L'auteur : chirov
La course : Courmayeur - Champex - Chamonix
Date : 31/8/2012
Lieu : Courmayeur (Italie)
Affichage : 1412 vues
Distance : 90km
Objectif : Terminer
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Objectifs
On a décidé de faire cette course à 2 avec un collègue, l’objectif est de terminer avec un arrêt programmé d’une heure minimum à Champex, cette course est un peu un test depuis l’apparition de ma tendinite au TFL gauche à la SaintéLyon 2011 : est-ce que la douleur sera supportable sur la durée de la course ?!
Départ de la course jusqu’à Arnuva
On décide de dormir à Courmayeur pour éviter de prendre la navette du vendredi matin et attendre 2h sans rien faire dans les rues de Courmayeur. SMS de l’organisation reçu avant 9h : la CCC sera amputée de la Tête de la Tronche en début de course et la Tête aux Vents en fin de course, soit d’après un bénévole une coupure de 10km sur la distance finale et >1000D+ en moins. Un peu déconcerté de ne plus pouvoir utiliser ma table de passage que j’avais soigneusement préparée pour me donner un repère, on fera sans.
On part tout au fond de la troisième vague à 10h20, allure tranquille dans les rues de Courmayeur, sans jamais dépasser 11km/h, on remonte quelques places pour être plus à l’aise psychologiquement, et c’est en sortant de Courmayeur que j’ai le plaisir de croiser Japhy, on s’échange quelques mots et on reprend notre allure respective. La montée au refuge Bertone est lente, en accordéon, on ne comprend pas très bien pourquoi on va si lentement sur un terrain pourtant facile, on attend impatiemment que le parcours s’élargisse un peu pour que chacun prenne son rythme, mais c’est un monotrace permanent.
Arrivé au refuge Bertone en 1h18 (1383ème), il reste encore quelques dizaine de mètres de dénivelé à monter avant de pouvoir courir un peu plus vite en direction du refuge Bonatti. Le temps commence à changer, jusqu’à maintenant c’était une alternance de nuages et soleil avec quelques gouttes, désormais le temps devient plus chaotique, avec du vent, de la pluie fine continue mélangée avec de la neige. Le refuge Bonatti est vite atteint (2h30 – 1190ème), on a redoublé pas mal de coureurs dans les portions larges, et pourtant on semble que très légèrement en avance sur la barrière horaire d’Arnuva (30min selon mes estimations), on se dit que l’embouteillage au refuge de Bertone n’avait pas été prévu dans ces proportions et que les barrières horaires vont surement changée, chose faite quelques minutes après, l’organisation annonçant 30min de plus. On arrive à Arnuva 3h25 (951ème), on s’arrête 5-10 minutes et on repart pour le Grand Col Ferret.
Arnuva -> Champex-Lac en passant par le Grand Col Ferret
La montée au Grand Col Ferret est un peu plus rapide, mais il y a encore beaucoup d’embouteillage, on se dit que ce n’est pas très grave, on va en profiter pour s’économiser et pouvoir envoyer dans la descente jusqu’à Champex, pour l’instant mon genou ne me fait pas mal. La pluie se transforme en neige et l’herbe au sol est de plus en plus recouverte par une petite couche de neige, le chemin devient boueux, le vent se lève en approchant du col.
On a pas le temps d’avoir froid qu’on est déjà en haut (4h53 – 1084ème), en commence à redescendre doucement, le chemin est très glissant, mais rapidement ça devient plus roulant et on peut se mettre à courir. A ce moment-là de la course, on est au 22ème km. Dans la descente vers la Fouly on reprend beaucoup de coureur, on garde une allure constante de 11km/h en moyenne, le but étant d’être large aux barrières horaires pour faire une grande pause à Champex.
On arrive rapidement à la Fouly en 6h15 (1004ème), là on s’arrête une dizaine de minute pour manger un peu et tenir jusqu’à Champex. On repart, le terrain est relativement roulant et on continue de courir, ma tendinite au TFL commence à être douloureuse, je cours en boitant alors qu’on est qu’au 30ème kilomètre, je commence à avoir peur pour la suite... On arrive à la montée sur Champex, mon coéquipier prend un gros coup de moins bien dans cette partie, on ralentit un peu, on sait qu’arriver là-bas, on a prévu une pause d’au moins 1 heure, et surtout nos accompagnants ont quelques affaires et une réserve alimentaire pour nous. Je m’aperçois que j’ai oublié de faire le plein de mon Camel Back, j’ai plus d’eau ! Heureusement on est qu’à 40 minutes de Champex.
On arrive à Champex-Lac en 8h51 (1019ème), grosse pause, on retrouve nos accompagnateurs : café/thé chaud pour se réchauffer, ajout d’une 4ème couche de vêtement, réapprovisionnement des barres énergétiques. On décide d’aller manger un plat chaud… Désillusion ! On a attendu bien 20 à 30 minutes pour être servi, on a été obligé de demander aux bénévoles de mettre quelqu’un pour faire la police pour éviter le resquillage, incroyable… Ca fait maintenant presque 1h20 qu’on est arrêté à Champex, il est temps de repartir, on fait le plein d’eau, prépare les gants, la frontale, le bonnet et on sort.
