Récit de la course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous 2008, par HERVE GAP

L'auteur : HERVE GAP

La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous

Date : 24/10/2008

Lieu : ST PHILIPPE (Réunion)

Affichage : 2017 vues

Distance : 150.1km

Matos : EQUIPEMENT LAFUMA

Objectif : Faire un temps

2 commentaires

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GRAND RAID DE LA REUNION 2008

Je suis à ce jour comblé et heureux de l’aventure que je viens de vivre  sur l’île de la Réunion.

Heureux, car j’ai passé quelques jours  dans un cadre exceptionnel. J’ai pu découvrir l’immensité des montagnes volcaniques, la beauté des paysages, la diversité des végétations avec parfois des endroits lunaires comme celui de la Plaine des Sables et du volcan de la Fournaise ou comme celui du cirque de Mafate, sauvage, gigantesque, impressionnant qui réserve de belles surprises. La chaleur présente nous a permis aussi de profiter au mieux des lagons avec ses coraux et bancs de poissons. Notre hébergement nous a livré un confort optimal au milieu de palmiers et piscine pour notre détente. La bonne ambiance  était au rendez vous, réconfortante, rassurante  et chaleureuse avec toute l’équipe du team Lafuma.

Comblé, car j’ai fait une belle course avec un classement honorable, une 13ème place au scratch sur les 2329 partants et un podium au rang de 3éme vétéran 1, un temps de 26h et 18 minutes pour venir terminer au stade de la Délivrance ce périple de 150 Kms et 9200 mètres  de dénivelé positive. Je dois ce beau résultat certes à un entraînement assidu mais aussi à toutes les conditions bénéfiques d’avant course et pendant la course.

D’avant course, car l’équipe coordinatrice du team Lafuma a su donner aux 6 trailleurs de l’équipe, le maximum pour accomplir la course dans les meilleurs conditions possibles . Tout d’abord, un équipement optimal et adapté à chacun d’entre nous  avec par exemple des chaussures neuves au départ. Ensuite un entraîneur, le coach de l’équipe, Bruno Tomosyk qui a su mettre en confiance chaque coureur, qui a su nous donner des conseils en terme d’alimentation, d’entraînements, de repos, de gestion de la course physique et mentale. Puis une équipe logistique qui a mis en place tout un suivi en voiture ou à pieds pour assurer sa présence à plusieurs points de passage.

Pendant la course, car notre assistance du team dirigée par notre coach Bruno a été présente à divers points de contrôle pour nous transmettre nos ravitaillements préparés auparavant. Lors de courses aussi longues,  un soutien, un mot, un geste, un sourire, des applaudissements, la connaissance des écarts avec les autres coureurs sont autant d’éléments pour optimiser la performance. De se sentir bien épaulé  donne des ailes, et je tiens donc à remercier l’ensemble de ces personnes .Cela dit, je tiens à préciser qu’une bonne assistance doit avoir ses limites et doit se faire sur les zones de ravitaillements définies par l’organisation ! Il ne faut à aucun moment qu’elle devienne une aide non autorisée et qui déborde sur l’éthique du sport, on a pu constater certaines dérives à ce niveau !

Le départ de la course s’est fait le jeudi 23 octobre  minuit. Assez bizarre à priori comme heure de départ, mais finalement ça m’a bien convenu. Nous avons pu nous reposer, même dormir entre 19h30 et 22h30 dans une maison située seulement à deux kilomètres de St Philippe, lieu de départ. Par la suite, j’ai trouvé alors la nuit assez courte du fait que le jour se lève à 5h30.

DEPART CAP MECHANT A CILAOS

Nous étions placés sur la ligne de départ, avec une belle animation de danse créole devant plus de 2000 trailleurs ! Le départ donné, c’est parti très vite comme d’habitude .De mon coté, je me suis mis à mon rythme sans me soucier de ce qui se passait  devant, plutôt prudemment car j’avais comme objectif prioritaire de finir. Pour se mettre en appétit, on a quasi 30 bornes de montée avec 2400 mètres de dénivelé positive pour arriver aux pieds du volcan de la Fournaise. J’étais  très bien dans la montée du volcan et on m’annonce que je suis à la 28ème position, je n’avais pas trop envie de connaître ma place à ce moment là pour éviter de se mettre la pression inutilement ! Ensuite, une longue descente dans de la roche volcanique puis de la terre pour arriver à Mare à Boue. Dans les descentes, on sent bien que les locaux sont très habitués à ce type de terrain très cassant, caillouteux, glissant, je me fais alors doubler par deux locaux. Puis arrive cette fameuse montée de Kerveguen en direction du piton des neiges, très longue montée avec chaleur au rendez vous mais je suis bien en jambes et grignote encore 8 places .Et arrive l’interminable descente très raide sur Cilaos avec passage du bloc, je ne me fais pas piéger  à me laisser emballer, je garde une allure raisonnable sans me casser les fibres musculaires.

