Récit de la course : 6 Stunden Schwechat 2005, par guy13

L'auteur : guy13

La course : 6 Stunden Schwechat

Date : 8/10/2005

Lieu : Schwechat (Vienne) (Autriche)

Affichage : 440 vues

Distance : 62km

Objectif : Objectif majeur

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Un premier ultra

Ca a commencé mercredi, avec la rentrée du club. Visages connus, visages nouveaux, une dernière séance d'une heure vingt, en gros à allure spécifique, suivie d'une bière (bon, deux), histoire de reprendre contact, les dernières avant de commencer le régime dissocié, dans la version décrite par Whynot : arrêt de l'alcool, pâtes (ou riz, quinoa) biquotidiennes. Le jeudi, j'apprends que mon enseignement est annulé, ainsi que les sous qui vont avec. Moins de beurre dans les épinards : tout bénéfice en perspective pour la balance, qui affiche 3 bons kilos de trop. Il faut voir les choses du bon côté.

Vendredi, départ pour Vienne. Le soir se donne l'élixir d'amour à l'opéra, "l'elisir d'amore" en allemand - c'est du moins ce qu'il y a d'écrit sur les affiches. Dans le rôle principal d'Adina, Anna Netrebko, une jeune soprano russe devenue une star en Autriche depuis ses débuts triomphaux à Salzbourg en Donna Anna. Résultat : c'est complet et il va falloir se rabattre sur les Stehplätze, places debout vendues exclusivement le jour même. Une heure et demie de queue plus tard, j'ai le sésame en poche. Nemorino est amoureux d'Adina, qui y est sensible, mais pas enthousiaste. Devant sa froideur, Nemorino se procure auprès d'un charlatan un philtre destiné à le rendre irrésistible. Il s'avère que le breuvage est en fait une bouteille de Bordeaux. 'ensuivent divers quiproquos qui éveillent de nouveaux sentiments chez Adina, laquelle fait semblant de se marier, avant d'épouser Nemorino à la fin du deuxième acte. J'avoue que le coup du Bordeaux m'a laissé perplexe, parce que bon, du Bordeaux, j'en ai bu plus d'une fois, et ça n' a pas empêché qu'Elle épouse l'autre pour de vrai. Je sais pas, ça devait pas être le bon château.

Je rentrai à l'hotel en songeant à ces heures debout, sans mal aux jambes, que de bonnes sensations. Le régime hyperglucidique a quand même du bon. Toutefois, cette histoire de philtre au pinard me trottait encore dans la tête et quand j'avisai sur la table de ma chambre le gros bocal avec marqué "Wcup, Energy drink, goût citron", je commençai à me demander si c'était un bon choix.

Samedi matin, réveil aux aurores pour le petit-déjeûner, puis je prépare mes boissons. En ouvrant la première bouteille d'eau minérale achetée la veille, je me rends compte que j'ai pris malgré moi de l'eau gazeuse. Je verse la poudre magique. Et là, le geyser. Tout le truc commence à remonter, me bouche l'entonnoir et déborde de partout. J'essaye tant bien que mal de déboucher mon entonnoir au tire-bouchon, la poudre, qui précipite au lieu de fondre s'enlève avec difficulté et je prépare les autres bouteilles sans l'entonnoir, c'est-à-dire en versant les trois quarts de la poudre à côté - mais pourquoi la mesurette est-elle trois fois plus large que le goulot ? Avec tout ça, je me suis mis en retard, mais j'ai pris une décision : le prochain ultra, je le fais au Margaux.

Je prends le métro jusqu'à la S-bahn (le RER viennois). Et là, impossible de trouver la station. Les indications sont fausses, ou ce n'est pas la bonne ligne, ou encore il y a des panneaux sans indication de direction. Comme il se fait tard, je me résous à prendre un taxi. Arrivée au stade, où l'on me donne mon dossard. Surprise, j'ai le numéro 13 et sur le dossard figure donc "guy 13". Je ne savais pas que le forum était si populaire en Autriche. J'en conclus logiquement qu'il ne peut rien m'arriver et que je dois partir à fond de train.

Le parcours est constitué d'un tour de piste de stade et d'un petit kilomètre en ville, avec un léger faux-plat d'une cinquantaine de mètres. En tout, 1,33075 km d'après l'organisation. J'arrondis à 1,3333333 km de façon à pouvoir faire les calculs de tête pendant la course, une façon comme une autre de m'occuper l'esprit. J'ai décidé de partir à 12 km/h, pour un objectif autour de 70 km. Pause de 40" tous les deux tours pour boire, le reste en marchant, selon une méthode remontant à un libertin parisien du XVII ème siècle. Moment de solitude au moment de la première pause au bout de 13 minutes de course sous quelques regards étonnés et apitoyés... Mais un coureur observateur viendra me trouver après la course pour se faire expliquer la méthode.

La première heure se passe très bien, la seconde aussi, avec encore plus de facilité. Je respecte scrupuleusement temps de passage et pauses, en alternant boisson énergétique et eau, un morceau de banane de temps en temps. D'après mon calcul a posteriori, j'ai parcouru 24,01 km en 2 heures. Un fan d'ultra s'est posté le long du parcours ; il suit les courses horaires et encourage les coureurs à chaque passage, souvent avec un mot rigolo.

C'est au bout de deux heures et quart que les jambes commencent à faire mal. Une vieille tendinite se réveille sous le pied droit, les mollets se durcissent. Et l'énergie vient à diminuer. Je ne perds tout d'abord qu'environ 2 secondes au km. C'était prévu, mais pas si tôt... Au bout de 2h30, le rythme en prend un nouveau coup et avant la mi-course, ça ne va déjà plus, même si je la passe avec 35,65 km au compteur. Me posant la question de l'abandon, je l'écarte immédiatement en pensant que je suis venu pour apprendre ce que représentent 6 heures de course, pas 3 ou 4. Et je continue en observant avec intérêt comment un état physique se dégrade.

