Une arrivée "à la Gestin"
Je me rend vers l'entrée de l'hôtel pour y retrouver les coureurs déjà présents, et là, grosse surprise, le portail extérieur est fermé !
Je le secoue un peu, mais il est réellement fermé à clé. Il y a un bouton d'appel sur le côté. j'appuie dessus une fois... Rien ne bouge, une seconde fois, toujours rien, trois quatre, cinq fois, sans effet.
Je commence à m'agacer un poil. Je fais toute la façade de l'hôtel, mais il n'y a aucune autre entrée, en tous cas celles que je trouve au niveau de la piscine sont toutes verrouillées également.
Comme il y a de la lumière dans les jardins , je monte sur un muret et j'appelle... Pas de mouvement, pas de bruit, rien ne bouge.
Ça commence à me gonfler grave ! Je prend une grosse pierre, retourne au portail et commence à tambouriner en tapant dessus. Ça fait un joli vacarme mais qui reste une fois de plus sans effet... J'appelle Alain mais son portable est sur messagerie. Quand ça veut pas y aller, ça veut pas !
Je fais le tour complet de l'enceinte de l’hôtel voir si il n'y a pas d'autre accès mais rien. J'envisage alors de faire le mur, à l'ancienne, mais j'ai juste oublié qu'après 330 km, on est un peu moins souple qu'en temps normal, surtout avec un sac sur le dos.
Je vais continuer à chercher un moyen de franchir la palissade (en constituant un tas de pierre) quand j'entends parler dans les jardins. Je me remet à appeler en criant, et j’obtiens enfin une réponse. je leur dit que je viens d'arriver et on me répond qu'ils vont ouvrir le portail... enfin !
Une des personne de l'hôtel m'ouvre et là, le pauvre s'en prend plein les dents... Ça fait bientôt 45mn que j'attends, et je suis un poil énervé. 2 autres personnes arrivent et me disent qu'ils ont eu comme message que le prochain coureur n'arriverait que vers 5 ou 6h du matin... Gaps ! et moi je suis arrivé à 22h45... Trop rapide Michel, trop rapide...
Ils me proposent de venir dans le restaurant pour me reposer un peu et manger. La tension retombe un peu et j'accepte avec plaisir, d'autant que du coup... j'ai faim.
Visiblement tout le monde dort dans l'hôtel. Pas grave, moi je vais manger. J'ai le droit d'abord à une grosse soupe que j'accompagne d'une première bière bien fraiche, puis une plâtrée de pâtes avec de la volaille grillée que je vais accompagner d'une seconde bière, et une vraie salade de fruits frais... quel plaisir...
Je profite de ce répit pour m'excuser auprès de la personne que j'ai un peu incendié tout à l'heure... la fatigue, l'énervement, l'absence d'accueil côté course... bref, une arrivée typique "à la Gestin" que j'avais déjà expérimenté en Guyane.
On me propose de venir m'installer dans une chambre dans laquelle il n'y a qu'un seul coureur pour le moment. Il est autour de minuit maintenant, et je vais un peu réveiller William. Bon OK il ne le prend pas trop mal (merci !).
La bière commence à me faire tourner légèrement la tête. Du coup je n'ai plus que deux envies... Prendre une douche, et me coucher. Et c'est exactement ce que je vais faire, même si la douche est pour le moins fraiche (après 4 jours, on s'en fout!).
Là dessus direction le dodo... des draps propres, et je m'écroule rapidement.
Vendredi 11 novembre
Le lendemain matin on est réveillé par l'arrivée d'un coureur qui pensait que la chambre était vide. Un peu rapide comme réveil mais bon, c'est fait ! Il s'agit de Thierry qui est reparti seul suite à l'abandon de Françoise à CP14 et qui a bien tourné pour rentrer. Ils nous apprend que Gérard et Juju sont à CP15 et qu'ils s'y sont arrêté pour dormir afin d'arriver dans la matinée. Pas bête comme idée comme ça ils sont sûrs d'avoir du monde pour leur arrivée.
Je me lève , m'habille et vais prendre le petit déjeuner. Je retrouve une partie des coureurs soit qui ont fini, soit qui ont arrêté.
