Récit de la course : Trail des Hospitaliers 2012, par guigou

L'auteur : guigou

La course : Trail des Hospitaliers

Date : 4/11/2012

Lieu : Nant (Aveyron)

Affichage : 1660 vues

Distance : 75km

Matos : Saucony Xodus 3
Batons Leki Traveller carbon
Sac Oxytis
Frontale Stoots 400

Objectif : Pas d'objectif

1 commentaire

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Les Hospitaliers 2012 : un beau voyage au bout de la nuit

 

L’air est humide mais doux, ce dimanche matin, dans les montagnes aveyronnaises. Si humide que je suis trempé, mais la température clémente est agréable, tout comme ce joli sous bois aux couleurs d’automne. Nous sommes le 4 novembre, il est 7h30 le matin, un peu tôt pour la promenade dominicale, mais si je suis là à crapahuter dans les feuillages, c’est par que je suis en train de courir le « Trail des Hospitaliers ». Pour l’instant, tout va pour le mieux, je devrais juste me méfier un peu de ces pierres dissimulées sous les feuilles  de noiset…

Clac !

Je chute à terre sur un lit de feuilles mortes qui amorti ma chute… ma cheville droite vient de se vriller violemment, je hurle de douleur, mais aussi de dépit. 20 petits kilomètres, et c’est déjà fini ?

Tout ça pour ça ?

Quoi tout ça ? En un bref instant, ces longs mois de préparation défilent en accéléré devant mes yeux…

L’arrivée au bout de la « 6666 Occitane », début juin, épuisé, déshydraté, mais « finisher » de cette fournaise de 120km et presque 7000 m de dénivelé dans l’arrière pays biterrois. Mais cette envie si forte de repartir, d’où mon inscription aux « Hospitaliers »…

Ces sorties de reconnaissance, où j’ai pu par deux fois prendre la mesure de ce beau parcours qui devrait s’offrir à moi…

Ces séances d’entrainement, avec Jonathan, mon « binôme » traileur, avec qui j’ai arpenté le massif de la Gardiole en long en large et surtout en travers, et notamment notre dernière sortie sous des trombes d’eau où nous remontions les torrents formés sur nos monotraces favoris, tels des saumons regagnant la source originelle

Bref, que de km accumulés, de montagnes gravies, avant d’en arriver ce samedi là, au village de Nant, Aveyron, devenu le temps d’un week end la capitale du trail.

Ce samedi, nous assistons au départ du trail « Larzac-Dourbie », 30 km, et de la « Nantaise », 15 km. L’ambiance est sympa, détendue, très loin du grand barouf de la semaine précédente à Millau, où les meilleurs européens se sont affrontés sur la « Grande Course des Templiers », par un vent glacial. Ici, les concurrents profitent d’un temps clément, le soleil, bien que timide, est présent, et on sent bien que tout le village est heureux d’avoir retrouvé cette atmosphère  si particulière qui l’avait quitté lorsque le Festival des Templiers s’en est allé quelques km plus loin, à la « Capitale ».

 

A 14h, c’est le départ pour Victor, mon fils cadet, qui s’aligne sur le Trail du Durzon, épreuve de 1.5 km réservée aux enfants de son âge. Manque de chance, il est pris dans une chute collective au départ, se fait « un peu » piétiner, et repart le mors entre les dents pour tenter de limiter la casse à l’assaut des premiers. Il finira quand même 17eme, un peu déçu de n’avoir pu défendre réellement ses chances. Bon, lui il venait pour rentrer dans les 10 premiers, ça n’est pas mon cas ! Pour la course de dimanche, 75.5 km et 4000 m de dénivelé, je me suis prévu un timing en 12h25’36’’ (c’est précis, Excel), qui doit me permettre d’arriver avant la nuit… ça changerait de mes deux précédents ultras, où j’ai franchi la ligne à 3h du mat. à chaque fois ! Je me sens en forme, mais comme je manque encore d’expérience sur ces formats de course, je vise prudemment le milieu de classement.

 Après une soirée sympa dans une ferme équestre non loin de la Couvertoirade, c’est direction dodo à 22h30 non sans avoir vérifié une dernière fois le sac et les affaires pour le lendemain. De la pluie est prévue, et dès le réveil à 3h40 le brouillard est présent, un brouillard épais à couper au couteau (au laguiole ?) qui s’est installé sur un paysage devenu fantomatique.

