Récit de la course : 6666 Occitane 2010, par Cyrille

L'auteur : Cyrille

La course : 6666 Occitane

Date : 23/4/2010

Lieu : Vailhan (Hérault)

Affichage : 2017 vues

Distance : 118km

Objectif : Pas d'objectif

1 commentaire

Partager :

Le récit

La 6666, épreuve organisée par Antoine Guillon, une figure de l'ultra-trail en France, a retenu tout de suite mon attention. Faut dire que Yoyo les bons tuyaux a mis la pression à toutes ses connaissances dès qu'il a su que la course allait exister : "Vous venez courir dans mon pays où sinon vous n'êtes plus mes amis". Bon, ok Yoyo, puisque nous sommes obligés :)

Sur le Forum Athlète Endurance, quelques uns sont partants pour l'aventure et je trouve facilement deux compères pour faire la course en version relais à 3... car il est hors de question de me taper les + de 115 km et 6666m+ annoncés. Et comme toujours, c'est la bonne pioche. David et Philippe signent avec moi pour la ballade héraultaise.

David, un ancien voisin (et toujours copain), avec qui j'ai déjà partagé quelques entrainements et compétitions. Son point fort : la caillasse, le rocher, le terrain pourri, surnommé "la chèvre des Alpilles" pour son aptitude non pas à brouter mais à courir dans le « technique ».

Philippe, un bavard du net. A cause de lui, j'ai été radié de MSN car nous avons dépassé deux fois le maximum autorisé en conversations. Et tout ça pour raconter un maximum de conneries. Non, franchement, pas un gars fréquentable. Bon, hormis sa propension à tailler la bavette, c'est un habitué des pentes fortes ou fortes pentes, comme vous voulez. Un basque du bord de mer qui va s'entrainer dès qu'il le peut sur la Rhune.

Le plus important, une fois l'équipe constituée, était de bien définir la tactique pour faire le meilleur résultat possible. Mettre chacun dans ce qu'il sait faire de mieux. En clair :

  • moi sur le 1er relais car c'est celui où il y a le plus de parties « roulantes »,

  • Philippe, blessé durant l'hiver et donc arrivant avec moins de foncier, sur le 2ème où il devra se manger le Caroux et son gros dénivelé, portion extrêmement difficile mais moins longue que les autres,

  • David sur le 3ème et dernier relais qui en toute objectivité va courir le morceau le plus dur de la course.

Voilà pour la présentation, maintenant la compétition.


Vailhan, 21h00, je me sens prêt, suis prêt. Prêt à assumer ce que je me suis donné comme objectif : 4h30 maxi en restant souple, sans me mettre minable. Et, en début de course, suivre Renaud Rouanet (2ème Mercantour 2007 ; 2ème CCC 2008 entre autres) pour mesurer ce qui me sépare de lui. Un micro-échauffement de 3' m'a rassuré, mes tendons d'Achille se tiennent tranquille, je peux y aller sans crainte.

Placé dans les 1ers rangs, je mets très peu de temps pour me caler dans les chaussures du cador. Nous attaquons une 1ère montée dès la sortie du village, il est en compagnie d'un autre compère, sans doute un autre ''relais à 3''. Évidemment, ça court malgré la rudesse de la pente. Je suis derrière, décontracté. Les deux discutent sans s'essouffler, ils doivent être décontractés aussiFin de montée, nous plongeons sur la gauche pour prendre une portion de route en descente. 16km/h environ. Le plus difficile, dès que l'on va un peu vite, est de trouver les rubalises et le bon chemin qui va avec. Et nous avons failli nous tromper dès le début, ça promet pour la nuit.

Nous nous engageons dans un chemin sur la droite, l'allure reste soutenue. Entre 14 et 15 à mon avis. Pas de difficultés pour l'instant. Mais au bout de 10-15', mon cardio klaxonne. J'ai réglé une limite haute à 170 puls/mn pour éviter de me mettre dans le rouge. Je suis surpris que ça sonne déjà car je ne ressens absolument aucune gêne, je cours avec plaisir, me laissant guider. Ah mince. Bon ben, il va falloir ralentir. Je profite d'un passage en légère montée avec des rochers pour me mettre à marcher et laisser partir les deux premiers. Pas grave. Les jambes vont bien mais j'ai sacrément chaud, c'est ce qui a du faire bondir mes pulsations. J'ai opté pour un t-shirt manches longues pour traverser la nuit. C'est une erreur. Je sue déjà à grosses gouttes.

