Récit de la course : Saintélyon 2005, par Gibus

L'auteur : Gibus

La course : Saintélyon

Date : 4/12/2005

Lieu : Saint Etienne (Loire)

Affichage : 6066 vues

Distance : 68km

Objectif : Pas d'objectif

3 commentaires

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Il est 8 heures, je n'ai plus sommeil

 

Il est 8 heures, je n'ai plus sommeil 

Tout à commencer un jour en 2002 quand, au boulot, nous avons décidé de faire la SaintéLyon en relais de 4. J’avais accepté et effectué le dernier relais de 18 kms à l’époque. Depuis je m’étais dit que j’y reviendrai en solo. 2005 c’est l’adhésion au club d’Ambérieu Marathon dans le Bugey et chaque année la SaintéLyon était au programme par équipe ou en solo. L’appât était jeté et j’y mordais. Rendez vous à 20h15 au club samedi. Discussion sur le nombre de voitures à amener pour les relais. Je monte avec Christophe, Jean Louis et Jean Pierre. Après un détour à St Priest pour prendre Jean Luc, on se retrouve dans le parc des sports de Saint Etienne. Un petit bonjour aux gars de Bourg en Bresse qui font un relais à 4 explosif. Tiens y a Laurent Ardito du team La Clusaz Cap Aventure qui a participé à la finale des raids dans les Alpes cette année. Dans la salle je retrouve Florian qui court en relais à 4. Je retire mon dossard, contrôle ma puce et me prépare près des autres d’Ambérieu.

Tous sont déjà presque prêts et la pression me tombe dessus. Je le vois à leur regard vers moi. Je me dis cool mais y a 68 bornes qu’y arrivent quand même. J’essaye de m’isoler mentalement mais il y a tellement d’animation que c’est dur et la salive qu’a du mal à passer.

L’heure arrive pour le départ des relais. Plus d’un quart d’heure. Il arrive vite et Anne et Eric me disent d’y aller. Je n’ai pas de pull over rouge mais c’est presque une marche désordonnée vers l’échafaud du départ. Je suis d’ailleurs rappelé à l’ordre par Anne car je m’en vais sur la gauche. Ouh la la. Le départ est vite donné. Il est déjà minuit. On met une minute pour franchir la ligne de départ et très vite on remonte tous les trois des tonnes de coureurs. J’ai l’impression que l’on va trop vite, mais c’est Anne qui donne le ton. C’est qu’elle est motivée. Il fait 7-8° et j’ai trop chaud. Le ravito de Sorbiers 7° kms est atteint en 39’59. Nous décidons sans se consulter de ne pas s’arrêter, on a chacun ce qu’il faut sur soi, isostar, etc…Anne toujours en tête de notre trio, je fais signe à Eric que je m’arrête pour mettre mes gants et mon bonnet dans mon sac et que je les rejoins. Je mets un temps fou à les rattraper et je me fais presque une raison de laisser tomber, mais petit à petit Gilbert fait son nid et au moment de faire la jonction, Eric ralentit nettement. Anne toujours devant continue. Je laisse Eric qui me dit que ça va mais c’est pas le top pour lui. On quitte enfin la route pour les chemins et j’allume ma frontale. Je rejoins Anne qui me montre mon pote déguisé en clown sur qui on revient. C’est à ce moment que je lache ou c’est elle qui accélère, quelle patate elle a. Je rejoins René le clown, on discute le bout de gras. On ne s’est pas vu depuis le cross de Saintes. Il a fait le marathon du Beaujolpif il y a 15 jours. Quelle santé. Avec Eric Z., un autre collègue, ils se sont arrêtés à tous les ravitos en pinard et on fait 3h50. Chapeau. C’est à son tour de me lacher avant St Christo. Je reviens sur Anne juste avant le ravitaillement et la suit comme mon ombre car je sais qu’elle a de l’expérience dans les bousculades des relais. En effet cela se passe très bien et rapidement on repart. 16 kms 1h29’. Je préfère marcher un peu dans la côte qui suit. Je ne l’a reverrai plus. Arrive la montée vers le sommet de l’épreuve et la neige est là sur les cotés. Eric me rejoint et se jette dans mes bras pour m’encourager. Je suis en sueur et je ne suis pas très bien. Je lui dis que ça va aller mais je n’en suis pas tout à fait sur. J’ai froid et je m’arrête pour remettre mes gants et mon bonnet. J’en profite pour sortir ma lampe torche. Je l’avais prévu car cette partie est dangereuse. Elle ne tiendra pas longtemps la pile est tombée en croix peu avant le ravito de Moreau. Arrêt rapide et c’est reparti, ça va mieux. Y a plus personne que je connaisse qui puisse me doubler. Dans ma tête c’est mieux, j’y vois plus clair. Ce n’est pas le cas sur les chemins où boue, flaques d’eau entravent notre progression. Ma puce est toujours là ok. Première cheville hs pour un gars qui se tord de douleur sur le côté, réconforté par d’autres. Attention une flaque d’eau et de boue, je l’évite au dernier moment, derrière j’entends un « Et merde » et je me marre doucement en imaginant l’image. Je bois assez fréquemment avec mon camelbag rempli d’isostar dosé léger. La nuit est belle et j’ai mon premier moment d’euphorie. Ca plane pour moi. Ca redescend sur Ste Catherine kms 30 – 2h46’ Je suis dans mes temps de 6 au mille et à part mes chaud froid du début tout va béné. Dans la salle c’est de la folie, un monde fou. J’aperçoit Gérard qui a fini son relais à 2 et me dit que Anne et Eric sont juste devant moi. Baptiste me tire le portrait , je ne dois pas être beau à voir.

