Récit de la course : Le Grand Raid du Mercantour 2005, par electron
Mercantour : La chasse aux démons est ouverte
OK, OK, c'est un poil long... enfin... Un gros poil long !
Alors j'ai mis tout le reste (la prépa, la fiche équipement, le bilan et les photos) sur mon site... Comme ça vous irez quand vous voudrez !
www.sportnat.com/electron/
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J'avais 4 démons, 2 sont morts !
4 démons. 4 échecs ! Mais vivre avec les démons n'est pas toujours chose facile. Alors à un moment il devient nécessaire de les chasser.
Le premier démon fût abattu en janvier 2003, dans les plaines de la Beauce quand après 17h de progression nous passions à 5 avec Biopuce , le Bourrin, Pouic-Pouic et le Chameau la ligne d'arrivée du Raid 28. Tout juste un an après être apparu au moment de notre abandon lors de l'édition 2002.
Le second démon est apparu en Juin 2003, dans le Parc du Mercantour après moins de 30km (sur les 98 à couvrir cette année là). Pas de jus, pas d'entraînement, une motivation déphasée par rapport l'épreuve. bref l'abandon apparaît vite inévitable. La naissance du démon aussi !
Ce démon là n'apparaissant que tous les deux ans, et étant donné la possibilité que ce soit sa dernière apparition, je décide assez tôt de retourner dans les terres du Mercantour, et même d'en faire un de mes objectifs principaux de l'année. La chasse est ouverte !
Contrairement aux autres années, je ne vais pas partir complètement la fleur au fusil. Je décide de faire un minimum de préparation pour arriver dans une condition physique générale compatible avec cette épreuve. Bon trouver du dénivelé significatif à Paris n'est pas top, alors ce seront les marches des tribunes du stade de Houilles et les montées du parc de Marly qui devront préparer la machine.
En dehors de ça, j'essaie de conserver des séances de fractionné (entre 500 et 2000m) et une sortie longue en allure longue distance (9mn en courant - 1 mn en marchant - Merci Cyrano !) C'est peu en volume de course mais mes genoux n'en acceptent guère plus. Alors je complète avec du VTT.
Tout ça me permet de reprendre un peu de santé physique ! Seule ma surcharge pondérale reste en partie présente, mais là j'ai du mal à supprimer le st nectaire, le saucisson, l'entrecôte, la bière et le pomerol. Alors il faudra faire avec.
Les trois dernières semaines de préparation sont un peu bousculées par le boulot, mais bon si la S-2 n'a été que l'ombre de ce qu'elle aurait du être, les semaines S-1 et S étant prévues pour faire du jus, cette perturbation ne devrait pas avoir de conséquences sur la chasse à venir !
C'est dans cette situation que je rejoint ma cellule logistique à Toulon le jeudi soir. Je dois dire que de disposer ainsi d'une organisation locale qui s'occupe de tout est quand même un sacré avantage. Et là je dois dire un très très grand merci au Trailer des Bois et à toute sa petite famille (Sandrine, Amandine, Audrey, Monique et Dédé) qui m'ont, cette année encore, permis de m'affranchir de cette charge. En plus j'ai été comme un coq en pâte (oui je sais pour le côté pâte, j'ai ce qu'il faut) !
Dîner à peine arrosé (apéros maison, du rosé de Provence, du rouge également en côtes de Provence, liqueurs artisanales.) puis gros dodo.
Vendredi direction St Martin Vésubie. on arrive sur place en milieu d'après-midi pour retrouver les parents du Trailer ainsi que ses deux filles au camping qui va servir de camp de base. Bonne idée cette année le départ et l'arrivée étant au même endroit, cela limite les mouvements logistiques.
On fait un tour dans Saint martin, on retrouve une partie du Zoo qui vient d'arriver dont le Troll, le Dingo, la Libellule, la Tortue et la Souris. On croise également Socrate qui est arrivé depuis le matin. Lui il a déjà bouclé les deux premières éditions, et compte bien achever également ce troisième opus !
Récupération des dossards, papotages à droite et à gauche avec une vielle connaissance, un coureur du coin, un champion, un Toro (ha tien c'est vrai que tu viens aussi toi ;-), certain que je ne verrai que le lendemain comme le Papy ou le Festnoz, et bien d'autres auprès desquels je m'excuse de ne pas avoir mémorisé tous les prénoms ou pseudos. Bref rien que du très normal la veille d'une course. On retourne au camping pour retrouver également Ray et Gé. Est-ce que le Gé irait aussi à la chasse au démon ? (le sien est apparu aussi il y a deux ans ici, mais après bien plus de kilomètres que moi !)
