Récit de la course : Marathon du Mont-Blanc 2013, par Khioube

L'auteur : Khioube

La course : Marathon du Mont-Blanc

Date : 30/6/2013

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 3932 vues

Distance : 42.195km

Matos : Chaussures Asics Trail Attack 7
Short Ronhill, maillot Kalenji
Bâtons Rocktrail (Lidl !)
Boosters BV
Sac Lafuma Cinetik 11

Objectif : Se défoncer

12 commentaires

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Sept heures au pied du Mont-Blanc...

Voici le récit de mon premier marathon, auquel je me suis inscrit un peu par hasard, par défi, par folie !


Bien décidés à profiter pleinement de ce weekend au pied du Mont-Blanc, ma chère Mathilde et moi-même arrivons à Chamonix dès le vendredi après-midi, afin de profiter au maximum du redoutable kilomètre vertical. Nous nous installons en bas du parcours, autour du D+100, et passons trois bonnes heures à encourager les nombreux participants. Le tracé est superbe et donne vraiment envie de s’y frotter un jour (moyennant pas mal de travail spécifique) ! C’est l’occasion de voir à l’œuvre beaucoup de coureurs et de coureuses dont je lis si souvent les exploits sur internet et dans les magazines : Kilian Jornet, dont on aura pu admirer le beau retour sur Mathéo Jacquemoud (et sa casquette à pois de meilleur grimpeur) dès le D+200, Emelie Forsberg et le grand sourire qu’elle nous adresse lorsque nous l’encourageons en suédois, Céline Lafaye, toujours aussi légère, ou encore le futur vainqueur colombien.

Je passe très rapidement sur le samedi – ceux qui étaient à Chamonix ce weekend comprendront aisément pourquoi. Nous avons passé la journée à attendre que la pluie daigne cesser, en vain. Heureusement, notre chambre d’hôtel est confortable et j’ai fait le plein d’épisodes de Breaking Bad avant de partir ! Le temps s’améliore légèrement en fin de journée, j’en profite donc pour aller courir une vingtaine de minutes, histoire de me faire quelques accélérations et étirements actifs. J’availe ensuite un bon bol de nouilles, des lentilles, un peu de gatosport, et au lit ! Le réveil est prévu pour 3h30, petit-déjeuner frugal, ensuite je me recouche jusque 5h40 et puis c’est parti !

Au moment de prendre le départ, je ne suis pas vraiment en confiance. J’ai peu dormi et j’ai l’estomac un peu lourd, ce qui est vraiment désagréable – tout coureur en conviendra. Par ailleurs, je n’ai pas réussi à trouver de manière satisfaisante de fixer mes nouveaux bâtons à mon sac (je sais, il est un peu tard pour s’en inquiéter), je décide donc de les porter pendant toute la course.

Pour les raisons évoquées ci-dessus, les premiers kilomètres sont un peu laborieux ; mais le début du parcours est très roulant et me permet de me mettre un peu en jambes. Histoire de ne pas trop me laisser envahir par l’anxiété face au défi qui m’attend, je me fiche le dernier album de Daft Punk dans les oreilles et profite pleinement du parcours. Les spectateurs sont nombreux, l’ambiance est joyeuse. Je me marre un peu en voyant une pancarte « Your feet hurt because you’re kicking ass » et en entendant un coureur solitaire chanter à tue-tête « There’s no stopping us right now » (Calvin Harris, Feel so Close) et s’écrier « Waouh, je kiffe !!! ». À la réflexion, il n’était pas vraiment tout seul, celui-là, mais au moins il prend son pied… Je prends les quelques buttes tranquillement, et j’accélère un peu dans les chemins, d’autant plus qu’ils sont suffisamment larges pour que chacun puisse courir à son rythme. J’arrive finalement à Vallorcine (km 18) au bout de 2 heures, soit un peu moins que ce que j’imaginais – même si je n’avais pas vraiment fait de carnet de route. Étant 15 minutes en avance sur le planning, je préviens mes parents et Mathilde de m’attendre au ravitaillement suivant.