Le petit déj est vraiment apprécié. je me baffre un peu quand même, puis la matinée se passe entre un peu de remise en état du bonhomme, un peu de rangement des affaires (enfin, de celles qui me restent) et les premiers soins des pieds post course. J'ai tout retiré pendant la douche et maintenant il n'y a plus qu'à désinfecter et protéger.
Ce qui est intéressant, c'est mon état de forme. On en reparlera plus tard mais il est globalement bon. Bien sur les courbatures vont commencer à apparaitre, mais en dehors des ampoules, je n'ai aucune blessure. Ni douleur, ni tendinite, ni rien de rien...
Dans la matinée, on accueille petit à petit les derniers coureurs qui en terminent. D'abord Gérard et Juju qui arrivent un peu avant 9h00, puis Franck que je rate car je devais être à nouveau sous la douche quand il est arrivé, puis Baudoin dont on attendait l'arrivée avant d'aller déjeuner dans Mhamid.
Il y a aussi le retour de Koko qui a du arrêter entre CP12 et CP13 après s'être perdue. Problème de GPS ou manque de lucidité du à la fatigue ? Impossible de savoir. Toujours est-il qu'elle sera récupérée à proximité du CP3 (!), ce que confirmera la trace de son GPS, alors qu'elle est passée juste à côté d'un des PI entre CP12 et 13. Grosse déception pour Koko, d'autant qu'elle était plutôt bien et qu'elle avait géré sa course comme il fallait.
Après l'arrivée de Baudoin, on part manger dans le restaurant de Mhamid. On débarque à 18 ce qui, en cette période où il y a peu de touriste fiche un peu la pagaille... La carte est en mode "hivers", comprenez qu'il ne font que des salades marocaines et des omelettes berbères... et même là, il faudra le renfort de nos PAM en cuisine pour aller aider à dresser les plats.
Après midi avec une petite sieste pour moi, puis un petit tour au bar histoire de commencer à refaire la course avec les autres, moment où on va en profiter pour remercier toute l'équipe locale qui nous a accompagné sur ce périple et aux CP.
Samedi 12 novembre
Samedi matin, on reprend les minibus pour aller à Ouarzazate.
Baudoin, Michel, Koko et Patrick
Installation au même hôtel qu'à l'aller puis à l'initiative de Dom', on va déjeuner tardivement dans un resto mi-grec, mi-français, mi-marocain du centre ville (oui je sais, ça fait 3 moitiés mais ce sont des moitiés marocaines) où on va tester quelques mets et vins forts agréables. Mustapha se renseigne pour qu'on aille à l'aéroport voir pour mes bagages. On prend un taxi, on rentre dans l'aéroport, et là on nous dit de revenir le soir quand il y aura quelqu'un car dans la journée, comme il n'y a pas d'avions, et bien en dehors du service de sécurité il n'y a aucun personnel commercial...
C'est pas gagné cette affaire, moi je vous le dit, c'est pas gagné !
Patrice et Dom (1er ex) Patrick et Thomas (3ème ex)
Remise des prix à l'hôtel, repas de fin de course, très courte nuit puis retour à l'aéroport. On perd une partie des concurrents lors du transfert à Casa... (mais rassurez vous, là c'était normal...) puis vol Casa Paris.
Alain, Claude, Alex, Isa et Isa
Ça y est, c'est fini.
Alors quel bilan tirer de tout ça.
La première chose, bien sur, c'est le terrible élan d'entraide dont j'ai pu bénéficier de la part de toute l'équipe, coureurs ou staff.
Grâce à vous toutes et tous j'ai pu quand même prendre part à ce grand défi, mais aussi probablement vivre l'aventure d'une façon complètement différente que ce que je m'étais imaginé. Du coup cette victoire (sur moi même) et ma 5ème place, sont également les vôtres... Encore un grand grand merci pour tout !
Ensuite, si je me positionne d'un point de vue strictement physique, j'en tire pratiquement de la frustration. Je termine frais, sans blessure, et pratiquement dans un état de forme qui m'aurait permis de continuer encore. Alors pourquoi de la frustration ? Simplement parce que je me dis que j'aurais peut être pu en faire un peu plus.
Ça rejoint d'ailleurs une remarque qui m'a été faite "qu'est ce que ça aurait donné si tu avais eu des affaires ?"
