Récit de la course : La Cannonball 2008, par andre

L'auteur : andre

La course : La Cannonball

Date : 20/9/2008

Lieu : pointe de grave (Gironde)

Affichage : 865 vues

Distance : 120km

Objectif : Terminer

2 commentaires

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La Cannonball, c'est de la balle !

Heureusement, je n’ai pas lu l’édition du vendredi 19 de Sud-Ouest avant le week-end dernier.

Dans un article consacré à la Cannonball, Gérard Caupène, l’organisateur, qualifiait son épreuve de « épouvantablement difficile ». Il n’était pas loin de la vérité ! Sur le site internet, il indique d’ailleurs que si la distance s’en approche (entre 112 et 122 km suivant les options), la Cannonball n’a rien à voir avec un 100 kilomètres classique. Et d’ajouter que l’estimation du chrono doit se faire en ajoutant 50 à 70 % de la perf habituelle sur ce type de compétition. Bon, si je prends mon dernier 100 à Royan l’an dernier où j’ai réalisé environ 12h30, si je rajoute 60 % pour être dans la moyenne, ça pourrait donner 20 heures à l’arrivée. Ça va, le délai maxi est de 25 heures.

Nous sommes 31 à nous présenter samedi matin au départ de cette course qui n’en est pas une. Dans un esprit agréablement déjanté, Gérard et son épouse Caroline nous accueillent pour une aventure sans dossard, sans classement, sans parcours imposé, sans autre contrainte que de rallier la Pointe de Grave à la pointe du Cap Ferret via 5 postes de ravitaillement et de contrôle. Entre chacun de ces postes, les coureurs font comme ils veulent, utilisant la trajectoire, piste cyclable ou plage, qui lui convient le mieux, au gré de ses envies et de sa stratégie. Pas de matériel obligatoire, juste une ferme recommandation quant aux réserves alimentaires embarquées. Nous sommes adultes, nous le savons, Gérard le sait, et chacun prend ses responsabilités.

Il fait beau, il fait assez chaud, ça tombe bien, j’adore ça ! Petit briefing avant le départ, tout le monde est détendu, joyeux, impatient d’en découdre. C’est peut-être bien la première fois que je suis aussi zen sur une ligne de départ…

Zen, et pourtant… ma préparation n’est pas top, je compte uniquement sur l’énergie que je n’ai pas bouffée dans mon UTMB avorté ; préoccupé ces dernières semaines et plus particulièrement ces derniers jours par des soucis logistiques urgents, sans rapport avec la course à pied, je me suis un peu dispersé, négligeant un peu l’entraînement et jouant avec ma durée de sommeil, que j’aurais dû optimiser en prévision de la nuit que je vais avoir à passer en forêt ; j’ai préparé mon sac au dernier moment, à l’arrache, j’ai oublié de recharger mon GPS et j’ai oublié de me préparer les 2 sandwichs que je comptais emmener, un pour l’avant-course, l’autre pour mettre dans le sac à dos… bref, un vrai débutant ! Mais je m’en fous, je ne vise pas la performance, no stress.

Midi pétantes, Gérard nous lâche sur la plage pour 1,2 km obligatoire sur le sable avant… d’y rester, où d’en sortir pour emprunter la piste cyclable. Je choisis cette seconde option, et suis un petit groupe qui a fait le même choix. Chacun prend ses marques, s’habitue au poids du sac à dos, règle son allure durant ces premiers kilomètres. Je me laisse doucement décrocher pour ne pas risquer le surrégime, imité en cela par un autre coureur. Lui et moi courons au même rythme, nous en profitons pour faire connaissance. Philippe est de la région, au sud du bassin d’Arcachon, et est encore jeune dans l’ultra, récemment dépucelé sur 100 km et 24 heures.

Bavardages, échange d’expériences, le temps passe vite et nous abordons bientôtSoulac, au 6ème kilomètre, suivi des regards amusés des passants qui doivent bien se demander, pour la plupart, ce que nous faisons là. Nous atteignons ensuite l’Amélie et le 13ème kilomètre et choisissons de suivre les conseils de Gérard nous incitant à rejoindre ici la plage, profitant de la marée basse pour éviter une portion de piste cyclable peu amène.

Nous nous retrouvons donc en plein soleil, et à cette heure-ci il tape dur, mais ce n’est pas pour me déplaire et je suis heureux comme tout. Nous courons sur le sable dur, pour avoir les meilleurs appuis possible, sans trop solliciter les tendons, mais je suis un peu inquiet, car la plage est bien sûr en pente, et nous courons en permanence en dévers. En fait, l’histoire montrera que cela n’aura finalement pas eu d’incidence, et n’aura nullement été une gêne.

