Récit de la course : EmbrunMan 2005, par cigaloun dupuy

L'auteur : cigaloun dupuy

La course : EmbrunMan

Date : 15/8/2005

Lieu : Embrun (Hautes-Alpes)

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Distance : 234km

Objectif : Pas d'objectif

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Le récit

Triathlon longue distance d'Embrun
Lundi 15 août 2005

Pour Pierre, Alain et Gérard

Distances :
Natation : 3,900 km
Vélo : 188 km
CAP : 42,195 km
(un grand merci à Lionel de Toulon, dit Superyoyo pour ses photos et ses vidéos son site : http://triathlon.virtuel.free.fr, à Flora la Nicoise , et à Tintin photos)

Voilà, il est 6 heures du matin ce 15 août 2005 et je suis encore au départ du mythique triathlon d'Embrun. Qui aurait dit ça !

Il y a deux ans, jour pour jour, heure pour heure, j'étais au même endroit, me lançant dans l'inconnu, l'homme des défis fous comme ils m'appellent au village, prendre part à mon premier triathlon sur l'Embrunman, réputé pour être un des plus, si ce n'est le plus, dur au monde, et j'ai réussi ce pari fou en 17 h 25 minutes.
Et depuis, je me suis pris au jeu, mordu que j'étais par ce sport et sa, bonne, mentalité.
En 2004, malgré des tendinites récurrentes qui m'ont fait raté ma saison, j'ai quand même couru deux triathlons Courte Distance (1,5 km natation, 40 km vélo, 10 km course à pied) à Embrun et à Manosque, plus le marathon de Carcassonne.
Mais en 2005 j'ai eu d'autres ambitions : refaire Embrun, alors je me suis préparé en conséquence :
2 CD : Toulon et le Codolet
2 MD (2,5 – 80 – 20) : Saint Raphaël et Cublize
1 Brevet Cyclo montagnard 233 km 3800 m dénivelé.
Et j'aurais pu faire mieux si une tendinite mal placée, insertion haute ischios jambiers droite et gauche, générant des douleurs types sciatiques, ne m'avait pas obligé à faire une coupure en mars et avril.
Cette coupure m'aura-t-elle été bénéfique ? Je ne sais pas, l'avenir me le dira.

Donc ce lundi 15 août, je suis encore là , au départ, dans ce parc à vélo d'Embrun, ce fameux parc, dans lequel une ambiance très particulière règne.


Un mélange d'angoisse, de décontraction, de joie, de larmes, mais comment décrire, ce qui ne peut pas l'être si on n'est pas au milieu.
On y voit : de grands gaillards la larme à l'œil, d'autres parler et rire avec les copains pour donner le change, des habitués que rien ne stressent, on y entend de grands cris : de retrouvailles, d'enfants qui ont retrouvé leur papa adoré, d'épouses bien contentes de se débarrasser de leur mari pour la journée
Moi, je suis un peu de tout ça, inquiet, calme, heureux.
Inquiet, parce que depuis 1 mois et demi que j'ai enlevé le système Increvable Plein Tube, j'ai déjà crevé 5 fois !!
Calme, parce que je pense n'avoir rien oublié, j'ai un véritable attirail sur mon emplacement, qui va de la protection du tube de selle pour l'appui sur la barrière, aux tubes de gels, deux casquettes….. Bref, normalement, il ne me manque rien.
Heureux, parce que c'est toujours surréaliste pour moi de me retrouver dans un parc de triathlon et d'en prendre le départ, tout simplement parce qu'en septembre 2002 je ne savais pas nager, et qu'après des soucis de santé en 2001, je n'étais pas sûr de pouvoir re-marcher un jour et donc à fortiori courir.

Je me suis réveillé à 4 h 50, j'ai pris un petit déjeuner copieux, gâteau de riz, fruit, café, Spordéj, bref du costaud, car la journée risque d'être longue.
Cette année, je me suis un peu plus "professionnalisé, j'ai tenu un carnet d'entraînement, régulièrement à jour, et me suis fais suivre régulièrement, sur Internet par un nutritionniste de l'Irbms, et c'est ainsi que j'arrive à Embrun à 77 kg et 19 % de masse graisseuse, content de moi, mais réaliste, sur le travail qu'il me reste encore à faire en ce domaine, car je mesure malgré tout 1 m 75, j'ai donc encore quelques kilos à perdre.
Mon "compteur" marque depuis le 1er janvier 2005 :
Natation +- 75 km
Vélo +- 4500 km
Course à pied +- 790 km
Cela sera-t-il trop ou pas assez, beaucoup d'internautes ont donné comme conseil, entre autre, qu'à Embrun il fallait arriver "frais" avec beaucoup d'envie. En vélo c'est mon cas, j'ai beaucoup progressé, mais en course à pied je suis sûr d'être juste, et j'ai peur de ne pas finir.

Je descends tranquillement au parc à vélo, la veille j'ai déposé mon vélo, assez inquiet d'une part à cause du vent violent qui soufflait ce jour là, peur qu'il ne fasse tomber mon vélo, et aussi incertitude pour savoir si je dégonflais mes pneus ou pas. Il ne fait pas chaud du tout, aussi j'ai pris la décision d'une part de ne pas mettre de sac, en protection sur le vélo, pour qu'il ne fasse pas "voile", et de ne pas dégonfler les pneus.

Le marquage du "bétail" se fait rapidement, les bénévoles sont, comme d'habitude très efficaces et très sympas, il est pourtant 5 h du matin.
Je laisse mon ravitaillement personnel pour le sommet du col de l'Izoard dans le carton ad hoc.
J'ai prévu du salé et deux recharges de boisson isotonique, j'avais prévu aussi une chambre à air, vu ma propension à crever en ce moment, mais au briefing de la veille, il a été dit qu'il ne fallait que du comestible pas de mécanique, je me suis donc exécuté, mais pas de gaîté de cœur.
Cette année la particularité, c'est qu'il y a deux courses le même jour le LD à 6 h et le CD à 8h30, il y a donc foule à l'entrée du parc, mais c'est très fluide, et je me retrouve assez rapidement à mon emplacement, à la ligne 27, quasiment à la jonction avec le parc à vélo du CD.
Ma place se trouve juste en face de cages de handball, je n'ai donc personne en face, ce qui nous permet, à tous ceux qui sont à côté, de gagner un peu de place en laissant nos sacs dans la cage, parce qu'en terme de place c'est très juste.
Je salue mes voisins, et commence mettre en place tout mon paquetage, un jour je vais me mettre au ping pong moi , parce que le triathlon de longue distance, c'est la galère.
Un instant je panique, je ne sais plus ce que je dois mettre en place, ce n'est pas possible ça, bon, je me calme, et commence par le début, la natation.
La veille, j'ai mis de l'anti buée sur mes lunettes, mon produit habituel qui a été efficace jusqu'à maintenant.
Je suis tranquillement l'ordre de la course, natation, vélo, course à pied, et à priori tout est en place.
Pour dégager un peu de place je commence à mettre la combinaison aimablement prêtée par le magasin Zorbike, car la mienne a des problèmes de SAV avec Quintanaro , sans ce prêt je n'aurais pas pu faire un seul triathlon cette année.
A noter que Marc de Zorbike m'a prêté sans hésitation une combinaison neuve.