Après un petit dèj sommaire, nous partons donc rejoindre le départ, et assistons au briefing, à 4h45. 500 coureurs sur la ligne, tous avides d’en découdre, sur ce parcours qui nous est présenté comme très humide. On nous annonce que sur certaines descentes scabreuses et boueuses, des cordes ont été installées pour sécuriser les participants… ça donne le ton !

H-5’, je suis en place, au côté de Jonathan qui piaffe d’impatience, et à qui je dis de ne pas m’attendre car je sens bien qu’il va partir en mode « Exocet ». Ma femme et mes gamins sont là, ça motive encore plus, et un couple d’amis et leur fille sont présents aussi, j’ai une vraie « team » avec moi, c’est génial !

 5h10 : Allumage des frontales, musique, feu d’artifice, et ça part !

 

Nous quittons vite le village de Nant et nous enfonçons dans la nuit. Jonathan double, redouble et j’essaye de le suivre, mais trouvant qu’il va trop vite, je le laisse s’échapper en espérant ne pas le revoir avant l’arrivée. C’est son premier trail de + de 50km, mais je sais qu’il a le potentiel pour faire moins de 10h, alors que pour ma part, je redoute de m’enflammer et de le payer ensuite. Le chemin sur lequel nous cheminons se met déjà à monter franchement, il doit nous mener à Combredonde, la première« bosse », à 900 m d’altitude. La nuit est rendue épaisse par un brouillard si dense que je suis vite aussi trempé que s’il pleuvait, et je dois baisser la puissance de ma frontale dont le halo qui se reflète dans l’air humide m’éblouit. Le parcours est balisé à l’aide de pastilles réfléchissantes fixées dans les arbres, heureusement que ce balisage est serré car elles semblent surgir au dernier moment de la purée de pois qui nous entoure.

Nous traversons une route sur laquelle un ballet de feux follets s’étire, formé par les phares de quelques véhicules (perdus ?) à la queue leu leu. Que font-ils là ? A part la frontale des coureurs immédiatement devant et derrière moi, je ne vois plus rien d’autre, et j’imagine être enfin arrivé en haut de cette montée uniquement quand la pente s’infléchit, km 10.

S’en suit une descente sur un monotrace qui serpente dans la colline, sur lequel je peux commencer à faire un peu tourner les jambes. Les arbres filtrent le brouillard, je mets la frontale sur puissance max et au sein d’un groupe de 4 coureurs, nous nous amusons à dévaler ce chemin glissant en déjouant les pièges des dalles mouillées et moussues transformées en autant de patinoires aléatoires.

Il reste encore beaucoup de km à parcourir, mais je m’amuse déjà comme un petit fou, et c’est le sourire aux lèvres que j’arrive à Sauclières, premier ravitaillement où m’attendent ma famille et mes amis. Je ne m’attarde pas, voulant rester sur ces bonnes sensations, et reprend la route après avoir bu un peu de coca et un café. Jonathan est passé depuis un bon moment, il est tellement en avance sur son planning que « la Support Team » l’a raté, au grand désespoir de sa femme !

 

La descente continue en direction de St Jean du Bruel, et emprunte une ancienne voie ferrée. Cela aurait pu être amusant, de jouer au petit train à plusieurs, malheureusement les rails ont été enlevés et ils ont laissé place à de longues marres d’une boue noire et collante, occupant par endroit toute la largeur du terrain, et qui fait un horrible bruit de succion quand on y plonge les godillots… la difficulté va donc être d’arriver au bout de cette portion en conservant ses deux chaussures ! J’en rigole pendant un petit ¼ d’h en discutant avec Laulau et Pierre, 2 kikoureurs avec qui j’ai lié conversation.

Petit à petit, l’obscurité laisse place à la lumière mais l’air reste opaque, nous courons dans un petit matin naissant entrecoupé d’épaisses tranches de brouillard. Celles-ci sont plus rares au fur et à mesure que l’on descend, et le chemin devient piègeux, car recouvert de 10 cm de feuilles de noisetiers et marronniers qui cachent sa vraie nature. Je laisse filer mes camarades pour déplier mes bâtons, méfiant…

Mais comme dit l’autre, tout cela, c’était avant le drame, bien entendu !