Le premier ravitaillement se présente, au 15ème kilomètre. Comme précisé avant le départ, nous n’y trouverons que de l’eau, comme ce sera le cas au second, au quatrième et au cinquième. Seul le troisième, à mi-parcours, proposera diverses boissons ainsi que du solide. Pour l’heure, nous nous contentons de faire le plein de nos poches à eau, que je complète pour ma part d’un sachet de poudre énergétique me permettant d’obtenir une boisson très faiblement dosée, n’utilisant pour 2 litres d’eau qu’un sachet prévu pour 50 cl. Avec la chaleur ambiante, cela sera amplement suffisant.

Pour le solide, nous tapons dans nos propres réserves, barres de céréales, pâtes de fruits, bananes séchées… Je regrette un peu mes sandwichs oubliés, mais qu’importe, il faudra faire sans. De toutes façons, j’ai suffisamment de réserves en barres.

Alors que nous alternons course et marche à travers une plage naturiste, un touriste nous emboîte le pas, nu comme un ver et entame la conversation. Chemin faisant, il va s’intéresser au but de notre escapade, à notre pratique sportive, et va ainsi parcourir plusieurs kilomètres en notre compagnie. Situation pour le moins insolite, voire incongrue que ce spectacle de 2 joggers en tenue de course, harnachés de leur sac à dos, accompagnés de ce nudiste au demeurant fort sympathique, même si j’eus préféré la compagnie de sa fille ou de sa nièce dans le même appareil.

Bref, tout ceci nous emmène jusqu’au Pin Sec, au kilomètre 37, où notre acolyte fait demi-tour, et nous trouvons le second ravitaillement. Comme au précédent, nous pratiquons une recharge rapide, style formule 1, et nous réapproprions la plage.

La mer est immense, chante Graeme Allwright, la plage également. Et sublime en ce samedi après-midi où les vacanciers l’ont désertée. Des kilomètres de sable et d’océan presque que pour nous, baignés de soleil et d’une chaleur agréable. Un rêve de touriste ! D’ailleurs, Philippe et moi avons choisi de nous la jouer plutôt touristes. Pas question de se défoncer, pas question de se faire mal, nous avons envie de profiter du privilège qui est le nôtre. Nous n’avons pas envie de courir après le chrono, juste de savourer un bon week-end entre copains. De plus, avant le départ, Gérard nous a dit dans son briefing : « Si vous comptez arriver en moins de 20 heures, vous mettez vos sacs pour l’arrivée dans le Range Rover, si vous pensez arriver en plus de 20 heures, vous les mettez dans le minibus. » Je l’ai joué humble et sans fausse modestie, et je me suis dirigé vers le minibus, Philippe m’apprend qu’il a fait de même. Dès lors, il ne nous faut pas terminer en moins de 20 heures, au risque de devoir attendre le rapatriement de nos sacs. Et puis un calcul rapide nous montre qu’en 20 heures de course, nous terminons à 8 heures du matin, juste à temps pour voir le lever du jour sur la dune du Pyla, en face du Cap Ferret. Voilà qui est parfait, notre objectif est donc dessiné.

A Hourtin, kilomètre 42, nous reprenons la piste et retrouvons le couvert de la forêt. Le road-book fourni au départ est précis, le balisage restreint au strict minimum mais suffisant et clair, nous suivons notre route comme un train suis sa voie. La piste, en béton, est étroite et en mauvais état, mais notre progression est soutenue.


C’est alors que je fais connaissance avec les mouches plates. Gérard nous avait prévenu de la présence de ces insectes sournois, qui vous tournent autour, se posent sur vous, cherchent, hésitent, puis vous piquent. Elles sont presque indestructibles, il est vain d’essayer de les tuer d’une claque, le seul moyen étant de les attraper (elles sont un peu cons, elles se laissent facilement attraper), puis de les écraser avec l’ongle.
Ayant peu de goût pour ce genre de chirurgie, je me contente de les chasser d’un revers de main. Mais elles reviennent ! Philippe me mettait en garde « attention, tu en as une sur chaque mollet, tu en as une sur le bras… » Mais, me souvenant que les moustiques ordinaires ont peu d’attirance pour moi, et que s’ils me tournent autour, ils ne me piquent pratiquement jamais, je décide de tenter le coup avec les mouches plates. Je les laisse alors se poser, se promener, guettant la moindre piqûre… rien ! Je ne me prends donc désormais plus la tête avec ces bestioles, et chacun va vivre sa vie, elles comme moi. Ce n’est que mardi, soit 3 jours plus tard, que sont apparues les premières boursouflures et les premières démangeaisons… Désormais, quand je verrai une mouche plate, je la tuerai !

Le soleil baisse maintenant et nous atteignons Carcans baignée dans une belle lumière de fin de journée. Nous savons que le 3ème ravitaillement nous y attend, et je me réjouis à l’idée de manger autre chose que mes provisions. Nous passons devant un bar où l’idée me vient de nous y arrêter pour déguster un bon Coca bien frais. Mais pour l’heure, Caroline et son équipe de bénévoles nous attendent au bord de la plage, au kilomètre 60, et sont tout de suite aux petits soins pour nous, nous proposant une grande variété de liquides et solides pour nous rassasier. En premier lieu, je demande à me faire servir un verre de… Coca que je bois avec délectation, suivi d’un second.

