L'auteur : fred62
La course : Ultra Trail du Mont Blanc
Date : 28/8/2009
Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)
Affichage : 2262 vues
Distance : 166km
Objectif : Pas d'objectif
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Mon aventure autour du Mont Blanc en 2009 ou les mémoires d’un CH’TI
Préambule
U.T.M.B : Ultra trail du tour du Mont Blanc, 166 kilomètres et 9400 mètres de dénivelé positif. L'équivalent de quatre marathons associés à deux ascensions de cette redoutable montagne pour comparaison ! !
En 2007 je découvre l’existence de cette course, je pense qu’il s’agit d’un raid par étapes : impossible que des êtres humains puissent accomplir une telle distance… Eh bien non , j’apprends que c’est bien d’un trail non stop dont je viens de faire la connaissance.
Costauds les gars qui se lancent dans l’aventure.
Je vais donc suivre sur Internet l’édition 2007 en particulier la victoire d’un vétéran 2, Marco OLMO.
C’est décidé il faut que je fasse cet ultra et prends connaissance des conditions d’inscription. Place à la chasse aux points pour prétendre obtenir le précieux sésame.
Cette année là, je cours les Templiers ainsi que la Saintélyon et acquiert les points nécessaires. Je découvre par la même occasion la difficulté de mener un ultra à son terme pour un honorable marathonien comme moi à 2H55. Rude tache et souffrance garantie. Mais bon pour le coup tout se déroule comme prévu.
Arrive le jour J des inscriptions pour la CCC et l’UTMB en ce début janvier 2008. Je change d’avis et préfère m’aguerrir sur la plus courte distance : la CCC (Courmayeur-Champex-Chamonix) , 98 kilomètres et 5600 mètres de dénivelé positif. Les inscriptions sont bouclées en quelques minutes pour les deux courses ! ! Je n’aurais jamais imaginé qu’il y avait autant de " malades " acharnés. Bref, à aucun moment je ne regretterais mon choix et reste convaincu que la CCC est bien un excellent tremplin vers le grand tour pour qui veut s’essayer. J’y aurai beaucoup appris, moi qui pensait en savoir beaucoup : rester humble, premier apprentissage.
Trail bouclé en 19H50 environ avec à la clé quelques doutes à l’arrivée. Le compte rendu de ma CCC 2008 figure sur le site kikourou pour information.
L’inscription à l’UTMB 2009 et la préparation
Décembre, enfin, je valide mon inscription pour le tirage au sort.
Bonheur, en janvier je reçois un mail de confirmation : vous êtes inscrit pour l’UTMB.
Au plus profond de mon âme, je traduis bienvenu en " enfer " ou au " paradis " selon l’humeur du jour.
Que le temps passe vite !
Je planifie ma saison avec quelques petits mais très jolis trails : Pierrefonds, Bully les Mines , Bouillonnante, Transjutrail, Aigoual.
Je décide de lever le pied question kilométrage et associe de bonnes séances VTT pour agrémenter mes semaines. Après coup, ce fut un excellent plan question fraîcheur. C’est le point très positif de ma préparation.
Bien entendu les premières épreuves sont un peu difficiles et les chronos restent modestes mais il s’agit de monter petit à petit en puissance. Ne pas commettre les erreurs de l’année 2008, voilà mon objectif en ce début de saison. Bien vu.
Les sensations iront crescendo au fil des mois : bonnes sensations, plus de crampes, renforcement musculaire efficace mais surtout plaisir et fraîcheur physique et mentale. Ticket gagnant.
Rien n’est négligé : sommeil, hygiène alimentaire, kiné pour soigner les vieilles blessures au cas où… J’en profite pour remercier Gauthier qui m’a bien remis d’aplomb.
La confiance est bien présente : il ne peut apparemment pas m’arriver grand chose, je suis prêt pour le combat.
Arrivée à Chamonix
Le 22 août, soit une semaine avant l’événement tant attendu.
Voyage avec Sylvie mon épouse (qui m’a épaulé et soutenu tout au long de ma préparation. Elle est confiante et ça se voit.)
Nous logeons aux Houches dans un beau studio très confortable, merci à M et Mme Assoygnon au passage.
Pépin et doute
Dimanche 23 août, mon ami Patrick qui va participer avec moi au grand tour me rejoint et nous partons pour un footing dominical bien tranquille : joie, discussions sont de rigueur…quand soudain sur une petite place à la sortie du village…blocage du dos, sans raison apparente. Merde ! ! ! ! La tuile ! ! ! J’ai super mal en plus. Je rentre à la peine.
" C’est cuit " me dis-je. Je transmets mes craintes et mon angoisse à tout l’entourage. Plus un mot, même Patrick d’ordinaire si réconfortant reste dubitatif.
Les copains d’abord
Chaîne de solidarité : Benoît, mon ami savoyard finisher en 2008, prend les choses en main et me dresse une liste d’ostéopathes installés dans la région. Sylvie fait du secrétariat et m’obtient un rendez-vous illico presto pour le lendemain. Super ! Patrick vient régulièrement aux nouvelles, lui qui a décidé de se réinscrire pour le grand tour pour m’accompagner (il est finisher en 2008)…les copains d’abord., ça me touche au plus profond.
L’ostéo me remet le bas du dos en place et me prodigue de précieux conseils, merci Mathieu.
La contracture est bien résorbée mais encore présente dans mon esprit.
Massages, repos, arnica sont mes remèdes.
Les jours passent et me rapprochent du départ mais je doute encore. J’essaie de ne pas trop affecter mes proches.
Le rassemblement
La tension du départ monte, heureusement la famille se reconstitue et Pauline accompagnée de Guillaume son ami (pour la vie) arrivent inondant l’atmosphère d’ondes positives. J’en oublie les bobos.
Les SMS, appels téléphoniques en tout genre inondent les portables, ça sent la poudre.
