Récit de la course : 24 heures de Ploeren 2012, par patrickND

L'auteur : patrickND

La course : 24 heures de Ploeren

Date : 8/12/2012

Lieu : Ploeren (Morbihan)

Affichage : 888 vues

Distance : 176km

Objectif : Se dépenser

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24 heures de Ploeren - avec les forçats du bitume

1 heure du matin le dimanche 9 Décembre, je suis allongé sur un lit de camp dans un gymnase au fond de la Bretagne, encore emmitouflé dans mes vêtements de course à pied afin de me réchauffer car la température extérieure est à peine supérieure à zéro. Cela fait déjà 13 heures que j’ai pris le départ des 24 heures de Ploeren et mon compteur affiche 105 km. Il faut se faire violence pour se lever et repartir…

Comment suis-je arrivé là ? Petit flash-back trois mois plus tôt : Après le Challenge Copenhague j’ai connu un « creux de forme », probablement lié à une légère carence en fer mesurée par une prise de sang. J’ai l’impression d’être toujours fatigué  et  de me traîner à l’entraînement.  Ma fréquence cardiaque de repos oscille entre 45 et 47, alors qu’elle est d’habitude de 40-41. Mon médecin me prescrit une cure de Tardyferon sur 3 mois. Après le sprint par équipe de Bondoufle début Octobre, je suis tenté de faire une croix sur les compétitions pour 2012, mais en même temps j’aimerais bien trouver un objectif de fin d’année pour me motiver à m’entraîner pendant l’automne.

A priori je voudrais faire un trail long comme la Saintélyon, l’Origole ou le Loup Blanc. En consultant l’excellent « calendrier du sportif » de Dom, je recherche ce qu’il y a comme courses en Bretagne en Décembre, car je passe une partie de mon temps à Rennes chaque semaine depuis plusieurs années et n’ai encore jamais couru dans cette région. C’est comme cela que je tombe sur le descriptif de cette course de 24 heures organisée à Ploeren, près de Vannes et dont les bénéfices sont reversés au Téléthon.

La première fois que j’avais entendu parler de ce type de courses il y a environ 15 ans, je m’étais dit qu’il fallait vraiment être fou pour participer à une telle épreuve, qui me paraissait être la quintessence de l’absurdité et de l’ennui. Mais en même temps, les courses circadiennes m’ont toujours fasciné, justement en raison de leur côté austère et dépouillé: pas besoin de matériel onéreux pour y participer, pas besoin de partir au bout du monde pour  courir une distance la plus longue possible… Je me dis que c’est l’occasion de sauter le pas et de découvrir ce genre d’épreuve, et je renvoie mon bulletin d’inscription fin Octobre (avec la modique somme de 24 euros, un prix imbattable, loin de l’inflation des tarifs des triathlons et des ultra-trails).

J’ai environ 7 semaines pour me préparer et pas le temps (ni la motivation) pour augmenter significativement mon kilométrage hebdomadaire, d’autant plus que cela correspond à une période où je dois multiplier les déplacements professionnels en province. Par contre j’essaye de courir régulièrement en « pré-fatigue » avec ma séance fétiche hebdomadaire qui consiste à courir 20 mn en échauffement jusqu’au Passage des 100 Marches le long des Bords de Marne (en réalité 113 marches) et d’enchaîner une vingtaine de montées/descentes en alternant les montées en force (deux marches à la fois) et les montées en fréquence, puis de repartir sur 10 km en endurance. A la fin de mon cycle de préparation j’arrive  à enchaîner 24 fois ces escaliers. Cela me fait également un bon renforcement musculaire des quadriceps et des ischios. Peu de sorties longues en cap dans mon programme (la plus longue ayant fait 25 km), mais j’essaye de rouler au moins 4 heures à vélo le dimanche et je garde quand même au moins une séance rapide par semaine (fartlek court ou long), afin de ne pas trop  me « diéseliser ». Une angine mi-novembre perturbe un peu mon entraînement, mais globalement j’ai pu faire environ 12 heures d’entraînement hebdomadaire (16 heures maximum la semaine de la Toussaint), avec 50 à 70 km de càp par semaine.  La natation fait les frais de cette préparation, et je déserte totalement les entraînements club à Delaune à partir des vacances de la Toussaint, nageant 2 fois une heure par semaine seulement. Début Décembre j’ai retrouvé un niveau de forme correct, que je vérifie avec ma fréquence cardiaque de repos redescendue à 40 pulsations/mn.