Je repars doucement car c’est un faux plat. Arrive la partie que je qualifierai de plus technique de l’épreuve pour relier St Genoud. Racines, cailloux, descentes dangereuses, je me retourne et là c’est un super spectacle toutes ces frontales en farandole, c’est de la science fiction puis c’est le final hors catégorie sur la route pour arriver dans une tente. 37° kms 3h48. Ca repart, comme toujours après les ravitos, en montée. Je marche un peu puis la route est en descente et là 2° moment d’œuf aux riz. Je vole, je ne touche pas terre ou presque pas à chaque foulée. Qu’est ce qu’il y avait dans mon camelbag ? Des chiens aboient, ils ont pas finis ceux là. Ici ce sont des oies qui jacassent. Il y a même un coq qui chante, il a du voir quelques petzl. Des détecteurs de présence allument des éclairages de maisons quand on passe. Soucieu tarde à venir et je commence à fatiguer. Dernier passage de relais pour certains. Ca termine fort pour certains dossards rouges. 46° kms 4h46’. Je suis encore dans les temps mais je me dis que le plus dur reste à faire. Je m’arrête 6’ me ravitaille bien et repars en descente cette fois pour ce qui va être mon calvaire. Dès le début je sens que ça ne va pas et mes jambes me font souffir. Un concurrent me dit qu’il n’y a pas le feu car il reste 3 heures de course. N’importe quoi me dis-je, il reste 22 bornes. Il va avoir raison le bougre. Je suis limite crampes et j’ai mal au bide. Un gars stoppe et vomi tel un ivrogne appuyé au mur. Drôle d’image. J’avance péniblement et derrière ça tchache. Des filles parlent tout en courant. Elles ont encore la patate, elles viennent de démarrer de Soucieu. Elles me passent et là coup de massue elles ont des dossard noirs. Ce sont des individuelles. Mon moral s’éclate dans la nuit étoilée. On descend jusqu’au pont en ferraille, puis c’est la remontée dans les bois. Re route et re arrêt pour masser les jambes qui ne veulent plus. Isostar, barre céréales, Sporténine, rien n’y fait, il n’y a plus rien dans le bonhomme. J’ai même mal au cou, aux biceps. Passage dans un parc, c’est nouveau ça. Il fait tout noir dans mon parc noir. Les descentes vers le dernier ravitaillement sont d’enfer : des escaliers et toujours des descentes sur la route. Beaunant enfin 57° 6h24’. Je fais le complément de mon camel et je défis du regard ce mur qu’est la côte de St Foix : fait gaffe j’arrive et je ne suis pas d’humeur. C’est parti, faut mettre le frein à main pour ne pas reculer. Puis le faux plat final et c’est la ville. Le jour se lève. Il est temps d’en finir espèce de rebelle. Toi ou moi mais il y en a un de trop. Tu vas souffrir jusqu’au bout et après on ne parlera plus de toi. Entre Saint Etienne et Lyon, c’est toujours la même histoire, il y en a un qui doit céder. Ce ne sera pas moi. Allez accroche, ça sent la fin, le dénouement. Je vois les quais là bas en bas et le décompte des kilos qui me nargue : 6, 5, 4. Je suis sur les quais et là c’est la tempête, le vent de face fait clapoter les vaguelettes sur les berges. Des détecteurs de présences s’allument sur les péniches, sont mal réglés ceux là : il fait jour. Un dernier pont à traverser et c’est l’arrivée à Gerland. Le destin a choisi son camp : j’ai gagné, je l’ai eu. Je lève les bras un peu trop tôt, avant d’entrer dans la salle. J’entends les gens de mon club qui crient en me voyant (enfin) arriver. 68 kms 7h53’ à ma montre. Je suis même plus en colère contre moi. Je lève la tête, je suis fier.

Eric est arrivé en 7h35, Anne 6h38 5° femme. René le clown 7h00. Les gars de Bourg 3°. Les relais ont gazés. Jean Luc s’est fait une entorse. Manu s’est trompé et a failli arriver place Belcourt. Nico en a bavé. Les filles ont terminé 5° équipe. Tout le monde est content. Photo commune sur le podium et on rentre.

Champagne au club house à Ambérieu, les blagues fusent de tous côtés, on est même pas fatigués. On décide quand même de se quitter, il est 10 heures du mat, un dernier regard et c’est la fin d’un périple qui laissera des traces physiques mais surtout un souvenir unique dans notre vie de coureur à pied.

3 commentaires

Commentaire de Karllieb posté le 07-12-2005 à 15:43:00

Bravo Gibus. On s'est peut-être croisé puisque j'arrive moins de 5mn après toi. 3 heures pour faire les 22 derniers KM, je n'y croyais pas non plus... On doit pouvoir faire mieux mais l'essentiel étair sûrement de terminé. Alors à l'an prochain ?
Karllieb

Commentaire de raideur69 posté le 08-12-2005 à 06:55:00

Salut Gibus,et bravo pour ta course.

Commentaire de photogone posté le 11-12-2005 à 13:34:00

Bravo Gibus pour ta course, sans aucun doute un moment que tu n'es pas pret d'oublier mais tout le monde le dit, la Sainté c'est unique ,une atmosphère une ambiance particulière.

Pret pour remettre ça ?

Salutations photographiques et sportives.

Pascal (Photogone)

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