Récit de la course : Off - Corse GR20 en courant 2003, par etiennef

L'auteur : etiennef

La course : Off - Corse GR20 en courant

Date : 26/5/2003

Lieu : Calenzana (Haute-Corse)

Affichage : 4632 vues

Distance : 166km

Objectif : Pas d'objectif

5 commentaires

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Le récit

GR20, un nom de code qui parle à tout randonneur digne de ce nom, un GR mythique qui est pour certains le plus difficile de tous et pourtant situé dans une île plus connue pour ses plages écrasées de soleil. S’aventurer sur ce GR qui traverse la Corse en diagonale, c’est oublier le farniente sur les plages ou les petites balades côtières pour affronter la montagne Corse, ses sentiers terriblement caillouteux et parfois techniques, un climat très changeant et souvent orageux en fin de journée, une chaleur parfois très forte mais aussi un froid qui peut être assez vif puisque le sentier dépasse assez souvent les 2000 m d’altitude. Le profil qui suit ne peut pas laisser indifférent :



Il faut classiquement compter deux semaines pour parcourir le GR de Calenzana à Conca en comptant déjà sur une bonne condition physique. L’autre option qui germe dans ma tête est de le parcourir beaucoup plus vite mais bien sur avec un équipement minimum qui permet de galoper. En résumé, c’est l’option léger/rapide par rapport au lourd/lent habituel ou encore, toutes proportions gardées, le blitz Krieg versus la guerre des tranchées, la technique alpine d’ascension versus le siège avec camps multiples. Ici, peu d’options intermédiaires : ajouter des étapes intermédiaires, c’est s’obliger à s’arrêter dans des endroits sans hôtel ou gîte et donc s’alourdir avec des équipements supplémentaires et donc devenir plus lent, …le cercle vicieux du poids et de la vitesse. Après de longues études du profil (166 km, 10000D+ et 80h prévues en randonnée), je penche finalement pour un périple de 4 jours entrecoupé d’une journée de repos au milieu du parcours à Vizzavona. La première journée sera (très) longue jusqu’au Castel di Vergio mais mon état de fraîcheur devrait me permettre cette étape de folie. La deuxième journée est plus raisonnable mais reste assez longue tandis que les deux journées après Vizzavona semblent plus humaines. Sur le papier ça semble tenir, même si je suis un peu inquiet pour la première journée sachant que j’ai toujours tendance à sous-estimer un peu les temps de parcours (mes futur(e) collègues de rando-course sont prévenus ). Il s’agit aussi de partir avec le strict minimum d’équipement pour minimiser le poids sans manquer de l’essentiel pour la progression dans un milieu qui pourrait s’avérer hostile. On réalisera dans la suite du récit l’importance de ces choix. Dernière incertitude, j’ai choisi de partir fin Mai pour éviter les grosses chaleurs et la foule mais je sais qu’il peut rester des plaques de neige importantes sur le parcours à ce moment de la saison et il n’est jamais agréable de marcher sur la neige en basket dans une pente significative.

Dimanche 25 Mai

Le jour est enfin venu, je prends le train à Ajaccio pour rejoindre Calvi et ensuite Calenzana à quelques kilomètres de là. Une traversée sympathique de l’île dans ce tortillard puis un taxi partagé avec d’autres randonneurs et me voilà arrivé à Calenzana. Le temps est au beau fixe mais la tendance météo est très mitigée pour les prochains jours. Je continue donc à gamberger sur mon planning qui est déjà tendu et qui risque d’être perturbé par des conditions difficiles. De toute façon, le temps de la réflexion est passé, place à l’action. Pour me donner le plus de marge possible, je décide de partir à 6h du matin. Si mon évaluation est juste, je devrais arriver vers 16h/18h.