Nous nous installons, prenons nos aises, dégustons soupe, jambon, pain, cake, fruits… et jouissons du bonheur de pouvoir nous asseoir dans des sièges de camping. Nous allons ainsi passer pas moins de trois quarts d’heure à glander avant de reprendre notre route chemin, non sans être passé en configuration de nuit, collant et maillot manches longues. La nuit s’annonce (très) fraîche, autant prendre les devants.

Les kilomètres commencent à se faire sentir dans les jambes, et nous convenons de lever désormais un peu le pied, d’autant qu’un rapide calcul nous indique que nous sommes largement dans les temps pour notre objectif commun d’arriver avant 8 heures du matin.
La nuit commence maintenant à tomber, et même si les frontales ne seraient pas absolument indispensables, nous préférons les allumer pour être sûr de ne pas louper un balisage.

Le rythme est à présent un peu moins soutenu, mais les kilomètres défilent tout de même agréablement. Un peu plus loin, Lacanau nous attend, la partie la plus urbanisée du parcours. Du coup, nous décidons, Philippe et moi, de faire une pause dans un bistrot aux alentours du 70ème kilomètre. Encore 10 ou 15 minutes de perdues, mais depuis le début de cette épreuve, le chrono est loin d’être une obsession !

Nous sortons de la ville pour nous enfoncer à nouveau dans la forêt et mettre le cap sur le 4ème ravitaillement. Au 83ème kilomètre, nous atteignons celui-ci à La Porge. Les bénévoles qui sont là font preuve d’un grand dévouement, à affronter la nuit et le froid pour notre bien-être.
A nouveau nous faisons la recharge rapidement et repartons en quête du 5ème et dernier poste.

Désormais, cela devient franchement dur, la nuit est bien installée, et il fait… très frais. Mais le moral est toujours là et rien ne saurait nous détourner de notre but. Quand même, cette portion nous paraît à l’un comme à l’autre interminable, et c’est avec un vrai soulagement que nous atteignons le Truc Vert, lieu du 5ème ravitaillement, au 105ème kilomètre, où nous attend Gérard.

Remplissage rapide des réserves d’eau, et c’est reparti ! L’arrivée est proche, mais la fatigue est bien là, pesante. Le manque de sommeil nous plombe tous les deux, et j’ai énormément de mal à rester éveillé. Je titube, fais des embardées, zigzague sans arrêt, c’est pas terrible. Je parviens à lutter quelques kilomètres, mais au bout d’un moment, je ne tiens plus, et j’annonce à Philippe « vas-y, continue, je me pose 10 minutes et je repars ». Je m’assoies alors contre un arbre, règle ma montre pour la faire sonner 10 minutes plus tard et essaie de m’assoupir, cherchant un micro-sommeil salvateur.

Dix minutes plus tard je rouvre les yeux avant même que ma montre ne sonne, et me relève sans avoir dormi un iota. Je reprends ma route dans le même état que précédemment, et quelques centaines de mètres plus loin… j’atteints le Cap Ferret et son éclairage urbain. Du coup je sors de ma léthargie et me mets en quête de la plage qui va me mener vers la ligne d’arrivée sur les 5 derniers kilomètres. Je monte, puis redescends de l’autre côté la dune qui me sépare de l’océan, et me rapproche le plus près possible de celui-ci, malgré la marée montante, pour profiter au maximum du sable mouillé.

La sensation de courir marcher la nuit au bord de l’océan grondant est extraordinaire. De loin en loin, des lumières sur la plage me font penser à des coureurs me précédant. En réalité, il s’agit de pêcheurs installant leurs lignes, surpris de mon passage. Je scrute l’horizon, cherchant en vain à deviner le bout de cette langue de sable et l’arrivée, mais Gérard nous a prévenus, la côte décrit une courbe et ce n’est qu’au dernier moment que l’on découvre l’arche.

Enfin, après de longues dizaines de minutes, je devine au fond des formes, des silhouettes, dans l’aube. Pari gagné, l’arche est là, devant moi, Caroline m’attend, le photographe va prendre place face à moi, de l’autre côté de la ligne, pour immortaliser mon arrivée, je reprends le pas de course pour les 20 ou 30 derniers mètres dans le sable, et peut enfin stopper mon chrono. Il indique 19h29, nous sommes dimanche 21 septembre à 7h30, le soleil peut se lever, je suis prêt à l’accueillir, face à la dune du Pyla. J’ai parcouru 117,724 km.

J’ai accompli un rêve.

2 commentaires

Commentaire de Marco47 posté le 01-10-2008 à 18:58:00

Bravo à toi pour ta performance sur cette épreuve et merci pour ce récit qui m'a fait rêver.

Marco

Commentaire de golum posté le 01-10-2008 à 22:39:00

Merci pour ce CR bien sympa, qui donne envie d'aller faire un tour sur cette Cannonbal.

Christophe

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