CILAOS A DEUX BRAS

Cilaos est une petite ville, on retrouve alors quelques instants la vie, les encouragements, l’assistance, ça fait énormément du bien. Cilaos situé au 70ème kilomètres est un point déterminant pour la suite de la course, il fallait se sentir bien à ce moment là pour pouvoir affronter sereinement la suite avec Mafate. Et ce fût le cas pour moi, j’étais dans une sorte de rythme de croisière, mon alimentation et boissons passaient  bien, aucune douleur musculaire, aucune sensation de jambes cotons dans les montées donc tout allait pour le meilleur des mondes. Je quitte alors Cilaos en 10h08 de course, 25ème pour retrouver en contre bas de Cilaos, Bras Rouge. Je rejoins à ce moment là un compagnon de route, on fera quasiment toute la course ensemble à se motiver l’un l’autre et à évoquer une fin main dans la main mais il n’en fût rien !! Ce fut le coin le plus chaud pour moi, soleil présent, pas d’air, à seulement 900m d’altitude .La descente terminée,   je me rappelle lever la tête et je pouvais deviner tout la haut 1300 mètres plus haut le col du Taibit à 2200m d’altitude, le passage pour  basculer dans le cirque de Mafate. Au pieds du Taibit un ravitaillement bien appréciable, toute l’équipe d’assistance dont  Fred le représentant de Lafuma sur l’île, était là pour me booster au maximum car je n’allais plus la revoir durant environ 9 heures de temps. Et oui quand on rentre dans Mafate on se glisse dans ce monde sauvage, gigantesque, que l’on peut traverser seulement à pieds. La montée fût chaude mais une formation nuageuse se mettait en place et j’étais plutôt rassuré, j’espérais même une pluie très fine pour être en température idéale. J’étais à ce moment là en 22ème position avec encore de bonnes jambes. Arrivé à ce fameux col au 81ème kilomètres, le cirque de Mafate me tendait les bras, je  me suis arrêté quelques secondes car émerveillé et en même temps un peu stupéfait par l’immensité, la profondeur, la végétation ! Je plonge alors dans une pente très technique pour atteindre Marla puis Roche Plate, deux ilets perdus dans la nature ! Le ravitaillement héliporté  de l’organisation de Roche Plate fût réconfortant, je remercie Anne-Marie au point de contrôle, bénévole basée sur l’île  pour sa gentillesse, son soutien, ses mots, elle a pu m’indiquer la position et l’état de forme des collègues du team, c’est motivant de savoir qu’aucun souci est signalé concernant le groupe. 15 heures de course à ce moment là avec 95 kilomètres dans les pattes en 16ème position. Les conditions météo étaient bonnes, un ciel nuageux mais pas menaçant  Tout allait  bien pour moi, j’étais presque un peu surpris de n’avoir encore eu aucune grosse faiblesse, la fatigue était présente mais normale ! Je continuais à m’alimenter comme au départ , tout passait bien, j’avais un petit doute car  j’ai changé   totalement ma façon de m’alimenter par rapport à l’UTMB ou j’avais du abandonner à Courmayeur pour un souci gastrique du à une suralimentation en sucres avec trop de solides je pense ! Ensuite montée sur Grand Place, puis Aurére où j’ai pu rejoindre et dépasser Jérôme  Challier,  victime d’un coup de moins bien avant de basculer sur Deux Bras, la deuxième base de vie après celle de Cilaos.