Nicolas, ami trailer, lui aussi du Pas de Calais, nous rejoint accompagné de Nathalie son épouse qui se félicite d’avoir fait le déplacement. Que la fête commence !
Veillée d’arme
Vendredi matin, jour du départ. Je me lève pour aller chercher le pain et la presse locale mais surtout pour me dégourdir les jambes…surprise : le mal de dos semble m’avoir délaissé, lui qui me faisait envisager une difficulté supplémentaire au moment du grand effort.
J’attends, je marche, je trottine : en effet les premières impressions sont corroborées par ces gestes de la vie de tous les jours. WAOUHHH ! ! ! Je jubile intérieurement. Mon moral monte au plus haut, poussée d’adrénaline. Que c’est bon pour la suite !
Le reste de la matinée se passera à préparer le sac en veillant à ne pas oublier le petit objet qui pourrait nous être fatal.
J’entends chacun s’organiser : caméraman (merci Guillaume), photos (Sylvie), pancartes d’encouragements préparées en cachette par Pauline dont les encouragements m’accompagneront pendant la durée totale de ce magnifique voyage en introspection.
Lucie, Guillaume, Pierrick Soline et Léa nos jeunes supporters entonneront des heures durant les slogans et chansons apprises là aussi dans le plus grand secret. Du bonheur pour la vie. Inoubliable.
Avec le recul, j’en ai encore la chair de poule.
Le départ
C’est en cortège de voitures bondées de nos supporters que nous arrivons dans le centre de Chamonix. Dépôt du sac pour Courmayeur, Benoît s’acquitte de cette tache pour ne pas nous fatiguer : grand seigneur notre savoyard de service.
Patrick, Nicolas et moi-même en profitons pour nous installer à l’ombre, profitant de ces derniers instants de répit pour échanger nos impressions, comme tout le monde on se fait la course avec les mots. Rien ne se passera comme prévu comme souvent mais ça fait du bien, on décompresse.
A cet instant plus aucun stress, je suis serein, calme, sûr de moi. Très rare ces sensations moi qui suis habituellement stressé au moment du gong.
Nous quittons les proches (embrassades, larmes des enfants) pour aller nous installer sur l’aire de départ une grosse demie heure en avance. Surprise ! l’espace est blindé de participants, nous sommes refoulés au fin fond de la foule des courageux.
J’avais pourtant lu les récits de courses des années précédentes et tout me semblait indiquer que nous serions bien installés. Bon ! tant pis, au moins le départ ne sera pas rapide, l’objectif étant de boucler le tour.
Discours…et enfin hymne officiel, ça fait chaud au cœur, on se sent le héros d’un jour.
Dernière communion avec mes deux acolytes, Nicolas et Patrick.
Le long cortège se met en route en marchant, la foule étant très dense. Grands signes à nos proches qui ont sorti le grand jeu : chants, banderoles, acclamations. Je suis gonflé à bloc.
Très vite je perds de vue Nicolas qui sera emporté par la foule des participants, je ne le reverrai plus durant la course. Il a failli en être de même pour Patrick. Nous réussissons à nous retrouver quelques dizaines de mètres plus loin.
Au bout d’une bonne dizaine de minutes nous pouvons enfin nous mettre au petit trop acclamé par la foule encore très dense jusqu’à la sortie de Chamonix.
Direction les Houches
Le parcours est roulant, sans aucune difficulté si ce n’est se frayer un chemin au milieu de la muraille compacte des trailers.
Avec Patrick nous cherchons surtout à trouver une allure de croisière régulière et confortable. Les quelques dépassements effectués se font donc naturellement sans réelle intention de gagner des places. J’avais lu dans le récit d’un finisher avisé que si tu doubles avant les Houches alors tu es un mort en sursis, c’est donc animé de prudence que j’aborde ces premiers kilomètres.
Premier ravitaillement situé au pied de la première ascension du jour, je me contente de thé car il y embouteillage pour le reste…et tout va pour le mieux donc autant ne pas m’attarder.
Vers Saint Gervais
La montée vers le col de Voza s’effectue d’un bon pas, je me contente de suivre Patrick qui mène de façon régulière tel un métronome. Cela me convient très bien. Petites pauses photos.
Je suis surpris de l’allure plutôt élevée du peloton , nous ne doublons quasiment pas. J’en conclu que nous sommes bien à notre place. Premier pointage sans soucis au sommet.
Nous basculons dans la descente vers St Gervais, je passe devant Patrick pour assurer un bon tempo sans se casser les cuisses. On m’avait annoncé cette descente comme étant plutôt cassante…elle passe bien pour qui sait rester attentif.
L’entrée dans St Gervais , clameurs de la foule, des enfants qui cherchent à nous taper dans la main, sono qui hurle. C’est la fête quoi !
Arrêt boisson ; j’en profite pour avaler un morceau de saucisson et un bol de potage. Bises aux proches qui m’apprennent que Nicolas est passé depuis un bon quart d’heure. Stupéfaction !!
Avec Patrick on se regarde incrédules. Nicolas nous sort le grand jeu ou alors il se lance dans un baroud d’honneur. Le bougre !
Nous pointons 1168 ème. Mes impressions se confirment, la course est très relevée, beaucoup plus que je ne le pensais.
En direction des Contamines
Guillaume notre caméraman et Pauline nous accompagnent aussi longtemps que possible. Quand ils nous quittent c’est encore une longue procession de coureurs qui cheminent vers les Contamines et qui nous précèdent.
Avec Patrick, nous courons dès que l’occasion se présente. Nous doublons environ deux cents trailers sur cette section. Il me semble que nous avons un peu accéléré l’allure, une petite voix intérieure me suggère de ralentir cependant je n’en tiens pas compte surtout que mon compère ne se plaint pas et avance à mes côtés.
Le parcours est truffé de petites côtes et faux plats, l’affaire n’est pas si facile qu’annoncée !