Excellente question que je me suis bien sur posé. Et je n'ai pas la réponse, en tous cas je n'ai pas de réponse fiable à y apporter. Si j'avais eu mes affaires, il est certain que je serais parti plus rapidement. J'avais prévu de courir du départ à CP3, de marcher CP3-CP4 (à cause du sable) de courir CP4-CP5 et aussi entre CP6 et CP7. Pour le reste j'aurais géré en fonction du terrain mais le départ de CP7 était aussi totalement courable. Par contre est-ce que le fait de gagner ces quelques heures sur la première moitié aurait eu des impacts sur ma seconde moitié de course ? Je rappelle que ma plus longue épreuve jusqu'ici en non stop était de 200km (en Mauritanie), et que là j'ai fait +60% !
Du coup, comme je n'en saurai jamais rien, j'ai décidé de me satisfaire pleinement de ma course et du résultat obtenu, bien meilleur que ce que j'avais envisagé à l'origine (entre 96 et 100 heures en objectif).
Par contre, ce que je savais c'est que le pic difficile était le second jour. J'avais expliqué à certain avant la course que c'était ce cap qu'il fallait gérer. En fait le premier jour tout va bien. On est tous assez entrainés pour gérer une course sur 24 heures. La seconde journée est le point dur. C'est là que l'organisme souffre ne serait-ce que parce que des épreuves entre 24 et 48h on en fait pas tous les jours et que c'est totalement hors norme même pour nos entrainements fonciers. D'ailleurs les 6 premiers abandons ont eu lieu le second jour...
Là ou ça devient surprenant c'est qu'une fois passé ce cap, l'organisme se met en mode endurance. il s'adapte (en tous cas je l'ai ressenti comme ça) et pour peu qu'on ne modifie pas trop ce qu'on lui demande, une fois lancé on a l'impression que rien ne peut nous arrêter. Et c'est bien ce que j'ai vécu, d'où cette impression de pouvoir continuer encore.
Alors, bien sûr, une remarque qui n'a pas manquée c'est "Bon alors la prochaine fois tu viens sur la 555 ?"
Aujourd'hui ma réponse est clairement "non". En fait physiquement, je pense que j'étais en situation de continuer 200km de plus. Enfin je dis ça vu de la 333 mais globalement je n'avais aucun signe physique qui m'aurai permis de dire Stop !
Par contre, mentalement, je ne suis pas prêt. Les dernières sections ont été éprouvantes et il faut avouer que les paysages n'ont rien fait pour aider... Du coup la fin a été longue, très longue, parfois limite ennuyeuse. Alors autant physiquement cela devrais passer, autant mentalement j'aurais été rapidement hors du coup, et sur ce type d'épreuve, si la tête ne suit pas, ce n'est même pas la peine d'insister. J'étais probablement conditionné 333, et peut être aussi que le fait d'arriver à CP13 (puis 14) font que je me suis relâcher pensant que c'était gagné, et que si j'étais parti sur une 555 j'aurais pu tenir plus longtemps, mais bon pour le moment, je préfère consolider cette 333. J'ai mis 2 ans à la cuisiner, 4 jour à la déguster, alors place maintenant à une période de digestion bien méritée.
L'équipement...
J'avais tout prévu, pesé, mesuré, calculé, sur de moi, et franchement, je reste persuadé que tout ce que j'avais prévu était parfaitement dimensionné pour cette épreuve... Sauf que je n'ai pas pu en profiter.
Cette remise en cause a été un grand moment pour moi, et pas mal d'ides pré conçues que j'avais ont volées en éclat. Attention, elles ont volé en éclat pour ce type d'épreuve, et pour des conditions de courses lentes et longues, mais quand même, cela ouvre de nouvelles portes.
Ça fait quelques temps que j'essaie de m'affranchir des produits dits "énergétiques" répondant d'avantage a des positionnements marketing qu'a de vrais besoins. Ça se voit très bien pour les courses sur route quand on me demande quel gel emporter pour un semi marathon ou un 10km... (oui, oui, il y en a qui se posent ce type de questions).
Je n'avais jamais franchi le pas de tout laisser de côté, conservant en général au minimum une boisson gout neutre car je ne mange pratiquement rien entre les CP ou les ravitos.