Pour le vélo, j'ai prévu, le cuissard et le maillot du site et du forum internet Onlinetri, "no drafting, no doping", cet ensemble est magnifique et après l'avoir essayé deux fois avant, je l'ai trouvé très confortable pour faire du longue distance, et puis comme mon club, n'a pas encore de tenue vélo, je n'ai pas hésité à le mettre.
Tout semble prêt, pour le vélo, j'ai une caisse pleine de ravitaillements divers et variés, j'ai prévu cette année des barres énergétiques salées, leur goût n'est pas exceptionnel, mais au moins c'est salé.
En course à pied, je pars avec un short et zip au couleur de mon club, les Centaures de Pertuis, un ceinture porte gourdes et un bob genre "Indiana Jones", plus des éponges pour essuyer la transpiration et de la crème pour éviter les frottements aux aisselles.
Tout est en place, chaussures, chaussettes, casques, casquettes, ravitos, je peux donc finir de me préparer pour la natation.
Je m'enduis d'huile derrière le cou, et de crème aux aisselles, là aussi, j'enfile ma combinaison assez facilement sans aide extérieure, faut dire que j'ai pas mal maigri, je suis au départ à 77 kg contre 78 en 2003, mais surtout un taux de masse grasse de 19 % ce qui ne m'est pas arrivé souvent, je le répète mais j'en suis assez fier.
Un des forumeurs d'Onlinetri vient me saluer, Actarus, nous avons plaisanté tous les deux sur le forum, les semaines précédents Embrun, pour savoir qui des deux finiraient derniers.
Mon voisin de droite a oublié sa crème, je lui passe mon tube en lui disant qu'il peut se servir copieusement car j'en ai un autre.
Bon, voilà, je salue mes deux voisins une dernière fois en leur souhaitant bon courage et surtout d'être prudent, et je descends tranquillement au départ de la natation.
Là, j'entends au micro deux forumeurs d'Onlinetri, Pierre et Olivier, qui ont la charge de l'animation de cette journée. Laquelle journée commence par une minute de silence forte émouvante en hommage à un triathlète disparu récemment, à Colette Besson ainsi qu'à un membre de l'organisation. Le départ à Embrun est déjà un moment fort émotionnellement, mais là ça atteint des sommets, quel silence ! quel respect ! pas un bruit, pas un cri. Certains crétins sur les stades de foot devraient en prendre exemple.
Pierre, un des animateurs, (pour eux aussi quelle journée) rappelle l'initiative prise sur le forum Onlinetri, de porter un petit brassard bleu en hommage à toutes les personnes qui luttent actuellement contre un cancer, et plus particulièrement pour Pierre Dorez jeune triathlète, touché lui aussi par cette maladie, à titre personnel, j'y associe Alain et Gérard, bon courage les gars, moi j'ai choisi de souffrir, pas vous.
Le départ des filles et des handi-sports a été donné avant cet instant, à 5 heures 50 mn.

Pour nous, la pression monte, je me tiens sur les caillebotis en bois à la limite de la pelouse, je tourne comme un ours en cage, un peu dans le style Moriss Green au départ d'un 100 m, je marche, je souffle et respire fort, bref j'ai le stress.
Spontanément je tape dans la main d'un concurrent asiatique, je crois qu'il est japonais car j'en ai vu un sur la liste des inscrits.
Je rencontre Vincent un internaute local, qui nous donne régulièrement de bons tuyaux, sur l'état des routes, la température de l'eau….. Je lui dis que j'ai plus d'angoisse qu'en 2003, car cette année là je ne savais pas du tout dans quoi je m'engageais.


6 HEURES le départ est donné,

je pars, fidèle à mes habitudes, dans les derniers, j'ai essayé ces derniers temps de mémoriser le parcours natation pour ne pas renouveler mes erreurs de trajectoire de 2003.
Je suis bien, à chaque fois je suis étonné de la douceur de l'eau, bon il faut dire qu'à l'extérieur cette année, il ne faisait vraiment pas chaud du toutJ'ai de super sensation de glisse, c'est vrai qu'avec Rabah, le maître nageur du club nautique de mon village, j'ai beaucoup progressé, je passe la première bouée sans difficulté, et je ne suis pas encore largué, le gros de la troupe est là juste devant moi, mais rapidement, je sens que quelque chose ne va pas, je ne vois rien du tout,

sur le moment je ne comprends pas ce qui se passe, j'essaie de suivre les "traces", et je réalise vite que j'ai de la buée sur les lunettes, ce n'est pas possible, j'ai des lunettes avec lesquelles je n'ai jamais eu de problème, j'ai mis la veille un anti buée avec lequel aussi, je n'ai jamais eu de problème.
C'est la cata, je ne vois rien du tout, j'essaie de me diriger au pif, et au bout d'un moment, je ne vois plus personne, enfin quand je dis que je ne voie plus personne, je devrais dire plutôt que je ne discerne plus du tout les bonnets blancs des autres concurrents.
Je panique complètement, je m'essouffle, je décide de m'arrêter pour analyser un peu ce qui se passe, et sur ma gauche je vois vaguement des taches blanches, j'en suis à au moins, 50 mètres, je fonce vers eux en accélérant de rage.
Et chose aussi inouïe, je me prends des départs de crampes sur les deux ischios, droite et gauche et aussi sur les deux mollets, décidément aujourd'hui je cumule.
Je récupère un petit groupe, je nage toujours bien malgré ces petites crampes, qui m'angoissent plus que ce qu'elles ne me gênent.
Bon là je suis bien, je suis dans un petit groupe, sûrement les derniers, j'accélère et commence à doubler régulièrement, j'ai toujours de la buée aussi je suis bêtement les autres concurrents, mais pas de chance, celui ou celle qui me précède à la bouée du club nautique se perd aussi et tire droit, les arbitres nous sifflent pour nous remettre dans les bon chemin.
Je profite pour m'arrêter et leur demander si je ne peux pas m'accrocher au bateau pour enlever la buée, je m'entends répondre que ce n'est pas possible car sinon je serai disqualifié, tiens compte là-dessus et bois de l'eau , je ne vais pas me faire disqualifier pour ça, et rouspétant contre ces jeunes arbitres qui auraient pu être un peu plus tolérants, car j'étais dans les derniers, il y la règle et il y a l'esprit, je poursuis mon périple.
Tout ceci décuplent mes forces, j'ai des sensations de glisse extraordinaire, je double encore des concurrents, mais avec mes erreurs du début, ce sont sûrement encore les même que je double, mes crampes sont toujours là, gênantes, stressantes, je nage en entendant la voix de Rabah : tire sur tes bras, ne croise pas, pousse bien au fond, ben il est là ?? je ne l'ai pas vu.
Bref, je délire un peu, mais je nage bien, même si mon premier pari pour cette journée, ne pas me faire rattraper par les premiers, est déjà loupé, mais sans dégât. J'ai de bonnes trajectoires pour la fin, car avec la levée du jour, je vois mieux, et il me semble qu'il y a moins de buée.