Lundi 26 Mai

Rien à reprocher à Météo France, le temps mitigé est bien là : de nombreux nuages menaçants et du brouillard mais pas de pluie … pour l’instant. Je suis soulagé de faire enfin parler mes muscles qui ont l’obligeance de bien être au rendez-vous. Je grimpe rapidement dans un sentier relativement facile et arrive après 2/3h au premier grand col, près du Capu Jovu à 1600m. Je suis maintenant au milieu de brouillard et très heureux de trouver un balisage efficace qui me permet de trouver mon chemin sans trop consulter la carte. Après une petite descente, j’arrive au premier refuge du GR, l’Ortu di u Piobbu. Certains randonneurs sont déjà partis et d’autres sont surpris de voir arriver si tôt un zigoto qui en plus a un tout petit sac dans le dos. Je continue mon chemin et dépasse les randonneurs ayant juste quitté le refuge. Je suscite bien entendu l’envie avec mon petit sac comparé mais ce n’est rien à coté de leur effarement quand, au fil de quelques courtes discussions, j’indique les lieux de départ et d’arrivée de mon étape. Certains m’ont probablement pris pour un fou qui allait devoir changer ses plans en cours de journée. Même si j’ai moi aussi quelques doutes, je dois continuer à avancer sans faiblir pour atteindre le col de Vergio avant la nuit. Mes premiers temps de passages aux cols par rapport à mes estimations me laissent penser que je suis un peu en retard par rapport à mes prédictions. Je devrais plus probablement faire une journée de 12/13h plutôt que 10h, en espérant que je ne suis pas encore en train de sous-estimer le reste de l’étape. C’est tout de même avec un gros moral, des muscles maintenant bien chauds qui me font monter très vite et un grand plaisir de me balader dans cette superbe nature que je m’engage dans le Bocca d’Artavolli 1898m qui se termine par un beau névé heureusement sans risque. Le balisage est assez difficile à suivre sur le parcours en arête qui suit. Je dépasse encore quelques randonneurs tranquilles qui doivent un peu sourire de me voir les repasser après avoir jardiné suite à une perte de balisage. Alors Speedy Gonzalès, c’est pas le tout de bourrinner, faudrait savoir suivre les traits blancs et rouges !!! La vraie descente se profile enfin dans un pierrier des plus merdiques. Ce n’est que la première d’une série de descentes ou on est déjà bien content de finir entier en bas sans avoir chuté ni tordu un genou ou une cheville. Jamais vu de sentier aussi constamment tourmenté, la course en descente n’est plus qu’un rêve et bien entendu, la moyenne s’en ressent. En reprenant la montée suivante, quelques panneaux peu rassurants déconseillent fortement aux randonneurs de s’engager dans cette montée par temps de pluie. Heureusement, malgré une ambiance brouillardeuse toujours menaçante, le ciel s’abstient de déverser son trop plein d’eau. Il faut effectivement rester prudent dans quelques passages rocheux qui sont équipés de cordes mais le ton des panneaux est tout de même exagéré. En haut du Bocca di Stagni 2010m, j’ai le choix entre la descente à la station de ski d’Ascu Stagnu ou un parcours en crête indiqué sur la carte, plus ou moins hors GR qui devrait permettre de gagner quelques centaines de mètres de dénivelé. Il est maintenant environ 13h, je suis à la moitié du parcours et les jambes commencent à être lourdes. J’opte donc pour le raccourci même si j’appréhende un balisage qui a peut-être disparu ou des passages techniques difficiles et éventuellement quelques névés. Le parcours s’avère finalement assez technique mais heureusement sans névés et je suis soulagé après ce périple hors des sentiers battus de retrouver le GR et sa sécurité rassurante. J’ai gagné un peu de temps et d’efforts mais au prix d’un stress assez désagréable. Peu importe, je continue ma route dans cette montée vers le Bocca Tumasgnesca 2183m . Le sentier est maintenant peu fréquenté, la majorité des randonneurs ayant rejoint leur étape, mais je croise tout de même une jeune fille seule et toute frêle. Je comprendrai un peu de temps plus tard pourquoi elle a pu perdre un peu de temps sur son chemin. En effet, j’arrive maintenant au col et je peux maintenant contempler le célèbre cirque de la solitude. Enfin, franchement, je ne vois pas grand chose à cause du brouillard toujours présent mais je devine tout de même à la faveur de quelques trous dans cette masse l’effrayant trou qui se profile devant moi. Je descends sur cette pente assez raide dans un terrain instable avec un balisage que je perds par moments en me demandant si je ne suis pas en train de descendre en enfer. Je prie pour ne pas manquer