Récit de la course : L'Endurance Ultra Trail des Templier 2004, par yoyo
Le récit
Histoire de brosser un peu le portrait
Difficile de retrouver l’envie après l’UTMB 2003. Une seule chose me fait envie : l’UTMB 2004. L’année 2003 se solde par une « historique » LyonSaintéLyon au fort accent d’UTMB et qui s’achève prématurément à Saint Catherine sur le chemin du retour. 2004 sera l’année de mes premières 24h. C’est à Saint Fons et ….bof. Pour plusieurs raisons, l’envie n’est pas là quand elle devrait l’être, à la tombée de la nuit. Je ne pense qu’à une chose….dormir. Je garderais comme souvenir de cette épreuve le plaisir. Le plaisir d’avoir couru avec les copains, de les avoir revu. Pour la course, bof. Pas de franche sensation. Il faut dire aussi que je me suis présentais là, tranquille, la fleur au fusil. L’objectif est plus loin …fin août (enfin, je le croyais encore). Et puis, quand vient le printemps, c’est pour moi la saison des blessures. A coup d’arrêts, de soins et de reprises, je mets une croix sur mes objectifs intermédiaires qu’étaient le Grand Raid du Cro Magnon et l’Intégrale de Riquet. Mais ce n’est pas grave …..L’objectif est plus loin ….. fin août (je le croyais toujours). Enfin je suis guéri. Ma préparation commence, assidue, appliquée et la forme arrive. Fin juillet elle est là. Je valide cette forme des Jeux Olympiques avec Phil dans le Ventoux par un OFF accidentel et me prépare à boucler une deuxième boucle. Mais la tête est aussi un peu, beaucoup ailleurs. Je vais être papa pour la première fois. A J-10, sans regrets, je jette l’éponge, choisis de rester auprès de Sandra (et d’Enzo) et mets à profit la semaine de vacances / récup initialement allouée au pré-UTMB pour me faire un cycle volumineux en me fixant pour objectif ….les 100 Km de Millau. Dans ma tête, c’est clair qu’une telle forme, rare, voir unique depuis ma venue dans le monde de la course à pied doit être mise à profit. Je bouffe donc du kilo à la sauce Cyrano et …..2 semaines avant Millau, Enzo vient agrandir la famille. Adieu Millau mais le Yoyo a encore une carte à jouer. L’objectif de l’année sera donc l’Endurance Ultra Trail 2004 (109,3 km et 5030 m+). Je profite du congé paternité pour me retaper un cycle volumineux, escarpé, dans les sentiers du Luberon très ressemblant avec les terrains qui nous attendent fin octobre et……c’est le grand jour.
Un départ prudent, de grés ou de force
L’objectif est clair. Je vais enfin prendre le départ d’une course avec un autre objectif que de finir. Je cherche une perf, à mon niveau, mais une perf qui pourrait mettre en chiffre mon rêve de 2005. L’objectif du jour sera donc …17h pour les 109,3 Km du parcours et les 5030 m de dénivelé positif (et négatif).
C’est parti. Le passage du pont de Nant se fait en queue de peloton. J’ai déjà perdu Steve (Bags). Il m’a annoncé un départ prudent et 2h45 pour rejoindre Cantobres mais il doit forcément être devant, j’étais vraiment en queue de peloton. Pendant une heure, je vais m’évertuer à éclairer tous les coureurs, en train de faire des pauses techniques sur les bas cotés en espérant retrouver Steve avec qui j’avais pensé partager les 20 premiers kilomètres. Pas de Steve à l’horizon et je me fais une raison. On se verra à l’arrivée. Quelques petits ralentissements permettent de s’alimenter et c’est tranquillement que nous attaquons la montée sur le Causse Bégon. Tranquillement ! Que dis je. A l’arrêt. Un sentier bien raide où l’on va piétiner et poireauter pendant 15 minutes avant de s’extirper de la foule et retrouver le chemin forestier au sommet. Je sais bien que les quarts d’heure du départ feront des heures en fin de course mais c’est râlant, rageant de perdre bêtement un quart d’heure. Si sur une prochaine course, je me trouve avec 1900 coureurs au départ (dont certains d’entre vous) et que je sais que dans les 15 premiers kilomètres il y a quelques sentiers étroits, je partirais devant. Vous ne m’en voudrez pas !!!