Gros bouchon de voitures à l’entrée du village. J’ai une crainte, et si Sylvie était coincée, nous avons prévu de nous changer au ravitaillement ! Je suis donc un peu préoccupé. Le doute n’a pas le temps de s’installer bien longtemps. En effet, j’aperçois au loin Pauline et Guillaume ravis de nous revoir. Benoît leur a bien servi de guide ! Chapeau , notre savoyard de service connaît bien les petits raccourcis locaux.
Pointage : 985 ème position.
Pause alimentaire, boisson : du vite fait bien fait.
Changement de tenue un peu plus loin sur le trottoir, nos accompagnateurs se sont super bien organisés et chacun est efficace à souhait.
Les enfants entonnent les chants, Marie-Ange leur sert de guide dans cette affaire ; avec Patrick nous repartons gonflés comme jamais.
Ma fille Pauline restera à mes côtés un bon moment avant de rejoindre le véhicule garé non loin.
Une très courte nuit de sommeil s’offre à nos suiveurs, quant à nous c’est le col du Bonhomme qui nous attend….Enfin !
Seuls dans la montagne
Le profil plutôt plat du terrain jusqu’au village de Notre Dame de la Gorge m’incite à courir lentement. Je doublerai beaucoup de coureurs qui marchent, signe annonciateur des premières fatigues. J’espère ne pas faire une erreur d’allure . Ma progression est fluide, facile. Tant mieux.
Beaucoup de monde nous encourage pendant la traversée de ce splendide village réputé pour son église illuminée. Des flambeaux bordent le petit chemin qui nous mène au pied du col du Bonhomme. C’est un mur qui se présente! Le sol est constitué de larges dalles.
Le souffle se fait plus court comme la longueur des pas. Ne pas me mettre dans le rouge !
Je sors les bâtons pour la première fois depuis le départ. Patrick, mon compagnon de course disparaît. Où est-il donc passé ? J’attends un instant puis reprends lentement ma progression convaincu qu’il a du prendre un peu d’avance.
L’ascension jusqu’au refuge de La Balme est régulière, roulante. C’est la fête là haut : feu de camp, chants… J’y retrouve Patrick.
Nous pointons 918 ème.
Il commence à faire froid, je ne m’attarde pas au ravitaillement préférant reprendre rapidement ma progression vers le sommet que nous atteindrons à 2H35 du matin en 939 ème position. Le froid se fait de plus en plus vif et le brouillard très épais.
Le premier gros morceau de la course est maintenant derrière, je l’ai bien géré.
Descente vers Les Chapieux
C’est dans une purée de pois que je l’aborde. " A certains endroits on ne voit pas ses pieds " me souffle Patrick, il ne croit pas si bien dire.
Je passe rapidement en tête d’un petit groupe et prudemment , je descends sur ce terrain très technique jonché de nombreux pièges à entorse. L’humidité ambiante a rendu les pierres et l’herbe très glissantes ce qui complique encore l’opération.
Néanmoins c’est bien d’un pied sûr que j’arrive aux Chapieux, congelé, à 3H42, à la 915 ème place . Je grelotte en entrant sous le chapiteau où est installé le ravitaillement.
J’ai du mal à boire et à avaler les aliments, transi par ces conditions météorologiques défavorables.
Je ne m’attarde donc pas, faisant le choix de ne pas prendre trop froid à ce moment de la course. Je commets certainement une petite erreur !
Col de la Seigne
A la sortie du ravitaillement nous empruntons une petite route goudronnée en direction de la Ville des Glaciers, nom bien approprié vu la situation du jour.
Il s’agit d’un long faux plat d’environ cinq kilomètres. Comme pour tous les trailers il s’effectue en marchant d’un bon pas. Je tape la discute avec mon ami pour briser la monotonie de ce tronçon reposant pour le corps mais ennuyeux à souhait pour l’intérêt de la course.
Première alerte
A l’approche des premières rampes du col je ressens un échauffement sous la cheville signe de l’apparition d’une grosse ampoule. Sans tarder, je décide de poser un élasto pour ne pas aggraver le mal. J’indique à Patrick de poursuivre seul, que je le rattraperai plus tard.
Il s’exécute et m’annonce par la même occasion ne pas être au mieux. Il n’a pas avalé d’aliments solides depuis quasiment le départ. Je m’inquiète pour lui, jamais bon signe tout ça !!
Je reprends ma progression, les premières rampes sont bien raides mais je me sens bien et j’accélère le pas pour rattraper Patrick. Je l’aperçois (les logos réfléchissants de sa veste) au loin et le rejoins après un bon quart d’heure de marche rapide. Il ne semble toujours pas très facile, j’échange quelques paroles pour essayer de le réconforter. Petit à petit, il retrouve son efficacité habituelle et redevient plus alerte.
Je peine même à le suivre payant sans doute les efforts consentis pour le rattraper ainsi qu’une hypoglycémie provoquée par mon départ hâtif des Chapieux où j’aurai du patienter davantage le temps de refaire le plein en aliments solides. Le temps des regrets…
Il fait froid, humide, mes réserves s’épuisent, je dois faire de gros efforts pour rester au train (l’expression favorite de mon ami Patrick) Je doute pour la première fois depuis le départ, mon plaisir s’amenuise au fil des mètres de dénivelés gravis dans ce redoutable col.
Soulagement lorsque s’annonce le sommet atteint à 6H06 en 902ème position , tout étonné d’avoir grappillé quelques places. Je me dis que beaucoup devaient avoir misère.
Descente au lac Combal
Le froid vif raidit les muscles, de la nuque aux orteils aucun n’est épargné, rendant la course assez désagréable. J’ai hâte d’arriver au ravitaillement pour refaire correctement tous les pleins mais aussi me réchauffer un peu le poil.