Vous aurez compris que je ne suis pas suffisamment bon nageur, pour m'arrêter dans l'eau en enlever cette buée.
Je passe bien à gauche à ras des bouées, les bons sont plus à droite.
J'attaque ma deuxième boucle, avec plus d'espoir, mais avec toujours de la buée.
Je nage bien, je double encore, et avec le jour je vois qu'il y a plein de canoës sur le plan d'eau, et il n'y en a pas un qui est venu me remettre dans la bonne trajectoire, ça me mets en colère, et je nage encore plus vite, mais si je peux
Il y a deux ans j'avais basculer au club nautique avec le levée de soleil en face de moi, cette année non, le soleil n'est pas encore sorti, cela me motive, je me dis, naïvement, que c'est bon je n'ai pas perdu autant de temps que ce que je pensais, même si au fond de moi, je n'y crois pas du tout, je fonce vers l'arrivée, je sors de l'eau en 01 h 35, je suis très déçu, en colère contre tout le monde, moi, mes lunettes, mon anti buée, les arbitres, les canoës……
Tout le monde y passe




J'arrive à mon emplacement et jette mes lunettes dans mon sac, furieux et dégoutté.
Je vois juste à côté, au bord du parc, Johan, licencié comme moi au Centaures de Pertuis. Il va prendre le départ du CD sous peu. Il me dit de me calmer, que ce n'est rien, mais je suis trop en colère, et je n'y arrive pas.
J'ai pas mal travaillé toute cette année en natation, j'ai eu de la chance de trouver en Rabah, un maître nageur, motivé, compétent et passionné qui m'a fait (et tout le groupe auquel j'appartiens) énormément progresser, et je suis dégoutté d'avoir perdu du temps non pas à cause d'une défaillance physique, mais d'une défaillance matérielle.

Je me prépare tant bien que mal pour le départ vélo, j'enfile mon fameux ensemble "onlinetri.com", je remplis mes poches, la sacoche sur le cadre est prête depuis la veille, le nécessaire mécanique est prêt sous la selle, j'ai monté un double porte bidons derrière la selle, et dans un des bidons j'ai mis mon coupe vent, pas bête non
Je pars chaussures au pied, et non pas en chaussettes pour ne pas risquer de mettre des cailloux dans mes chaussures.
Je passe sur la ligne d'arrivée en bougonnant, tellement que je ne vois ni n'entends ma femme qui m'encourage.


Je connais le départ d'Embrun, il est dur, très dur, gros pourcentage dès le départ, et il me faut bien ça pour me défouler et comprendre que la natation s'est fini, maintenant j'attaque le dur.
Je monte assez inquiet, un départ à froid comme ça ne m'est jamais très bénéfique, j'ai toujours été long à me mettre en train, et ce n'est pas avec l'âge que ça va changer….
Deux jours avant, avec Johan j'ai roulé +- 30 km pour reconnaître le parcours du CD, et je ne me rappelais pas que c'était aussi dur.
Lentement, je trouve mon rythme, je rattrape déjà des concurrents mais je me fais rattraper aussi.
C'est quand même plus agréable de rouler avec du monde tant comme spectateurs que comme concurrents, et puis dans les derniers, il n'y a pas de prises de tête, nous nous comprenons et nous encourageons, enfin du moins lorsque nous pouvons parler, parce que les pourcentages du début sont très forts, et la respiration manque souvent.
Je trouve mon petit rythme, je vois qu'en bas, car nous surplombons le plan d'eau d'Embrun, il y en a encore qui sont dans l'eau, je vois également que devant moi il y a une longue file de concurrents, je me dis que ce n'est pas si mal que ça.
Le jour, où j'arriverais à mieux nager, je pense que je ferai encore mieux, merci M. Lapalisse….
La déception de ma natation de "cochon" est passée, tellement que je réalise d'un coup que j'en ai déjà fini avec la première montée si dure, j'attaque la descente serein et tranquille. Je commence à doubler, je vois au bord de la route un concurrent aider par une arbitre pour, apparemment, un problème mécanique, mais également plus loin, et plus inquiétant, une ambulance arrêtée au bord de la route, je passe en ralentissant en espérant que ce ne soit pas grave pour le ou la triathlète.
Je garderais toujours en mémoire, le visage de ce cycliste, décédé quasiment dans mes bras lors d'une cyclosportive, les Bosses du 13, dans la montée du col de l'Espigoulier. Je lui tenais la tête renversée en arrière pendant que deux autres concurrents pratiquaient un le bouche à bouche, l'autre des massages cardiaques, malheureusement sans résultat, depuis lorsque je vois un sportif dans ou à côté d'une ambulance, je stresse un peu.
Mais je reprends vite le dessus, car j'attaque la descente, celle sur Savines le Lac, et il me faut être très vigilant, parce que, comme je l'ai déjà précisé, je n'ai plus les Plein Tube, aussi ma tenue de route est moins performante, je suis donc très, très vigilant.
La vue que nous avons à cet endroit là de la course, sur le lac de Serre Ponçon reste magique, inoubliable et majestueuse.
Je reprends la route principale qui va nous faire retourner presque jusqu'à Embrun, déchaîné, j'ai des jambes de feu, je double, je double sans cesse, je suis sur mon prolongateur et roule. Sur le pont de Savines je jette un œil pour voir si je ne distingue pas ma nièce Mireille qui travaille sur les bateaux qui font visiter le lac, je ne la vois pas, mais je vois sa voiture.
J'arrive au carrefour, où nous bifurquons pour attaquer les montagnes russes vers l'Izoard, et il y a du monde, je le répète ça fait vraiment plaisir de se sentir respecté par les spectateurs, il y a encore pas mal de monde qui attends.