Un peu plus tard on passe à table pour une plâtrée de pâtes au basilic concoctée par Dédé et Monique, pendant que le reste du Zoo part faire la fête dans un resto local ! On oublie pas d'arroser un peu tout cela de quelques boissons fermentées !
Je termine ensuite de préparer mon sac afin de ne rien avoir à faire le lendemain matin. De ce côté là la stratégie est finalisée depuis un moment. J'essaye de voyager léger tout en gardant en tête qu'on sera en montagne et qu'un minimum d'autonomie peut être nécessaire en cas de soucis.
Cette année, il y a aussi une nouveauté. On peut laisser un sac au relais des Merveilles (km 57) Comme la barrière horaire à ce point a été fixée à 19h45, cela signifie qu'on y passera avant la nuit et que ce sera l'endroit idéal pour changer de tenue et de configuration de course.
Le détail de mon équipement et de mes changements au relais des Merveilles sont décrits dans la fiche équipement
Dodo vers 21h30. Réveil à 2h30 !!! Bon c'est toujours ça de pris, et c'est toujours plus que la nuit prochaine.
Petit dèj. rapide. J'ai pas très faim mais j'avale quand même un bol de café et un gâteau de riz au caramel ! On monte avec le Trailer vers l'aire de départ, on fait faire le contrôle des sacs puis on retrouve les divers coureurs de toutes origines pour échanger sur telle stratégie de course, sur tel objectif. Une photo par ci sur la foule qui se prépare, une autre par là avec Sherpa, une autre encore avec le Zoo,, des Net-Teamiens, des UFOs, des TOFUs ou des coureurs varois. bref le temps passe plutôt vite et il faut se rendre sur la ligne de départ
D'ailleurs en parlant de stratégie, je m'en suis construit une que je sens bien ! En fait, je l'ai un peu volée à la Tortue, mais je me suis dit que c'était la seule qui m'éviterait peut être un abandon " trop " raisonné.
Mais quelle est cette stratégie ? Et bien c'est simple, c'est ne pas arrêter quoi qu'il arrive. Les seuls cas d'arrêt avant la ligne pouvant être une blessure sérieuse ou un arrêt imposé par l'organisation (hors délais) et encore, vous verrez que ce dernier point est loin d'être gagné d'avance. Bref, pas d'abandon et une progression constante. Ensuite on gère au fur et à mesure de la course. Simple, efficace (enfin j'espère) rustique. Bon c'est vrai qu'avec l'absence d'abandon raisonné on peut être amené à se faire mal. Mais si on ne prend pas le risque de se faire mal sur un objectif majeur, et bien il y a toutes les chances que ça coince. En plus n'ayant pas d'autres objectifs avant l'automne, si une période de repos s'imposait, ce ne serait pas une catastrophe. De toutes façons il n'y a que comme ça que j'arriverai à me pousser un peu au cul !
4h05. Top Départ. C'est lancé pour une longue longue ballade.
Rapidement après le départ on se lance sur un bout de route qui monte. Je décide de marcher. Pour aller au bout, il faudra que je marche beaucoup. Toujours en côte, parfois, puis souvent sur le reste du terrain, alors je prend mon rythme et je monte dans la nuit.
Après le village de Venanson on attaque une première montée vers le col du Varaire. 550m de D+ mais il fait encore nuit, l'attaque se fait tranquillement et je suis frais, si bien que ça passe pas trop mal. Tant mieux ! A peine arrivé, j'y suis rejoint par la Tortue et Socrate qui sont juste derrière moi. Serais-je parti trop vite ? Socrate avait terminé en 23h l'an dernier, alors il constitue pour moi un repère intéressant, même si je sais que c'est après le relais des Merveilles que la course se jouera !
Descente sur St Dalmas puis on attaque une première belle montée de 1100m de D+ sur 10km environ pour atteindre le col du Barn (2457m) en passant par le col de Veillos (2040m).
Déjà dans cette montée je recommence à sentir ce qui m'était arrivé il y a deux ans ainsi qu'à l'UTMB. Passé 2000 mètres, j'ai beaucoup de mal à monter. L'effort se fait difficile, même si contrairement à la Tortue je n'ai pas la tête qui tourne. J'ai simplement l'impression d'être vite " à plat ". Sensation qui ne fait jour qu'en montée, et disparaissant aussi vite dès que l'effort cesse !
Du coup je vais gérer doucement les passages en altitude, faisant de courtes pauses (15-30sec) très régulièrement pendant les montées !
