gants) parce que le vent se lève, et ça sera pire "en haut" !
Jérôme arrive et on repart ensemble.

On se perd rapidement, chacun continuant à son rythme.

La montée s'enchaîne tranquillement en faisant des SMS, et le col de la Forclaz à 2369 m arrive assez rapidement.

Puis on passe par le lac d'Esola, dans une ambiance des plus montagneuses …

Après, c'est une petite descente, parfois technique, dans laquelle je croise un gars en contre sens, sans dossard.
On discute quelques minutes : en fait c'est un gars de Bourg Saint Maurice qui est monté au Passeur cet après midi pour nous voir, et là il redescend tranquille en encourageant les coureurs ! Une petite promenade de santé du mercredi après midi quoi Clin d'œil

Juste après, c'est la dernière montée pour rejoindre le Passeur de Pralognan : raide mais bien tracée en quelques lacets, on voit bien le chemin depuis le bas.
Par contre, le Passeur est bien pris dans les nuages …
Je mets le cerveau de côté pour finir cette ascension.

 


19:51 - PASSEUR DE PRALOGNAN (2 567 m) - 643ème

Cumuls : 62.2 km / 4 502 m+ / 3 155 m-


 

Simple passage par le point de contrôle, sans m'attarder plus que ça : un peu de vent, mais surtout la nuit qui arrive à grand pas …

Le début de la descente est assez technique, dans une sorte de pierrier, surtout assez humide, donc avec des pierres qui ne tiennent pas trop.
Le sommet de la descente est équipé avec de grosses torches LED en prévision de la nuit qui approche et de ceux qui sont derrière. Je suis assez content de passer de jour !
La descente est aussi équipée avec quelques cordes fixes, pas vraiment utiles je trouve ; c'est surtout que les fractionnements sont trop éloignés par endroits, et un accident est évité de justesse (en tendant la corde, un coureur a manqué d'en emporter un autre dans le vide !).

La suite de la descente est beaucoup plus cool, mais reste toujours un peu technique. Les maux de bide reviennent à la charge … Déçu

Pour finir, on passe par une grande piste sur environ 2 km pour rejoindre, sans avoir besoin de sortir la frontale, le ravito tant attendu : celui de mi course, mais surtout celui de la transition entre le jour et la nuit …

 


20:54-21:37 - CORMET DE ROSELEND (1 967 m) - 639ème     [BH = 00:45]

Cumuls : 66.6 km / 4 510 m+ / 3 763 m-


 

Je récupère mon sac d'allègement, et comme prévu, je fais une bonne pause de mi course.
Après avoir mangé un peu, je croise de nouveau Laurent, qui lui est sur le départ : on se donne rendez vous au ravito suivant, mais on se loupera sur ce coup là, trop rapide pour moi le gars Clin d'œil
Je trouve un bout de banc pour me changer : un p'tit coup de NOK, de nouvelles chaussettes, un collant long, un TShirt manches longues, un TShirt manche courtes, et le coupe vent par-dessus. J'hésite pour les gants, mais finalement j'embarque les trois paires (les fins, les chauds et les imperméables), on ne sait jamais. J'embarque aussi une simple montre, car je sais que la 310XT va me lâcher d'ici peu …
Je remange un peu et prends deux soupes bien salées.
Et puis, il faut y aller, une frontale sur le bonnet et une autre en ventral ...

A la sortie, après avoir redonné mon sac d'allègement, impossible de retrouver les gants fins …
Je reviens sous la tente, et les retrouve par terre, là où j'avais squatté : no comment !

Et c'est donc le départ de la seconde partie, dans la nuit et avec un peu de brouillard en prime.
Quelques hésitations au début du chemin, mais on trouve rapidement la piste avec les frontales au loin.
Profitant d'une trouée dans le brouillard, je me retourne et admire la procession de frontales qui descend du Passeur de Pralognan : superbe !