L’automne étant particulièrement pluvieux en Bretagne cette année, je m’attends au pire en ce qui concerne les conditions météo. J’arrive à Ploeren avec un énorme sac plein de tenues de rechange pour pouvoir faire face au froid, au vent et à la pluie.  Le départ de la course a lieu le samedi midi depuis un gymnase municipal, dans lequel a été installée une salle de repos avec des lits de camp où nous pourrons nous changer et prendre des pauses, et nous avons également des emplacements  attribués pour déposer nos ravitaillements personnels (en plus des ravitaillements fournis par l’organisation).

En fait, les conditions météo sont assez agréables le samedi midi, avec même un peu de soleil ! Je prends donc le départ en cuissard plutôt qu’en collant. Pas vraiment de stratégie de course prédéfinie : je vise environ 180 km (parce que ça correspond à la distance vélo sur IM), en faisant le moins de pauses possible. Je me fixe d’abord comme objectif d’atteindre les 100 km sans être « dans le rouge » en 10 heures environ, puis  j’aviserai pour la suite.

La boucle à parcourir, longue d’1 km, n’a pas un charme fou… on tourne autour d’un stade, avec un passage de 200 m sur terrain stabilisé et le reste sur du bitume parfois un peu défoncé. A chaque kilomètre on retraverse le gymnase où on peut se ravitailler. Le parcours n’est pas totalement plat, notamment à l’entrée et à la sortie du gymnase : un « dénivelé » ridicule, mais qui fera mal aux jambes quand on approchera de la fin de la course…

La course se fait en individuel ou en équipe, donc certains partent « à fond la caisse » puisqu’ils n’auront à courir qu’une heure. Parmi les individuels, il y a du beau monde,  comme Christian Dilmi (Champion de France de 24 heures en titre, avec une marque à 251 km !) et  plusieurs coureurs avec des records au-delà de 200 km.

Ce n’est évidemment pas très spectaculaire à regarder, et le public n’est pas extrêmement nombreux. Il y a quand même un peu d’animation dans le gymnase et une sono qui passe des tubes des années 80 (« Voyage Voyage », « Les Démons de Minuit », et autres « Call me »).  L’ambiance est assez conviviale : comme nous sommes une centaine de coureurs sur la boucle, on a toujours du monde autour de soi et on bavarde les uns avec les autres. Je retrouve d’ailleurs René, avec qui j’avais couru le Raid des Trolls en Norvège il y a 14 ans, et nous courons côte à côte pendant quelques temps. Mon maillot « Champigny Triathlon » suscite pas mal de questions, beaucoup de coureurs me demandant de quelle région est ce club.

Nous avons une puce à la cheville qui enregistre nos tours et un tableau d’affichage électronique permet de suivre son kilométrage à chaque passage dans le gymnase. Je pars sur une base d’un peu moins de 11 km/h, et passe au marathon en moins de 4 heures, en étant confortable (heureusement !). Le mental est bon, je ne ressens pas encore de lassitude. Il y a un petit vent frais par moments, mais  globalement les conditions restent bonnes. Je m’arrête au ravitaillement tous les 4 tours, où je me contente d’un verre de coca et/ou eau pétillante plus quelques carrés de chocolat. Je réserve les ravitaillements plus conséquents pour plus tard.