le chemin qui doit remonter vers le prochain col. La solitude dans ce cirque du même nom renforce l’impression d’être au bout du monde. Rarement, je me suis senti aussi vulnérable dans une ambiance de montagne même s’il n’y a pas de danger significatif: il vaut mieux éviter de glisser dans certains passages, une chute pouvant être douloureuse mais aucun risque de chute grave voir mortelle. J’arrive enfin au point plus bas du sentier pour aborder la remontée mais je suis maintenant passé en face Nord et de nombreux névés se profilent dans cette montée. Heureusement, aucun passage « engagé » même si je croise un couple de randonneurs encordés. Une ou deux fois, la montée sur des roches mouillées ne peut se faire qu’à l’aide de chaînes présentes sur ces sections techniques. Je comprends maintenant les warnings du descriptif du GR20 sur ce passage dans le cirque de la solitude. La montagne sait toujours récompenser ceux qui persévérant et c’est un grand soleil qui m’accueille en haut du Bocca Minuta 2218m après cette traversée de cirque assez angoissante. C’est une descente classiquement MERDIQUE qui m’attend. Bordel de merde, ils ne peuvent pas se casser le cul ces fainéants de corses pour enlever un peu des milliards de pierres qui jalonnent ce GR20 ??? Bon je me calme, mais sachez que j’arrive en bas de cette descente avec la plante des pieds en feu heureusement sans ampoules mais mes chaussures de trail neuves ont bien morflé après cette journée. Quelques crampons sont déjà bien usés et l’un d’eux est carrément arraché !! La pratique de la course sur ce type de sentier n’est probablement pas inclue dans la garantie... Reprenons nos esprits, car il est 16/17h et il faut encore se taper l’ascension du Bocca di Foggiale et ses 530m de dénivelé suivi d’une longue descente. Là je commence sérieusement à accuser le coup, mon estomac commence à se mettre en grève (classique, je comptabilise maintenant 10h de rando au compteur) et j’ai mal aux jambes. Courage, je passe devant un refuge qui a l’air accueillant avec quelques randonneurs qui visiblement viennent d’arriver et sirotent probablement une boisson fraîche. Je sais que mon équipement ne me permet pas de passer la nuit dans ce type de refuge. Oublions cette tentation pour maintenir la pression. Je sais maintenant que j’arriverai vers 19h ou peut-être un plus tard. Après une journée dans le brouillard, le soleil domine maintenant pour le plaisir du paysage mais la chaleur amplifie un peu mon état de fatigue avancée. Comme on me le dira plus tard au briefing de l’UTMB, il faut maintenant adopter un mental de warrior et ne plus penser à rien si ce n’est qu’à mettre un pied devant l’autre pour franchir ce col. Heureusement, j’ai dans la deuxième partie de l’ascension deux randonneurs en ligne de mire que je rattrape en haut du col. Ca fait du bien au moral d’autant plus que la descente qui suit est douce dans des vers pâturages et sans la classique caillasse corse. Le bonheur d’être maintenant sur d’arriver à une heure pas trop tardive et d’évoluer dans cette ambiance montagneuse de fin de journée que j’adore. Un moment privilégié de calme de sérénité et de douceur qui ne s’explique pas mais se vit. Plus envie de courir et de me faire violence pour gagner quelques minutes, les vaches me regardent passer de leur air placide habituel et je me régale du paysage. L’aiguille de ma montre continue tout de même de tourner et cette descente suivie d’un petit replat est effectivement longue. J’arrive à l’hôtel de Castel di Vergio à 20h après une journée de 14h et 4200m de dénivelé positif, sérieusement atteint physiquement mais heureux d’avoir surmonté cette journée que je redoutais. Le gérant corse de l’hôtel me regarde un peu de travers : « ah ben on ne vous attendait plus... ». Une douche et quelques étirements plus tard, je vais prendre un repas que j’espère copieux et pleins de sucres lents pour recharger les batteries. Mon estomac est toujours un peu en grève et je ne le brusque pas trop pour réussir finalement à engouffrer de grosses portions de soupe et de pâtes. Ah, voilà un ravito, qu’il est bon. Je suis plus inquiet sur mes muscles qui sont bien douloureux et ai un peu l’appréhension de partir demain avec de grosses courbatures pour une journée qui s’annonce difficile sans toutefois être aussi longue (enfin, je pense ). Je prends quelques pilules miracles, bois beaucoup et, comme je dois me lever régulièrement la nuit pour écluser le liquide ingurgité, j’en profite à chaque fois pour faire quelques étirements salutaires. Vous ne connaissiez pas le concept du lever pipi/étirements ?