À Vallorcine, l’heure est grave : il s’agit d’entreprendre l’ascension de l’aiguillette des Posettes. Je prends donc le temps de prendre un gel (le seul de la journée, alors que j’en avais 5 en poche), un morceau de pain et une rondelle de saucisson (je ne peux pas dire non). Je sors mes bâtons Lidl (eh oui, 29€ bien investis) et commence à monter. Au vu du dénivelé monstrueux qui m’attend (si ma mémoire est bonne, c’est un format proche du kilomètre vertical), je ne me demande pas s’il vaut mieux marcher ou courir. De toute manière, le parcours est très étroit et la menace d’un coup de bâton malencontreux décourage tous ceux qui seraient tentés de doubler. La montée commence dans un champ, s’engage ensuite dans les bois, se poursuit sur une route de type 4x4 une fois arrivé au niveau des premiers névés et se termine entre les rochers et les pierres. La vue sur le Mont-Blanc est superbe, je m’arrête pour une photo (la seule de la journée, sinon j’y serais encore tellement la vue est belle pendant tout le marathon). L’ascension de l’aiguillette me paraît interminable. Chaque butte, chaque virage me fait croire qu’il est le dernier, toujours à tort. Les bénévoles ne cessent de me dire que le sommet « n’est plus très loin », ce qui sonne systématiquement à la fois comme une bonne et une mauvaise nouvelle. Je parviens enfin au ravitaillement et en profite pour remplir mes petites bouteilles d’eau. J’ai pas mal de réserves dans ma poche mais j’ai coupé l’eau au Powerade pour avoir un peu de sucre et j’ai vraiment du mal à me désaltérer avec ce mélange, auquel je toucherai très peu dans l’ensemble. Bien qu’il fasse relativement frais tout en haut des Posettes, la montée m’a bien usé et chaque gorgée d’eau fraîche est un vrai délice. Une mention spéciale s’impose : le guitar hero qui enchaîne les tubes sur sa remorque m’aura bien fait marrer. Accompagné de son ordinateur, il est à 200 % ; à grands coups de Muse ou de Joan Jett, il m’assistera jusqu’au début de la descente des Posettes. Chapeau l’artiste !

Il est à présent l’heure d’entamer la descente vers Argentière et le ravitaillement de Tré-le-Champ, où m’attend (très patiemment) ma famille. Ayant un bon pied et aimant prendre des risques, je me réjouissais depuis des semaines à l’idée de descendre ce col avec l’aisance et la vitesse d’un chamois (ou presque) ; mais le terrain est loin d’y être aussi propice que je l’imaginais. Il est étroit, extrêmement technique, il y a énormément de pierres et des marches en bois très glissantes. Je tire vite la conclusion qu’il serait imprudent de se précipiter : ce serait la garantie, sinon d’une entorse, au moins de grosses douleurs dans les cuisses une fois arrivé en bas. Je décide donc sagement de la jouer prudente (ce qui ne m’empêchera pas de me faire quelques débuts de frayeurs), ce qui ne m’empêche pas de gagner quelques places en doublant des coureurs moins téméraires ou commençant à souffrir de crampes. Une fois que j’arrive dans les bois et dans le village en bas (dont je ne connais pas le nom, faute d’avoir suffisamment étudié le parcours), la descente est douce et roulante, je peux donc dérouler tranquillement jusqu’au ravitaillement de Tré-le-Champ (km 31), où j’arrive au bout de 04:35 de course, avec plus de 1500m de dénivelé dans les guiboles.

Ravi de retrouver le team Khioube, je m’arrête cinq bonnes minutes, le temps de faire le plein d’eau, de manger un Tuc ou deux et de faire le bilan. Jusqu’ici tout va bien, mais je redoute l’ascension suivante, bien qu’elle soit relativement modeste comparée aux Posettes (500m de dénivelé positif pour une distance de 6km). Je n’ai pas encore mal aux jambes, mais je commence à avoir vraiment chaud. C’est ma chance et ma malédiction cette année : à l’exception de la Saintexpress (et c’est bien normal), toutes mes courses auront eu lieu sous un soleil radieux, ce qui ne me réussit pas vraiment (mes fameux gènes britanniques, toujours). La température varie énormément en l’espace de quelques secondes, si bien que je me commence à m’arrêter dès que je trouve un coin à l’ombre d’un sapin pour boire et souffler. J’ai du mal à me désaltérer et à faire disparaître l’arrière-goût sucré du Coca ; plus je bois, plus j’ai l’impression d’avoir une outre à la place de l’estomac. Tous les moyens sont bons pour faire baisser la température, l’eau sur la nuque, tremper le buff dans un ruisseau, troquer le buff contre une casquette… Heureusement pour moi, il aura suffi d’arriver en terrain découvert pour que le vent se mette à souffler et transforme mon tee-shirt gorgé d’eau en frigo, ce qui constitue un vrai soulagement. Je continue mon ascension vers le ravitaillement de La Flégère. Le trajet me paraît d’autant plus long que le ravitaillement est visible depuis un bon moment. Il paraît être à hauteur d’yeux, mais le chemin descend pendant quelques kilomètres avant de remonter. Les bâtons sont un soutien de plus en plus précieux ; tout le monde autour de moi semble vraiment pressé d’en terminer.