Animé de cette envie, je ne m’attarde pas dans la descente sans grande difficulté.
Au lac, je pointe à la 882ème place, j’ai tracé dans la descente un peu en retard sur les prévisions un peu trop optimistes. Néanmoins, je reste satisfait.
J’essaie de m’hydrater correctement et d’avaler quelques aliments qui satisfont mon estomac.
Accompagné de Patrick nous reprenons notre avancée vers Courmayeur.
Arête Mont-Favre
D’abord plat et roulant, le chemin s’élève à nouveau dès l’approche de l’Arête du Mont-Favre. C’est court mais bigrement raide ! Petit coucou à l’hélicoptère qui a repris son envol avec le jour naissant.
Les sensations restent très moyennes peu propices à l’euphorie. J’attends donc des moments meilleurs. Un bon coup de " moins bien ", voilà mon état. Je laisse Patrick s’éloigner un peu, j’assure l’avenir.
Je bascule dans la descente dans un meilleur état, l’approche de Courmayeur, les retrouvailles avec les proches….J’accélère l’allure et rattrape de nombreux coureurs. Je recolle avec Patrick et le passe sans chercher à le distancer, j’assure un bon tempo.
L’ampoule soignée avec un élasto se fait très douloureuse ; je décide de marquer un arrêt pour m’occuper de cette affaire. Je découvre en retirant la chaussure une énorme cloque. Bon, il va falloir faire avec jusqu’à Courmayeur ; en attendant : pommade Nok et pansement. L’opération me coûte cinq bonnes minutes. Patrick a pris le large. Je le retrouve juste avant le ravito du col Chécrouit atteint à 8H54 et à la 903ème position, mon arrêt m’ayant coûté quelques places.
Il fait bon à présent, je retire le coupe vent, les gants, bref l’attirail d’hiver. Pause : boisson, saucisson, compote et c’est reparti pour une descente hyper cassante vers Courmayeur.
Courmayeur, premier moment de vérité
D’abord douce, la descente devient vite un vrai enfer pour les quadriceps ; bien que je sois resté très prudent, j’y laisserai des plumes à coup sûr. Patrick souffrira terriblement des genoux et c’est bien entamés que nous sommes accueillis par nos deux Guillaumes et Benoît pour notre entrée triomphale dans la ville thermale, synonyme de répit pour nos corps tout endoloris.
Arrivée à 9H27, 832ème place et 14H57 de course.
Bises à Sylvie et Pauline que je retrouve avec grand plaisir. Quel bonheur d’être attendu !
Coucou à Marie-Ange et Pierrick. Lucie s’inquiète pour son père.
Récupération des sacs, et direction les vestiaires pour un brin de toilette et changement de tenue. La salle est bondée mais la vie y est fluide, presque calme.
Moment de vérité : vais-je réussir à avaler mon plat de pâtes ? D’ordinaire, je cale. Je sais que c’est l’une des clés pour finir le Tour. Il faut absolument manger. Première surprise, il passe bien, bon appétit. J’engloutis par la même occasion un yaourt et deux pots de compote. Je suis ravi.
Patrick n’a pas cette chance, tout semble l’écœurer. Rien à faire. Mauvais jour.
Nous ne traînons pas dans la salle et nous nous dirigeons vers l’extérieur pour retrouver nos accompagnateurs.
Soins du corps : Sylvie, Pauline et Benoît s’y collent. Traitement des pieds, massage efficace…Je suis aux anges, un vrai coq en pâte !
Petit point course, bilan …première conclusion, la nuit a été " moyenne ".
Pauline m’annonce l’abandon de Nicolas aux Chapieux, épuisé et vidé de toutes ses forces. Il a fait de son mieux stoppé par des troubles gastriques. Connaissant le courage qui l’anime d’ordinaire, il a du dérouiller sévère! Il reviendra…
Patrick et moi quittons notre escorte. Nous ne les retrouverons pas avant la Fouly en Suisse c’est à dire en début de soirée si tout va bien. Pour nous rejoindre, Benoît, le guide, a décidé de passer par le col du Grand Saint Bernard. Pour voir du pays ? Il sera servi et regrettera son choix trouvant la route terriblement longue et dangereuse. Quand on aime, on ne compte pas…Encore merci à toute la bande.
J’attaque la suite des évènements plutôt optimiste, mon corps réagit bien. Je ne suis pas usé mentalement bien au contraire, c’est avec une volonté de guerrier que je repars en direction de Bertone et sa terrible montée.
Cap vers le refuge Bertone
La traversée de Courmayeur se fait comme si nous étions des touristes en ballade, bizarre comme ressenti. Juste quelques promeneurs pour nous encourager et nous rappeler qu’il s’agit bien d’un trail !
Dès la sortie de la ville les hostilités reprennent : la montée nous attend, terrible. La pente est raide dès les premières rampes. Nous peinons à retrouver le bon rythme. La chaleur accentue la difficulté de notre ascension. Petit à petit nous réussissons à caler nos pas et doublons quelques concurrents à la peine. Je n’en mène pas large et suis moi-même limite. Heureusement, les passages ombrageux sont nombreux.
Patrick souffre du genou, il doit souvent lever le pas, soulager la douleur. Son calvaire débute. Il a hâte d’arriver là-haut pour consulter un médecin au point infirmerie. Je m’inquiète pour lui et l’encourage de mon mieux.
Nous atteignons le refuge à 11H53 et sommes 844ème au classement. Conforme aux prévisions.
Nous prolongeons notre pause pour attendre le diagnostic médical. Début de tendinite et deux anti-inflammatoires comme remède. Patrick est dépité, le doute s’est sérieusement installé.