Peu après, je double Etienne Caprin, champion handisport, je lui dit encore : "champion Etienne" comme a chaque fois que je le double, cet homme m'émerveille, sa force et son courage m'enthousiasment.
Je réalise quand même qu'il ne doit pas être dans un grand jour parce qu'en 2003, je l'ai doublé au pied de l'Isoard, dans la combe du Guil, certes j'ai mieux roulé, mais sûrement pas à ce point, j'ai de la peine pour lui, je sais que préparer Embrun est un énorme investissement pour lui, comme pour tous ceux qui le préparent d'ailleurs.
Cette année il est accompagné d'une voiture, ça ne me choque même pas, le triathlon est un sport devant s'accomplir sans aide extérieure, mais dans le cas des handisports, je ne comprends pas que les règlement ne soient pas aménagés, peut être que eux ne le souhaitent pas.
Je continue mon train, je roule bien, je suis content, mais j'essaye de ne pas m'enflammer, il me reste le plus dur à faire. Je prends la route de Guillestre, très fréquentée, beaucoup de voitures nous encouragent, soudain, j'entends qu'une d'entre elle me klaxonne, je ne comprends pas car je suis bien à droite, son conducteur s'arrête à ma hauteur, c'est Patrick un triathlète de Triath'Lons le Saunier, il me dit qu'il devait le faire, mais qu'il est tombé en juillet, il accompagne un de ses copains de club. Je suis hyper heureux, d'une qu'il se soit rappelé de moi, deux de sa présence.
La veille de l'Embrunman 2003 nous avions improvisé un petit apéro, au camping municipal et Patrick, voisin d'emplacement, avait beaucoup fait pour mettre l'ambiance, et ce faisant, nous avait permis de décompresser, j'avais bien apprécié ce moment par sa spontanéité.
Bon je continue donc ma route.
Il ne fait pas très chaud dans la combe du Guil, mais je continue à doubler, c'est grisant et puis c'est tellement rare pour moi (je vous dispense de vos commentaires).
En doublant un concurrent avec mon beau maillot Onlintri.com, je m'entends appeler "Oh Onlinetri, tu es qui toi ?" alors je me présente.
Je viens de rencontrer un autre forumeurs (usager d'un forum Internet) de ce site, Minoutor, mais quelle rencontre !!! quelle spontanéité et quelle intensité dans la joie de nous retrouver, , nous nous serrons la main, et j'ai la chair de poule, il me crie "roule ma poule" , sûrement à cause de ça 
Allé roule, roule, je suis euphorique, je m'arrête à un ravitaillement pour remplir mon bidon avec mes recharges de boisson énergétique, ça fait rire les bénévoles parce que je les ai mise dans un plastique transparent et elles ressemblent fort à de petites doses de……enfin vous voyez ce que je veux dire.
Voila, je suis au pied de l'Isoard, le virage à gauche pour attaquer la vrai montée de ce col.
Je mets tranquillement mon 36 dents, car jusqu'à maintenant j'étais sur le grand plateau, un 50 dents. Comme d'habitude, j'ai du mal à retrouver mon rythme, c'est normal, je ne suis pas un grand grimpeur.
Je vois de suite la différence, car maintenant c'est moi qui suis doublé.
J'ai froid, je réalise rapidement que nous avons le vent de face, un vent pas glacial, mais très froid et assez fort.
Je roule à 7/8 km/h, pas terrible, j'essaie d'accélérer mais je ne peux pas. Je ne m'affole pas, je sais que l'Isoard est un mauvais moment à passer, j'ai prévu pour le faire 1h30, pour monter les 17 km ça devrait le faire, normalement.
Mais dans les Alpes et à Embrun, il n'y pas de normes.
Le vent est trop fort au fur et à mesure que j'avance, je commence moi aussi à doubler d'autres concurrents à la ramasse, mais bien peu, je suis plus doublé que ce que je ne double.
Je m'arrête à Arvieux au ravitaillement, j'ai comme un pressentiment que la fin va être dure, effectivement dès la sortie de ce village la route jusqu'à Brunissard est interminable avec ce vent de face, nous sommes plusieurs à essayer de nous mettre même sur les prolongateurs, pour faire moins de prises au vent, mais en ce qui me concerne, ça ne m'aide pas trop.
Je suis encore une fois tanqué dans ce col, moins qu'en 2003, mais je ne roule qu'à 7/8 km/h, ma prévision de temps est rapidement dépassée, et je décide de faire ce que je peux, et je peux peu.
Passé Brunissard nous attaquons une partie avec pas mal de virages et dans certains, nous sommes à l'abri du vent, mais du coup, grosse transpiration et au virage suivant en plein vent, c'est le coup de froid, j'ai mes manchettes qui me protègent un peu mais ce n'est pas suffisant.
La seule source de satisfaction c'est qu'il y a un peu de monde qui nous encourage, Patrick m'encourage aussi régulièrement, à priori son copain est derrière moi.
Le sommet approche, avant d'arriver à la case déserte, je me fais gronder par une arbitre parce que je reste trop longtemps à gauche pour doubler un autre concurrent, je la regarde avec mépris quand je passe à côté d'elle.
Comment voulez vous doubler rapidement lorsque vous allez à 7/8 km/h et que vous doublez un concurrent qui doit aller à 6/7 km/h, je ne peux quand même pas sprinter…..
S'il est évident que l'application des règlements doit être respectée, il faudrait quand même que certains arbitres fassent preuve d'un peu de compréhension et de logique.
Cet incident m'énerve, je finis les derniers kilomètres "chaud" mais je ne monte pas plus vite.