Arrivé au col de Barn, je me ravitaille, remplis mes bidons et fait une pause le temps de soigner un début d'échauffement sur un talon. D'habitude j'attends le dernier moment, mais là je décide de ne pas prendre de risques et je pose un compeed. Je ne traîne pas trop car le ravito est en plein vent et qu'il fait encore un peu frais. La tortue est repartie devant moi pour ne pas se refroidir, mais c'est pas grave car j'ai prévu de ne gérer que mon allure sans trop m'attacher au rythme des autres !
On redescend du col pour aller sur la vacherie du collet puis on remonte vers le col de Salèse et on bascule dans une longue descente qui doit nous mener avant 13h au Boréon, première barrière horaire.
La descente se passe pas mal, et le second tronçon est fait sur un petit sentier, dans les bois super agréable où nous devrons même écarter un peu les vaches qui nous bouchent le passage ;-)
On termine la descente par un bout de route que je trouve par contre assez désagréable. Autant mes chaussures se comportent super bien dans les passages techniques, autant sur le bitume, la rigidité des semelles fait que je ne suis pas à l'aise. Les semelles tapent et les échauffements apparaissent vite. Du coup je ne profite pas vraiment de cette descente pour gagner du temps, mais juste pour maintenir un petit rythme qui me permet d'arriver à Boréon avec environ 2h30 d'avance sur la barrière horaire qui était fixée à 13h !
On est au km 30, il m'a fallu un peu plus de 7h pour faire ces 30 km sans éprouver de grandes difficultés. Mais on en est qu'au début, je suis encore frais et je sais que les choses sérieuses vont bientôt commencer
Je retrouve la Tortue, Socrate et la Souris au ravito. Je me ravitaille correctement, fais le plein de la poche à eau et du bidon mais sans trop m'attarder car à partir là, on va se diriger vers le bout de parcours que j'ai fait il y a deux ans, et je me souviens que ça montait pas mal mais que les paysages sont superbes. C'est aussi par là qu'on va trouver les multiples petits lacs qui parsèment le Mercantour.
Ca commence par un peu de montée puis on reste presque à flanc pendant quelques temps pour rejoindre le vallon qui va nous permettre de monter au lac de Trecalpa puis au Pas des Ladres. Arrivé dans le vallon, je reconnais la piste que nous avions emprunté il y a deux ans. A l'époque on avait directement attaqué le Pas des Ladres en partant de St Martin sans faire la boucle de 30km que nous venons de réaliser en début de course. On attaque aussi une belle montée en 3 temps !
D'abord il faut rejoindre le lac de Trecalpa. C'est un haut lieu de randonnée car il est accessible et le lac pourvu de sa petite île doit figurer sur la moitié des dépliants du Mercantour ;-) On croise et on double régulièrement des randonneurs. Je gère la montée du mieux possible, et profite d'un court instant à peu près plat au niveau du lac pour récupérer un peu.
Ensuite une montée avec un tronçon plus raide sur un petit sentier nous fait atteindre les 2450m du Pas des Ladres. Là encore, l'altitude me pousse à appliquer ma technique des petits pas et des courtes pauses, mais même si je prend un coup de barre sur ce tronçon, je connais le chemin, et je sais qu'ensuite j'aurai le droit à une belle descente vers la Madonne des Fenestres.
Progressivement j'arrive au but et nous sommes accueillis au son des cloches par les contrôleurs. Je me prépare à attaquer la descente quand on me dit qu'il y a encore deux km de montée jusqu'au col des Fenestres avant de descendre !!! Zut. J'avais oublié ce passage là !
En fait le col des Fenestres est à peine plus haut que le Pas des Ladres et les deux km sont un enchaînement de petites montées descentes techniques sur un sentier. Ca passe bien même si l'enchaînement de passages techniques depuis le début de la course ne favorise pas la récupération. En gros, il est parfois difficile voire impossible de récupérer dans la descente le temps perdu en montée !
Au Col des Fenestres, je retrouve les lacs que j'avais en souvenir et je me lance dans une descente de 600m de D- . Pas mal de cailloux par endroits qui obligent à rester vigilant, et j'essaie aussi de préserver mes cuisses au maximum. Depuis le début, j'utilise mes bâtons en montée mais pour la première fois je les exploite à fond en descente soulageant ainsi genoux et quadriceps (sans parler de l'aide qu'ils m'apporteront une ou deux fois pour m'éviter un vol plané !)
Depuis un moment j'ai deux coureurs en ligne de mire. Ils me doublent dans les montées et je les passe régulièrement dans les descentes. J'accélère un peu pour essayer de remonter sur eux et là, pif ! boum ! badaboum ! je suis violemment attaqué par les cailloux qui se jettent sur moi ! pas commode les cailloux par ici (hein ! oui je me suis pris un gadin quoi !!!!). Ce sont les genoux et la main gauche qui ont pris. Ca me lance, mais j'essaie de na pas trop y penser et je repars en ralentissant nettement mon allure afin d'assurer la fin de la descente.