Après le 50ème km (en moins de 5 heures), cela devient un peu plus dur. La température baisse et je m’arrête pendant 10 mn au 60ème km pour me changer, mettre un collant et une veste. Je soigne une petite ampoule au pouce et repars avec des chaussures de trail Asics, à la semelle plus épaisse que les Saucony que j’ai utilisées depuis le départ. La nuit tombe et la monotonie devient plus pesante, les tours paraissent de plus en plus longs et ma vitesse chute sensiblement. Je tâche néanmoins de tenir mon objectif et de ne pas faire de pause avant le 100ème km. Heureusement il y a des ravitaillements chauds : soupe au légume, café ou thé, qui aident à affronter le froid. J’ouvre une première canette de Red Bull de mon ravitaillement personnel quand je me rends compte que je m’endors en courant…

Après avoir atteint le 100ème km en un peu moins de 11 heures, je connais un passage à vide : je marche pendant 5 km, mais du coup le froid me paraît beaucoup plus vif et je décide de faire une pause pour me réchauffer. C’est assez surréaliste d’aller ainsi s’allonger sur un lit de camp pour faire une « micro sieste », et  j’appréhende de m’endormir pour de bon et de me réveiller 8 heures plus tard. En fait je ne trouve jamais le sommeil (merci Red Bull), mais ça me fait quand même du bien de rester allongé pendant une heure.

Le redémarrage en pleine nuit à une heure du matin est difficile : les jambes sont lourdes et la nuit paraît bien froide après être resté au chaud pendant une heure… Je décide de me fixer comme « micro objectif » de courir 15 km avant de faire une deuxième pause, en découpant cette distance en 3 tronçons de 4 km et un dernier de 3 km (avec arrêt au ravitaillement à la fin de chaque tronçon). C’est plus facile psychologiquement de se focaliser sur des petites distances que de penser à l’objectif final et de se dire qu’il me reste encore 75 km à courir… Ma vitesse moyenne est ridicule, puisqu’il me faut 1H45 heures pour venir à bout de ces 15 km.

Je prends ainsi une nouvelle pause de 45 mn à 120 km, repart à 3H30  pour 15 km de course et fait une dernière pause à 5H15, qui me permet de repartir à 6H00 avec 135 km au compteur. Malgré les 3 canettes de Red Bull consommées pendant la nuit, je suis un peu fracassé. Les projections de kilométrage final  s’embrouillent dans mon esprit, et j’essaye juste de continuer à mettre un pied devant l’autre en trottinant à 8-9 km/h le plus longtemps possible. Presque tout le monde  a l’air de souffrir, à part quelques « extra-terrestres » qui finiront avec plus de 200km courus. 

Le soleil fait heureusement son apparition et la température devient plus agréable, ce qui me permet d’enlever une couche de vêtements. Des « coureurs  du dimanche » viennent se joindre à nous pour quelques tours (moyennant un don au Téléthon), mais j’ai de plus en plus de mal à avancer. Il y a aussi quelques coureurs qui viennent participer à l’épreuve des 6 heures entre 6 heures et midi. Parmi eux, le speaker de la course est très fier d’annoncer qu’il y a « Bernard de Koh Lanta », qui est apparemment une célébrité locale.

 Vers 9 heures, je craque, je me mets à marcher et je n’ai plus la volonté de repartir en courant. J’en suis à 159 km, normalement il ne me reste qu’un semi-marathon à courir en 3 heures pour arriver aux 180 km, ce qui devrait être une formalité, mais je n’ai plus de «jus ». En marchant à 6 km/h environ, j’arrive à terminer la course avec 176 tours parcourus, un peu en dessous de mon objectif, mais vraiment heureux d’en finir, de pouvoir me changer et d’aller prendre une douche.

Epilogue : j’étais « mort » le dimanche après-midi et j’ai eu des courbatures monstrueuses aux jambes jusqu’à lundi. J’avais deux ongles noirs aux pieds (hématomes sous unguéaux), que j’ai soignés rapidement en perçant les ampoules à travers les ongles. Mais dès mardi ça allait mieux, même si j’ai attrapé une « crève » carabinée. Au final ce n’était donc pas « inhumain » comme épreuve, mais même si c’était une expérience intéressante, je ne suis pas sûr de la retenter tout de suite…

1 commentaire

Commentaire de co14 posté le 20-12-2012 à 20:02:47

176 kms bravo, merci pour le recit qui m a fait revivre mon 1er 24h aussi avec bcp moins de kms mais les memes douleurs:)

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