Le sommet est là devant moi, je m'arrête au ravitaillement et la première chose que je fais, je me rapproche d'un des bénévoles que j'ai reconnu, je lui serre la main, et je lui raconte qu'en 2003, arrivé au même endroit je m'étais effondré en larme tellement j'avais galéré dans ce col et tellement j'étais sur d'arriver hors délai en bas, et ce monsieur, m'avait réconforté et re-motivé. Je lui dis que j'étais arrivé juste 17h12 pour 17h15. Il me félicite et me dit que ce n'est pas grâce à lui que j'ai fini mais grâce à moi, pas sur….
Je retrouve Minoutour adossé contre une barrière, il semble fatigué, mais qui ne l'est pas après cette montée.
Je récupère mon ravitaillement personnel, je mange avec délectation mon taboulé et mes fruits, tout en discutant avec ces formidables bénévoles. Ils me disent que lorsqu'ils sont arrivé le matin il faisait 3 degrés et en ce moment il n'en fait que 8, c'est pour ça que je suis gelé, et que je (et nous) n'arrive pas à me réchauffer.
Ces gens sont formidables, ils ne savent pas comment nous rendre service, ils sont aux petits soins pour nous, je leur dis que ça manque de salé, et de suite il vont fouiller dans les ravitaillements non utilisés par les concurrents déjà passés, et me sortent des sandwichs au fromage et au jambon. Un d'entre eux a glissé un journal bien épais dans mon maillot, et un autre arrive vers moi avec un sac poubelle troué pour me permettre d'attaquer la descente un peu plus protégé.
Je plaisante avec eux en leur disant que je ne reviendrai que s'ils mettent grillades et merguez au ravito, et ils me répondent que chiche….. zut, je me suis encore fait avoir avec ce pari stupide, je vais être obligé de revenir en 2006. 
Le 16 août, je réaliserai que j'avais emporté mon coupe vent dans un des bidons fixés sur la tige de selle, mais la fatigue et le manque de lucidité ont fait que j'ai complètement oublié que je l'avais.
Alors, si vous me lisez, si vous êtes un de ces bénévoles, si vous en connaissait un ou une, un ENORME MERCI, UN TRES GRAND MERCI du fond du cœur.
J'attaque la descente revêtu d'un grand sac poubelle, qui me protège très efficacement du froid, mais fait un bruit pas possible. Je fais la descente à fond, je double un seul concurrent au début et un autre, un japonais, vers la fin juste avant Briançon, je crois que c'est le même que j'avais vu au départ, en passant je serre mon poing pour l'encourager et lui faire comprendre qu'il faut qu'il s'accroche.
S'il m'était arrivé quelque chose dans cette portion de parcours, j'étais TOUT SEUL, personne n'aurait pu me voir si j'avais loupé un virage, je maintiens qu'un téléphone portable et pour nous dernier, est vital bien qu'il soit interdit par le règlement.
Tout le long de la descente je vois les journaux divers qui jonchent le bord de la route, il y a des jours où je me demande si je suis normal, car j'ai gardé mon sac plastique jusqu'au ravitaillement de Briançon, et là je l'ai laissé, avec mon journal, aux bénévoles, tout étonnés d'ailleurs.
Bon allé coco, tu as passé presque le plus dur, mais ce n'est pas fini, je fais un rapide calcul pour me rendre compte que je devrais arriver largement dans les délais sauf catastrophe bien sûr. Je me sens bien, plus de crampes, pas d'embarras gastriques, rien, bon les jambes un peu fatiguées mais c'est normal, non ?
Sur les parties moins raides, je recommence à doubler, ça me fait du bien moralement, mais je sais que la côte de Pallon, n'est pas loin, celle-là me fait peur, et j'ai raison, je reste scotché à 5 à l'heure dans cette montée, je ne suis pas le seul.
J'ai encore une réflexion de la même arbitre, car, selon elle, je met trop de temps pour doubler un concurrent, c'est pas vrai ça, je roule à 5 à l'heure lui guère mieux, comment voulez vous faire pour doubler rapidement, je lui réponds que je ne peux pas aller plus vite.
Un spectateur, qui a vu et entendu la scène, me fait signe de "laisser courir et de me calmer", ce que je fais à peu près.
Je finis cette montée ra-ta-ti-né, mais je sais que j'ai fait quasiment le plus dur, la dernière côte de Chalvet m'impressionne moins, bien qu'elle soit dure.
Après Pallon s'en suit toute une série de petites montées, descentes, faux plats, j'ai mis mon grand plateau, et roule ma poule
Je suis beaucoup prudent dans les descentes, car je suis habitué au Plein Tube, lesquels assurent une tenue de route sensationnelle, et depuis que j'ai remis les chambres à air, j'ai du mal à retrouver les bonnes trajectoires.
Je double encore, mais dès que des pourcentages plus importants arrivent je suis largué. Je roule ainsi de concert avec plusieurs concurrents et concurrentes. Nous nous encourageons mutuellement, nous savons tous que la galère du marathon nous attend à l'arrivée.
Je ne sais pas comment se passe un triathlon dans les premiers, je ne le saurais sûrement jamais, mais dans les derniers la solidarité et le respect sont de mise.
Au ravitaillement après la route principale menant à Queyras, là où nous reprenons la route du matin, je fais la connaissance du triathlète de Lons le Saunier, le collègue de Patrick. Nous ferons presque route ensemble après, nous doublant et nous rattrapant à tour de rôle. Ils m'appellent le Marseillais, et je leur fais remarquer que je ne suis pas Marseillais, tous les habitants des Bouches du Rhône ne sont pas marseillais, heureusement …
Je roule très fort sur cette fin, le grand plateau chauffe, j'arrive à Embrun, je croise les marathoniens, et double encore quelques concurrents, avant d'attaquer Chalvet.
J'ai la chance de me retrouver avec un groupe de 3 ou 4 concurrents dans cette montée, et sentant l'écurie proche nous nous lâchons, les plaisanteries fusent, ce qui fait que je n'ai pas vu passer cette montée. Les spectateurs au bord de cette route sont incroyables, ils mettent des enfants en éclaireurs pour lire le numéro des dossards, puis ils nous encouragent en criant nos prénoms, c'est pas super ça ??
J'arrive au sommet, très content, même si dans le dernier kilomètre je me suis fait lâché par mes "copains".
Ce n'est pas grave, je sais que je descends fort, et effectivement je les rattrape rapidement, les double et fonce vers l'arrivé, je suis largement dans les délais aussi je fais une descente prudent, soudain je m'entends interpellé par un concurrent que je viens de doubler, par mon surnom sur Internet "Cigaloun" (référence à mes origines arlésiennes) c'est un autre internaute, pas d'Onlinetri celui-là mais de la communauté Kikourou Christophe "le S'quick".
Je suppose qu'il m'a reconnu d'après mon maillot car nous ne nous sommes jamais rencontrés.
Là aussi, cette rencontre tellement spontanée et naturelle, fût un autre des grands moments de cet Embrunman 2005.
Voilà j'arrive dans l'arène, il est précisément 16 h 41 puisque j'arrive en même temps que Cyrille Neveu finit sa course…..
Je regarde mon temps approximatif et suis un peu déçu sur le coup j'ai du mettre dans les neuf heures, alors que je comptais mettre 8 h 30, mais je n'ai pas trop le temps de m'attrister, j'ai encore du "pain sur la planche".
Je regagne ma place tranquillement, deux jeunes kiné me suivent pour me masser, et pendant qu'ils officient, je me prépare tranquillement pour le marathon, je me ravitaille un peu aussi.
Dès qu'ils ont finis, je les remercie, me change, et démarre.
La mise en route est dure, laborieuse même je dirais, je sens de suite que mes deux ischios jambiers ont soufferts, ils sont pas douloureux, mais très sensibles.
Je passe dans une haie d'honneur, devant le centre commercial du plan d'eau,


je tape dans la main de mon président, Jean Michel, il est là avec Johan et ils m'encouragent, leur soutien me fait du bien car j'ai du mal. La foule m'encourage, du moins, nous encourage. Je suis toujours autant ému de constater le respect de tous les spectateurs de cette course, j'en ai la chair de poule dès que je l'évoque.
Je me suis fixé comme temps sur le marathon 5 heures, et je me suis lancé le défi de ne pas marcher, on va voir, je doute énormément de réaliser ces deux objectifs car je suis persuadé être "juste" en préparation course à pied.
J'arrive à un passage très dur bien que court, la montée pour aller vers le club nautique d'Embrun, j'arrive à le faire en courant, et je profite pour me motiver pour la suite
Le passage sur la digue est toujours aussi intense en émotion lorsque je croise le regard de ceux et celles qui finissent, une tape par ci par là, pas besoin de mots, pour nous témoigner notre soutien.