Clac ! Me voilà donc assis comme un c……. sur mon tas de feuilles à me frotter la cheville, maudissant le sort qui me joue des tours. Habitué de ce genre de bobo, je tente de repartir de suite, histoire que l’œdème ne se forme pas, car il bloquerait ensuite l’articulation. Je me remets donc à trottiner en claudiquant, en m’aidant de mes bâtons, de toute façon il me faut obligatoirement rejoindre le village de St Jean, j’aviserai ensuite.

Tout en pestant contre cette cheville qui m’a trahie, je poursuis donc la descente, et engage la discussion avec un coureur breton, histoire de tromper la douleur. Et à mon grand soulagement, ma foulée redevient peu à peu normale, et c’est en discutant façon anciens combattants de nos courses passées que nous arrivons à St Jean du Bruel, lieu du premier pointage.

Nous sommes km 22, il est 7h30, j’ai 38’ d’avance sur mon planning… Je suis pointé 59eme ! Snif, ça partait bien !

Les sensations restant bonnes même si je n’ose pas regarder ma cheville, je me décide à continuer. Le morceau à venir est un morceau de choix : la montée du Saint-Guiral, sommet local, qui va nous emmener à près de 1400 m d’altitude… Pas très rassurant, mais je connais la moitié de cette portion pour l’avoir « reconnue » fin septembre, et je sais que cette partie est relativement roulante. J’aborde donc la remontée dans le sous-bois, toujours discutant avec mon copain breton du moment, que je dois vite laisser filer car le sol jonché de racines et de branches mortes me contraint à être excessivement prudent...

Je monte malgré tout d’un bon pas, et parvenu sur une sorte de plateau, je me remets à trottiner du mieux que je peux. L’air a une odeur de champignons, mais ce n’est pas trop le moment de faire la cueillette, et je suis donc ce joli chemin qui serpente dans la forêt en s’élevant doucement, l’ambiance se faisant de plus en plus montagnarde au fur et à mesure que l’on progresse. En théorie, nous devrions profiter d’un beau panorama sur la vallée, mais celui-ci reste désespérément bouché.

Arrivé à la moitié de la montée, je m’arrête au second ravitaillement, lieu-dit « la Croix du Prisonnier », km 29. Ma « Support Team » m’attendant bien plus loin, je file et reprend la montée tout en faisant la rencontre de Laïla, encore une Kikoureuse. Connaissant sa réputation (c’est une traileuse expérimentée qui a réalisé une très belle saison en collectionnant les places d’honneur…), je me dis que je ne suis peut-être pas à mon niveau (je suis toujours dans les 60 premiers) et que je suis peut être parti un peu vite. Pour information, Laïla terminera 2eme féminine et 40eme au scratch.

J’en ai vite la confirmation dans la suite de la montée… où je n’arrive plus à relancer, et subit le terrain de plein fouet ! Nous cheminons sur une ligne de crête où alternent des pierriers bien raides à gravir et des portions encombrées de végétation sur lesquelles un enchevêtrement de ronces tente de me faire chuter à chaque enjambée. J’acquiers peu à peu l’impression étrange que le Saint-Guiral a décidé que je ne monterai pas, et cherche à me retenir, à fixer mes pas au sol, n’hésitant pas à déclencher les éléments contre le timide traileur que je suis.

En effet, le vent se déchaine tout à coup, le brouillard est tellement dense qu’il me fouette le visage comme de la pluie, et je tente de poursuivre cette montée interminable plié en deux afin de me protéger des claques de Saint-Guiral. Pris de folie, le sifflet de secours fixé sur la sangle de mon sac à dos se met à jouer des notes démoniaques, ensorcelé par les rafales de ce vent fou. Impossible de voir à plus de 50m devant moi, je me guide tant bien que mal à l’altimètre mais celui-ci m’indique que je suis encore loin du sommet !

 

Enfin, une légère accalmie… Le tracé s’aventure quelque temps dans un massif forestier épais où des odeurs de résine m’accueillent, et la pente semble s’infléchir… je peux à nouveau recourir, j’essaye donc de regagner un peu du temps perdu et de me réchauffer, car je suis trempé. Mais où est ce foutu sommet ? L’ai-je passé ?