Voila donc pour le gros bouchon de la journée. Sur le plateau du Causse Bégon, j’adopte la méthode Cyrano. Certains coureurs me doublent mais je m’astreins à ces périodes de marche, un peu anarchiques mais qui coïncident toujours avec un faux plats plus ou moins plat sur ce large chemin qui nous amène au dessus de Cantobres. La descente est douce et qualifiable de roulante en rapport avec les trucs monstrueux qui nous attendent plus loin. Cantobres. Km 16,2. 2h15 de course et déjà le jour commence à poindre. Le brouillard aussi. Depuis le ruisseau qui passe sous le village, on aperçoit les lumières des maisons qui éclairent les rochers alentours. Superbe. Peu avant le ravito, je double un Pypardo en plein rangement. Je lui lance un « Je t’attend plus loin ». Je ne l’ai pas revu malgré une pause de quelques minutes au ravito.
Un bout de chemin avec Steve
On est au pied de Cantobres. La descente rendu célèbre par les Templiers s’annonce pour nous montante. Bien raide, avec des hautes marches et aussi le dernier bouchon de la journée. Ce n’est pas grave. Le soleil est avec nous et sur le haut de la bosse, nous nous extirpons du brouillard. Je ne me lasse pas de ce paysage qui pourtant m’est familier. La vallée est une mer de nuage et au dessus, les Causses se découpent. Grandiose. J’attaque la traversée du Causse Noir qui doit nous amener à Trèves (Km 31). La montée sur Cantobres m’a fait quelques soucis. J’ai les mollets durs : douloureux et durs. Rajouter à ça que la semelle de mes North Face neuve (100 Km à peine à l’entraînement) par en lambeau et qu’une douleur apparaît sur mon coussinet avant droit synonyme d’ampoule précoce, je ne la ramène pas trop quand j’aborde une boursouflure du parcours. Je lève le nez et continue de remonter le peloton quand je tombe sur …..Steve. 2h 45 à Cantobres qu’il m’avait dit ! Il y est passé en 2h 15. Je prends de ces nouvelles. Il me dit qu’il va bien mais, je l’avoue ici, moi je n’ai pas trouvé. J’ai beau insisté, je ne le sens pas trop le Steve. Mais bon. Nous faisons route ensemble pendant quelques kilomètres. Je le précède de quelques mètres mais sens que mon rythme doit être un poil élevé pour le sien. Je ralentis. Survient Michel du Layon (pour la prononciation de ce nom barbare, Layon, pas Michel, c’est simple : il suffit de dire crayon, crayon, crayon, crayon, crayon, crayon, Layon. Voyez, c’est pas dur !). Michel, c’est un traileur d’expérience, fidèle aux Templiers et qui d’un seul regard (de dos) rassure. Une bonne paire de cuisses, des mollets saillants et surtout une foulée sûre, régulière. Bref, d’un seul coup d’œil, je vois là un costaud qui ira loin (et promis (je crache), je dis pas ça à cause de la suite). Il nous tape la causette comme avec les 1000 personnes qu’il aura vu dans la journée et poursuit sa route. J’hésite un instant à la suivre mais, son rythme ne me convient pas. Steve est avec moi et finalement, après quelques tergiversations, je prends un peu d’avance et le distance. Nous sommes au pied de la descente sur Trèves. Elle aussi en pente douce, elle nous ramène dans le brouillard au premier vrai ravito de la course. Toujours dans ma logique recherche de « perf », je ne m’attarde pas. 5’ environ le temps de remplir ma poche à eau. Je ressors de la salle alors que Steve arrive. On se salue. A ce soir.