Arnuva via le refuge Bonatti
Patrick vivra un long chemin de croix jusqu’au refuge Bonatti . Sa tendinite ne s’arrange pas du tout malgré les médicaments, il souffre en silence et n’arrive plus à trottiner sur la ligne de crêtes que nous offre le parcours. L’an dernier il caracolait à cet endroit. Je l’attends, l’encourage. J’espère que les anti-inflammatoires feront effet tôt ou tard mais rien à faire. Le pessimisme le ronge doucement. Il m’invite à poursuivre, à ne pas l’attendre :
" Tu vas passer à côté de ta course ! " m’indique-t’il
Je ne peux me résoudre à le laisser, nous avons fait tout ce chemin ensemble. Je rêve de terminer cet ultra à ses côtés, il en ferait autant pour moi.
Nous atteignons Bonatti en 858ème position à 13H35 après 19H05 de course.
De nombreux coureurs font une bonne sieste, allongés au soleil, histoire de reprendre des forces pour la suite.
Nous ne nous attardons pas pour arriver le plus vite possible au gros ravitaillement d’Arnuva où des soins sont possibles..
Je prends de l’avance sur mon compagnon afin de faire soigner l’ampoule que me traîne au pied depuis la nuit dernière et qui vient de se réveiller à mon plus grand désappointement
Je boîte bas et n’arrive pas à courir convenablement, dommage sur ce chemin si roulant et propice à la course.
Je suis pris en charge par une jolie podologue qui me remet sur pied. L’affaire prendra quand même quarante minutes, massage compris.
Patrick apparaît enfin, les traits tirés par la souffrance.
Le médecin l’invite à arrêter. Il a raison car c’est le grand col Ferret qui est à présent au menu . Dans cet état, il ne pourrait jamais atteindre la Fouly.
Je croise son regard, il en dit long. J’ai compris avant même le poids des mots. C’est fini pour cette année. Patrick semble soulagé, du moins c’est l’impression qu’il me laisse. Je sais pourtant qu’il vit un grand désespoir. Il me donne ses derniers gels, les armes du guerrier. Une tape sur l’épaule. Il me lance mon dicton comme ultime recommandation : " l’œil du tigre " ! En clair, fonce vers l’arrivée.
Je ne traîne pas, l’instant m’est trop pénible…. Je pars, fais quelques dizaines de mètres et m’arrête soudain. Et mes bâtons ? Je dois rebrousser chemin pour les récupérer.
Me voilà maintenant seul pour affronter le grand col Ferret, le toit de l’UTMB.
Grand col Ferret, retour du froid et du vent
Sitôt la sortie du ravito, je me retrouve seul sur cette section. Physiquement tout est au vert, très bonnes sensations. C’est cette solitude qui me semble étrange, seule la présence du photographe officiel de la course me sort de la torpeur dans laquelle je me suis installé.
Je me fais rattraper par une féminine anglaise très rapide en montée et m’efforce de la suivre à vue. Elle me sert de point de mire. Tant mieux !
Au fur et à mesure le vent et le froid se font sentir, rendant la progression pénible. Je resserre au maximum la casquette pour qu’elle ne s’envole pas !
Certains passages sont très pentus, je mets un temps fou pour rejoindre puis dépasser un concurrent plus lent, puis un autre. La déclivité écrase la distance. Je double encore deux ou trois coureurs qui marquent parfois une pause.
A 16H42, en 889ème place j’aperçois les tentes jaunes qui annoncent la fin de la montée. Les bénévoles qui pointent chaque trailer sont frigorifiés, transis. Dans de telles conditions, je ne préfère pas m’attarder et plonge au plus vite dans la descente pour me mettre à l’abri de ce vent glacial très coûteux en énergie. Je rattrape " mon anglaise " bien moins à l’aise que tout à l’heure en montée ainsi qu’une bonne trentaine d’autres concurrents dont l’allure montre que le froid les a raidis.
J’atteins enfin la zone boisée synonyme d’abri. La descente devient technique. Au détour d’un virage, je chute violemment sur une grosse pierre recouverte de boue grise. Je réussis néanmoins à amortir le choc grâce au bâton qui se plie. J’en suis quitte pour de belles plaies. La boue collée sur le bras colmate le sang qui coule abondamment. Belle frayeur ! Du coup je me calme pour ce qui reste de descente. Je marque un court arrêt pour redresser le bâton salvateur.
Enfin, le chemin devient plus large et roulant, puis il fait place à une route goudronnée qui annonce l’entrée dans La Fouly. Il est 18H25 et je suis 882ème.
Benoît et Guillaume avec sa caméra m’attendent au détour d’un virage. Je me réjouis de les retrouver.
Plus loin je suis interpellé par un petit groupe de spectateurs :
" Bravo le pépère blanc " scandent-ils tous à l’unisson.
Bien que fatigué, cet encouragement m’étonne car seule ma fille Pauline utilise ce sobriquet pour me taquiner. Comment ces gens peuvent-ils savoir ? Ils lisent la stupeur sur mon visage et en rient . Je continue mon chemin jusqu’au ravitaillement avec mes interrogations.
Pauline dévoile les secrets de famille
L’étonnement ne dure que très peu de temps, en effet Pauline est passée par là et a eu tôt fait de sympathiser avec tout le monde " dévoilant " les secrets de famille à qui voulait bien les entendre ! C’est ainsi que je suis devenu une star en Suisse et mon numéro de dossard connu de tous. Merci Pauline, moment plaisir. Sylvie sonne la clarine(achetée aux puces pour l’occasion) avec énergie pour m’encourager et me féliciter du chemin déjà parcouru.
Benoît et Guillaume me donnent des nouvelles de Patrick qui devrait les rejoindre à Champex, il n’est pas trop déçu par son arrêt me disent-ils.
Comme à l’accoutumé, je sors mon gobelet pour boire de l’eau pétillante et un ou deux verres de coca, bananes, saucisson et potage en solide. Tout passe à merveille.
Pauline m’organise les soins avec une gentille podologue : ampoules, massage, pansement au bras. Je profite au passage pour remercier tous ces merveilleux bénévoles qui contribuent par leur présence, leur savoir faire et leur sourire à la réussite de la course.
