Un après-midi soirée aux 6 jours d’Antibes. Jeudi 9 juin 2011.

Antibes, 6 jours, 72 heures, 48 heures à courir ou marcher, selon votre sport vénéré, votre choix d’engagement, ce sont les 3 excellents menus proposés par le French Ultra Festival d’Antibes.

Antibes, ici, vous êtes dans le monde du grand fond pur, seul le style différencie les uns des autres, le coureur court, trottine, se surprend à devoir marcher comme il peut ; le marcheur…marche marche et marche nuit et jour. Ces deux sports sont bien distincts, pourtant, pour atteindre leur but certains coureurs reconnaissent s’inspirer à leur bénéfice de certaines techniques éprouvées des marcheurs. Le repos est selon le gré et la nature de chacun. Pas d’accompagnateur pour les marcheurs, parfois une compagne ou un compagnon vous ravitaille sur quelques mètres vous permettant ainsi de sortir sur quelques foulées de votre tournitude pour mieux vous relancer après quelques gorgées, une bouchée ; du Grand Fond vous dis-je. 

Autoroute A8 sortie 44 suivre Antibes-centre puis fort carré, vous êtes arrivé. Depuis 99 heures, ils tournent, marcheurs et coureurs réunis sur un circuit de 1025 m de piste, chemin empierré stabilisé et trottoir bitumé. Les allures caractérisent bien des athlètes ayant démarré il y a longtemps. A ce stade  la volonté seule les mènent, ils avancent la tête dans les nuages. Frédéric LESCURE est totalement suffoqué de voir la venue de sa marcheuse de sœur Elisabeth, il en pleurera de joie et d’émotion durant un tour. Puis nous l’encouragerons durant quelques heures. Ces retrouvailles l’auront stimulé, c’était notre but recherché, conforter le marcheur. Le dernier marcheur a passé les 123km, l’homme de tête en est à 490. 

Le fort carré domine les concurrents ainsi que la statue géante protectrice d’un poilu de la Grande Guerre. Un détail sculptural, le côté de l’arme qu’il tient artistiquement à main gauche et non militairement à main droite, a été probablement choisi par le sculpteur afin de signifier que ce soldat n’est plus de ce monde…l’arme à gauche. Marcheurs et coureurs passent à droite, à gauche, ils défilent inlassablement certains avec un bidon fort secoué par les foulées, à main droite ou gauche en guise de seule arme, pied droit pied gauche, ils avancent dans leur monde sportif.

300 400 500 600 700km à la clef de l’effort fourni, ici, vous êtes face à la mythique baie des anges qui rythme vos tours vent de face, vent latéral, vent dans le dos. La distance à parcourir est supplantée par le temps à tenir, c’est du grand fond pur et dur à partir de 48 heures, rien que ça. Fortes bourrasques, averses, pluies, soleil enfin, marcheurs et coureurs auront démontré leur endurance. Dame Nature aura su à nouveau éprouver les organismes et le matériel. Pieds trempés suivi de chaleur, le retour des phlyctènes était assuré. Heureusement, l’éosine a su cautériser ces maux spécifiques au grand fond. Les médecins ont arrêté Alain GRASSI défaillant ; les tendons ont trahi Frédéric LESCURE pourtant bien parti vers les 500km ; sur le 48h une chute du japonais Muneharu KURODA alors en tête, l’a mené au centre hospitalier. La nature humaine réparera ces infortunés qui reviendront je leur souhaite.     

Chez les féminines des 6 jours, Nicoletta MIZZERA remporte la catégorie avec 611km qu’elle aurait sans doute pu surpasser sans un manque de concentration flagrant; la vainqueur 2010, Josiane PANNIER améliore de plus de 80km sa performance de l’an dernier avec 556km575. Quant à la seconde, coureuse l’an dernier, avec 619km, engagée marcheuse cette année, son style des plus troubles lui a permis d’atteindre les 607km…marche ou course, quand on s’engage dans une catégorie, il faut avoir l’esprit de la respecter. La marche ne s’improvise pas, elle s’apprend, on s’y tient et on en respecte l’âme.

Bien qu’améliorant de 30km sa performance de 2010, Dominique NAUMOWICZ reste loin des 701km de Alain GRASSI. Un plaisir fut celui de retrouver Bernardo JOSE-MORA (PARIS-COLMAR 1999) qui passe les 640km tout en escortant et soutenant son compatriote coureur Albert MELENDEZ PEREZ. 6 jours course ou marche, l’esprit de solidarité prime. 

Après ses 555km555 de 2010, en pur style routier, Stéphane PAILLE s’est imposé sur le 48 heures avec plus de 226km, les 265km de 2010 d’un autre beau marcheur-routier Dominique BERT, restent en place.

A ces épreuves a été adjoint pour expérience un 6 jours tapis. Bardés de connections, forts surveillés, 2 engagés ont tenu leurs contrats, courir 6 jours sans bouger d’un mètre. Médecins du sommeil, psychologues comportementaux, et bien entendu kinésithérapeutes et podologues auront été à leurs petits soins. L’intérêt scientifique est évident mais les performances de Michael MICALETTI et Philippe BILLARD respectivement de 814km300 et 556km800 sont estimables et enviables. 2012, un marcheur s’y mesurera-t-il ?

Antibes 2011, cela a été 168 inscrits sur les 3 épreuves dont 29 marcheurs, et ce séduisant 72 heures remplaçant adroitement le 24 heures, marquant ainsi l’esprit Ultra des 6 jours. A une époque, 72 heures était le temps à marcher pour apercevoir les lumières de Kaysersberg et Colmar, une autre épreuve maintenant diminuée. 72 heures, cela peut raviver des idées de défi et réveiller des rêves enfouis mais toujours à fleur de… pied. Le vainqueur Roger BRUNET, l’ultime colmarien de 2003, y frôle les 320km devant le vétéran stadiste Roger BETAILLE habitué des 24 h d’Arcueil et autres Eppeville à seulement 4km100.

Gérard Cain le directeur de course et ses bénévoles tiennent-là une superbe organisation sportive. 2011 fêté…les dates de 2012 sont déjà attendues par beaucoup. Avoir vu passer ces marcheurs et ces coureurs m’a donné une idée, un nouveau rêve, une fois, rien qu’une fois y participer puis raconter. 72 heures marche dans un an, cela inspire ; belle préparation en perspective !      

Merci par avance à l’organisation. Bernard THANRON