J'arrive à la Madonne des Fenestre largement avant la barrière horaire de 16h. Je remplis le sac et le bidon, bois du coca et mange un peu de salé. Je ne m'attarde pas de trop car j'ai prévu de faire une pose plus longue au Relais des Merveilles, prochain ravitaillement où nous attendent les sacs de rechange.
Ce tronçon je l'ai encore en tête. Une belle montée de 450 m vers la Baisse des 5 lacs, une courte descente, puis encore une montée pour atteindre la Baisse de Prals (2340m) avant d'entamer la longue descente (6 km et 780m D-) qui m'avait vu exploser il y a deux ans et qui arrive au Relais des Merveilles.
J'entame la première montée relativement cool, je monte régulièrement, mais très vite, de nouveau, la fatigue et l'altitude rendent l'ascension difficile. Je m'attache toujours à faire des petits pas, et des pauses de 15 à 30 secondes max, juste le temps de laisser le cour redescendre un peu et je repars. Toutes les 10mn pendant les montées je bois 4 à 5 gorgées d'eau. Habituellement je bois toujours trop peu, alors là j'essaie de ne pas faire la même erreur, d'autant que même si je termine ma poche à eau, il me reste le bidon de secours pour tenir jusqu'au ravitaillement suivant.
Une chose m'étonne toujours, c'est qu'une fois la côte terminée, en quelques mètres les jambes retrouvent leur souplesse. Ce n'est pas comme si j'avais les cuisses explosées et que même dans la descente je ne pouvais plus avancer. Là dans la minute qui suit la fin de la côte, la difficulté disparaît et les jambes repartent. Comme quoi mes soucis en côtes ne viennent pas des jambes !
J'attaque la descente passant du coup à côté des lacs. Je me laisse porter, mais il y a tellement de cailloux partout que j'ai un peu peur de me reprendre un gadin comme tout à l'heure. Ce tronçon se passe sans problèmes puis j'attaque la montée en lacets qui va me mener à la Baisse de Prals. Là encore je souffre mais j'essaie de progresser par petites sections en prenant le temps de laisser la machine récupérer régulièrement. Progressivement, section par section, le col s'approche et je passe enfin ce cap. Maintenant, il va me rester la descente. Je suis bien mieux qu'il y a deux ans au même endroit alors qu'on a près de 25km de plus au compteur. Je descend à mon rythme. le sentier n'en finit pas et les cailloux m'empêchent de courir (je vais d'ailleurs me tordre 2 fois la cheville en essayant de trottiner).
Après un long moment, je vois enfin la route dans le fond de la vallée. Je me souviens que le ravito est environ 1km plus loin. c'est pratiquement gagné. Je termine cette section avec un grand soulagement, mais je sais que le tronçon " clé " de ce raid est juste devant nous...
En arrivant je pose le sac, et je vais m'asseoir pour manger un peu de solide. Je prends de tout, y compris de la soupe aux pâtes qui passe bien. Je bois beaucoup, par petites quantité alternant eau et coca.
Je récupère mon sac de rechange et je vais me changer. Je passe en configuration " nuit " même si le soleil est toujours présent. J'aurais peut être un petit peu chaud au départ, mais je pense que pendant la nuit je serai content d'avoir du long sur moi. (voir la fiche équipement pour l'évolution de la tenue et du sac)
Pendant que je me change je vois repartir la Tortue et la Souris qui ont un peu d'avance sur moi. Je n'essaie pas d'aller avec eux car non seulement je n'ai pas fini de me préparer, mais j'ai prévu un bon arrêt avant d'attaquer le gros morceau que va être la montée du Pas de l'Arpette et un peu après la Cime du Diable, point culminant de la course à près de 2700m.
Depuis pas mal de km il y a quelques coureurs que je double régulièrement et qui me repassent tout aussi régulièrement. L'un d'entre eux (Georges Cauet), UFO de son état, vient me voir et me demande si je repart ou si j'arrête ? Arrêter ??? Ben c'est vrai qu'à un moment l'idée m'a traversé l'esprit (un peu comme il y a deux ans), en me disant que j'avais fait une belle sortie et que vu ce que j'ai entendu dire sur le tronçon à venir, il serait peut-être sage d'en rester là. Seulement voilà, cette année, la stratégie empruntée à la Tortue me permet de chasser assez vite cette idée et de répondre que je compte effectivement repartir dès que mon sac sera refait.