J’enfile une tenue plus chaude et je file vers Champex. Quinze kilomètres de chemin roulant, sans difficulté hormis la montée vers le lac avec ses 450 mètres de dénivelé positif
Très vite je me rends compte que j’ai trop chaud, je retire une couche, les gants et le bonnet.
Je rejoins Alexandre un concurrent bien sympathique dont je fais la connaissance. Nous resterons ensemble un bon moment. Le profil du parcours m’incite à trottiner. Je double quelques coureurs qui ne semblent pas au mieux.
Pendant la traversée de Praz du Fort je retrouve mes accompagnateurs qui me font encore une belle fête, ça me fait chaud au cœur. Ils adoptent Alexandre mon nouveau compagnon de route.(Solidarité UTMB)
Les sensations sont bonnes, les muscles bien que fatigués répondent correctement. La motivation est intacte, l’affaire se présente de mieux en mieux. Je sais que j’ai de la marge, je me contente donc de gérer la fatigue et de conserver l’énergie pour la seconde nuit que je redoute un peu. Jusqu’à présent le sommeil ne m’a jamais gagné. Qu’en sera t’il à la nuit tombée ? Je ne m’attarde pas à ces réflexions et me concentre sur la prochaine étape : Champex. Les paysages sont magnifiques. Quelques enfants ont organisé un ravitaillement surprise, je leur fais honneur et déguste un délicieux thé froid.
A la sortie de Praz commencent les difficultés, la montée sur le lac. J’en garde un souvenir douloureux. L’an dernier pendant la CCC j’y avais connu une terrible hypoglycémie.
Cette fois rien de tout ça, l’ascension passe bien, progressivement, c’est Alexandre qui se charge de mener à allure régulière, ça me convient parfaitement.. Seule ma frontale que je viens d’allumer me pose soucis : les piles semblent faibles ? J’y remédierai au ravitaillement.
Il est 21H58 quand j’y parviens Je suis classé 815ème. J’ai gagné presque une heure sur la prévision, cela ne me surprend pas, mon corps réagit bien. Il fait déjà bien nuit à mon arrivée.
Toute mon équipe est présente. J’entends au loin les cloches et le slogan qu’ils scandent à tue-tête : " pépère le chti , finisher à tout prix. " Chacun a pu manger le bon repas que Sylvie avait prévu ainsi que des frites et de la bière . Les veinards.. A leur mine réjouie j’imagine qu’ils ne doivent pas s’ennuyer. J’apprécie la présence de Patrick. Il n’a pas l’air fatigué depuis son arrêt à Arnuva. Il a bonne mine mais boite : la tendinite au genou le fait bien souffrir.
Mon fils Benoît me téléphone pour réitérer ses encouragements, il m’apprend par la même occasion le résultat du RC Lens qui affrontait le Stade Rennais : 2 à 2. Egalisation dans le temps additionnel. Pas chanceux les lensois.
Je me replonge dans ma course après cet intermède.
Malgré la température élevée et le bruit, j’ai plaisir à rester un moment sous l’immense chapiteau.
L’assistance s’organise à merveille : Pauline fait le changement des piles de la frontale, Sylvie qui gère le matériel me réapprovisionne pour la nuit et me prépare une bonne assiette de pâtes, Guillaume continue le tournage du film. Marie-Ange et les enfants ont des paroles réconfortantes. Du bonheur.
J’avale avec appétit mon repas. J’envie presque la portion de frites du gamin installé non loin. C’est dire !
Petit breafing avec Benoît, finisher en 2008 sur la suite des évènements. Le programme à venir est copieux : Bovine, les Tseppes avant de finir par la Tête aux Vents. Rien que ça. J’en ai encore des frissons.
J’enfile le collant long,le coupe-vent et les gants….Bises aux proches.
Alexandre décide de repartir en ma compagnie, j’en suis ravi. Il vaut mieux affronter Bovine à deux que seul !
Terrible Bovine
Après avoir longé le lac de Champex, nous nous retrouvons bientôt en face du monstre ! D’abord en léger faux-plat descendant pour nous tromper, le chemin s’élève rapidement. Les blocs de pierre se font de plus en plus nombreux au fil des hectomètres parcourus. Quelques trailers dorment à l’abri sur les côtés. Etrange sentiment.
Je commence à sentir les effets de la fatigue: appuis fuyants, heurts de racines et cailloux, les bâtons claquent sur les rochers. Je n’ai pas d’hallucination mais l’attention diminue. Je me fais doubler par trois ou quatre coureurs et je m’écarte pour ne pas les gêner. Le sentiment de lassitude m’envahit peu à peu. Il faut réagir ! " Ne pas me laisser faire ", tel est mon dicton. Je l’applique, me fais violence et reprends le cœur à l’ouvrage.
J’atteins enfin le sommet de cette terrible difficulté (blocs de pierre, ruisseau).
Mais que le temps m’aura semblé long ! Je suis pointé à 1H20 à la 771ème place. J’ai progressé au classement surtout par le jeu des abandons à Champex et de quelques dépassements tout de même.
Là-haut la température est glaciale, le vent transperce le coupe vent.
Quel courage ces bénévoles grelottants, enfouis sous des pulls et des manteaux qui font penser à une expédition polaire. Certains se sont glissés dans des couvertures épaisses.
Pendant que je ma désaltère Alexandre m’annonce son arrêt. Handicapé par une terrible douleur au tibia il préfère renoncer plutôt qu’aggraver le mal qui le tourmente depuis un bon moment. Je n’insiste pas, son visage porte les stigmates de la souffrance. Il mettra presque trois heures pour rejoindre Trient et rendre son dossard. Je rends hommage à son courage ainsi qu’à l’assistance qu’il m’a portée. Je souhaite le retrouver au plus vite sur les bords des chemins.