Euphorie et désillusion
C’est parti pour l’ascension du premier des trois plus de 1200 m de la journée. La crête du Suquet. Tout commence par une montée sur route d’environ 500m avant qu’un sentier étroit nous amène …. à la Réunion. Le Grand Raid a lieu en même temps que cette course et je ne peux m’empêcher de penser, en grimpant au milieu de la mousse, des cailloux glissants, sur un sol et dans un air très humide que le GRR doit ressembler à ça. La montée en lacet au début me rassure sur ma forme. Je remonte des coureurs aisément et me surprend même à trottiner par endroit. Je suis vraiment très bien et profite de cet instant d’euphorie pour grimper dare dare la première partie qui nous amène au Suquet. Vient ensuite une route forestière pendant environ 200 m avant de réattaquer en sous bois, droit dans la pente, la suite des hostilités. Je repère de loin l’allure de Michel du Layon (qu’on prononce ….mais si vous savez …..crayon, crayon, crayon, crayon, Layon). Il me présente son pote Rémy que je viens de dépasser avec peine. C’est la première fois, depuis le départ de Trèves qu’un coureur (2 ici) me « résiste ». J’hésite à poursuivre ma montée euphorique puis, en discutant avec Michel, je me rends compte que mon cœur est un peu haut. Il me dit être en forme et je me dis que le rythme du duo de batonneux Michel / Rémy devrait me convenir. Je poursuis donc avec eux ne sachant pas encore que ce trio durerait jusqu’à l’arrivée. Peu avant le sommet, après avoir salué Macao, je finis par me dire que ce tempo imposé par Michel me va bien et que ça va même un peu vite. Mais bon, je cherche une perf alors ces 2 locomotives devraient m’aider dans ma quête. Je m’accroche, passe le sommet, superbe, dans le froid et le vent (le seul coin de la course un poil limite en météo, le reste étant al dente) et me cale dans les bâtons de mes acolytes jusqu’à Dourbies (Km 41). La descente se fait attendre mais une fois dedans, j’aurais aimé qu’elle dure des heures. Superbe, technique dans un décor faramineux. J’avais déjà craqué pour ce petit village entouré de châtaigniers et de blocs rocheux tous plus beaux les uns que les autres lors de ma participation aux Templiers 2001 (mon premier trail…aie, aie) mais là, sous le soleil, c’est génial. Rémy est l’ouvreur et son rythme me convient. On se fait doubler par quelques descendeurs pressés (que je juge inconscient vu le chemin qu’il reste à faire) et c’est tranquillement que nous arrivons à Nant. Catherine Poletti est là. Elle me donne des infos sur Michel. Il est passé 50 minutes devant nous. Faudra que je pense à m’excuser auprès de lui à l’arrivée. J’ai osé penser un jour qu’un Yoyo en forme pouvait suivre un Michel pas trop en forme. Quel crétin je fais !!!. Je demande le classement : environ dans les 100. En fait on apprendra qu’on est plutôt dans les 200. Boudiou, ça fait mal. Nous qui remontons des coureurs depuis Trèves, qui avions le sentiment de pas traîner, d’être plutôt efficace, nous nous retrouvons dans le ventre mou du peloton. Ce n’est pas grave mais ça me surprend. L’arrêt à Dourbies est lui aussi express. On a 1h10 d’avance sur les barrières horaires et ce couperet sera fatal pour pas mal de coureurs (dont Steve)
On est bien, tout va bien
Direction le Saint Guiral et l’extrémité « sud » du parcours : le village d’Artigas. Alors que l’on s’extirpe de Nant par un petit raidillon un poil boueux, nous sommes encore à nous étonner de notre classement et des écarts énormes entre les coureurs. Rémy nous rassure et nous assure que la seconde partie du parcours sera beaucoup plus simple, une fois passé le 70ème kilo et la dernière grosse difficulté, le col de l’Homme mort. Nous y croyons et c’est d’un bon pas que nous attaquons les quelques kilomètres de route qui doivent nous emmener vers le St Guiral. La pente est irrégulière, jamais très raide et la montée s’annonce très longue pour nous qui avons adopté la marche dés que le chemin s’élève. Mais la forme de notre trio est bien là. On remonte petit à petit des coureurs et ce n’est pas mon premier petit coup de barre de la journée qui va freiner notre progression. Le chemin couvert de gros blocs qui nous amène au St Guiral m’use. Je ne dis rien et attend patiemment que ça passe. Et ça passe. Michel ouvre la route, Rémy, discret suit ces traces et moi, je serre les poings. Je me demanderais d’ailleurs plusieurs fois dans la journée si les bâtons m’auraient vraiment aidé. Le passage au sommet se fait dans un léger brouillard peu épais puisqu’on a une visibilité à 20 mètres environ. Nous attaquons un enchaînement de descentes, plats, remontées en direction d’Artigas. Je me souviens ici d’un passage « lunaire », digne des meilleurs décors de cinéma. Un passage sans bénévoles, sans spectateurs, uniquement à la vue des coureurs du jour. Nous sommes sur un sentier et nous arrivons sur un secteur boisé fraîchement brûlé. Le brouillard est toujours là et ce