D'abord une piste, puis petit chemin assez humide à main gauche, et on attaque la montée vers le col de la Sauce.
On devine le chemin en voyant des groupes de frontales sur le dessus. Certains passages semblent bien raides à gauche, faudrait voir exactement ce qu'il en est de jour ! …
Je commence en deuxième position d'un groupe d'une quinzaine de personnes, puis laisse passer (je n'aime pas trop progresser en troupeau …). Je suis le groupe à distance.
On arrive au col de la Sauce à 2307 m, et je remets un gars dans le droit chemin (dans ses pensées, il partait tout droit alors qu'une grosse flèche indiquait de partir à droite !)

Après le col, la descente se fait facilement, à un petit rythme dans un groupe de 5 ou 6.

A un moment de la descente, il faut traverser un torrent par un petit pont (des planches quoi !).
Etant en mode descente, je n'ai pas mis les dragonnes.
Sur le pont, le bâton gauche reste coincé dans une pierre et me file de la main …
Je tourne la tête, et à la lumière de la frontale, je vois le bâton tomber dans l'eau et commencer à partir …
En une fraction de seconde, je vérifie les environs et n'hésite pas, je fonce sur la berge pour le récupérer !
Sauf que c'est de nuit, qu'il y a du courant et que tout va très très vite …
Mais je récupère le bâton !
Un des gars avec qui j'étais me demande "pas trop mouillé ??" : je réponds mécaniquement "non, non, ça va !".
Sauf que ça ne va pas du tout : j'ai les deux gants trempés jusqu'aux coudes, et les deux jambes trempées jusqu'aux genoux ... Déçu

Rapide bilan : il est exactement 23:00, il fait nuit, j'ai mes deux bâtons, mais je suis trempé. En pleurs
J'essore les gants tant bien que mal ; les chaussures on verra plus tard.
Je continue ma route en remuant les doigts pour ne pas me refroidir.

On passe sur un joli pont de neige, et peu après on arrive au passage du Curé.
Des bénévoles sont là et ont allumé un feu ; des coureurs en profitent pour faire une pause et se réchauffer.
Je continue le long du passage, et je ne peux m'empêcher de mettre des coups de frontale à droite pour essayer de mesurer le vide, en vain.

A noter quelques "petites" hallucinations visuelles avec les ombres de la frontale, mais rien de bien méchant Rigolant
Le chemin continue sans encombre jusqu'au point de contrôle de la Gitte …

 


23:39-23:49 - LA GITTE (1 665 m) - 623ème     [BH = 03:00]

Cumuls : 74.5 km / 4 888 m+ / 4 443 m-


 

Passé le contrôle, je reste debout pour observer : quelques coureurs sont mal en point et pris en charge par l'équipe médicale.
Je me pose sur un banc pour faire le point, et accessoirement essorer les chaussures et les semelles. Je change de gants (bien m'en a pris de prendre toutes les paires de gants !).

Je repars par le sentier en montée, seul dans la nuit.
Les frontales se font un peu plus rares : on les distingue facilement de l'autre côté au niveau de la descente vers la Gitte, mais plus difficilement dans la montée au dessus de moi du fait du chemin un peu encaissé.
Le petit sentier rejoint finalement une piste, et je peux reprendre un rythme régulier en repassant d'autres copains de galère nocturne !

Au bout de la piste, une grande tente est posée au milieu de nulle part, et un groupe électrogène crache dans la nuit. Je demande s'il est nécessaire de pointer, mais on m'explique que c'est juste un poste médical "avancé".
Il y a un peu de monde à l'intérieur d'ailleurs …
Je continue le chemin pour arriver au col Est de la Gitte : désert.

A droite, la lune se lève derrière les nuages et le ciel se colore un peu. Sourire

La 310XT me lâche dans la descente.

La descente se fait tranquillement, et rapidement on peut distinguer le prochain ravito du Mont Joly, juste en face.
Je suis assez surpris par le peu de temps nécessaire pour rejoindre ce ravito !
C'était sans compter le "petit" détour en remontant à droite, en passant par des rochers, puis par un chemin en balcon (assez raide le ravin à gauche !), et enfin en redescendant le long de la crête …
On voit bien ce détour avec les frontales éparpillées tout le long : ça va être long !