Il me demande alors si cela ne me gène pas qu'on fasse la suite de la route ensemble. Le copain avec lequel il courait étant plus rapide est parti avec un autre groupe, et il préfère ne pas faire la partie de nuit seul. Je lui explique que mon objectif est uniquement de finir sous les 30h et que je ne suis pas très rapide, amis cela lui convient. OK dans ce cas on termine de se préparer et on va se faire un bout de route ensembles.
Socrate qui est arrivé à peu près en même temps que nous passe me voir. Il s'est changé pour être au sec mais ne compte pas repartir. Depuis le départ il a des soucis gastriques qui l'empêchent d'avaler quoi que ce soit. Dans ces conditions il a déjà fait 57km sans rien conserver et ne se voit pas terminer dans ces conditions. Je suis un peu triste pour lui qui avait déjà bouclé les deux premières éditions et qui aurait aimé ajouter celle-ci. Mais quand ça veut pas, ça veut pas !
18h20 ! avec Georges on quitte le relais des merveilles avec presque 1h30 d'avance sur la barrière horaire après un arrêt de près de 40mn.
Le départ se fait sur une route, tranquillement. On marche d'un bon train histoire de remettre la machine en route après l'arrêt, mais nous ne courons pas vu ce qui nous attends.
A partir de maintenant je suis dans l'inconnu ! Je n'ai jamais fait cette partie de la course et je vais probablement attaquer ma plus longue durée de course (record à 18h et on en est déjà à plus de 14 h).
Très vite, on prend un sentier qui va prendre une tournure raide de chez raide. La première partie est vraiment difficile et le petit rythme des montées précédentes est de nouveau de mise. Nous montons un peu, puis une pose de 15-30 secondes, et ça repart, et ainsi de suite.
De petit tronçon en petite pause, on passe le premier mur. Ensuite cela se calme un peu (j'ai juste dit un peu, faut pas rêver à du plat non plus), puis un second passage difficile se profile. Ca grimpe toujours aussi sec et on ne sait même pas vers où nous allons. Pas de repère pour se dire " tiens, le pas de l'Arpette c'est là haut ! " A un moment, on demande à un autre coureur si la bascule (le pas) est encore loin, et il nous réponds, " non, non, il reste environ 150m ! ". il parlait en dénivelé pas en distance grrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr ! ! !
Juste avant d'attaque le dernier tronçon composé d'un semblant d'escalier pour géant montagnard, on croise un contrôleur de l'organisation (une contrôleuse en fait) qui nous dit qu'on va être stoppés au Pas de l'Arpette car on est hors délais !!!
Grosse surprise. On est parti avec 1h40 d'avance sur les barrières, on est monté lentement mais de façon raisonnable et en plus il n'est pas prévu de point d'élimination ailleurs qu'à Belvédère désormais où nous devons être à 5h demain matin !!!
La contrôleuse nous indique qu'ils ont reçu la consigne de stopper les coureurs en haut à 20h00. 20h00 alors que les départs sont autorisés au relais des merveilles jusqu'à 19h45. Y'a un truc qui cloche. Bref on décide de ne pas s'arrêter pour le moment et on achève la montée jusqu'au Pas. Arrivé là on sait avec Georges qu'on a mangé le plus gros du dénivelé ; Il reste encore un morceau de choix (la cime du diable) mais on sait aussi qu'une fois attaqué cette descente, on sera obligé d'aller au bout. Il n'y a pas de possibilité d'abandon avant Belvédère et ceux qui arrêtent ici sont obligés de repartir en arrière !
Le contrôleur sur place nous indique effectivement notre hors délais puisqu'il est 20h40. On a mis 2h20 pour gravir les 950m de D+ et les 8km ce qui est loin d'être ridicule vu le profil du parcours.
Que va t-il se passer pour ceux qui partent du bas à 19h45 et qui auront 15mn pour grimper ? C'est n'importe quoi . On indique notre refus d'arrêter au contrôleur en lui expliquant pourquoi et sans trop attendre on se lance dans la descente vers le Refuge des Merveilles.
Le refuge se voit de loin planté à côté d'un lac. Pas de gros soucis, on gère la descente tranquillement et on arrive au ravitaillement avant la nuit. Là pas de soucis avec le chrono. Ils n'ont pas de consignes pour nous stopper !!! Tant mieux ;-)
Ravitaillement correct, petite pause pour récupérer de la montée précédente et c'est super motivés qu'on va attaquer ce que nous considérons comme étant la dernière grosse difficulté du parcours.