Mardi 27 Mai

Soulagé, je me réveille le matin avec des muscles qui ont bien récupéré de la journée précédente. Je dois probablement beaucoup cette très bonne récupération au gros travail effectué pour la Transmassif. La machine n’est pas au mieux de sa forme pour repartir mais suffisamment en état pour envisager sereinement cette nouvelle étape. Le temps, lui aussi est stable … dans la médiocrité: encore du brouillard et quelques menaces de pluie. A 8h pétantes, je pars tranquillement et, après une petite portion de plat, je peux commencer à me chauffer dans la montée vers le Bocca a Reta. La descente qui suit au milieu de lacs d’altitude est bucolique et je commence à espérer ne plus avoir trop à faire à la ressource principale de la Corse : le cailloux merdique (ah, c’est beau la naïveté ). Une petite pose ravito au milieu de troupeaux et je passe maintenant à côté du refuge de Manganu pour me diriger vers la brèche de Capitellu. Malgré un brouillard persistant depuis mon départ hier, j’ai réussi à passer à travers les gouttes mais là je ne peux plus éviter la pluie régulière qui me tombe dessus. Rien de bien gênant, la chaudière naturelle fonctionne bien et je suis satisfait de mon équipement qui, tout en étant léger, me permet de traverser ces conditions difficiles de pluie en altitude sans soucis. Vers la fin du col, la neige se fait de nouveau très présente, et je découvre juste après la brèche un névé assez pentu qui débouche probablement quelques dizaines de mètres plus tard sur une paroi montagneuse. En contrebas, j’aperçois plus ou moins un lac mais je doute de ma survie, si je glisse vers cette paroi. Un instant, j’envisage de rebrousser chemin pour prendre un autre itinéraire, mais cette option de rechange semble très compliquée si ce n’est impossible et je vois tout de suite arriver deux randonneurs qui prennent tranquillement les traces dans la neige sans visiblement redouter cette glissade. Je reprends mes esprits, prends une bonne respiration et traverse ce passage de 20/30m en restant bien concentré sur mes pas. Tout se passe bien mais je redoute maintenant d’autres passages sur cette portion se poursuivant sur des arêtes rocheuses. C’est normalement un passage merveilleux et mythique du GR avec en contrebas de superbes lacs d’altitude mais je suis pratiquement privé de cette vue. Finalement, malgré quelques névés, je ne retrouve plus de passage délicat. Je rencontre quelques randonneurs éberlués de se retrouver dans ces conditions difficiles de pluie sur ces sentiers enneigés dans ce GR20. Corse, terre de contraste, on peut souffrir de la chaleur dans une vallée encaissée pour ensuite grelotter sur un sommet à plus de 2000m d’altitude. En l’occurrence, je passe de longs moments en altitude, pressé de franchir le Bocca Muzzela 2206m qui annonce la descente vers la vallée. Malgré le froid, j’apprécie tout de même le plaisir d’évoluer dans ce milieu difficile et impressionnant : des souvenirs contrastés, inoubliables et quelques moments pittoresques. Dans cette descente ou le sentier est carrément envahi par les eaux, je fais bien malgré moi une grosse frayeur en dépassant une randonneuse qui rejoint le refuge de Pietra Piana tout proche et je dépasse un randonneur un peu barjot qui n’arrête pas de vociférer pour se donner du courage. J’éclate de rire en entendant la phrase qu’il répète comme un mantra : « il tomberait de la merde que ça serait pas pire !! ». Au fil de cette descente au milieu des arbustes et en passant par quelques bergeries qui semblent encore en activité (Yvan Colona était peut-être réfugié là ), la pluie se calme et la température remonte. Le sentier au fond de la vallée est très carrossable et je me fais le plaisir d’un petit footing tranquille au milieu des pins. Là, le GR20 remonte normalement vers la crête de Muratellu 2020m pour arriver directement sur le col de Vizzavona. Je n’ai vraiment pas le courage de retourner dans la tourmente et je décide de contourner ce col par la vallée : c’est plus long mais sans grosse difficulté si ce n’est la distance. Après ces passages difficiles en altitude la tension se relâche et c’est bien entendu là je me paye un joli vol plané suite à une glissade sur une roche glissante. Heureusement pas de bobo et j’arrive complètement trempé au col de Vizzavona après avoir profité sur les derniers kilomètres goudronnés de la voiture d’un sympathique corse qui me sensibilise sur les conditions climatiques qui peuvent être très difficiles au printemps en altitude. Ben oui, je ne peux qu’être d’accord… Cette journée de 10h et 1700m de dénivelé parfois difficile mais au combien exaltante est maintenant derrière moi. Je peux me laisser aller à la chaleur d’un lit bien douillet en savourant d’avance la journée de repos du lendemain et surtout le repas bien consistant qui m’attend. Je sais que j’ai fait la partie la plus difficile du périple et que les deux autres journées sans être des promenades de santé devraient être plus tranquilles.