Au détour d’un virage, je tombe nez à nez avec un bénévole qui tient un stand de ravitaillement improvisé… un contact humain, ça fait du bien, j’ai n’ai vu personne depuis au moins ½ heure. « Alors, ce sommet, ça y est, je l’ai passé ? »

« Vous y êtes presque, encore un petit km et après vous attaquez la descente, il faudra faire attention car elle est très glissante avec cette boue… »

Bon, un petit coup de « Cola Occitan » pour se redonner du cœur à l’ouvrage, et je repars à l’assaut… Ce n’est pas un petit km qui va me tuer !

Euh…. 1 km il a dit, le monsieur en jaune ? Ils sont bien long leurs kms dans ce pays, en plus ce sont des km qui montent, qui montent et qui grimpent au milieu de tourbières pas du tout courables avec une cheville en vrac.Il y a à peine la place de poser les pieds l’un derrière l’autre tellement la trace est étroite, heureusement mes bâtons compensent mes appuis fragiles et me sauvent la mise.

Mais où est-il, ce p…. de sommet, ça fait 3 km (des km de GPS, des vrais !) que je galère et je ne le vois …. Paf ! J’ai presque buté dessus : il est là devant moi, une griffe rocheuse de 20 m sortant de terre ! Avec ce brouillard, je ne l’ai vu qu’au pied du mur, si l’on peut dire… Il paraît que ça vaut le coup de monter en haut du caillou, duquel on peut apercevoir le Mont Aigoual et la mer… ça attendra un autre jour, car j’attaque la descente, épuisé…

Mon ennemi du jour….

Me laisserais bien glisser jusqu’en bas, moi…. 8 km jusqu’à Dourbies, en slidant le sentier, quel doux rêve ! Mais non, il faut s’accrocher, au village il y aura le premier « ravitaillement complet » où je pourrai grignoter un morceau, et surtout j’y retrouverai Edwige et les enfants, ainsi que mes amis. Un petit groupe de coureurs m’a rejoint, je leur emboite le pas et nous descendons « lentement mais sûrement », car effectivement le chemin est parsemé de pierres rondes sur lesquelles les semelles dérapent, et la boue qui le recouvre n’inspire pas confiance. Pour confirmer cette impression, a mi- pente, je me retords deux fois la cheville, emporté par mon envie d’arriver en bas, et la deuxième fois je hurle de colère…. Le Saint-Guiral a juré qu’il aurait ma peau ou quoi ? Encore une fois, entre la fatigue et la douleur j’ai un gros coup de moins bien, et je subis un peu les évènements, me laissant porter par la trace, tentant juste d’avancer sans me blesser une énième fois, ce qui serait certainement synonyme d’abandon à Dourbies…

A force de cheminer (et de fulminer), j’atteins une petite route en lacet, beaucoup de traileurs coupent tout droit et me dépassent, j’enrage encore plus mais pas question pour moi de les imiter : la trace c’est la trace, je suis là en connaissance de cause, j’ai même payé pour ça, tant que je le peux j’arpenterai chaque mètre du parcours sans chercher à le raccourcir !

Pour la première fois le soleil est de retour, ça réchauffe un peu, on voit enfin le paysage, et alors que j’étais dans le dur je tente d’apprécier ce massif montagneux qui m’entoure, et de chasser cet état d’esprit résigné et pessimiste qui était en train de m’envahir. Enfin, après deux bosses successives, une dernière montée m’amène au village de Dourbies, et la vue de Tanguy et Victor mes deux enfants m’aide à courir ces derniers mètres… « Attention Papa, ça glisse fort devant l’entrée de la salle ! » me glisse le plus jeune… « Si tu savais d’où je viens…. » me dis-je en mon fort intérieur, en rentrant dans la salle.

Enfin un peu de repos. Mon planning me donne droit à 10’ de pause ici, c’est plus qu’il n’en faut pour refaire les réserves d’eau et manger un morceau. La « Team » prend tout en charge, de l’eau dans le camelback, un bol de soupe, une tartine de roquefort (ben oui, il faut manger local), tout cela fait du bien au moral, et se sentir entouré me regonfle le moral. J’ai la surprise de retrouver Jonathan prêt à partir, lui aussi a souffert sur le Saint-Guiral et n’a donc plus que 5’ d’avance sur moi.