On part avec la nuit naissante. Progressivement le jour s'estompe mais nous décidons de ne pas utiliser les frontales. La lune est presque pleine, il n'y a pas de nuages et on voit très clair. EN fait nous allons faire tout le chemin d'approche de la cime du diable et une partie de la montée de cette façon, En cours d'approche on rencontre un contrôleur qui descend lui aussi frontale éteinte. Il nous dit " vous voyez cette lumière au sommet ? et bien c'est le point de contrôle ! " Mmmmmmmmmmmm. Ca fait haut quand même. On est pas arrivés.
On repart, on traverse un beau Névé en essayant de ne pas se casser la figure, et là lors d'une pose je dis à Georges " tu entends ? " , " non " répond t-il. " Et bien justement écoute. Il n'y a aucun bruits. Rien ! pas d'animaux, pas de bruits mécaniques, rien. "
Il est presque 23h, on est dans le noir, au fond d'un vallon, seuls et dans un silence absolu éclairés par la seule lumière de la lune. Géant ! un grand grand moment de la course pour moi !
On reprend notre ascension. Le sentier est de plus en plus technique et avec la nuit on rate plusieurs fois un virage ou une épingle ! Du coup, comme on passe sur le versant de la cime qui n'est pas éclairé par la lune on décide d'allumer les frontales.
On va également en profiter pour enfiler les coupes vents. A la nuit et la fatigue s'ajoute un fort vent qui nous glace. Ca ne sert à rien de prendre des risques d'autant que porter le coupe vent dans le sac ou sur le dos, ca ne change pas le poids total !!! Là ça va mieux. Enfin ça va mieux surtout pour la lumière car côté physique, je suis à la rue. Je m'accroche dur pour continuer d'avancer. Je sais qu'après c'est presque gagné (enfin c'est ce que je me dis) mais il faut monter cette cime. Plus on avance, plus le sentier devient raide et on a l'impression que le sommet est toujours aussi loin.
Au bout d'un moment les lacets du sentier se resserrent. On monte super raide et d'un seul coup on voit surgir une ombre !
" Allez vous y êtes presque ! " C'est le contrôleur qui a éteint sa frontale et qui nous guettais. il nous a fait peur ce c.. ! On grimpe les derniers mètres et on trouve les 3 contrôleurs, installés en plein vent. On est content d'avoir atteint ce sommet à presque 2700m. Il est 23h30. On avait prévu d'être là avant minuit. On a une demi heure d'avance sur notre timing. Super, d'autant que maintenant c'est 11km de descente qui nous attendent où on espère bien se refaire un peu de marge !
Ca souffle tellement qu'on décide de ne pas s'attarder et de trouver un endroit un peu plus abriter plus bas pour faire la pause ravitaillement que nous avions prévu. Le début de la descente est aussi difficile que la montée. Super raide, pleine de cailloux, bref avec la nuit et la fatigue, on ne progresse presque pas plus vite que pendant la monté. A plusieurs reprises la piste disparaît sous d'énormes éboulis (rochers de plusieurs mètres) dont les zones de franchissement ne semblent pas très rassurantes.
De plus le balisage dans cette zone est plus que limite et a de nombreuses reprises on hésite longuement sur la direction à suivre. Parfois on devine un bâton lumineux et on va droit dessus, parfois c'est grâce au vent en entendant un morceau de rubalise " claquer " qu'on arrive à se repérer. Bref un passage difficile jusqu'à ce qu'on arrive à rejoindre un petit sentier plus praticable pour un long bout de descente.
On arrive au Col de Raus. On est sensé avoir fait que 2km, mais la distance nous étonne un peu surtout vu le temps qu'on a mis. Le contrôleur nous indique 8 à 9 km pour arriver à Belvédère. Chouette, on aura pas mal d'avance comme ça. On part sur un sentier pendant un long moment puis on fini par rejoindre une piste de type 4x4, qui doit nous descendre jusqu'au village. Cette piste n'en fini pas on avance sans cesse guettant le village derrière chaque virage. Après une long bout, on voit une voiture avec des lumières. Le bénévole qui est là nous indique encore 5km pour le village !!! Impossible vu le temps depuis lequel on avance et vu notre allure, nous n'avons pas pu faire que 4km depuis le col !!! Là y'a un loupé colossal sur le mesurage !
Pas trop le choix il faut continuer. Cette piste est longue, monotone et franchement sans aucun intérêt ! On fini quand même par arriver à l'entrée du village non sans avoir emprunté un petit bout d'une sente bien raide en descente. J'ai les cuisses explosées. Autant tout avait bien tenu jusque là, autant là cette descente m'a véritablement détruit les quadriceps !