Un groupe composé des 1ers solos revient sur moi alors que je tergiverse à un carrefour. L'allure est bonne. Je vais rester avec eux pour l'instant, j'aviserai par la suite. Nous empruntons des mono-traces de toute beauté, un vrai bonheur de courir là-dedans. C'est juste dommage de faire ça de nuit mais enfin l'obscurité n'a pas l'air de gêner mes acolytes, ça descend vite à la lumière des frontales. Moi qui pensait faire les descentes très cool, c'est raté mais franchement c'eût été con de se priver d'un plaisir pareil.

Nous entrons dans un bois. Je suis en tête, très concentré sur mon affaire pour ne pas louper de balises et du coup gêner mes suivants. Nous serpentons à l'intérieur, il n'y a pas réellement de chemin. C'est le balisage qui nous guide et nous impose de fréquents changements de direction. Très ludique. Et puis, j'en rate une, ne la trouve pas. Un des collègues l'aperçoit et en avertit la troupe. Hop, ni une ni deux, je coupe entre deux arbres. Mon pied gauche accroche quelque chose. Une fraction de seconde plus tard, j'ai le visage sur le sol, même pas eu le temps de me protéger. Mes deux frontales ont volé. Fiou, j'ai eu de la chance de ne pas m'affaler sur des pierres. Les autres coureurs me demandent si tout va bien alors que je me relève prestement. Tout va bien, tout est ok. Et ils s'éloignent rapidement le temps que je remette ma frontale sur la tête et reprenne l'autre en main. J'ai confiance en moi, je sais que je vais les reprendre facilement.

Seulement voilà, alors que je me lance à leur poursuite, ma jambe gauche me tire et me fait perdre toute souplesse. Malgré tout je me force, je ne veux pas être lâché. Mais rien à faire, les lumières des frontales sont de plus en plus loin et vont disparaître de mon champ de vision. Chiotte. Il me faudra une dizaine de minutes pour retrouver de l'allégresse dans la foulée.

Quelques instants après, je vais me fourvoyer, me tromper de chemin. Il y a une pancarte ''6666''. Celle-ci est un peu pliée et j'ai l'impression que la flèche me montre le chemin sur la gauche. Pourtant celui-ci est barré par une ligne matérialisée par des petits cailloux. Bon tant pis, j'y vais, je verrai rapidement si je fais une erreur ou pas. Et au bout de 200m, ne voyant pas de balisage, je remonte. Et ouais, ça descendait et c'était agréable et maintenant il me faut remonter. Revenu au carrefour, j'inspecte et trouve la balise que je n'avais pas vue quelques minutes plus tôt. Arrggghhh. Etonnemment, personne ne semble être revenu. Il y a un gros écart entre les concurrents. Un petit raidillon tout de suite après me fait passer direct dans la zone rouge. Allez hop, mode marche. De toute façon, je suis bien trop loin maintenant, définitivement largué.

Les sensations restent bonnes. J'avance bien. Ce sera du plaisir jusqu'à Faugères, lieu du 1er ravitaillement, au 21ème km. A l'entrée du village, en haut, je me plante encore une fois. Mais cette fois, ce n'est pas mon incroyable sens de l'orientation qui a été pris en défaut mais bien le balisage qui est mal placé, faisant penser qu'il faut se diriger sur la droite. Et je dérive sur la droite ne trouvant rien pour me guider. Je reviens sur mes pas et j'entends un bénévole m'appeler ''c'est par là''. Apparemment, il est monté justement pour remettre de l'ordre, d'autres ont du faire la même erreur.

J'arrive dans la salle. Les gens me regardent bizarrement. Ah oui, j'avais complètement oublié que je devais avoir le visage ensanglanté. Je retrouve Philippe qui s'occupe de moi et de ma poche à eau. J'ai bu les 1,25l de St Yorre que j'avais à Vailhan. Il me remet la même chose suivant mes directives. Un médecin est venu aussi aux nouvelles. Ma foi, je ne ressens aucune douleur et il me laisse repartir rapidement. Tellement cet arrêt aura été bref, je me rends compte, une fois sorti de la salle, que je n'ai rien pris à manger. Bah, je ne vais pas rebrousser chemin et le temps que je m'interroge sur mes rations disponibles, ça y est, je me suis encore vautré dans les rues de Faugères. Purée. Le distrait parfait, la burne intégrale. Encore une dizaine de secondes perdues. Et je vais confirmer ce statut de champion du monde quelques kilomètres plus loin alors que j'aborde le Tantajo. Je suis sur la route. Les bénévoles viennent de m'indiquer que ça monte dur alors je ne me pose pas de questions, je marche. Je profite de la quiétude de l'instant pour manger une pâte de fruit et évidemment, durant cet intermède, je loupe la balise. Plein le cul de mes conneries. Je décide de continuer sur la route, misant sur le fait qu'elle doit forcément aller au sommet. Certes, j'y suis arrivé mais j'ai encore perdu du temps dans l'affaire et lorsque j'atteins le sommet, deux frontales apparaissent. Celles de Benoit De Préville et de Philippe Verdier.