J’aurai mis 6h06 pour rallier le dernier ravitaillement avant la ligne d’arrivée. À nouveau, je bois beaucoup, je prends un dernier bout de pain et je me renseigne auprès des bénévoles pour savoir exactement à quelle sauce je vais être mangé. On m’apprend qu’il ne reste « plus que » 6 kilomètres, qu’il y a quelques « coups de cul » et que j’ai tout intérêt à en garder sous le pied pour la dernière montée. Lorsque je quitte le ravitaillement, je suis heureux de constater que le terrain est suffisamment roulant pour pouvoir courir à une allure normale, ce qui ne m’était presque plus arrivé depuis Tré-le-Champ. Je commence à entendre la voix du speaker au loin, mais je ne suis suffisamment lucide pour ne pas trop y prêter attention. Je ne peux toutefois m’empêcher de jeter un œil sur le chrono ; il est trop tard pour finir en moins de 6h30, mais c’est encore jouable pour rester sous les 7h de course. Il va falloir se dépêcher, par contre ; je relance un peu la machine, mais doit rapidement m’arrêter pour apporter un peu d’aide à un coureur hollandais qui a l’air de souffrir beaucoup de ses crampes. Je reste une ou deux minutes auprès de lui et le laisse derrière moi après m’être assuré qu’il pourrait continuer en marchant. L’espace d’un instant, je commence à me dire que si je finis au-delà de mon objectif, je pourrai toujours invoquer ce moment de charité. Mais ce n’est pas le moment de se chercher des excuses – pas aujourd’hui ! Je repars donc de plus belle, jusqu’à n’être plus qu’à un kilomètre de la ligne d’arrivée. Cette fois, l’arche est bien visible. Les spectateurs sont très nombreux et, dans ce paysage de pierres, j’ai l’impression d’être au sommet du Mont-Ventoux. Grâce aux dossards personnalisés, les « allez Guillaume ! » m’aident à garder courage. J’affronte la pente en poussant aussi fort que possible sur les bras ; je m’efforce de résister à la tentation de regarder la distance qui me sépare encore de l’arrivée. Le speaker commence à compter les minutes, puis les secondes qui restent avant de passer la barre des 7h de course ; le temps qu’il annonce ne correspond évidemment pas à mon chronomètre et me laisse l’espoir de finir. Dans un dernier effort je passe le dernier virage et me retrouve à une centaine de mètres de l’arche.

Trente secondes encore, je finis en courant et c’est dans un état second que je franchis la ligne et me vois remettre la précieuse médaille de finisher, au bout de 06:59:50. Je suis tellement heureux (et soulagé) d’en avoir fini et d’avoir réussi à me battre jusqu’au bout contre le chronomètre que je ressens l’envie subite de pleurer – envie à laquelle je résisterai tout de même. Je peux enfin ranger les bâtons, descendre les quelques gorgées d’eau qu’il me reste et rejoindre mes chers supporters qui ont eu la grande patience de m’attendre au sommet.

En guise de bilan, je ne peux que me réjouir de ce weekend, qui était déjà un succès avant même la course, puisque j’ai récolté 700€ pour l’association partenaire du marathon, « Vaincre les Maladies Lysosomales ». Je suis également heureux d’avoir tenu la distance pour cette première expérience de « maratrail ». Bien qu’ayant souffert dans les derniers kilomètres j’ai toujours été en mesure de courir dans les parties plates, à une vitesse correcte, ce qui montre que j’en avais encore dans les jambes. De là à en conclure que je devrais m’orienter vers l’ultra-trail, il n’y a qu’un pas… mais je ne le franchirai pas. Je suis content d’avoir, pour une fois, réussi à ne pas faiblir vers la fin, sous prétexte que l’essentiel est fait ; le « pavé d’or » manqué de peu au Lyon Urban Trail m’aura sans doute un peu servi de leçon. Les bâtons se sont montrés d’un grand secours et je suis bien content d’avoir pris le risque de les emmener. Compte tenu de ma maladresse légendaire j’étais persuadé que je finirais, à un moment ou à un autre, par embrocher quelqu’un. J’ai donc été particulièrement attentif tout au long du parcours et je n’ai pas eu de problème. Je note au passage que la majorité des coureurs semble ignorer le principe de base selon lequel on court les pointes en avant lorsqu’on ne se sert pas des bâtons. Cela paraît tomber sous le sens mais il y a visiblement un travail de pédagogie à faire…

Au niveau de l’alimentation, je ne sais pas trop quoi conclure de cette course, si ce n’est que je vais laisser tomber le gatosport. Dîner normal, petit déjeuner normal, ça ira très bien, dorénavant ! Je n’ai presque rien mangé pendant la course mais cela ne m’a pas manqué. J’ai eu l’impression de boire pas mal, mais avec tellement de parcimonie qu’au final j’ai dû boire 1.5l entre tout, grand maximum. Par contre il va falloir oublier le Coca aux ravitaillements, parce qu’autant ça fait plaisir sur le coup mais ensuite je le regrette. Il n’en sera que meilleur une fois passée la ligne d’arrivée !