En arrivant en bas de cette sente on tombe sur un ravitaillement dévasté et déserté. Les tables de ravito sont là, mais il n'y a plus personne et les bouteilles de coca, d'eau etc sont vides et en vrac sur les tables et sur le sol. Ils ont fermé le ravitaillement alors qu'on est encore en course. Une grosse montée de colère se fait jour, d'autant que nous sommes pratiquement à cours d'eau (le dernier ravito était le refuge des merveilles) et qu'il nous reste 30km à faire et 11m de D+.
On décide de repartir en espérant trouver un cimetière ou quelque chose d'approchant pour faire au moins le plein d'eau.
On rentre dans le village et on trouve une fontaine indiquant " eau potable ". Je termine mon eau, (slurp) et on fait le plein. C'est toujours ça de pris. Pour le solide j'ai assez de gels pour tenir jusqu'au bout ! On continue de traverser le village quand un accompagnateur nous rejoint et nous dit que le ravito est 300m plus loin sur la gauche !!! Quoi ? En fait la table que nous avons trouvé était un ravito " sauvage " mais pas le ravito officiel. On fini par trouver le vrai ravito où les bénévoles ne nous ont pas oublié et nous attendent avec tout ce qu'il faut. C'est le dernier avant l'arrivée, il est 4h30 ce qui veut dire qu'on aurait mis 5h pour faire les 11km entre la cime du diable et ici. Impossible. Il y a un gros soucis dans les distances annoncées (certains ont parlé ensuite de 15 à 17km réels !)
On s'installe le temps de se remettre à niveau. Coca, soupe aux pâtes, gâteaux salés et pâtes de fruits.
La barrière horaire ici est fixée à 5h00. On repart à 4h43, soit plus d'un quart d'heure sous la limite. Il nous reste officiellement 17km à faire en 5h (heure limite d'arrivée à 10h00) mais vu comment ils calculent les km, on peut avoir des doutes !!!
J'ai une sensation étrange en repartant. D'un côté je me dit que c'est gagné, car que j'arrive avant ou après 10h je suis certain d'aller au bout maintenant, et de l'autre quand j'analyse ce qu'il reste, je vois les deux cotes (300 et 450m de D+) qui représentent quand même une fois et demi la montée de la cime du diable. Et cette pensée me glace un peu vu mon état.
Nous repartons sur la première montée. Même si il y a quelques passages un peu raide, finalement la montée se gère malgré des coups de pompe à répétition qui m'obligent à de nombreuses pauses. En fait le circuit ne ressemble pas du tout au profil annoncé. On monte au début, ensuite on a un long tronçon à flanc avec des petites montées et descentes puis on termine par une dernière montée avant de passer au point haut. Là on se lance dans la descente vers Bethemont.
Pendant la descente nous somme rejoint par. Le coureur balais. Visiblement personne n'est reparti après nous du dernier ravitaillement tout à l'heure. Pas grave, on est dans notre rythme et ça va le faire. Le coureur balais nous indique que nous risquons fort d'être stoppés à Bethemont car on y sera pas avant 7h00 !!! Quoi ! Ca recommence !!! Hé ho, vous avez fini vos conneries là ! (je commence à prendre un coup de sang). On est parti dans les délais de Belvédère, et rien en dehors de l'arrivée ne nous arrêtera. Il nous dit qu'il ont pour consigne de débaliser à partir de 7h00 en bas !
Alors là il se passe un truc que je n'ai jamais eu avant. Coup de stress, montée d'adrénaline et je me dis en moi " mon c.. Je serai avant 7hOO à Béthemont et t'es pas prêt de m'arrêter. Ni toi ni personne " Et me voilà parti sur la fin de la descente comme un fou. Je ne sens plus rien, je n'ai plus mal nulle part je veux juste aller vite. Je suis étrangement dans une sorte d'état second. Je termine la descente ainsi et sans souffler je me lance dans la montée suivante. Je double 6 ou 7 coureurs étonnés de mon allure y compris Georges qui me demande ce que je viens de prendre ;-)) et je vais ainsi faire les 2/3 de la montée.
Sur la fin, la montée se traduit par un sentier qui fait une grosse cinquantaine d'épingles pour 200m de D+ en un seul morceau. Mon " coup de booster " va m'amener pratiquement jusqu'à la moitié de ces épingles, tant et si bien que c'est avec une aisance surprenante pour une fin de course que je me retrouve en haut de la côte, au tout dernier pointage.