Dès le début de la descente, il y a du rocher et connaissant mon aversion pour ce terrain de jeu, je les laisse passer. Et alors que je les suis, mon mollet gauche se contracte et crampe. Cochon de mollet. Je t'ai donné de l'entrainement ces derniers mois, des étirements et de l'eau à vider des fontaines et tu me fais la misère. Enfoiré. Je m'arrête et fais un mini-étirement du mollet. Je finis cette portion rocheuse à 2 km/h, souple comme mon grand-père arthritique. Les deux loulous en ont bien sûr profité pour se faire la malle. Je ne vois plus leurs frontales. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot. Antoine Guillon avait mis juste après cette descente un bon passage bien roulant, bien plat spécialement fait pour moi. Et parce que ma crampe ne réapparait pas, j'allonge la foulée, descend le temps au km et retrouve en très peu de temps Philippe et Benoit qui eux ne peuvent se permettre ce genre de folie vu ce qu'ils vont se manger derrière. Je me cale derrière eux, allure footing tranquille. Nous remontons. Philippe moins à l'aise en montée perd du terrain, je suis Benoit qui assure le tempo. Nous abordons un raidar avec des cailloux fuyants et mon pied ripe et fait revenir au galop ces maudites crampes. Bye bye Benoit. Ma vitesse d'ascension décroit forcément . Quelques hectomètres plus loin, je suis terrassé par la douleur et dois m'assoir pour étirer les muscles postérieurs, les ischios ont décidé de s'immiscer dans la course aussi. Philippe revient sur moi à ce moment, me demande si ça va. Ce ne sont que des crampes, le pronostic vital n'est pas engagé, tout va bien, tu peux y aller. Je vais revenir sur lui assez facilement dès lors qu'elles vont cesser de m'embêter, preuve que je suis loin d'être mort de fatigue.

Nous allons finir la montée de la Coquillade ensemble et à un immense cairn que je crois être la matérialisation du sommet, je m'arrête, laisse partir Philippe pour appeler Philippe, l'autre, mon partenaire de relais qui doit prendre le témoin imaginaire. J'ai perdu beaucoup de temps dans l'affaire, sortir le portable, trouver le numéro, communiquer à Philippe qu'il ne soit pas trop pressé vu mes jambes de bois et le ranger à nouveau dans sa poche imperméable. Les crampes en ont aussi profité pour se repointer et me faire jouer une version de la danse de Sait-Guy. Ça me rappelle Millau 2008 où l'acide lactique jouait avec moi comme bon lui semblait. Mon pied droit se tord sur l'intérieur, je ne peux rien contrôler. Ces crampes viennent sans doute d'une perte trop importante de sels minéraux tant je sue et les 2,5l d'eau gazeuse bus jusque là n'ont pu combler le déficit. Après 3h30 de course, ma poche à eau est vide, une autre mauvaise nouvelle. Je m'assois pour m'étirer consciencieusement puis repars doucement.

Le cairn où je me suis arrêté ne marquait pas le sommet. Il m'a fallu quelques minutes avant d'entamer la descente. Oslo dans le bus qui nous a amené sur le lieu de départ m'avait parlé d'un régal de mono-trace. Oui je veux bien de jour et avec des bonnes jambes car là, ce que je vois, ce sont des rochers posés ça et là par l'organisation. Je suis encore obligé de passer à l'arrêt. La suite sera beaucoup mieux (pour moi). Je vais pouvoir dérouler tranquille en ajustant constamment la longueur des pas dès les prémices d'une crampe. Objectivement, la fin de ce parcours, une fois le mono-trace passé est assez ennuyeuse. Une piste forestière puis une portion de route de route pour rentrer dans Lamalou, ce n'est pas bien bandant après ce nous avons eu. M'enfin, à l'instant T, ça me convient. Un passage près du lit de la rivière rompt la monotonie et c'est l'arrivée aux thermes de Lamalou où Philippe prend le relais en 3ème position. 4 h 49 après mon départ.