Le parcours nous propose un petit chemin sur une crête d’où la vue de la ville de Martigny, illuminé est grandiose. C’est la récompense de tant d’efforts.
La descente sur Trient est très technique, racines, trous, pierres sont légions. Je reste à l’arrière d’un petit groupe préférant profiter de leur présence pour tracer la route surtout que mon attention semble être bien retombée depuis quelques minutes. J’assure la survie.
Arrivé au col de la Forclaz nous pénétrons dans un bois où la descente est très raide et sinueuse. Un calvaire pour les quadriceps. En bas, il faut cheminer encore un moment pour atteindre les faubourgs de Trient. J’aperçois au loin la zone du ravitaillement. Il était temps.
Il est 3H00 du matin et je suis 744ème. Ce sera mon meilleur classement.
Je suis fourbu mais le mental demeure intacte. La présence de Sylvie, Pauline et Benoît me réconforte. Ils ont l’air eux-aussi tellement fatigués ! Malgré leur mine défaite, ils me boostent. Sylvie a un petit malaise, sûrement du au manque de sommeil , elle s’inquiète aussi, me voyant marqué par la fatigue : il est vrai que je n’ai pas fermé l’œil depuis le départ. Elle s’isole quelques instants pour récupérer. Guillaume qui nous a rejoint prend régulièrement de ses nouvelles. Tout rentrera heureusement dans l’ordre.
Les enfants dorment enveloppés dans leur duvet sous un porche ! Il ont tenu à être présents. Quel mérite ! Pour eux, je me dois de venir à bout de cet UTMB.
Je me souviens de mon ami Jean-Paul décédé quelques mois plus tôt. Ensemble, nous étions montés à la Tournette en 2005. .Si je termine, je lui dédierai ce défi.
Je ressens le besoin de me faire masser les cuisses qui souffrent. Je passe donc un long moment avec les kinés qui me remettent sur " pied ". Très professionnels ces gars là !
Pendant le massage j’élabore une nouvelle stratégie pour affronter la montée des Tseppes, je ne veux plus connaître les moments d’errance que j’ai vécu précédemment.
Comme je n’ai pas encore avalé de gel énergétique depuis le départ c’est le moment de vérifier leur action. J’escompte qu’ils auront un effet euphorisant, repoussant par la même occasion le sommeil.
J’en consomme donc un dès la sortie de Trient. L’effet est immédiat, je retrouve le punch, la patate ! Mon allure s’accélère, je rattrape quelques coureurs et j’entame la montée euphorique.
Le plaisir est revenu. Plus aucun problème jusqu’au pointage à Catogne. A méditer pour l’avenir.
Douloureuse descente sur Vallorcine
Je prends à nouveau mon breuvage magique pour affronter la descente sur Vallorcine avec le même résultat. Je suis tellement bien que je me mets à courir à bonne allure. Erreur fatale !
Mes quadriceps n’apprécient pas; ils se raidissent et celui de droite m’oblige à réduire très considérablement la vitesse. Je peine à maintenir une allure correcte. Je dépasse néanmoins un autre participant encore plus mal en point. Le jour se lève. Le sol est gelé, le givre recouvre la végétation laissant penser qu’on pourrait être en hiver…. J’ai hâte d’être en bas pour soigner le muscle douloureux rendant chaque mètre parcouru plus pénible, plus long.
Je surplombe le ravitaillement, il parait si proche pourtant il faut descendre et c’est bien raide ! Enfin la dernière pâture à traverser. Pauline m’a reconnu grâce aux gants que je porte (elle me les a offerts la veille du départ), elle me fait signe, j’en fais autant. Nicolas est présent. Ses encouragements me font chaud au cœur. Je ressens une impression bizarre : on s’échange peu de paroles, la communication se fait par le regard, par quelques petits gestes d’ordinaire anodins mais qui à cet instant me réconfortent plus que jamais. Sylvie filme la scène, elle grelotte, il fait terriblement froid.
J’éprouve une sensation de grande fatigue. Je fais de gros efforts pour faire bonne figure.
Il reste une bonne vingtaine de kilomètres avant l’arrivée au triangle de l’Amitié à Chamonix c’est court au regard de ce qui a déjà été fait mais terriblement long si on y regarde de près. Il ne reste plus qu’une difficulté, la fameuse montée de la Tête aux Vents, elle est terrible. Un concentré de toutes les difficultés rencontrées au cours des autres ascensions. Tout pour plaire ! D’un autre côté, je suis motivé à l’idée que la fin est proche, je pense à mon arrivée. C’est animé par ce sentiment que je sors du ravitaillement de Vallorcine.
Aussitôt, je commence à grelotter malgré les trois couches de vêtements que je porte. La fatigue fait son effet. Je ressens une douce chaleur en passant devant un feu de camp allumé par les bénévoles. Ce réconfort est de courte durée.
Je réussis à me réchauffer en accélérant le pas en direction du col des Montets. Je l’avale facilement et suis agréablement surpris de retrouver mes proches au sommet. Ils sont emmitouflés dans des couvertures. Leurs encouragements m’accompagneront au cours de l’ultime ascension. Mon quadri droit devient très douloureux. Pause massage obligatoire . C’est Sylvie qui s’y colle.
La Tête aux Vents, ça y est, j’y suis. Derniers encouragements…
D’entrée la pente est impressionnante . Les lacets, au nombre de soixante quatorze, sont courts et serrés. Les blocs de pierre se font de plus en plus nombreux au fil de la progression. Ils obligent à lever très haut les genoux parfois les mains sont nécessaires pour les franchir. Après plus d’une heure, on croit en voir la fin…pas du tout : un long faux plat scabreux se présente. On reste dans le dur !