Au passage du marathon, en 3h40, je suis cuit ; les jambes sont trop lourdes. Le dos devient aussi un point douloureux et c'est aussi le moment où je perds le compte des tours. Je fais une pause désormais à chaque tour, sans plus en vérifier la durée, mais je viens de passer sous les 10 km/h, qui deviendront rapidement 8 et la pause revient donc toutes les 10' environ. Je n'ai pas l'impression qu'il est plus facile de repartir, mais ça fait du bien de s'arrêter ! Une douleur bienvenue à l'opposé de la tendinite sous le pied me permet de reprendre une foulée non contrariée, un peu comme dans la chanson des boiteux, où le seul qui marche droit argue qu'il boite des deux pieds à la fois. Le corps pense vraiment à tout.

Quand mon rythme est devenu nettement plus lent, le spectateur avisé me propose un morceau de chocolat, que je prends pendant que je peux encore avaler quelque chose, et me demande en rigolant si je suis allé faire un tour chez le coiffeur depuis le tour précédent. J'en profite pour me marrer un bon coup, alors que l'amorti des chaussures, pourtant presque neuves, n'est plus qu'un souvenir. Bruno l'avait expliqué après Millau. En même temps, s'il faut changer de pompes toutes les 3 heures, le gars qui court un 48 h a intérêt à arriver en caravane...

Il est assez fascinant d'observer comment on en arrive à courir de plus en plus lentement, comment les jambes deviennent de plus en plus lourdes, les genoux de plus en plus douloureux, mais de voir qu'on peut toujours avancer. Cela dit, je suis bien content de ne pas m'être embarqué dans un 100 km... Je pense plutôt en logique 24 h : continuer à avancer. De temps en temps, j'essaye d'accélérer et le corps répond bien, mais l'énergie, les jambes, ou la volonté, c'est selon, font défaut au bout de quelques dizaines de mètres et je retombe dans un rythme pas plus rapide que celui auquel je marcherais si je pouvais marcher vite.

Le début de la cinquième heure apporte une intéressante nouveauté : un début de crampe, ce qui ne m'était jamais encore arrivé. Comme ce n'est qu'un début, je peux continuer à courir et je ne m'arrête qu'à la fin du tour, pour prendre une soupe, laquelle est salée. Et trop chaude, ce qui me permet en toute bonne conscience de faire une pause de 5 minutes, la seule de la course. C'est le moment de la course le plus dur, à peine 7 km/h de moyenne. Après les crampes, je me demande avec curiosité quel est le prochain truc qui va partir à vau l'eau. Je parierais bien 10 euros sur le système digestif, ne serait-ce que dans la perspective de pouvoir m'asseoir 5 minutes. Et puis, près de 5 heures de course et pas la moindre nausée, c'en est presque frustrant.

En fait, pas du tout, c'est la tête qui part en vrille. Le speaker explique comment va se dérouler la fin de la course, entièrement sur la piste, et je ne comprends pas un mot de ce qu'il raconte, bien qu'il parle un allemand standard. Au demeurant, après 5 heures et quart de course, je me sens inexplicablement de mieux en mieux et les temps au tour diminuent. Je décide de donner tout dans la dernière demi-heure. Bon, ça a l'air grandiloquent, comme ça, mais je pense en moi-même que vu l'énergie qui me reste, "tout" donner ne va pas me coûter bien cher. Erreur.

La fin de course, sur la piste, est un moment inoubliable, un plaisir intense. Je m'arrête une dernière fois, prends quelques gorgées de boisson énergétique et me lance, en accélération constante sur la dernière demi-heure. Les dernières 20 minutes sont courues à 12,5 km/h. Le mal aux jambe s'est envolé et la seule trace repérable de fatigue tient en ce qu'à cette vitesse, j'ai l'impression d'aller vite. L'ambiance est celle d'une fin de course horaire. Encouragements constants des spectateurs, c'est la fête autour de la piste.
Après la course, 3 km à pied pour prendre la S-Bahn, quand je me rends compte que ce pseudo-RER met plus d'une heure pour rallier le centre-ville. Comme j'ai rendez-vous avec des amis, il ne me reste plus qu'à prendre un nouveau taxi... Le soir, restaurant, repas bien arrosé, qui passe facilement. Le lendemain, à peine quelques douleurs aux genoux, aux pieds, un point de contracture en bas des mollets, mais je peux courir dans les escaliers. Comprenne qui pourra.

Une expérience nouvelle, trop mal maitrisée pour être convaincante. Il est évident que je suis parti trop vite. 12 km/h aurait été un objectif raisonnable il y a 6 mois et avec un entraînement suivi de bout en bout. Là, j'ai perdu en endurance, et j'ai du faire 10 ou 12 séances ces 6 dernières semaines... dont un marathon à 12 km/h qui s'était pourtant bien passé. Je ne comprends pas pourquoi je suis tombé en panne si tôt, ni comment j'ai pu ressusciter dans la dernière heure. Je n'ai peut-être pas assez bu, 4 litres en tout en 6 heures, dont 2,5 litres du fameux élixir Wcup, moins que la posologie recommandée, d'autant que la moitié de la poudre était partie dans le lavabo.

J'ai reconstitué mes moyennes horaires par demi-heure, ce qui donne :
11,96 - 11,94 - 12,04 - 12,06 - 11,92 - 11,37 - 9,99 - 9,33 - 6,63 - 6,85 - 7,91 - 11,49. D'où un total de 61,8 km. La course s'est gagnée avec 78,8 km, par Ewald Weißengruber.

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