Juste avant de commencer à monter, je tombe sur un jeune assis sur un rocher, frontale éteinte.
Je lui demande si ça va, et il me répond qu'il fait juste une petite pause …
J'insiste un peu, et il m'assure que tout va bien.
Il me demande si je pense qu'en une demi-heure on sera au ravito. Je lui explique que perso, je pense mettre un peu plus que ça …
Je le laisse dans la nuit : il me dépassera 10 minutes plus tard, et on arrivera quasi ensemble au ravito.

Bref, ce détour est un passage assez galère pour moi, je commence à manquer de jus.
Je pense furtivement au chalet et à mon duvet, qui doivent se trouver à environ une demi heure de marche du ravito ...
Je chasse rapidement cette fausse bonne idée d'abandonner (pour aller me mettre au chaud dans mon duvet) : après le col Joly, je descends aux Contamines, non mais !

 


02:53-03:02 - COL DU JOLY (1 989 m) - 613ème

Cumuls : 85.6 km / 5 775 m+ / 5 006 m-


 

Rapide pause sous la grande tente blanche.
Beaucoup de coureurs livides sont assis aux tables, et une petite dizaine dort au fond de la tente, sur des lits ou à même le sol sous une couverture.
Je décide de ne pas craquer, j'ai peur de ne pas être capable de me relever si je dors un peu.
Quelques boissons et un peu de bouffe, et c'est reparti.

La descente commence par une piste large.
Je croise un gars qui me dit "bonsoir" ; je réponds par un "mais qu'est ce que tu fais là toi ???"
Mon père n'a pas pu s'empêcher de prendre la voiture pour essayer de me voir passer ...
Il est juste 3 heures du mat !!!
On fait un peu de piste ensemble et on discute un peu ; j'annonce des temps par tranches indivisibles, sans trop réfléchir en fait : 2 heures pour rejoindre les Contamines, 2 heures pour monter au Tricot, 2 heures pour descendre aux Houches, et 2 heures pour rejoindre Chamonix par ce foutu chemin le long de l'Arve …
Quand le chemin bifurque à droite vers le lac de Roselette, il repart à gauche (je ne manque pas de l'envoyer se coucher surtout, et lui donne rendez vous le lendemain !).

La descente jusqu'à Nant Borrant se fait bien, la pente est raide comme j'aime.
Dans les sous bois, je croise un gars qui est en train de monter, en mode trail, et avec qui je discute un peu ; comme tout à l'heure, c'est un gars du coin qui se fait un peu de montée pour nous rencontrer et nous encourager : sympa les gars dans le coin !

Je ne me rappelais plus que le chemin de Nant Borrant à Notre Dame de la Gorge étant aussi long et défoncé ; la progression est cependant facile, et je réussi à courir sans problème.

Passage par Notre Dame de la Gorge, et le chemin continue le long de la rivière. Et là, c'est le drame ! Surpris
Je suis mort, je n'arrive pas à courir sur ce plat descendant.
Je me force à marcher vite, mais le rythme ne suit pas.
Je continue de marcher, mais je m'endors à plusieurs reprises.
A chaque "réveil", je suis en train de dévier doucement vers la rivière ou les buissons (pourquoi, quand on s'endort en marchant, ne peut-on pas continuer tout droit ???).
Je lutte, mais il n'y a rien à faire.
Plusieurs coureurs me rattrapent : je vois les frontales arriver par derrière, me dépasser, et s'éloigner au loin, mais je suis comme scotché.
Je pense sérieusement à l'abandon et essaye de passer en revue toutes les possibilités sachant que je suis proche du chalet mais que ma voiture et les sac sont à Chamonix.

A l'arrivée au Baptieu, des supporters & assistants m'encouragent au niveau du pont : ça me réveille un peu et je lance un "merci" embrumé (j'suis pas du matin moi !).
Il y en a même un qui me suit à droite et qui me parle.
"Mais tu es encore là toi ???".
Bien sûr, mon père n'est pas allé se coucher !
Je m'en veux : de lui avoir fait passer la nuit, et d'être dans un état aussi pitoyable à ce moment.
Je lui en veux aussi : lui étant là, ça veut dire que sa voiture n'est pas loin (je la vois en passant ! ...), et donc que le chalet et mon duvet ne sont qu'à 15 minutes … non !