Jusqu’au pointage de La Flégère le tracé propose une succession de légères descentes suivies de courtes montées rocheuses. C’est casse-pattes. Mon quadriceps se fait à nouveau très douloureux. La contracture musculaire devient très vive. Je progresse lentement à l’aide des bâtons. Je perds un temps fou. J’y laisserai plus de deux heures. Peu importe…
Je sors le portable pour prévenir Sylvie de mon retard. J’en ai plein " les bottes " et je cherche un réconfort.
La descente sur Chamonix sera un calvaire malgré le soutien des coureurs qui me doublent.
et les encouragements des nombreux randonneurs se rendant au sommet en sens inverse.
Je n’ai plus qu’une idée en tête : en finir !
Arrivé à la Floria , Frédéric et Dominique, mon beau-frère et ma belle sœur me rejoignent, accompagnés de Pauline. Très bonne surprise. La fin du parcours me semble moins longue.
J’apprendrai plus tard que mon fils Benoît et mon pot Jacques s’inquiétaient de mon retard en " harcelant " Sylvie de sms et de coup de fil . La douleur musculaire était insupportable et j’avançais à grand peine vers la fin du voyage.
Arrivée à Chamonix
Les faubourgs de Chamonix sont en vue marquant la fin de ma souffrance mais aussi le terme de cette magnifique aventure. Je suis très partagé entre ces deux sentiments.
Je retrouve Sylvie qui a déroulé les banderoles en l’honneur de Jean-Paul. Les enfants les porteront jusqu’à l’arrivée. Je suis escorté jusqu’au centre de Chamonix par toute mon équipe de supporters. Ils chantent, ils actionnent les clarines, ils tapent dans les mains, ils scandent " pépère le chti , finisher à tout prix ! " C’est énorme. En écrivant ces lignes j’en frissonne encore. Je n’aurais jamais imaginé un tel témoignage de sympathie. On se sent le héros d’un jour. J’ai du mal à capter toute cette effervescence ! Patrick et Benoît m’attendent sous l’arche d’arrivée que je passe après 43 heures et 18 minutes de course.
Je garderai pour toujours ces images.
Quand on me demande : " Pourquoi faites-vous l’UTMB " ? Je viens d’en évoquer une des raisons. C’est grandiose. Les sacrifices sont à la hauteur de toutes mes espérances. Du bonheur….
Dès la ligne franchie : une bonne bière pour me désaltérer. Je refais déjà la course avec mes amis finishers des autres éditions. Douche et sieste.
Epilogue
Les points positifs :
Mais surtout :
Le matériel :
Très bon sac : modèle Raidlight endurance, je le recommande.
Système d’hydratation : Source Convertube très efficace.
Lampe frontale Led Lenser : très bon éclairage mais gourmande en piles cette année. Bizarre !
Bâtons pliables Camp Xenon : légers mais assez fragiles, ils se sont fortement pliés lors de ma chute. A revoir.
Coupe-vent léger de chez Raidlight : une valeur sûre, aucun soucis même quand il faisait froid aux sommets.
Collants longs Skins : impeccable !
L’équipement est complété par une paire de gants (indispensables pendant les deux nuits fraîches), des mitaines type VTT, un bonnet en polaire, deux maillots manches longues et deux autres courtes manches, une casquette et deux cuissards.
Quelques points négatifs ou à améliorer :
Le bilan est très satisfaisant à tous les niveaux. Je quitte la montagne afin de m’en retourner dans mon plat pays la tête pleine d’innombrables souvenirs qui occuperont mon esprit pour toujours.
Le seul véritable regret est ne pas avoir terminé cette aventure autour du Mont Blanc avec mes amis Patrick et Nicolas. Ce n’est que partie remise.
Il ne fait plus de doute que je participerai à nouveau à l’UTMB en 2010 si mon inscription est validée par l’organisation.
Remerciements :
Ma famille : Sylvie mon épouse qui a supporté ma lourde préparation et des vacances le plus souvent très sportives. Elle a préparé les banderoles, les chants… Mes beaux-parents, Pauline ma fille pour les scripts et le montage vidéo, les panneaux d’encouragements. Guillaume son ami, le caméraman de l’équipe. Benoît mon fils qui m’a encouragé par SMS.
Ma belle-sœur Dominique et son mari Frédéric qui furent présents à l’arrivée malgré un planning surchargé.
Mes amis : Patrick et Benoît (finishers UTMB 2008), Nicolas (finisher GRR 2008), Nathalie Dhervilly et Nathalie Ducrocq, Marie-Ange. Pierre et Justine les chauffeurs.
Corinne ma belle-sœur, Pascal et Corinne Tavernier, Jacques et Anne Brodkowski , Sylvain et Valérie Landry , Dominique et Florence et tous ceux qui m’ont envoyé des SMS ou ont suivi ma progression en live sur Internet.
Mr et Mme Assoygnon qui nous ont hébergés.
Les enfants : Guillaume, Lucie, Pierrick, Soline et Léa mes jeunes supporters.
Mon staff médical : Gauthier Kulincks kiné, Jean-Michel Ingelaere médecin, Mathieu Frenot l’ostéo qui m’a remis d’aplomb avant le départ.
Un grand merci à tous ceux qui m’ont apporté leur soutien dans ma vie quotidienne que je ne cite pas de peur d’en oublier.
Au moment de clore mon récit j’ai une pensée particulière pour un ami, Jean-Paul Mortagne qui nous a quitté il y a à peine quelques mois. Il était passionné de sport et par la montagne en particulier. Président d’Amicale Laïque, bénévole toujours disponible, c’est à lui que je dédie ma réussite sur ce tour du Mont Blanc.
1 commentaire
Commentaire de riri51 posté le 29-10-2009 à 17:03:00
merci pour ce CR! je viens de passer un super moment en ta compagnie autour du mont blanc... plein de souvenirs de ma propre course, de sensations, d'émotions me reviennent en te lisant... MERCI et félicitations!
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