mélange de bois brûlé, de désolation et ce brouillard ambiant nous donne l’impression de courir au milieu d’un foyer fraîchement éteint, encore tout fumant. La descente continue. Les remontées aussi. On est toujours bien. Après une descente bien pentu, pierreuse et droit dans la pente (on doit pouvoir parler de pierrier), mon téléphone se met à sonner. Beaujo vient aux nouvelles que je lui annonce bonnes. Deux minutes plus tard, je profite de ce rare passage où mon téléphone passe pour rassurer Sandra sur ma forme. Mais voilà. Entre tant, le chemin forestier s’est transformé en descente infernale en sous bois dans une pente estimé à 20%. Je me suis donc arrêté et Rémy et Michel sont bien loin, 4 minutes devant. J’attaque donc cette descente tambour battant bien décidé à revenir sur mes deux acolytes. Je double une petite dizaine de coureurs et me surprend à être encore bien frais. Je voltige et profite de cette pente pour me dégourdir. Un nouveau sentier forestier en faux plats me permet de juger de l’écart sur mes deux collègues. Je reviens mais pas trop vite. Il me faudra en tout 20 minutes pour reprendre ces 4 minutes de retard. Je suis vraiment très bien. A mon retour, un groupe s’est formé. Je reste à l’arrière mais je trouve le rythme bien là après ma folle chevauchée. Je profite d’un petit élargissement pour doubler les quelques coureurs du groupe et me positionne en seconde position avant la descente sur …Villaret. Nous pensions un instant arriver à Artigas mais mon altimètre nous donna vite la réponse. Ce n’est pas encore là. L’arrivée dans le Villaret est casse gueule et après m’être renseigner sur la suite du parcours, je décide de repartir. Mon intention est claire. Je veux prendre un peu d’avance sur le groupe pour me faire masser à Artigas et repartir avec Rémy et Michel qui eux, ne comptent pas trop traîner. Après un petit coup de cul pour passer un petit col, la plongée sur Artigas commence calmement. La pente va aller en s’accentuant jusque dans le village. Les genoux commencent à chauffer. Surprise à Artigas. Un ravito super sympa mais rien de prévu pour se retaper : pas de massage. Glups. Nous sommes au pied du « dernier gros morceau » du parcours : le Col de l’Homme mort.
Rémy le grimpeur et la méthode Cyrano
800 mètres de dénivelé nous attendent mais quelques choses cloches. Cette montée, abrupte sur le graphique doit faire 10 km donc largement trop pour que nous affrontions des pentes insurmontables. Ce doit être un gros faux plat. Et en fait, c’est presque ça. J’ouvre la route au pied de l’ascension. La pente est assez raide mais sans s’affoler nous progressons pendant environ un kilomètre. Michel me relaye. C’est parti pour lui aussi un bon kilomètre. La pente s’adoucit et nul doute que les meilleurs auront couru dans ce col. Et puis vient Rémy. Fort de son dossard 42 synonymes de 42ème anniversaire ce jour là, il se sent pousser des ailes. Son relais va durer 3 Km. Nous remontons toujours des coureurs et le gabarit de grimpeur de Rémy fait merveille. Le paysage est splendide et nous approchons du sommet. Ce sera pour moi le deuxième coup de moins bien. Rien de méchant mais un sentiment bizarre. Je repense et applique les conseils de mon ami Martin et ça passe. Cette course qui m’aura vu subir trois coups de moins bien m’aura au moins appris à bien gérer ces passages délicats. Une des satisfactions de la journée. Michel a repris les choses en main pour les derniers hectomètres. Il a la caisse lui aussi. Finalement ce col aura été bien plus effrayant sur le papier que sur le terrain. Vient ensuite un chemin forestier interminable. Quelques kilomètres de plats où, un coureur du dimanche doit dérouler allégrement un 11 km/h mais où nous avons du mal à courir. Pourtant, nous essayons et alternons. Michel nous donne la distance qui nous sépare de Dourbie grâce à son GPS. C’est rassurant. Et puis vient la route et la descente. 10 Km pour perdre environ 500m. 10 Km au début routier, ensuite en chemin forestier, toujours descendant. Je me rends vite compte que, pour ma pomme, ce serait suicidaire d’envisager de courir non stop sur cette longue section. C’est fort possible, pas trop difficile maintenant que le coup de moins bien est passé, mais diablement pénalisant pour la suite. Je veux donc réappliquer la méthode chère à Cyrano que j’avais utilisé au début de course. J’en parle à Rémy et Michel. Ils ne connaissent pas mais s’exécutent sans sourciller. Je tiens les comptes, assez approximatifs. Aujourd’hui, je suis convaincu que même si quelques coureurs nous ont doublé, cette méthode nous a préservé pour la suite. J’aimerais bien connaître l’avis de mes deux compagnons de route qui ont découvert cette méthode. Et voilà : Dourbie est là (Km 76). Le ravito se mérite ici. Il faut remonter dans le village avec pas moins de 50 mètres de dénivelé positif. Ca fait mais aux jambes sauf à Michel qui, comme depuis Trèves voltigent.