Pas le temps de s’attarder, même si j’étais bien, là, au chaud et au sec, assis et entouré… Je repars donc en direction de Trèves, prochaine étape. Il est 10h45, déjà 44 km de course « avalés » mais pas digérés, je m’en sors pour l’instant pas si mal car j’ai 40’ d’avance sur mon planning et je pointe toujours dans les 100 premiers, c’est inespéré vu mes déboires.

Il faut à présent remonter jusqu’au Serre du Cade, à 1000 m d’altitude, avant de dégringoler les gorges de la Dourbie jusqu’au village de Trèves. 10 petits km, mais ici j’ai bien compris qu’ils comptaient triple… Le redémarrage est pénible, la petite pause a laissé ma cheville s’ankyloser, j’ai même du mal à trottiner et je dois attendre que « ça revienne ». En plus le chemin se met à grimper méchamment, et la boue qui rendait déjà la progression difficile profite de l’arrivée de la pluie… Cool, il manquait plus que ça.

A nouveau, petite baisse de moral, je m’en veux de ne pas arriver à éprouver de plaisir sur cette course, après tout c’est du loisir, et c’est bien moi qui ai choisi d’être là, et qui en plus ai mobilisé famille et amis ! Cheminant tant bien que mal sur ces pensées, je rattrape un coureur en casquette rouge qui me regarde en souriant. Je suis revenu sur Jonathan, qui lui aussi semble avoir le moral atteint, et qui paraît bien content de me trouver là… Il pouvait pas mieux tomber, même si je suis déçu pour lui qu’il ne puisse atteindre son objectif, je suis réconforté de le trouver là, on va pouvoir se soutenir l’un l’autre ! Nous nous racontons nos péripéties respectives en achevant la montée, puis entamons la dégringolade sur Trèves.

Cette partie, il l’a déjà faite en reconnaissance 15 jours avant, alors je lui emboite le pas et me laisse guider. En effet, ça descend fort, ça glisse fort aussi, il faut être vigilant et s’aider parfois en empoignant les branches et en attrapant les cordes que l’organisation a disposé en  appoint des parties les plus … dangereuses ? Effectivement, il y a moyen de tomber assez bas sur cette portion, et un petit bain dans la Dourbie en contrebas ne me tente guère… Après nous être fait beaucoup doubler dans la montée, nous attaquons bien cette longue glissade et le plaisir de courir revient enfin. Les km défilent plutôt vite, un troisième larron s’est joint à nous, histoire de profiter de la balade, et nous arrivons vite au village, où la Team est surprise de nous voir déjà !

 

Je pointe 106 ème à ce moment, après 7h30 et 55 km de course. Toujours 45’ d’avance sur mon timing prévisionnel. Je commence à entrevoir le bout de la course avec un peu plus d’optimisme. Soupe chaude + tartines de Roquefort, toujours arrosé de Coca, je me refais la cerise vite fait tout en discutant avec les gamins. Ma femme me propose de changer de tenue, mais j’ai moins froid et de toute façon il pleut donc je ne resterai pas sec bien longtemps. De plus, nous savons avec Jonathan que les 22 km qui restent sont les plus techniques de la course, donc …. Bises et au revoir à la Team, que nous devons retrouver au dernier ravito, à Cantobre, dans 13 km. Ça devient dur de quitter l’ambiance chaleureuse des ravitaillements, où nous sommes bichonnés par nos proches et par les bénévoles.

Néanmoins nous repartons en remontant la Dourbie, en bordure de rivière, sur un mauvais chemin parsemé de blocs instables qui font chanter (mal) ma cheville. Je traine un peu, et laisse filer Jonathan, que je rattrape ensuite quand le chemin recommence à s’élever à flanc de falaise. Il pluviote, mais malgré tout nous avons un bel aperçu sur cette vallée qui nous offre un paysage magnifique, dans le style forêt canadienne, avec une palette de couleurs style « best-of automne 2012 ». Le sentier est très étroit, en balcon et en dévers, et nous rattrapons quelques coureurs mais il est très technique de les dépasser sans risquer de glisser et dévaler plus bas. Merci les bâtons, encore une fois ils m’auront bien sauvé la mise.