Mercredi 28 Mai

Petit programme tranquille pour cette journée de repos : un petit tour a la gare SNCF un peu plus en contrebas pour faire quelques courses, un autre petit tour avec les touristes de base a la promenade des Anglais toute proche mais surtout beaucoup de repos pour une machine qui en a bien besoin après ces deux journées mouvementées. Pour me narguer, le temps est au beau fixe bien qu’une dégradation orageuse se dessine en fin de journée. Rien d’autre a signaler si ce n’est un bon gros plat avec frites et sauce aux girolles bien grasse que je me suis enfilé à midi . C’est encore meilleur qu’un bon saucisson corse.

Jeudi 29 Mai

Enfin, c’est le soleil qui m’accompagne pour repartir a l’aventure vers 9h. Une montée agréable en sous bois et foret, et j’arrive au Bocca Palmente ou je peux admirer les superbes paysages corses. Le chemin continue ensuite a flanc de coteaux avec un peu de montées et descentes vers le col de Verde que je peux rapidement apercevoir de loin. J’alterne course et marche à un rythme qui, sans être rapide, me permet de progresser a bonne allure. Bien que visible de loin, le col se révèle en fait être très loin et je commence un peu à perdre le moral d’autant plus que le soleil commence sérieusement à taper (non, là pas question de me plaindre après les rincées des jours précédents) et que les paysages sont un peu monotones. J’arrive au col déjà bien épuisé avec la tentation de prendre la route pour rejoindre l’étape du soir en auto-stop. Heureusement j’ai la sagesse de prendre la décision après une bonne pose a l’ombre, quelques étirements et un bon ravitaillement. Finalement, je ne me sens pas trop mal, il n’est pas trop tard pour remonter vers les cimes. Tout de suite, l’allure que j’arrive à prendre me rassure sur ma décision. Le moral un peu hésitant et les jambes récalcitrantes sont oubliées, je monte tranquillement vers le col ou je rejoins quelques randonneurs s’époumonant sous leurs charges énormes. Je suis parfois effaré de voir les charges que certains randonneurs emportent sur ce GR. Je sais que l’infrastructure assez limitée impose de se charger d’un matériel significatif pour tenir deux semaines mais j’ai parfois l’impression de dépasser des semi-remorques !! En arrivant en haut du col, je prends conscience que les conditions climatiques ont un peu changé. Le temps devient sérieusement orageux. Mon coin semble épargné pour l’instant mais ça tonne beaucoup sur les autres flancs de la montagne. Malgré tout, j’arrive à distinguer l’essentiel des paysages merveilleux : un petit plateau herbeux entre les deux flancs de la montagne, la cote maritime qui se dessine sur l’autre versant de la montagne et, pour couronner le tout, cette sensation d’être le roi du bout du monde et que la vie est simple et belle a se balader tranquillement. Je profite de cet état de grâce pour faire une petite pause bucolique mais il faut tout de même repartir à bonne allure car l’heure commence a tourner et le sentier bourré de pierres est très difficile. J’arrive enfin au Bocca di Laparu qui marque le début de la descente vers Cozzano que je n’aperçois pas encore. Je suis un peu effaré de voir le village indiqué à trois heures de marches !! Bon d’accord, avec le facteur 2 habituel, je devrais y être dans 1h30 mais ça me semble beaucoup. Conséquence directe, le moral en prend un coup je me soulage en poussant quelques petites gueulantes solitaires dans cette interminable descente qui n’en finit pas. J’arrive encore à me motiver pour courir un peu mais mes jambes commencent à se révolter de tant d’efforts et de chocs. J’entre enfin dans Cozzano après une belle journée de 9h de marche et 1800m de dénivelé et profite d’un peu d’auto-stop pour rejoindre l’hôtel qui est à Zicavo à quelques kilomètres de là par la route.