Je passe sous le pont, il y a du monde tant en spectateurs que concurrents, j'essaie de trouver la force de me motiver dans leurs encouragements, mais comme je le présentais j'ai beaucoup de mal, j'entends quelqu'un qui me crie : allé Christian, il me filme même, mais je ne le reconnais pas (c'est superyoyo, le Toulonnais)
Confirmation à la montée suivante, je marche immédiatement, de la marche rapide certes, en bien balançant les bras, mais je marche. Je prends de suite une bonne claque, ce n'est pas ce que j'espérais.
Mais, la fierté aidant dès que je remonte dans la ville, avec la foule, je me remets à courir.
J'ai maintenant les ischios en feu, je suis au pied de la rue piétonne d'Embrun et je vois devant un concurrent avec un maillot sur lequel est marqué son prénom, c'est Jean Siri, un autre forumeurs d'Onlinetri, il marche, il n'a pas l'air bien, je n'ai que la force de lui donner une petite tape sur les fesses, en lui disant je crois : "allé Jean".

La montée de cette rue piétonne est là devant moi, il y a beaucoup de gens, tous nous encouragent, les enfants nous tapent dans les mains, ça fait du bien car je ne vais pas bien, la preuve, je n'ai pas la force de plaisanter avec eux, ni de parler. J'essaie de me motiver pour ne pas abandonner, c'est dur.
J'arrive au ravitaillement du haut de la rue piétonne, je ne peux pas parler, je suis dans ma bulle, essayant de trouver une ou des raisons pour abandonner ou pour ne pas abandonner.
Je me motive pour essayer d'aller jusqu'à la digue car je sais que ma femme m'y attend pour m'accompagner un peu en vélo.
Malheureusement, si elle est bien présente, elle ne peut pas le faire, les arbitres empêchant tout vélos sur cette partie, cette nouvelle m'anéanti sur le moment, après coup je comprendrais les raisons, surtout de sécurité.
Je fais donc cette boucle si laborieuse de la digue de la Durance, je suis toujours mal, je ne vois pas comment je vais pouvoir finir et je me résolu à envisager l'abandon.
J'attaque la route en montagne russe vers Baratier, celle la même où nous sommes passés le matin en vélo, et sur laquelle je volais, mais là, je ne vole plus.
Soudain j'entends quelqu'un qui me dit "allé Christian", je me tourne et vois arriver à ma gauche Johan des Centaures de Pertuis, il va m'accompagner un moment en vélo.
Il me demande si ça va, je n'ai même pas la force de répondre, je remue la tête en faisant non.
Peu après je lui dis que j'ai les ischios en feu.
Il me parle, petit à petit je reprends mes esprits, j'arrive aussi à lui parler, et à me reprendre.
Tout en courant, je lui demande si il est satisfait de son CD du matin, il me dit que oui, même si c'était dur. Jean Luc un autre Centaures a bien fini lui apparemment d'après ce qu'il me dit.

(au fond à gauche Stéphanie la Nimoise)
Balin balan, comme on dit en Provence, je vais mieux, je recommence à plaisanter aux ravitaillements, je papote du triathlon d'Embrun avec Johan car lui aussi semble motivé pour le faire, et ce faisant, mes doutes s'effacent, je cours maintenant avec ma tête, cette expression me fera toujours rire.
Après Baratier je rattrape deux concurrents du club de triathlon d'Embrun je cours un moment avec eux, ils ont l'air bien sympa, je leur dis en plaisantant que pour les athlètes d'Embrun il devrait y avoir un handicap car ils connaissent par cœur le parcours, et ça nous fait bien rire.
C'est agréable de courir avec eux car ils ont l'air connu et sont acclamés dès qu'ils passent devant des gens, et ils sont bien sympas.
Voilà, la fin du premier tour est proche, Johan m'abandonne en m'encouragent et me disant de m'accrocher.
Peu avant la fin de la première boucle, je me retrouve avec Christophe, le S'quick, je ne sais plus lequel des deux a rattrapé l'autre, nous discutons le coup tous les deux, c'est vraiment sympa, il me dit qu'il a souffert en vélo sur la fin, et que là il a du mal lui aussi.
Nous passons même la ligne ensemble, et recevons ensemble notre superbe collier fluo du premier tour.
Au passage je m'entends appeler dans les gradins, c'est un autre forumeurs, Nicolas, il est assis tranquillement dans les tribunes tout pimpant, je lui demande s'il a mis moins de 12 heures, il me dit que c'est OK. Je suis content pour lui, car en 2004, il a été victime d'un chauffard, et s'est retrouvé hospitalisé et en rééducation de longs moments.
Sur la ligne je vois aussi Vincent, le copain d'Embrun, il m'encourage aussi.
Je m'arrête avec Christophe au ravitaillement, il prend son ravitaillement personnel, et moi celui de l'organisation.
Je repars sans Christophe lequel s'est attardé pour embrasser femme et enfants, voilà c'est parti pour la deuxième boucle, je calcule sommairement que j'ai du passer presque selon mes prévisions sur la première partie entre 2 h 30 et 2 h 40, finalement ce n'est pas si mal que ça.
Au ravitaillement juste après l'aire d'arrivée je plaisante avec les bénévoles car ceux-ci me recommandent un breuvage de couleur bleu, d'une marque connue. J'hésite à en prendre car je n'en ai jamais goûté et cette fameuse marque, m'a souvent occasionnée des "embarras gastriques" finalement je me laisse tenter, car j'en ai un peu marre du Coca et de l'eau. Bon le goût change mais ça ne me plait pas.
Le passage devant le Centre Commercial est toujours autant magique, que de monde.
La petite montée, toujours aussi dure, les galets de la digue toujours aussi pénible pour moi, mais à la sortie après le pont, je vois avec joie ma femme qui m'attend, elle va m'accompagner pour la fin, là j'ai encore la surprise de rencontre un autre Centaure de Pertuis, Serge, qui m'accompagne quelques mètres, et m'encourage lui aussi. Vraiment sympa.
Je sens que je faiblis, je marche à toutes les montées, de la marche rapide certes, et je ne dois pas être loin de la même vitesse que lorsque je cours, ça me fait du bien car ça me détend tout le haut du corps, car je monte bien les bras.
Les gens sont formidables, dans la petite montée allant sur la ville d'Embrun, une famille installée là, me crie "allé Christian", je ne les connais pas, ils m'avaient reconnu du premier tour, incroyable.
J'arrive au croisement juste au pied de la montée de la zone piétonne, et là encore de ces moments intense en émotion, je croise juste le regard de la "gendarmette" en charge de la sécurité de ce carrefour, et je crois que je garderai longtemps la vision de cette jeune fille, je ne sais pas si la vue de mon visage l'a impressionnée, mais je l'entends encore me dire "courage" avec un regard de compassion qui en disait long sur sa sincérité.
Cette zone piétonne d'Embrun, comment la décrire ? Lorsqu'on court le marathon du triathlon d'Embrun, le mental prend souvent le dessus sur le physique, et les encouragements sont tout autant importants que l'alimentation et l'équipement, et dans cette rue je n'ai entendu que des mots d'encouragement et de respect. Tout ça me fait beaucoup de bien et me re-motive.
Je sais maintenant que j'ai repris le dessus que je vais finir, mais que ce sera dur et que je vais en baver.
Alors je m'accroche, la moindre montée de trottoir me fait mal aux jambes.
Je lutte contre moi-même, contre mes douleurs, mentalement je suis fort même si je commence à être usé, heureusement que ma femme est là, de sentir seulement sa présence à mes côtés me donne la force de continuer. La nuit tombe doucement, je commence à avoir froid, le collier qui m'a été remis au passage du 1er tour commence à briller dans la nuit.
Je commence aussi à me forcer à boire et à manger car j'ai de plus en plus de mal à ingurgiter quoi que ce soit. Je marche sur toutes les montées, j'essaye vainement de courir mais je me ravise vite.
La descente vers la digue est aussi douloureuse mais je ne marche pas, j'attaque la digue un peu plus motivé, ma femme s'arrête à l'entrée, elle aurait pu m'accompagner, les rares concurrents encore présents sont quasiment tous accompagnés.
Au début je croise mon voisin de camping Fabien du Sprinter Club Arlésien, ville dont je suis originaire.
Il a beaucoup de mérite, car c'est son premier Embrunman, et il n'a jamais couru de marathon ni fait plus de 120 km en vélo, chapeau FABIEN. Il semble cuit car je l'encourage, et il me répond d'une voix très faible, mais bon, je ne suis pas très très loin du même état.