Là, j'ai fait toute la route à l'eau claire, intégrant un verre de coca à chaque ravito (toutes les 4-5 heures) et éventuellement un thé. Pour le reste (surtout le solide) ce fut un incroyable mélange de tout ce qu'on peut trouver sur le marché entre alimentation classique (thon à l'huile, viande séchée, chips, gâteaux apéro, nougat, compote), des lyo (vieux campeur, DK, produits à destination des hôpitaux...) et parfois des trucs bio ou énergétiques (mulebar, effinov,...).
Que des trucs que je n'avais jamais testé en course, et devant l'absence de choix possible, j'ai tout mangé (même du effinov... si, si Koko...) Et bien le résultat est terrible... Un peu faim au début (mais j'avais fait light sur mes CP heureusement complété par des "restes" de coureurs...) puis juste ce qu'il fallait... Et le tout sans le moindre problème de digestion ! Ok il est vrai que depuis pas mal de temps je m'habitue à manger de tout n'importe comment en course, mais au moins, pour cette fois, ça a eu un effet positif indiscutable.
Tiens un truc que je retiens, ce sont les pastilles vichy à la menthe... ou comment avoir une bouffée de fraicheur quand il fait 40° !
Donc forcément, tout ça fait que pour ma prochaine épreuve de ce genre (je n'ai pas encore dit qu'il y en aurait une !) je me poserai quelques questions...
Bon pour en finir, parce que j'ai été un peu long dans tout ça, j'en garde actuellement un souvenir très fort. Ces courses créent des liens entre les participants, liens qui généralement perdurent, mais là, la dette que j'ai vis à vis de toute l'équipe n'est pas prête de s'effacer...
Alors je termine par un grand grand merci à Franck, qui a été l'élément déclencheur de mon ré-équipement et à qui (je lui répète) je suis redevable d'une paire de chaussures...
Des Salomon XA Pro détruites après seulement 300km... Pas terrible Mr Salomon !
...à Koko pour sa présence, ses pastilles vichy et pour avoir réussi à me faire boire des soupes Effinov, à Jean-Claude, pour les 2 jambes supplémentaires, à Isa, Isa, Claude et Alex, non seulement pour m'avoir soigné, mais aussi pour tout le réconfort qui va avec, à Dom pour m'avoir habillé, à Patrice pour m'avoir éclairé (finalement j'ai regretté de ne pas avoir accepté la bière), à Patrick, pour le caleçon, à Gérard et Juju pour nos rencontres au CP, à Thierry et Françoise, pour m'avoir permis de rester à leur côtés, à Michel, celui qui parle aux scarabées pour son accueil avec JC à CP15, à Nanard pour m'avoir permis d'emmener Fanny dans cette aventure, et à Joël, Alain, William, Daniel, Baudoin, Thomas, Mustapha, à toute l'équipe locale sur les CP pour tout ce que vous m'avez, les uns et les autres apporté pour arriver au bout de cette épreuve. Bien sur un grand merci aussi à Alain pour être à l'initiative de tout ça... Sans lui et sans son "grain de folie" on ne serait pas là.
Voilà. maintenant place à 2 semaines de repos total, juste pour s'assurer que toute la mécanique se remet convenablement, et puis mon regard se portera vers mes premiers objectifs de 2012, année qui, je l'espère, sera aussi profitable qu'a pu l'être ma saison 2011.
Merci d'avoir tenu jusque là !
Michel
PS : Un grand merci également à Isa, Claude et Michel pour les photos intégrées à ce récit.
2 commentaires
Commentaire de Free Wheelin' Nat posté le 27-11-2011 à 12:39:08
Très chouette récit, Michel!
Badidon, tu as eu un mental de guerrier pour partir comme ça et ne pas t'épuiser avant même le départ!
Pour le reste , je n'ose même pas imaginer le truc... enorme...se balader tout seul comme ça dans le désert...RESPECT
Et tes affaires, elles sont arrivées quand?
Commentaire de leptitmichel posté le 28-11-2011 à 21:04:15
Toujours pas de news des affaires malgré les recommandés à Royal Air Maroc...
Sinon, pour la course, je pense qu'il est plus simple de repartir de 0 comme je l'ai fait que de perdre la moitié des choses et d'essayer de se rattraper aux branches... Mais bon, la décision de partir quand même a été largement poussée par la réaction des autres coureurs...
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