Champex-Lac à Trient : l’enfer blanc
Le froid est saisissant lorsqu’on sort de la tente, et la nuit vient de tomber, on décide de courir jusqu’à la montée de Bovine pour se réchauffer, la pluie devient de plus en plus forte, mon coéquipier qui a vécu la fameuse CCC de 2010 commence à faire des points de comparaison avec les conditions de 2012 (la pluie avait commencé bien avant en 2010), sauf qu’il fait plus froid cette année, et dès qu’on attaque la montée on essaie de garder un rythme rapide pour ne pas se refroidir, mais c’est peine perdue, ça bouchonne encore ! On se retrouve parfois complètement arrêté alors que la pluie se transforme en neige, alors que le chemin qu’on emprunte est devenu un mini torrent de boue, on est trempé jusqu’aux os, on se refroidit très vite.
Il y a bien 5 à 10cm de neige au sol, on aperçoit une grange ouverte pour les coureurs, on s’empresse de rentrer à l’intérieur (12h40 – 1284ème), spectacle de débâcle : des coureurs recouverts de couvertures de survie un peu de partout, la guerre pour avoir une assiette de soupe (toujours ces idiots de resquilleurs qui rendent le temps d’attente infernal), mon coéquipier veut absolument une soupe, je ne crois pas que ce soit une bonne idée de s’arrêter, mais je l’accompagne quand même. Dans cette attente interminable, je me refroidis, je commence à trembler de tout mon corps au point de ne plus être capable de parler, je bois ma soupe et je commence à douter : j’ai tellement froid, je suis tellement trempé, il faut encore traverser ce congélateur pour descendre sur Trient et remonter en direction de Catogne ?! Ca me parait complètement impossible, je vais geler avant...
Je reprends rapidement mes esprits : « je ne vais pas abandonné maintenant, pas à cause des conditions ! », dans mon sac il me reste un t-shirt à manche longue sec, un buff, un bonnet sec et mon sur-pantalon, je me met torse nu, je mets la couche sec contre la peau et renfile 3 couches mouillées, buff, bonnet + casquette, sur-pantalon, et on part en sprintant dans la neige pour se réchauffer, on descend le plus vite possible, quitte à prendre parfois quelques risques dans la boue, il faut qu’on se réchauffe ! Mon genou est très douloureux à ce moment-là, mais ça devient le dernier de mes soucis.
Le froid devient supportable à nouveau et on se rapproche de Trient, on sait que là-bas la tente sera chauffée, il faut qu’on s’arrête mais pas plus de 20 minutes, qu’on s’alimente correctement afin qu’on ait pas besoin de s’arrêter de nouveau avant Vallorcine, il faut passer Catogne coute que coute.
Trient à Vallorcine
On arrive à Trient en 14h37 (1226ème). Le speaker annonce que la montée vers Catogne est un vrai congélateur avec des températures ressenties de -10°C en haut, ce qui nous fait un peu peur, car à Bovine il n’y avait pas beaucoup de vent, mais la perspective du vent à Catogne s’annonce vraiment glaciale. La stratégie est simple : on va monter très vite, surtout ne pas s’arrêter, éviter les bouchons et redescendre aussi vite. Après une bonne assiette de soupe (incroyable, pas eu besoin d’attendre à ce ravito pour de la soupe !!!), on décide de repartir, en courant assez vite pour se réchauffer, mon genou commence à atteindre ses limites, je sens par moment des arcs électrique parcourir la jambe, s’en suit un arrêt soudain et un grand cri de douleur, puis je repars, cette douleur plus vive que les autres revient toutes les 15 minutes, surtout en descente, mais je dois la supporter, on est trop près du but. La montée vers Catogne est beaucoup plus fluide que celle vers Bovine, on arrive rapidement au sommet, il y a bien 10cm de neige, les précipitations se sont atténuées, un silence glacial, magique ! Mais il ne faut pas trainer.
Il est temps de redescendre, on passe à Catogne en 16h24, 1155ème. La descente est glissante, on doit parfois doubler des personnes qui arrive difficilement à faire 5 pas sans glisser, on descend le plus vite possible mais on est limité par mon genou, on alterne petit footing et marche rapide. Malgré la douleur, le sourire revient : on est presque à Vallorcine, et à partir de ce point, il n’y a plus vraiment de difficulté (la Tête aux vents ayant été supprimé).
On arrive à Vallorcine en 17h41 (1129ème), la pluie s’est quasiment arrêtée, il doit faire 3 ou 4 degrés, ce qui est tout à fait acceptable malgré qu’on soit trempé et fatigué. Pas grand monde sous la tente comparé des autres ravitos. Ma femme qui nous avait ravitaillée à Champex nous fait la bonne surprise d’être là à 4h du matin, et de nous amener quelques vêtements secs pour finir la course, du luxe ! On est très avance sur la barrière horaire, on décide faire une pause plus importante que prévue, on reste presque 45 minutes à Vallorcine.