Nous allons rester longtemps dans cette base-vie avec Karine, la compagne à Philippe, la 4ème personne de l'équipe. Elle assure la logistique et les déplacements entre chaque point de ravitaillement, rôle essentiel. Les secouristes s'occupent avec un grand professionnalisme de mes bobos au visage. Mais ça dure tellement que je commence à sentir poindre l'hypoglycémie, je me concentre au maximum de mes possibilités pour ne pas sombrer et devoir rester encore plus longtemps ici :)

Facilement une heure après mon arrivée, nous décollons en direction de Colombière où doit passer Philippe. Nous ne verrons pas le 1er de l'équipe à Renaud Rouanet mais en revanche tous les autres qu'ils soient solos ou en relais. Par exemple, la passation de leader entre Guillaume Bernard et Oscar Perez Lopez, l'arrivée du 1er relais à 2 qui transmet un gros bisou (sur la bouche) à son binôme (nous aurions du faire pareil, c'est plus motivant), l'arrivée de Benoit De Préville qui va se faire chouchouter par son assistance et enfin l'arrivée d'un Philippe radieux. Cette 1ère partie l'a ravi, il a de bonnes sensations donc tout roule. Super.

Direction Mons maintenant où Karine me dépose et s'en va dormir quelques instants à leur hôtel. Je vais m'affaler sur une chaise et ne pas en bouger pendant quasiment une heure. Je vois le passage de témoin entre la 1ère équipe. Il s'est perdu lors de la descente finale rajoutant 4 km à son étape, ça ne l'a pas empêché d'arriver avec une sacrée avance. Ils étaient vraiment au-dessus du lot cette équipe.

David qui avait garé sa voiture non loin pour dormir cette nuit me rejoint avant 06h00. Tranquilles, décontractés. On est bien là.

Au lever du jour arrive Philippe qui en termine de son relais. Il a un peu coincé dans la descente finale mais il est content de sa performance et nous aussi. Il raconte « l'épisode Benoit de Préville » où celui-ci perdu en haut du Caroux siffle. Philippe en bon samaritain sort de la trace et s'en va le rejoindre. L'autre goujat ne le remercie même pas. Il va même se plaindre des qualités d'orienteur de Philippe pour les remettre sur le bon chemin. Ça doit être ça l'esprit trail. Philippe perd 15 minutes et pour la petite histoire, c'est grâce à son GPS qu'ils vont la retrouver cette trace.

Nous restons une trentaine de minutes sur place. Ça me laisse le temps de voir Yoyo qui arrive bien fatigué. Il manque de force et souffre dans les montées. Pas dans un grand jour mais son mental inoxydable et ses gros mollets l'emmèneront au bout, à la 7ème place. Il fera mieux l'année prochaine.

Pendant que les deux tourtereaux retournent à leur hôtel pour se reposer, moi je me taille du côté de Vieussan. Un peu de stop et hop, j'arrive dans le petit village vers 09h00, l'heure où repart la le 3ème relayeur de l'équipe qui caracole en tête . Je commence à sombrer mais heureusement un bénévole vient taper la discut'.

Oscar Perez, le 1er solo, se pointe. Il est encore vachement fringant malgré les 100 bornes avalées. Je le trouve impressionnant car j'étais au début de la nuit en sa compagnie, il donne l'impression d'aller à la même vitesse. Il finira quand même devant nous à Roquebrun alors que nous étions 3 pour faire le même parcours. Il n'y a que David qui lui prendra du temps sur la dernière portion.

David arrive à Vieussan où nous, toute l'équipe, l'encourageons. Nous sommes troisièmes depuis le début de la nuit et garderons cette place jusqu'au bout. David craquera un peu sur l'interminable fin mais mû par la volonté de ne pas lâcher pour l'équipe ira au bout de ses forces, mettant quelques minutes à l'arrivée pour se refaire la cerise.

Si ce n'est de le débalisage sauvage, qui devient un sport national, et le manque de douches sur les bases-vie, cette course fut parfaite. Pour avoir suivi la course toute la nuit, j'ai pu voir l'investissement d'Antoine Guillon, de Pascal Llagone, de leurs femmes. J'ai même vu Renaud Rouanet qui une fois son relais fini, qu'il a largement gagné, partir rebaliser certaines sections.

Il y a peu de chance que j'y sois en 2011 car le programme que je me suis fixé me laisse peu de marge de manœuvre mais je la conseille à tous. Antoine, à l'écoute de tous, il fallait le voir à l'arrivée à Roquebrun disponible, super sympa malgré, j'imagine, la fatigué liée à une nuit blanche et à de multiples kilomètres dans la garrigue pour rebaliser ou s'assurer que tout se passe bien, oui Antoine Guillon mérite que son épreuve perdure.

1 commentaire

Commentaire de akunamatata posté le 22-06-2010 à 09:06:00

Bravo Cyrille, superbe course et un recit bien complet qui donne envie.
toujours aux avant-postes, c'est bien de voir que tu as la patate.
16 km/h au depart ca depote grave ;-)

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Accueil - Haut de page - Aide - Contact - Mentions légales - Version grand écran - 0.08 sec