Dans ces moments de galère, en ce qui me concerne, pleins d'anecdotes me reviennent, comme pour penser à autre chose, tiens, celle là qui me sidère toujours autant.
Le vendredi de notre arrivée, après avoir fini notre installation, je suis allé faire trempette au plan d'eau avec toute la famille. Quelle ne fut pas ma surprise de me faire interpeller par un jeune homme de Nantes je crois, qui m'avait reconnu, car à priori, il consultait mon site régulièrement, il croyait même que je ne refaisais pas Embrun car mon carnet d'entraînement n'était pas à jour, c'est dingue ça, il savait presque tout de moi, c'est fou.

Cette digue, c'est ma hantise je la trouve longue et monotone, heureusement à un des ravitaillements du milieu, je plaisante avec les bénévoles, car je ne peux plus rien ingurgiter, je suis cra-mé en plein. Je plaisante aussi avec une jeune arbitre très dynamique et pétillante et alors que j'allais partir, me dit qu'elle fait partie du même club que moi, les Centaures de Pertuis, et que sa mère est plus loin.
Je plaisante aussi avec une concurrente de Nîmes, Stéphanie, je dois être bien fatigué car Arlésiens et Nîmois sont fâchés depuis des siècles
Bon je repars pour finir mon aller et entamer le retour, c'est de plus en plus dur, mais je ne suis pas le seul, tous les concurrents et concurrentes, à ce stade là sont tous à divers degrés fatigués, il suffit de regarder les visages.
Finalement, ma femme me rejoins vers la fin du retour sur la digue juste avant de passer le pont, et sa présence me fait toujours autant de bien.
J'attaque la dernière partie, la plus dure, la route de Baratier avec ses "montagnes russes", la nuit est là, intense, avec heureusement une lune presque pleine qui nous éclaire un peu.
En discutant avec ma femme, je lui dis que je ne ferai sûrement plus Embrun car c'est beaucoup d'investissement, mais que j'aimerais bien aller voir un peu les autres Ironmen, Roth, Autriche, Nice…..
Nous sommes maintenant, un groupe à courir, solitairement bien sur, mais en nous doublant et re-doublant réciproquement aux rythmes de nos différents arrêts, pipi, fatigues, miam miam.
L'ambiance est bonne, même avec ma copine de Nimes qui est accompagnée elle aussi par plusieurs personnes.
Les bénévoles sont vraiment super, je ne sais pas si c'est parce que nous sommes les derniers, et qu'ils ont plus d'admiration pour nous, mais ils sont toutes et tous aux petits soins pour nous.
Un grand merci.
Voilà j'arrive à Baratier et son ravito un peu triste cette année, ou peut être c'est moi qui suis plus fatigué.
Je sens que l'écurie est proche, mais je n'ai plus de force, je suis vide physiquement et mentalement, je n'entends plus rien, je gémis de fatigue, de lassitude, je sens que les nerfs prennent le dessus, je n'arrive pas à me dominer.
Heureusement que des spectateurs sont restés, bien qu'ils soit tard, et au passage devant des camping, ils sont là toutes et tous, nombreux et nombreuses à faire la olà ou nous taper dans les mains et nous encourager en criant nos prénoms, quelle émotion, quelle joie, même si sur le moment je n'ai pas trop la force d'apprécier, je tape quand même dans le plus de mains que je peux, mais c'est dur.
Je pense à mon copain Jean Claude qui passe des moments difficiles au point de vue santé, je sais qu'il bout de ne plus pouvoir faire de vélo, c'est sa passion, je sais qu'il pense fort à moi, là bas chez lui à Cadenet.
Ma femme me parle, mais je ne l'entends pas, je lui murmure de me parler plus fort.
Comme dans la France profonde, nous sommes des gens modernes, elle essaie par talkies walkies d'appeler les enfants qui sont restés sur l'aire d'arrivée pour leur dire de m'apporter ma bouteille Vichy St Yorre pour la récupération, mais elle a du mal, les ondes sont pas mal occupées.
Je profite d'un des ses arrêts pour m'arrêter moi aussi quelques secondes et m'appuyer contre une barrière le long de la national qui traverse Embrun, car je suis prêt de l'arrivée, et là, à l'abri de tous et caché dans mes bras, je pleure.
Des spectateurs m'encouragent et me tapent sur l'épaule, et des automobilistes me crient aussi de continuer, après ça je ne peux pas m'arréter, mais je n'en avais pas l'intention
Mon arrêt fut bref, j'ai pleuré, et ça me fait du bien, ça me permet d'éliminer le surplus de tension nerveuse.
Je suis lessivé, physiquement et nerveusement, j'entends de loin la sono de l'arrivée, elle me semble loin loin loin.
Mon dernier fils nous a rejoint il court à côté de moi, sa présence aussi me fait du bien, mais je n'en peux plus, je gémis toujours, et je me susurre de m'accrocher.
Nous arrivons sur la digue au bord du plan d'eau, et là, encore un de ces moments magiques d'Embrun une gamine, court à côté de moi avec une lampe à pétrole, je crois, pour m'éclairer, plus loin c'est sa sœur ou un copine qui prends le relais, elles sont merveilleuses, complètement crevées mais elles nous éclairent le plus qu'elles peuvent. Je n'ai plus de force, je cours comme un automate, mais je leur murmure quand même un merci, qui s'il n'était pas fort était vraiment sincère.
Je n'en peux plus j'avance je ne sais pas comment, je gémis de douleur, de lassitude, de fatigue, la digue est là devant moi, je sais que je n'ai plus que quelques kilomètres devant moi, j'entends de plus en plus la musique de la sono de l'arrivée, j'avance, j'avance, devant moi au loin je vois un autre concurrent, mais il fait vraiment nuit au bord du plan d'eau, la mairie d'Embrun pourrait penser à changer les ampoules grillées de l'éclairage.
Je ne vois pas grand chose, la fatigue, le manque d'éclairage, et ce qui devait arriver arriva, je me tords la cheville droite sur un gros galet.
Je me fais une grosse frayeur, mais je me rassure vite, ça fait mal, mais je tiendrai jusqu'à l'arrivée.
Voilà le dernier ravitaillement du club nautique, puis la route goudronnée, la descente, si dure dans l'autre sens, et c'est le bord du plan d'eau.
Magique, grandiose.
Devant le centre commercial des centaines de personnes se pressent pour nous encourager malgré l'heure tardive. Des centaines de mains se tendent, je tape dans le maximum que je peux en privilégiant les enfants, mon fils court toujours avec moi, mais ma femme a pris la tangente pour ne blesser personne avec le vélo.
Quel accueil, autant en 2003, je n'avais pas pu retenir mes larmes, tellement j'étais submergé par l'émotion, autant là, je suis content, je suis vidé, fatigué, crevé, lessivé, mais content.
Je cours comme un robot, je gémis toujours autant, et juste avant d'arriver sur la ligne d'arrivée, je dois surmonter l'ultime difficulté de ce parcours, "une marche de trottoir", je suis obligé de marcher pour le faire en poussant un grand gémissement, tellement que j'entends une spectatrice dire "peuchère", mais lorsque je lève la tête et que je regarde au fond de cette grande ligne droite, ce que je vois efface mes douleurs, ma fatigue s'envole.
Je vois des dizaines de personnes qui ont envahi la ligne d'arrivée et qui forment une gigantesque haie d'honneur, en faisant la "ola" et avec un animateur qui mets une ambiance de feu avec la sono à donf, ça fait chaud au cœur de se voir respecter, de voir sa souffrance prise en compte.
Alors là, je vole, je ris, je tape dans les mains, je fais la ola moi aussi, je n'ai pas envie que ça s'arrête, je suis sur un nuage, tellement que passée la ligne d'arrivée j'oublie mon tee-shirt, faut le faire.
Une bénévole me court après : "Monsieur, Monsieur, votre tee shirt" mais qu'elle importance, JE L'AI FAIT, j'ai encore fini l'Embrunman, moi Christian Scifo petit sportif de village, j'ai fini mon deuxième Embrunman, mais c'est fou……………..complètement fou.
Me femme me rejoint mon fils Romain aussi, je suis hyper heureux, oubliées la fatigue et les douleurs, la joie est là.
Un copain de mon fils Guy du Triathl'aix, qui a fini premier de sa catégorie au triathlon avenir est resté avec ses parents pour venir me saluer, malgré l'heure tardive, ça me fait vraiment plaisir.