Vallorcine à Chamonix
Il reste un peu plus de 15km, mon coéquipier a des douleurs musculaires ajouté à une grosse fatigue, de mon côté je me sens relativement frais, mais mon genou me fait endurer un calvaire. On se dit que pour ménager nos blessures, on va éviter de courir, le but étant d’arriver en 1 seul morceau. En marchant vite, avec les 350D+ restant, on devrait y arriver en moins de 3h, c’est l’objectif qu’on se fixe, en on repart en direction du col des Montets, puis en direction d’Argentières, là on se fait doublé pour le 6ème et le 7ème de l’UTMB, puis plus loin de la 1ère féminine. On arrive à Argentière en 19h45 (1160ème), là une personne est allongée au sol encadrée par des secouristes, probablement une hypothermie sévère ou un malaise, on continue sur notre allure.
21h48 de course, on est à 1km de l’arrivée et 1056ème, on continue à notre allure, beaucoup de coureur se remettent à courir à ce moment, on préfère attendre les 500 derniers mètres, je peux difficilement poser la jambe gauche sur le sol, merci aux bâtons ! Puis la ligne d’arrivée !
Le speaker, les spectateurs, Catherine Poletti qui nous accueille, ça y est on l’a fait ! Après 21h55 de course, il est temps de récupérer la veste de finisher.
Content d'avoir été là, participé à cette aventure, même si ce n'était pas forcément les conditions météo espérées
7 commentaires
Commentaire de Japhy posté le 05-09-2012 à 17:11:22
Merci chirov pour ce récit magnifique. J'ai été ravie de te rencontrer brièvement à Courmayeur. Je partage en tous points ton vécu, sauf, évidemment que j'avais près de 2h de retard sur toi à Trient...donc je n'ai pas vu Vallorcine. Je n'ai pas osé courir "vite" en descendant du col Ferret, j'aurais peut-être dû prendre un peu d'avance comme tu l'a fait.
En te lisant, je revis Champex et sa foire, Bovine, son froid glacial et sa cour des miracles, et la descente d'après, affreuse.
Je suis très contente que vous ayez pu aller jusqu'au bout avec ton ami, tu as sacrément mérité cette foutue polaire. J'espère que ton genou ira bien.
Commentaire de chirov posté le 05-09-2012 à 22:51:32
Merci Japhy, au plaisir de se revoir sur une un prochain ultra, d'ici là mon genou sera probablement rétabli :-)
Commentaire de Arclusaz posté le 05-09-2012 à 22:28:48
Bravo pour avoir surmonté le froid et la douleur. Quelle belle course et le "on part à deux, on arrive à deux" ça n'a pas de prix !
Je reconnais bien ton sac (frappé du K) que j'ai eu en point de mire de longues minutes à la STL avant que tu ne me lâches. A la CCC, je ne l'aurais même pas aperçu !
bonne récup.
Commentaire de chirov posté le 05-09-2012 à 23:09:15
Merci pour ton commentaire Arclusaz.
Mon sac 10L passe partout qui m'a suivi sur toutes mes courses :-) J'ai rencontré 3 kikous sur la CCC grâce à l'identification de l'écusson, mais c'est pas toujours évident de le voir, je crois que je vais opter pour un buff supplémentaire, car c'est toujours un plaisir de vous rencontrer, même si c'est juste pour échanger que quelques mots de soutien.
Bonne préparation à toi pour la STL 2012 !
Commentaire de RayaRun posté le 06-09-2012 à 01:50:42
Salut, n'est ce pas toi que j'ai croisé (tu me doublais alors), je ne sais plus ou, tu étais concentré et je crois que c'est ton collègue qui t'a appelé pour te dire que j'étais là car tu ne m'avais pas entendu! Bravo pour ta course et ton CR. Au plaisir de te rencontrer à nouveau.
Commentaire de chirov posté le 06-09-2012 à 08:47:03
RayaRun, voilà ! :-) J'essayais de retrouver le pseudo que tu m'avais donné quand on s'est croisé, mais j'avais dû mal comprendre.. Bien content de pouvoir t'identifier. On a dû se croiser sur la descente vers Champex, je m'étais mis dans ma bulle pour éviter de me focaliser sur la douleur au genou et continuer à courir, mais ça m'a bien fait plaisir de croiser un kikou à ce moment là. J'ai croisé un autre kikou à 2 reprises, un certain "montre-jaune", mais introuvable sur la liste des membres, j'ai dû là aussi mal comprendre, décidément !
Bravo pour ta course, tu finis plus d'1h devant ;-)
Commentaire de Matchbox posté le 12-09-2012 à 16:39:35
C'est une bien belle histoire que tu nous as raconté.
Tout les récits de la CCC sont différents mais tous ont en commun l'humilité face à la nature et le bonheur d'avoir bravé les éléments, particulièrement perturbés cette année.
Bravo également pour ta performance.
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