On se sépare à l'entrée du ravito (trop de tentation d'abandon avec cette foutue voiture !).
Il faut que je me pose et que je réfléchisse à la suite à donner à cette aventure.

 


05:02-05:41 - LES CONTAMINES (1 170 m) - 586ème     [BH = 09:00]

Cumuls : 95.4 km / 5 814 m+ / 5 864 m-


 

Je prends une longue pause, nécessaire.
J'essaye en vain de manger.
Une bénévole me sert un grand café brûlant, que je mettrai plus d'un quart d'heure à boire, assis sur un banc, dans le brouillard.

Le ravito est bien organisé (espace assistance séparé de l'espace coureur), mais une espèce de pouffe ne peut pas s'empêcher de ne pas respecter les règles : à deux (elle et son mec, aux petits soins), ils squattent un banc complet alors que sur les autres bancs on tient à 3 ou 4 comateux Criant.
Le problème s'est surtout qu'il y a plein de coureurs debout sans places assises …
Ca m'énerve, mais je ne dit rien, je garde mon énergie.

Après 30 minutes de pause, je me décide et me lève : je finirai cette course (ou du moins, je vais essayer de la finir !).
Je vais m'habiller dehors pour me stimuler avec l'air frais.

Je repars avec un gars, et en quittant la rue principale, je vérifie quand même que la voiture de mon père n'est plus là (en fait, ce n'est pas le bon parking, et il est toujours là : il attendait l'ouverture de la boulangerie pour ramener les croissants au chalet !).
La remontée des Contamines se fait tranquillement, et on arrive vite à la piste ; je reconnais le croisement qui conduit au lac d'Armancette, au bord duquel j'avais planté la tente il y a 2 ans.

Direction les chalets du Turc par la piste, puis par un petit chemin dans les sapins et leurs racines. Il fait jour, on peut tomber la frontale.
On arrive "assez vite" aux chalets. Là, je connais le terrain, et ça aide pas mal.

Descente sur les chalets de Miage pour se retrouver au pied du mur, le dernier (et pas des moindres !).
Un groupe qui fait le TMB est en train de replier les tentes : 07:00 (tiens, ça fait tout juste 24 heures ...), c'est l'heure du départ pour une belle journée de rando ! Ou pour monter au col du Tricot après 100 bornes, au choix …

Mentalement, je divise la montée en 4 parties plus ou moins égales et me fixe les points de repères associés. Je fais quelques SMS et puis je mets le cerveau de côté pour continuer ...
Sur la fin, je suis étonné de voir qu'après 100km, on rencontre encore des boulets qui coupent les lacets pour gagner une ou deux places, et qui finalement en perdront une dizaine parce qu'ils sont obligés de s'arrêter en haut ! Ca me fait sourire, tout comme un couple qui attend son coureur en haut. Rigolant

 


08:11 - COL DE TRICOT (2 120 m) - 565ème

Cumuls : 102.4 km / 6 971 m+ / 6 071 m-


 

Le début de descente est soft, puis devient assez chiant en fait, car dur de courir avec toutes ces pierres et ce chemin encaissé.
La suite est meilleure et permet de dérouler un peu.

Le passage par la passerelle du Glacier de Bionnassay me fait plaisir, ça me rappelle les ponts suspendus du Népal (mais en bien meilleur état).

La petite remontée est vite avalée, et je retrouve une sorte de motivation pour la suite du chemin en balcon, que je fais assez rapidement.