J'essaie de m'alimenter mais il n'y a pas grand-chose qui m'attire sur le dernier ravitaillement, j'essaie de boire beaucoup, Coca Cola et Vichy Saint Yorre, mais gastriquement aussi je suis à bloc.

Après la ligne d'arrivée je vois Actarus qui vient me saluer, vraiment sympa ce garçon, car nous nous sommes croisé plusieurs fois sur le parcours et à chaque fois il m'a fait un petit signe, moi j'étais un peu trop cramé.

Voilà c'est fini, je vais me faire masser et retrouve l'ami Christophe sur son lit de massage.
Bien qu'il soit tard, la kiné prends son temps et masse toutes les zones qui en ont besoin, et il y en a.

J'ai fini mon deuxième Embrunman et surtout :

J'AI BATTU ACTARUS lalalèreuuuuu

Merci aux organisateurs, aux signaleurs, aux bénévoles, à la sécurité, aux arbitres, au public.

Merci au forumeurs d'Onlinetri, à Thierry, à Actarus, à Minoutour, à Vincent, à Nicolas et à tous les autres.

Merci à Christophe L'Squick , à Christian Boronad à Calimero et Joy de Kikourou

Un grand merci à Marc Casanova du magasin Zorbike au Pontet

Merci aux Centaures de Pertuis : Jean Michel, Johan, Jean Luc et Serge.

Merci à Rabah du Club nautique du Puy Sainte Réparade

Merci à tous mes partenaires, qui m'ont permis de faire une saison de triathlon presque parfaite (3 CD 2 MD 1 Ironman)

Un très grand merci à ma femme, et mes enfants.

Pardon à tous ceux et celles que j'aurais oublié

Je finis 691ème sur 705 arrivants
Il y a eu 114 abandons et 7 cartons rouges

Natation : 1 heure 36
1ère transition : 7 minutes
Vélo : 8 heures 58
(Je gagne 90 places au classement en vélo)
2ème transition 10 minutes
Marathon 6 heures


Temps total 16 h 53 minutes








4 commentaires

Commentaire de joy posté le 13-10-2005 à 15:54:00

BRAVISSIMO OH GRAND CHRISTIAN THE KING .
Un jour j espere pouvoir le faire avec toi.
A+++++++++++++++++

Commentaire de calimero posté le 13-10-2005 à 19:07:00

Total respect Christian!Tu nous montre à tous et à moi en premier qu'il reste encore des gens pour qui le sport est un dépassement de soi même et non pas une quête permanente d'argent et de gloire.
Chapeau aussi pour le narrateur, çà valait le coup d'attendre!!
Au plaisir de te rencontrer ( à Arles bien sûr!!!)

Commentaire de Mathias posté le 13-10-2005 à 21:43:00

super christian !!! magnifique CR !!!
comment vais-je faire maintenant pour ne pas y retourner en 2006 ???
Mathias.

Commentaire de Le CAGOU posté le 29-12-2008 à 01:05:00

Bonsoir CIGALOUN DUPUY,
LONGIN DE LONGIN Congratulations pour tes 2 Embrun man 2003/2005. JE TE REMERCIE POUR TES CR. C'est magnifique que du bonheur j'éspère que tu t'entraînes encore pour Embrun 2010! je pense le faire en 2010! Cependant depuis maintenent un jour ,je me décide de faire mon premier Ironman le 18 juillet 2009 "l'altriman des angles - le mythe qui va naitre", qui est ou paraît différent des autres ...Exceptionnel il est vraiment unique...Je m'invite au combat ultime d'un stop de vingt ans de triathlète, le plaisir avant tout et jaccepterai de rentrer hors délai.
Un petite question roules tu parfois avec le CDL ?
SPORTIVMENT LE CAGOU

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