Tous neufs
Nous pensons toujours à notre mini perf et décidons de ne pas traîner au ravito de Dourbies. Je suis un poil inquiet. Un massage me ferait du bien mais une chose m’effraye. La descente sur Trèves, très humide, abordée ce matin en montée et qu’il me parait raisonnable d’affronter de jour. Nous rentrons dans la salle des fêtes et oh ! surprise, il n’y a qu’un dizaine de coureurs. Les ostéopathes se tournent les pouces et rapidement nous décidons de nous faire tripotter pendant quelques minutes. Un osthéo sur chaque jambe, il faudra pas moins de six paires de mains pour remettre sur pied nos trois paires de jambes. Une fois requinqué, nous faisons le plein et repartons. Comme neuf, je me sens comme neuf. La socquette légère et prêt à courir à 15 km/h !!!. Mais voilà, les organisateurs nous ont réservé les 3 kilomètres les plus pourris du parcours (à mon avis). Un mélange de talus à grimper, de champ à traverser, de broussailles à éviter, sur un terrain recouvert d’herbe. Impossible de franchement s’exprimer. La récompense de ce passage viendra d’une sublimissime gorge hébergeant un torrent limpide. Quelque chose de difficilement racontable mais qui me fait dire qu’un jour, je reviendrais voir ça. Enfin nous remontons sur un chemin qui m’est familier. Emprunté en 2001 sur les Templiers et sur une épreuve VTT quelques années plus tôt, ce chemin qui se transforme en un superbe balcon doit nous emmener au dessus de Trèves. Rémy sur ce secteur est intenable. Il doit ralentir et ne cesse de se retourner. On nous annonce 158ème. Rémy a en point de mire sur ce splendide balcon un groupe de 2 ou 3 coureurs. Je le soupçonne de vouloir les reprendre rapidement. Il court toujours. Je l’informe que le passage du col est pour dans pas très longtemps mais que la pente est extrêmement raide. Rien n’y fait. Il continue. Nous voila enfin au sommet. C’est gagné pour la descente de Trèves de jour. Je me glisse en queue du trio et Michel fait la descente. Et lui aussi se met en chasse du petit groupe qui nous précède. On les voit juste deux ou trois lacets en dessous. Michel insiste. Je passe Rémy et essaye de le suivre. Nous rejoignons la route. Ca fait bien 15 minutes que nous courrons non stop et une pause « Cyranienne » me ferait le plus grand bien. Mais non, pas question maintenant que nous avons rejoint ce groupe de se faire distancer. Le ravito de Trèves est à quelques centaines de mètres, nous courrons jusqu’à là. Ca me lâche. Ouf, on y est. Enfin on marche. Michel et Rémy se font sauvagement « agresser » par de fidèles supportrices. Je rentre dans la salle du ravito. Didier Bruyas est là, assis sur un banc. Je le rejoins. Il m’annonce son arrêt. Moi je n’y pense pas mais je ne me sens pas bien du tout. Cette longue portion descendante couru non stop m’a fatigué. En plus, la nuit tombant, le froid se fait plus vif. Je me lève rapido, grignote quelques trucs, mets ma frontale et j’annonce à Rémy que je pars devant (bon faut dire aussi que j’ai pas des fans à satisfaire).