Enfin, très peu de courbatures, ce qui est également une très bonne nouvelle. Je ne sais pas vraiment quoi en conclure, du reste. Est-ce que j’ai juste une bonne capacité de récupération ? Est-ce que cela veut dire que je n’ai pas trop poussé la machine ?

En conclusion, je suis ravi d’avoir participé à cette magnifique épreuve et d’avoir pu côtoyer les plus grands noms du trail au milieu des sommets. Maintenant que j’ai « rencontré » Kilian Jornet et que je l’ai vu à l’œuvre, il ne me reste plus qu’à me préparer pour l’édition 2014 et trouver la réponse à cette ultime question : comment battre Kilian Jornet ?



12 commentaires

Commentaire de Jean-Phi posté le 03-07-2013 à 13:29:47

Chouette récit ! Quelle belle course n'est-ce pas ?
Pour battre KJ, une seule solution : Ne pas l'affronter, c'est la seule possibilité ! ^^
Encore bravo pour ta course !

Commentaire de Khioube posté le 03-07-2013 à 18:30:05

Ce serait vraiment la seule solution, alors ? Quelle tristesse... :)
Merci !

Commentaire de Arclusaz posté le 03-07-2013 à 14:10:03

Les "britanniques" ont toujours aimé Chamonix ! tu étais donc chez toi (au fait, le village en bas des Posettes, c'est Le Tour).

Bravo pour ta course, mélange de maitrise et d'approximation (alimentation, hydratation, peu d'habitude des bâtons, méconnaissance du parcours....) ce qui te laisse une énorme marge de progression même si ça va déjà bien vite !

Commentaire de Khioube posté le 03-07-2013 à 18:31:43

Merci pour la précision, Laurent !
C'est vrai que c'était très "au feeling", comme course - comme toujours. Il faudra que je voie comment rationaliser ma course la prochaine fois... peut-être en échangeant plus avec d'autres coureurs !

Commentaire de snail69 posté le 03-07-2013 à 18:54:00

Félicitations pour l'esprit avec lequel tu as couru ce marathon: pas de prise au sérieux, collecte de fonds et assistance aux participants en détresse. Chapeau bas.
Nous t'attendons sur un prochain OFF à Lyon ;-)

Commentaire de Khioube posté le 04-07-2013 à 00:00:33

Merci, snail69 ! C'est bien aimable. Je tâcherai de me joindre à vous à l'avenir, si toutefois mon emploi du temps de ministre me le permets... :)

Commentaire de bubulle posté le 03-07-2013 à 20:42:42

Diable, ferais-tu partie des victimes du duo Sabubulle entre Tré le Champ et la Flégère.....j'en ai bien peur..:-). Mais à ce point là de la course, dur dur de reconnaître le camarade kikoureur en passant, d'autant que j'étais, perso, le mors au dents sur ce bout de parcours, à relancer sans cesse.

Peut-être un peu plus de gestion de course pour une prochaine fois et les 6h30 seront là, je n'en doute pas!

Merci pour ce beau compte-rendu, très bien écrit.

Commentaire de Khioube posté le 04-07-2013 à 00:02:24

Effectivement, vous avez eu dû me passer devant pendant ce qui fut pour moi une longue errance... Il faudra effectivement que je planifie mieux ma course la prochaine fois. Je ne sais pas exactement ce que cela implique, mais peut-être qu'en m'appliquant à battre mes temps sur les trails "longs" de cette année (notamment aux Cabornis) j'arriverai à voir où je peux progresser. 6h30, ça me paraît bien jouable, en effet !

Commentaire de sabzaina posté le 07-07-2013 à 07:06:56

Bravo Guillaume, tu t'es battu jusqu'au dernier moment pour passer sous les 7h et tu as réussi :)

Commentaire de Khioube posté le 08-07-2013 à 14:14:33

Merci beaucoup ! Et bravo pour ta course, tu as l'air d'avoir passé un sacré moment. :)

Commentaire de Shoto posté le 20-02-2017 à 08:01:35

Merci pour ce beau recit. Je prépare le marathon du mont blanc 2017 et je profite de tes conseils et de ton expérience.

Commentaire de Khioube posté le 11-03-2017 à 23:31:42

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