Parvenus au hameau de Verrières, un couple de bénévoles nous oriente sur la montée à venir, tout en nous mettant en garde sur ce qui nous attend…. Merci de nous prévenir, nous savons que le Saint-Sulpice porte presque parfaitement son nom ! En effet, nous avons déjà reconnu ensemble cette partie, et nous savons qu’il faut en passer par là pour atteindre le « Causse Noir », avant dernière difficulté de la course. Le dicton local du jour : « Qui dit Causse Noir dit grimper… ». Dont acte. Nous grimpons, et c’est dur. Quasiment impossible de courir dans la montée, le chemin est tortueux, il faut souvent poser les mains pour se hisser, on n’avance pas… il n’y a « que » 500 m de dénivelé sur cette montée, mais nous allons mettre près de 45 minutes pour en parcourir les 3 km. La pluie s’est mise à tomber plus fort, et en haut, à 900 m d’altitude, le vent souffle, et malgré la vue saisissante sur les Causses qui nous entourent, nous ne trainons pas sur le plateau et cherchons vite le chemin de la descente.

Jonathan est dans le dur, j’ouvre donc la trace, en m’aidant des bâtons qui me sécurisent car ça glisse beaucoup, la boue devenant difficile à gérer. Beaucoup de parties sont sécurisées avec des cordes, il faut même parfois se mettre face à la pente et progresser en marche arrière pour descendre quelques raidillons. Je n’avance pas vite, mais j’avance, Jonathan s’accroche, et nous finissons par arriver sur les bords du Trevezel, le charmant ruisseau qui serpente en fond de vallée. Là, je n’ose pas trop détailler à Jonathan la partie restante avant le village, que j’ai déjà parcouru mais qu’il ne connait pas…. La piste emprunte un pont métallique au-dessus du ruisseau (d’habitude un gué permet de le passer à pied sec, mais vu la pluie du jour les eaux sont hautes et l’organisation a cru qu’on aurait encore les pieds secs !), et remonte « dré dans’l pentu » comme ils disent, à travers les talus et dans les broussailles. Il faut encore une fois s’accrocher, mais le final en vaut la peine :

Nous finissons par atteindre le pied d’un épais buisson derrière lequel nous entendons des clameurs, des gens crient « Guigou ! Guigou ! » à tue-tête…. Il semblerait que je sois repéré !!! Au prix d’un dernier effort, je me hisse directement au travers de la broussaille pour atterrir sur la place du village de Cantobre, au milieu des spectateurs et de la Team, qui scandent tous mon nom de guerre en chœur. Jonathan arrive à son tour, surpris lui aussi d’un tel accueil, nous avons tous les deux la banane malgré la fatigue. Une arrivée en fanfare qui met du baume au cœur, c’est sûr, et je rentre dans la salle du ravito en me marrant comme un gamin.

 

Dans la salle, l’accueil est lui aussi au top. Tout le monde nous bichonne, team et bénévoles compris, visiblement beaucoup de concurrents sont assez abattus et ont besoin de réconfort, alors les gens de l’organisation ne lésinent par leurs efforts. Il y a même une personne qui vient nous mettre sous le nez un énorme plateau rempli d’une montagne de crêpes… Finalement, ça fait encore plaisir de voir des montagnes… ! Encore une fois, difficile de s’arracher à une telle ambiance, mais il ne reste plus qu’une difficulté et 8 km de course. Si nous voulons arriver avant la nuit, il faut décoller, d’autant plus que nous avons perdu par mal de temps dans l’ascension de Saint-Sulpice, il ne nous reste plus que 10’ d’avance sur le tableau de marche, et nous sommes pointés 148 et 149emes, ce qui est surprenant car il ne nous semble pas avoir été doublés plus que ce que l’on a doublé… ce sont les surprises du chronométrage moderne !