Comme d’habitude
La montée de Trèves est là. En 2001, pour les Templiers, je n’avais vraiment pas aimé. Encore moins le final, plus raide et encore moins la traversée du causse. Là, j’ai envie de m’isoler. J’ai envie de prendre mon rythme, de me retrouver, de m’écouter. Et rapidement, je suis bien. Ca me fait du bien pendant quelques minutes de ne plus entendre de bâtons, de sentir que j’en ai encore sous le pied. J’allume ma frontale, reprends un coureur et poursuis l’ascension à mon rythme. Le rythme de Michel et Rémy doit être identique puisque je les devine quelques dizaines de mètres derrière. Le sommet est là, traître parce que plus pentu. Mes 2 collègues sont revenus. J’imagine déjà une folle chevauchée à 8,9 km/h entrecoupée de longue marche mais Michel nous prévient qu’il n’a pas la patate. Bizarre. Depuis le début, ça ne lui ait jamais arrivé. Il nous raconte que, comme d’habitude, comme pendant ces Templiers, il a souvent un coup de barre à cet endroit. Je me dis que comme pour moi, ça va revenir. Ben non. Rémy, jeunot de 42 ans rêve encore de finir le jour de son anniversaire. Il veut relancer. Son portable l’arrête pour le bonheur de Michel. Nous sommes parti pour une traversée du Causse en marchant. Je donne le tempo, rapide mais interroge souvent Michel pour savoir comment il est. Bof, il trouve que ça va trop vite et je l’invite à donner le rythme. La descente de Saint Sulpice approche. Elle nous a été annoncé acrobatique, vertigineuse. Je suis impatient de voir ça. On y est. Rapidement, je décide de descendre à mon rythme pour éviter les pièges. Je me dis aussi que ce ne serait pas idéal d’inciter mes collègues à la vitesse en leur poussant derrière et je pars devant. C’est ici que nous allons apprendre le langage Saint Sulpicien. Si un jour, dans ce coin un peu perdu, quelqu’un vous annonce 80 mètres difficiles puis roulant, comprenez « 80 mètres de dénivelé sécurisé puis le reste tout aussi pourri mais pas sécurisé ». Mais bon, mon objectif des 17 heures s’est envolé et finalement rien ne presse. Je descends tranquillement en essayant de rester debout. Je passe sur un pont et j’attaque les 50 m version Saint Sulpicien pour remonter au ravito. Pas un cadeau mais je sais que l’arrivée n’est plus très loin et que la forme est toujours là. La femme de Michel m’accueille. Elle me trouve bien meilleure mine qu’à Trèves (je confirme, j’étais bien mieux). Michel, Rémy et quelques autres arrivent quelques minutes plus tard. Nous savons que c’est gagné et que le reste sera une longue procession entre copains jusqu’à Nant.
Entre copains
Un petit peloton s’est formé. La course est terminée et le but du jeu va consister à ramener les « fatigués » à Nant. Un long chemin forestier nous attend pendant 10 km avant de plonger dans la descente infernale de Nant. Michel, fatigué de partout sauf de la langue, papotte en fin de groupe. Je suis avec Rémy devant et nous imposons un petit rythme. A deux de fronts, on discute et quelques coureurs nous distancent. La pente est douce et j’ai des sensations bizarres. J’annonce à Rémy que j’ai la tête qui tourne mais ce n’est pas ça. Une impression étrange. Impossible de savoir si nous montons ou si nous descendons sur ces longs faux plats. Je suis obligé de regarder l’altimètre pour estimer la pente. Aucune sensation un peu comme si l’on m’avait débranché la fonction « dénivelé ». Bizarre. Ca passe. Dernier effort. Michel est toujours là, de bonne humeur. Le groupe se fait et se défait. Nous abordons le dernier raidard du parcours. Je suis devant avec Rémy et on monte à l’altimètre (vraiment un superbe joujou pour ce genre de course). Plus que 200 m Saint Sulpicien et on est en haut. 100m, on y est. On nous annonce 7 km avant Nant. Sur de larges pistes roulantes à travers champs, nous apercevons des frontales au loin et la lueur d’une dernière tente de secours. On y arrive quelques secondes avant Michel. Un grand feu pour