Un peu avant le point de contrôle de Bellevue, je me pose à la gare du tramway pour repasser en mode jour et virer les gants, le bonnet et le coupe vent. Cool

 


09:18 - BELLEVUE (1 801 m) - 556ème

Cumuls : 106.4 km / 7 110 m+ / 6 529 m-


 

Au point de contrôle, le bénévole m'annonce comme étant le 578ème en me disant que c'est tout à fait honorable vu les 500 abandons.
C'est la première fois depuis le début qu'on me donne mon classement, et je suis plus que surpris, je pensais être beaucoup plus loin que ça, surtout avec ce chrono !
Une question conne me traverse la tête ... Embarrassé
Serait-il possible de finir sous les 500 ? Ca sous entend de remonter 80 personnes sur 15 bornes, ce qui est mission impossible.

Indépendamment de ce genre d'idée débile, je me sens bien maintenant, j'ai même retrouvé mes jambes, les cuisses ne brûlent plus ... Sourire
Le début de descente est plutôt dans une prairie, et je le fais à un bon rythme.
La seconde partie est en sous bois, plutôt en single track pour commencer : dès que l'occasion se présente, je double un groupe d'une dizaine de coureur trop lents pour moi (j'aime les descentes, même après 100 km !) et je continue ma progression.
La fin de la descente se fait par une route : on perd vite de l'altitude, et je double beaucoup de marcheurs.

Du coup, je me retrouve assez vite au ravito des Houches : il est 10 heures du mat, et on commence à retrouver des spectateurs à l'entrée des ravitos, ça motive !

 


10:02-10:07 - LES HOUCHES (1 012 m) - 524ème     [BH = 14:15]

Cumuls : 111.2 km / 7 110 m+ / 7 318 m-


 

Arrêt express, pour ne pas perdre le rythme, le temps de manger du fromage et de boire un café serré.

Et c'est reparti, en marche rapide au début (faut bien manger le fromage !).
J'appréhende beaucoup cette dernière portion de faux plats, que je connais en partie : la dernière fois, c'était il y a 2 ans, avec 13kg sur le dos, il pleuvait, on ne voyait rien.
Là c'est différent : à l'opposé des Contamines, j'ai retrouvé la pêche depuis Bellevue, et j'ai envie de finir.
Je sais que je finirai, en rampant si il faut.
Mais autant en finir le plus vite possible.

Je me prends au jeu de courir dès le début, sur les plats et dans les descentes ; les montées, je les fais en marche rapide.
Du coup, je dépasse pas mal de monde.
Je profite surtout du panorama exceptionnel sur le Mont Blanc à main droite.
Des SMS m'encouragent pour les derniers kilomètres …

La pancarte "Chamonix Mont Blanc" est à droite du chemin : sensation difficilement explicable, un mélange de libération et de joie ! Sourire

Sans trop savoir ce qu'il reste à faire, je fais toute la fin en courant : les Gaillands, une petite remontée, un replat, l'EMHM, une longue rue, un rond point, une rue piétonne, la rue Paccard …
Des applaudissements, des touristes qui s'écartent pour me laisser passer ...
Des encouragements, encore des applaudissements ...
Je sors la caméra pour immortaliser ces instants.
Une chicane ...
Un virage à gauche ...
Une ligne droite ...
Deux gamins qui me tapent dans la main ...
Une arche ...
J'entends le speaker annoncer "ils sont sous les 500" … Une hallucination ?

 


11:03 - CHAMONIX (1 035 m) - 495ème     [BH = 16:00]

Cumuls : 119.1 km / 7 260 m+ / 7 445 m-


 

Yes ! Cool

La TDS est bouclée ...
120 bornes quand même !

J'ai du mal à y croire ... Je vais voir le temps et le classement sur l'écran télé.

J'ai du mal à y croire ... J'y retourne : il y a bien mon nom, mon temps et mon classement …

On me retire la puce, on me donne la fameuse polaire finisher et le ticket pour récupérer la caution et les sacs.
Je sors du sas et me pose sur le côté, dans mes pensées heureuses.
Je reçois et réponds aux SMS.
J'ai encore quelques doutes : je repasse une dernière fois devant l'écran de télé Clin d'œil

J'ai été trop rapide : la famille est tout juste à l'entrée de Cham, Myriam a loupé l'arrivée en se fiant aux estimations, et Stéphanie n'a même pas eu le temps de se recoiffer ! Clin d'œil

Je redescends la rue principale pour aller vers le parking du Grépon.
Je récupère des affaires propres à la voiture, et me dirige vers les douches au centre sportif.
Je récupère la caution et mes sacs d'allègement.