Il est 8h00, il reste officiellement 8km de descente et 2heures devant nous. Le temps de boire un bon coup (le soleil est de retour depuis cette dernière montée et avec ma tenue de nuit je commence à avoir chaud) et on se lance dans la descente. On est rattrapé par le coureur balais qui ne nous parle plus d'élimination désormais (dommage j'aurais encore gagné au moins un quart d'heure !!!). Il nous accompagne et en profite pour débaliser derrière nous !
Le début de cette dernière descente est encore technique (ça fait 100 bornes qu'on fait su sentier technique, alors !) puis on rejoint une large piste carrossable qui doit nous faire descendre sur St Martin Vésubie. Je regarde la montre. On doit être dans les temps pour passer sous les 10h00.
A quelques km de l'arrivée, j'ai la surprise de voir apparaître Le Trailer et Dédé qui sont montés à ma rencontre. Ca fait super plaisir ! Je prend des nouvelles des autres où je découvre les fortunes diverses. L'arrêt du Trailer et du Papy ainsi que celui de Socrate dont j'étais au courant, mais aussi la réussite de tous les autres ! ! ! Un gros carton cette année semble t-il.
D'après le trailer il nous reste environ 2km pour en finir. On est large sur les horaires, et on décide d'assurer. Nous sommes 3 en ce moment Georges, Jean-Marc et moi, mais on sait aussi qu'il en reste deux autres (Nadine et François) que nous avons passé dans la dernière difficulté. On s'approche donc doucement de St martin et on attends les deux derniers afin de finir tous les 5 ensembles !
Dernière descente dans les ruelles de St martin et enfin, après 29h33 de progression, nous passons ensemble la ligne d'arrivée. Je suis content de passer dans les délais. A un moment je me suis vu arriver en 30h10 ou un truc comme ça. Pas très grave en soi car j'aurais fini quand même mais là, passer avec une demi heure d'avance me fait plaisir.
Su la ligne je retrouve tous les zanimos. Ceux qui arrivé il y a peu m'ont attendu comme la tortue ou la souris, ceux qui sont là depuis plus longtemps, et puis les autres arrivés tout au long de la nuit.
J'en termine, je suis content, juste content. Quelques photos, j'ai un peu de mal à raconter mais je parle quand même (il en faut plus pour me faire taire) je récupère un peu puis je descend au camping où la première chose que je vais faire c'est de boire une bière bien fraîche. Oui il n'est que 10h du mat' mais ça me fait envie. D'ailleurs c'est la première fois qu'une bière me fait tourner la tête, mais bon après 30h à ne manger pratiquement que des gels, c'était à prévoir !
Un peu plus tard, après avoir pris une bonne douche et m'être changé, je retrouve quelques zanimos sur le camping, puis on fête les arrivées au champagne avec les coureurs locaux, relations de course de la famille du Trailer.
Un petit repas, départ pour Puget ou un plongeon dans la piscine de va s'avérer bien agréable avant de rentrer sur Bormes les mimosas. Le repas du soir sera un tout petit peu plus arrosé avant que je ne m'effondre (presque au sens propre) sur la table de la terrasse ! Je ne devais pas avoir l'air concentré sur la discussion à ce moment, j'espère que le Trailer m'en excusera !
Et voilà. Le second démon est mort. Pas facile à abattre celui là mais faisable quand même.
Il m'en reste encore deux à éliminer. Deux qui sont toujours là mais la chasse de ce WE me laisse espérer des résultats positifs sur les chasses à venir !
L'Electron
3 commentaires
Commentaire de Manitoba posté le 11-07-2005 à 21:04:00
C'est un superbe CR,un CR comme je les aime: précis,passionnant,exaltant...on s'y croit tellement c'est vrai.Depuis le temps que ce genre de course me tente, moi un petit trailer qui n'a jamais couru plus de quatre heures. Tu m'as tellement donné l'eau à la bouche que je me suis dans l'heure abonné au Mag ultrafondus à la recherche de bons conseils pour me préparer.C'est sûr maintenant, tôt ou tard (le plus tôt sera le mieux)il faut que je me paye une course pareille...Au plaisir de se rencontrer, d'ailleurs je compte sur toi pour me fournir des conseils...
Encore bravo pour ta perf
Un passionné de trail et futur ultrafondus.
Lemouflon des collines
Commentaire de jump38 posté le 16-09-2005 à 09:34:00
Je me suis régalé à lire ce CR : de l'émotion, un peu de poésie, de l'humour et les 'tripes' qui parlent. Une magnifique restitution de l'ambiance. Non ce CR n'est pas long ! Merci et Bravo !!!
Commentaire de akunamatata posté le 09-06-2007 à 09:13:00
une mine d'information pour la preparation de l'edition 2007!
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.