 Dès la sortie du village, le chemin plonge en contrebas le long d’un lit de rivière, encombré de branches et de blocs… ce passage est là juste pour nous faire enjamber et escalader un peu, histoire de se remettre dans l’ambiance, car nous quittons vite le chemin pour passer un pont et traverser la route, sous les « Guigou ! Guigou ! » de la foule endiablée… Un dernier bisou à « la Team », nous reverrons tout le monde sous peu à l’arrivée ! J’attaque donc la montée du Roc Nantais bille en tête, me retourne une ultime fois vers  eux en faisant le V de la Victoire avec mes bâtons…. Je sais, j’en fais trop, mais j’ai la patate à ce moment-là, la motivation me tire en avant malgré les presque 70 km que j’ai dans les jambes… Jonathan m’emboite le pas, il n’a pas l’air en grande forme, mais il s’accroche vaillamment à mes pas, je le connais et je sais que ce coup de moins bien ne va pas durer. Pour tenir, on se projette dans l’après course, je rêve tout haut d’une douche chaude et lui me fait partager ses envies de côte de bœuf !

Cette montée est magnifique. Magnifique parce que c’est la dernière, mais aussi parce que le paysage est de toute beauté, nous surplombons le village où nous nous trouvions il y a quelques minutes, et nous élevons rapidement en direction du sommet. A un moment, un bénévole en jaune nous accueille au bord du chemin, il est installé sous une anfractuosité à flanc de falaise et nous avertit de regarder où nous allons poser les pieds : le sentier est taillé dans la roche, directement dans la paroi pendant quelques dizaines de mètres, ça glisse un peu, faut pas tomber ! Nous poursuivons la montée sous une pluie de plus en plus serrée. Beaucoup de boue et de flaques, nous n’avons plus les jambes pour courir et la pente est forte, mais je marche tout de même à bonne allure, Jonathan me suivant quelques dizaines de mètres derrière. Enfin, voilà le plateau, Jonathan me rejoint, et la pente s’adoucissant, nous nous remettons à courir du mieux que nous pouvons. Nous sommes trempés, fatigués, mais l’arrivée proche nous donne des ailes. Au bout du plateau, nous atteignons l’à pic rocheux qui domine le village de Nant, enfin, en théorie, car compte tenu du temps toujours bouché, on ne voit rien. Toutefois, la rumeur de l’arrivée monte jusqu’à nous, nous entendons les cris des spectateurs et la voix du speakeur qui accueillent ceux qui en ont déjà fini.

Notre route serpente un temps encore sur le plateau en cherchant sa voie entre les arbres, nous en profitons pour doubler quelques concurrents qui s’accrochent à nos pas et profitent de notre « train ». Le sentier se met enfin à descendre, il est rempli de pièges, des marches à sauter, des racines à enjamber, des flaques de boue masquant les difficultés, mais rien n’y fait, la rage de finir nous entraine en avant, je me tords même l’autre cheville dans ma hâte de descendre (manquerait plus que ça !). Nous sommes « un groupetto » d’une dizaine de coureurs, mais c’est moi la locomotive et Jonathan est juste derrière, il a retrouvé la forme et affiche un grand sourire. On va se la faire à deux, cette arrivée, ce ne sera que justice après tous ces km d’entrainement parcourus ensemble !

Notre troupeau de chevaux sauvages dévale le sentier, les premières traces de civilisation réapparaissent, tout le monde piaffe d’impatience de franchir la ligne, l’ambiance du groupe est survoltée. Enfin, nous passons le joli pont qui marque le retour à la ville, et attaquons pied au plancher la dernière montée avant l’arrivée sur la place de Nant. Jonathan est à mes côtés, nous parvenons à nous détacher du groupe qui pousse fort derrière juste le temps d’attraper la main de mon fils Victor, et nous passons tous les trois ensembles la ligne d’arrivée où nous attend le reste de « la Team » qui vient juste d’arriver !

 

Ces 10 dernières minutes à elles seules valent bien toutes ces heures de course  et d’effort ! Un week end en famille et entre amis, dans un paysage majestueux, où l'on a pu toucher du doigt les valeurs du trail... et les faire partager!

On a de la chance, nous les traileurs, on a quand même une belle vie ...

 

1 commentaire

Commentaire de laulau posté le 13-12-2012 à 22:30:42

Bien joli récit très agréable à lire. Belle course en duo qui restera gravée dans votre mémoire !
A une autre fois sur les sentiers !

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