Vendredi 30 Mai

Dernière journée de marche … heureusement. L’organisme bien qu’encore capable d’avancer à une allure raisonnable est maintenant assez épuisé. Je parviens encore à chauffer les muscles dans le début de la montée vers le Monte Alcudina d’autant plus que le temps est au grand beau mais je subodore qu’encore une fois le milieu de la journée verra une dégradation orageuse. Je suis pour l’instant très seul sur cette variante du GR avant de rejoindre plus tard l’autoroute GR20. Après une longue ascension entrecoupée de quelques replats au milieu d’une merveilleuse nature j’arrive enfin en vue du sommet. Midi approche, et les orages sont déjà à l’œuvre. Quitte à en souffrir un peu plus tard j’accélère le pas pour arriver le plus tôt possible au sommet et ensuite plonger dans une vallée plus rassurante. Ce n’est jamais agréable de se trouver sur les crêtes avec des orages aux alentours. Heureusement ceux-ci sont sur les sommets avoisinants mais pas d’éclair ni de pluie sur le mien … pour l’instant. Un peu chanceux, je passe le col et arrive à faire une grande partie de la descente au sec. Après cette petite cavalcade, j’en profite même pour faire un petit arrêt pour me ravitailler et profiter du paysage. Quelques dizaines de minutes après avoir repris mon chemin, cette fois je n’échappe pas au déluge. C’est même une forte grêle qui tombe avec beaucoup d’éclairs. Heureusement, je suis maintenant dans une zone peu exposée et je peux tranquillement encaisser la grosse averse sans redouter les éclairs. En revanche, inutile d’envisager de prendre la version alpine qui traverse directement les aiguilles de Bavella. J’oublie la traversée touristique et je dois prendre le chemin qui fait le tour: le périph de Bavella . Il pleut toujours et je décide définitivement d’interrompre mon périple au col de Bavella pour éviter les dernières heures de descente. Le sentier est maintenant très boueux et je trouve le moyen de me vautrer devant quelques randonneurs ébahis. Ca m’apprendra à faire le malin. Pourquoi ne pas le dire, je prends en général un certain plaisir à épater le randonneur (ou de préférence randonneuse) lambda en le dépassant ou le croisant tel le chamois sautillant sur les barres rocheuses. Malheureusement, ce souci condamnable de frimer un peu entraîne une certaine diminution de ma concentration qui s’est traduit deux ou trois fois par une chute peu glorieuse devant la personne sus-nommée. Bref, après un contournement long et un rébarbatif, j’arrive enfin au col de Bavella, point final de mon périple, après une dernière journée encore bien remplie : 9h de marche pour 1500m. Un grand merci aux deux automobilistes qui m’ont ramené en auto-stop à Porto-Vecchio.