Une petite cloppe pour fêter ça Embarrassé
Et on va boire un verre rue Paccard en applaudissant les finishers qui continuent d'arriver au compte goutte.

Je passe voir Stéphanie en coup de vent en bas de son boulot.
Je réussi à capter Myriam.
J'assiste à l'arrivée des deux dernières concurrentes un peu avant 16:00, l'heure limite : chapeau bas !
En tout, il y aura 1021 classés sur les 1525 partants ... 33% d'abandons !!

Je remonte en voiture au chalet et dîne en famille.
Les paupières sont lourdes, et le sommeil ne sera pas dur à trouver …

 

Le vendredi, j'irai voir le départ de l'UTMB.
Le samedi, j'aurai la chance de voir arriver les trois premiers de l'UTMB (Xavier Thévenard : génial et humble !), avant de rejoindre Paris.

 

 

Petit bilan de cette course :

  • la course :
    • course dure et exigeante (33% d'abandons, je trouve ça énorme ...)
    • parcours technique et sauvage, tel qu'annoncé
    • balisage efficace (allez, quelques rubalises supplémentaires pour signaler les ravins ne feraient pas de mal !)
    • météo super clémente, on a vraiment eu de la chance
  • organisation :
    • organisation au top, bien rodée (juste le retrait des dossards à revoir)
    • bénévoles omni présents,  et … omni géniaux !
    • ambiance de folie, tout le long du parcours : de jour, de nuit, et de nouveau de jour !
  • ma course :
    • légère déception au niveau du chrono (mais vu que je n'avais aucun objectif ni aucune référence ...)
    • heureuse surprise quant à mon classement final !
    • globalement frais à l'arrivée (aucune ampoule, et chose que je n'explique pas : pas de courbature les jours suivants ...)
  • gestion de course :
    • peut être un peu fatigué au départ ?
    • mis à part le fait de ne pas partir trop devant puis de remonter, pas de gestion particulière, tout au feeling
    • quelques erreurs de gestion : le petit dèj trop tôt, le speed du départ avec le GPS, le lecteur mp3 qui ne tient pas la moitié de la course, les gants oubliés au ravito, le bâton dans l'eau et la baignade en pleine nuit, l'oubli de boire du café pour anticiper le coup de moins bien, …
    • toujours trop de temps aux ravitos (mais est ce vraiment un mal ?) : 2 heures et 35 minutes cumulées aux ravitos, sur 28 heures et 3 minutes de "course"
  • matériel :
    • contrairement à ce qu'on peut lire ou entendre : même si je ne me suis pas servi de tout (météo super clémente), je pense que le matériel obligatoire n'est pas superflu, loin de là (passages à 2500 ou 2600 m de nuit en montagne)
    • le système de poche à eau Salomon commence à me gonfler … pour ce type de course, je pense m'orienter vers un système de bidons ou de flasques
    • lecteur mp3 donné pour plus de 20 heures d'autonomie … à revoir ! (ça aide bien dans les montées)

 

Et dire qu'il y a tout juste une semaine, j'étais en train d'essayer de rejoindre le col du Joly Sourire

 

 

 

 

 

 

3 commentaires

Commentaire de franck de Brignais posté le 05-09-2013 à 21:17:33

Merci pour ton récit très détaillé, j'y ai revécu ma course (quelques places derrières !). Bravo pour ce finish hors du commun...!!

Commentaire de Greg136 posté le 05-09-2013 à 23:03:30

Super récit, on a du se suivre et se doubler un bon moment. Bravo pour ce finish vraiment énorme!

Commentaire de Louol posté le 06-09-2013 à 10:26:14

Bravo pour cette course et ce récit.

Je pense que t'as du bien rigolé en me voyant descendre le passeur de pralognan. Le faire de jour à été une bonne idée.

A revoir pour ton bain de minuit quand même !!!!!

Bon continuation.

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