nous accueillir qui nous insiste à ne pas nous arrêter. Le froid est plus vif et se blottir au coin du feu serait synonyme d’un départ douloureux. Ca y est, nous quittons les larges chemins pour rentrer dans le bois. Le chemin se fait sentier, tournicotant. Plus que un kilomètre est nous allons plonger. Sur les premiers passages techniques, je distance Rémy. Il a les cuisses en compote. La bonne forme, la pêche même sur le plat et en montée mais dés qu’il faut solliciter les quadriceps, il a mal. Je poursuis ma route en écoutant la musique et les mots du speaker qui s’échappe du brouillard sous nos pieds. Au début de la descente, j’attends Rémy et Michel accompagné depuis quelques kilométres d’un autre coureur, UFO, Serge Blondy. J’ouvre un peu la route et décide, comme à Saint Sulpice de partir devant pour descendre à mon rythme. J’entends la remise des prix de la première féminine. Il est hors de question de ne pas finir ensemble et j’ai dans l’idée d’attendre mes collègues non loin de l’arrivée. Le clocher du village sonne les 12 coups de minuit quand je passe sur le pont de Nant. Un dernier raidard dans le village et je tombe sur le speaker. Je lui explique l’histoire du dossard 42, son anniversaire …etc… et lui dis que je l’attends pour finir ensemble. Il n’a pas du comprendre. Pendant les quelques minutes qui vont précéder notre arrivée commune, je vais faire l’objet des rires et des encouragements du public qui ne comprend pas, aider par le speaker pourquoi je m’évertue à marcher et m’arrêter quelques mètres avant la ligne. Et puis vient Christophe (Runagain), un sourire grand comme ça qui vous laisse croire que vous allez gagner la course. Il m’offre un thé de sa fabrication. Génial. Il est 00h05 et je savoure un thé sur la place de Nant après 18h30 d’une ballade entre copains. Ils arrivent. On se prend par la main et passons la ligne, ensemble. Vient ensuite un tourbillon de flash, un « Joyeux Anniversaire » pour Rémy qui se voit offrir un superbe pot de fleurs et l’accueil de Catherine et Steve qui ont attendu jusque là. Christophe me retend le verre de thé et c’est ainsi que se termine cet Endurance Ultra Trail 2004. Autour d’un verre de thé sur la place de Nant, entre copains à minuit.
Epilogue
Boudiou, faut que je synthétise. La course fut belle, régulière, propre comme je l’imaginais. J’ai enfin pu sentir et gérer ses coups de moins bien qui arrivent fatalement sur ce genre de distance. J’ai pu valider aussi que l’entraînement spécifique, sur terrain spécifique dans les pierriers du Luberon était profitable. J’ai encore une fois reconnu que mon estomac est en béton et que tout passe. Je suis content de cette épreuve et aujourd’hui, j’ai le sentiment d’avoir dans les jambes l’objectif de 2005. Que dire de la méthode Cyrano si ce n’est que ….ça marche. J’ai enfin pu finir un Ultra proprement. J’ai pu marcher jusqu’au massage. Je me rappelle de tous et de tout contrairement à mes autres Ultras où l’arrivée était synonyme de délivrance et d’errance.
Alors voilà. Cette course est superbe. Superbe si, comme ce vendredi de septembre, la météo est de la partie. Superbe si, par le plus grand des hasards vous pouvez trouver des compagnons de route qui vous aideront à surmonter les difficultés. Superbe parce que superbement organisé et parce que l’ambiance qui règne dans ce village perdu de l’Aveyron donne envie d’y revenir chaque année.
J’ai acquis « la certitude » que dorénavant, je préparerais mes courses parce que, pour y prendre un grand plaisir, j’ai le sentiment qu’il faut que je sois prêt à affronter les difficultés et donc m’y préparer.
Je me dis aujourd’hui que 109,3 km en 18h30, ce n’est pas très loin de 155 km en xx heures ( :o)
Faites le !!! (Steve aurait dit « Just do it !! » :o)
Yoyo_coureur_d’ultra
1 commentaire
Commentaire de joy posté le 10-10-2005 à 14:07:00
D e quelle steve tu parles amigo?
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