Conclusion

Une grande joie d’avoir fait ce périple de quatre jours, des paysages que je n’ai pas toujours pu apprécier (une bonne raison pour revenir), une grande ambiance dans cette montagne parfois sauvage avec ces conditions, beaucoup d’émotions et, il est vrai, parfois un peu d’appréhension mais il faut faire abstraction de ces incertitudes pour avancer et oser. En tout cas une expérience très forte que je placerai sur le même plan que d’autres courses et enfin un concept de rando-course bien rôdé que je vais continuer à pratiquer activement dans le futur.
Le concept :
- une rando rapide avec équipement (très) léger
- durée : 2,3 ou 4 jours
- période : de préférence en Juillet/Août ou fin Juin / Début Septembre. Plus tôt ou plus tard en moyenne montagne
- étapes dans des gîtes ou hôtels
- Profil typique d’une journée : 2000/3000 D+ 6 à 9h de marche
- l’équipement (au total sac de 5 kg):
o sac à dos au moins 10 litres avec réserve eau d’au moins deux litres
o vivres de course pour la journée (barres, gels, poudre énergétique pour minimiser le poids)
o Pommade anti-frottements, pommade protection solaire
o Chaussures raid/trail, 2 paires chaussettes, 2 slips, bas long très chauds et bas courts, ss-vêtement manches longues, petite polaire, coupe-vent, bonnet ou cagoule, casquette, gants
o Paire de chaussettes, pantalon, chemise, slip (pour les soirées)
o Cartes + boussole
o Peigne, dentifrice, brosse à dents (pas de serviette, trop lourd …)
o Papiers + argent
o Lunettes de soleil

Les idées :
- Le tour de l’Oisans en 4 jours
- Le tour du Queyras en 4 jours
- Le tour de l’Ubaye en 4 jours
- Le parcours de la Fortiche en 2 jours (mais le one shot peu aussi se tenter )
- La traversée des alpes par tronçons de ¾ jours
- La traversée des Pyrénées sur la HRP par tronçons
- Et d’autres idées en moyenne montagne (Vosges, Jura, Massif Central)

5 commentaires

Commentaire de Jack posté le 25-12-2006 à 13:50:00

Sympa la balade que je découvre que maintenant.
Elle me tente mais c'est tout de même un gros morceau.
Merci pour le récit.

Amicalement

Commentaire de titifb posté le 12-09-2007 à 06:50:00

Bravo Etienne pour ce super CR ! Ca donne envie. Mais moi, je préférerais le faire avec quelqu'un...c'est plus rassurant et on peut partager les joies et les galères. Le tout étant, bien sûr, de trouver la bonne personne avec qui rando-courir ! Et pour s'engager sur le GR 20, c'est là que l'affaire se corse...
Merci.

Commentaire de sarah barbault posté le 18-01-2012 à 22:00:06

Un soir au lit, j'ai lu à voix haute à mon amoureux votre récit vivant, drôle, magnifique. Lui l'a aussi fait en courant, et évidemment, j'ai trop envie de le faire avec lui! Bravo pour ce voyage si dur!!

Commentaire de Fan23 posté le 17-12-2012 à 22:08:33

Bravo pour cette grande aventure !
Il est donc possible de trouver des villages / hotels / ravitaillements sans trop d'éloigner des traces du GR ?
Merci pour la réponse et bravo !!

Commentaire de etiennef posté le 18-12-2012 à 16:19:05

Ce récit commence à dater et ça me surprend toujours de voir qu'il est lu :-).
Côté logistique, hotel/refuge à Vergio, hotel et ravito à Vizzavone. En 2003, j'avais du redescendre sur Zicavo pour la dernière nuit mais il est maintenant possible de passer la nuit à Usciolu avec possibilité de prendre le repas. Voir ce récit de mon retour sur ce GR20 en 2008: http://etienne.fert.pagesperso-orange.fr/cr/cr-gr20-stephane.htm
Globalement, les prestations se sont mêmes améliorées sur le GR20 et certains refuges proposent des petits ravitaillement ou repas sommaires. Il faut voir avec chaque gardien ce qui est possible. En revanche, il faut toujours prendre un duvet (un bon duvet de 500 gr suffit). Enfin, ca dépend du nombre d'étapes qu'on veut faire. En cinq étapes aucun problème (ajouter un arrêt à Asco). Si on veut faire plus d'arrêts alors il faut trouver le bon refuge qui permettra de se passer de porter bouffe et popote.

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