  DEUX BRAS A ST DENIS

J’arrive à Deux Bras au 121ème kilomètres  à 20 heures, je retrouve la vraie civilisation, Mafate est derrière moi, j’avais remis la frontale depuis environ 1h30, merci à Fréd, le mari de Lydia qui m’attendait pour le ravitaillement, 6 minutes d’arrêt puis c’est reparti pour l’interminable montée de Dos d’Ane, je commençais alors à sentir l’arrivée, je me disais que le plus dur était fait et que la ligne d’arrivée ne pouvait plus m’échapper ! Avec un peu de recul sur la course je me dis aujourd’hui qu’à ce moment là depuis Aurére avant la descente sur Deux Bras je me suis laissé un peu aller , personne à vue ni devant, ni derrière, allure alors moins rapide avec  moins  de  concentration mentale, un peu moins à l’écoute de mon corps, mes sensations, beaucoup moins de rigueur dans mon alimentation et ma boisson, j’étais heureux de ma course et position  et je m’en contentais  sans vraiment prendre conscience que rien n’était encore gagné. J’ai subi et payé cash  toutes ces négligences vraiment à partir de Dos d’Anes , au 128ème kilomètres, une grosse fatigue générale s’installe avec moins de jambes, de grosses douleurs musculaires se mettaient en place, dues certainement à des manques énergétiques. La première féminine Marcelle Puy me double sans pouvoir l’accrocher. La lucidité se faisait moins présente, de plus la traversée pour rejoindre la plaine des Fouches était très glissante,la pluie et le brouillard présents n’arrangeaient rien,  j’ai perdu alors durant 3 heures de temps, confiance en moi, je me suis mis à marcher de temps à autres à des endroits quasi plats, mon compère de route me laissa en plan, je voyais  sa frontale s’éloigner au fil des minutes et je me disais qu’il avait un peu oublié notre pacte,  15 heures auparavant, d’autant que j’ai pu à plusieurs reprises un peu le tirer pour suivre mon rythme, je fus déçu par son comportement à seulement quelques kilomètres de l’arrivée, quel dommage !! Cette parenthèse étant faite,  la piste après la plaine des Fouches fût difficile, je pris alors 3 gels d’un coup car j’étais en hypoglycémie, j’ai bu quasi un bidon en me disant qu’il fallait que je reprenne du tonus pour affronter la dernière descente du Colorado. J’ai eu alors un sursaut de vitalité, les jambes revenaient petit à petit et quand j’ai vu au loin en contrebas le stade de la Délivrance nommé la Redoute j’ai repris confiance, je fis une bonne descente pour rejoindre à 1 Km  de l’arrivée la féminine et un autre coureur. Je les ai doublés avec une très bonne allure, j’avais l’impression de voler. Je franchis alors la ligne d’arrivée dans la nuit de samedi à 2h 18 du matin  en 13ème place en 26h18minutes. La joie, le bonheur, un moment fort que je ne peux d écrire par les mots .Les finischers de ce type de course pourront comprendre mes ressentis ! .Cinq minutes après l’arrivée je me relâche alors complètement , mes muscles se remplissent d’acide lactique, la tremblote me prend, je craque un peu nerveusement, merci à Lydia qui prend soin de moi et le poste de secours qui surveille mon état général .Je rentre à l’hôtel vers 5h du matin mais entre les douleurs musculaires et l’excitation de la course je ne me couche pas et attends le petit déjeuner de 6h car la fringale était déjà présente !

La remise des prix le dimanche après l’arrivée du dernier coureur fût belle et animée, je fais le podium vétéran avec Pascal Blanc et le team Lafuma gagne le challenge par équipe, deuxième victoire après celle de l’UTMB, super ! .Les prestations individuelles des 6 coureurs du team sont bonnes, seulement deux abandons, Karine Herry au 128ème Kms victime entre autre d’une petite erreur de parcours  alors qu’elle était seulement à 2 minutes de Marcelle Puy, et d’une démotivation totale à Dos d’Anes  liée à l’assistance démesurée de sa rivale ,  Jérôme Challier au 121ème Kms victime d’une fatigue générale et d’ampoules, 2 coureurs dans le top 10, Antoine Guillon 4éme, Pascal Blanc 8éme, et deux dans le top 20, moi qui fait 13 et Julien Chorrier qui fait 19, qui perdit quelques places en faisant  une erreur de parcours.

Je garderai un excellent souvenir de cette aventure, et je tiens aussi à remercier toutes les personnes de métropole qui m’ont suivi durant la course et qui m’ont encouragé et félicité  par mail ou SMS.

Je trouve regrettable qu’une course d’une telle envergure ne soit pas plus médiatisée en métropole. Filmer ou témoigner le courage, la volonté, la passion, la force mentale , la patience, l’endurance,la souffrance, la joie, l’accomplissement de soi ,le rêve d’un trailleur à travers ce Grand Raid aux paysages magnifiques serait enrichissant pour grand nombre de personnes car il s’agit d’une véritable leçon de la vie.

 Hervé Giraud Sauveur

2 commentaires

Commentaire de gmtrail49 posté le 12-06-2009 à 07:53:00

Bravo Hervé

Je confirme tes propos quant aux émotions qui submergent un finisher du GRR : quel que soit son niveau, le sentiment d'accomplissement est très fort.
Par contre, il m'est difficile d'imaginer le bonheur que tu as du ressentir en finissant dans le top 20 et de surcroit devant la déesse locale !
Bravo encore et merci de nous faire partager ton ressenti de champion.
JP.

Commentaire de jean-chris05 posté le 13-06-2009 à 18:49:00

Bravo et merci pour ce récit qui fait rêver...

Petite question, qu'elle a été ton alimentation pendant 26 heures? Seulement des gels?

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