Récit de la course : Le Creux de l’Enfer - 11.3 km 2009, par seapen

L'auteur : seapen

La course : Le Creux de l’Enfer - 11.3 km

Date : 1/5/2009

Lieu : Mignovillard (Jura)

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Distance : 11.3km

Objectif : Pas d'objectif

4 commentaires

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creux de l'enfer

 

Depuis belle lurette que je n'ai pas couru. J'ai l'impression de faire l'impasse sur la CAP actuellement. Le souvenir du dernier trail semble très éloigné. Si je réfléchis bien, il ne remonte pas à bien loin. En fait à trois semaines seulement. C'est récent quand on y pense. Pourtant quelques sorties très sérieusement faites ont rempli le laps de temps qui me séparent de la prochaine course.  

Mais aussi je me suis reposé.

J'envisage une ou deux compétitons courtes, entre 10 et 20 kms pour travailler ma vitesse et laisser les courses nature plus longues au vestaire afin de prévenir une usure éventuelle et d'éviter ainsi une fatigue ajoutée à une certaine lassitude.

J'arrête donc cette manière de fonctionner momentanément pour mieux la reprendre plus tard. Un break en somme.

Donc du repos. Après avoir sollicité durement le bas du dos ou plus exactement le haut des muscles fessiers qui a fait apparaître une gêne musculaire lors d'un entraînement de 15 kms dont les derniers ont été forcés, plus de 3 kms à 4mn au mile, je sens la ceinture scapulaire fragile et prévenant quelque chose de plus gênant, je stoppe mon activité.

 

La semaine qui suit Les Reculées (voir récit précédent), je constate dans les 2 jours une bonne récup. et pas de courbatures.

Le samedi qui suit voit un près de 20 bornes. 2 jours après, 12 kms sur route campagnarde et le mercredi, 15km500 avec un final sur plus de 3 kms à 15km/h.

C'est 2 jours plus tard que je ressens les muscles fessiers (genre contracture-courbature) et là je fais gaffe.

Alors 9 jours se passent sans sorties avant d'en effectuer une de 12 kms d'une durée de 01h 15mn qui me rassure, dans la campagne, un lieu privilégié que j'apprécie sur petites routes, suivie dès le lendemain d'une longue sortie qui me verra emprunter le même chemin avec, ajouté en son milieu une longue descente de quelsques 6kms suivi de 3kms plat le long d'une rivière pour ensuite remonter 6 kms sans discontinuer. Au total 02h 45mn de course dans une nature exceptionnelle puisque qu'elle se situe dans un site très prisé, la Haute vallée de la Loue. J'y évolue exactement comme si j'y avais des racines. C'est dire que j'ai un certain plaisir à y dérouler mes foulées.

3 jours après je décide de pratiquer une séance de rameur. L'habituelle  de 3 x 21minutes à niveaux différents + 2 x 2-3 minutes de travail du dos sur un instrument fait pour ça. (corps suspendu à 45° maintenu au niveau des cuisses avec les bras étendu en avant)

çà a systématiquement le don de me remettre tout en place. Très bénéfique. Je ne fais pas assez de ce travail là et je me promet de m'y atteler plus régulièrement. En plus ça muscle 90 % de l'ensemble et curieusement me détend totalement les pieds comme si j'avais pratiqué des étirements ou effectué un massage. 

 

Il me reste 2 jours pour aller courir dans ce village du Jura qu'est Mignovillard où j'ai déjà expérimenté la course de 11 km 300. C'était dans un temps à présent révolu.

J'ai le souvenir d'un environnement très boisé, dans une nature où les sapinières s'imposent jusqu'à éclipser par endroits les prés réservés au pâturage.

C'est donc aussi le domaine du bois, des scieurs, des forestiers.  

Je suis content d'aller faire une virée par là bas aux confins de cette partie "haut doubs-jura".  Courir sur cette distance sera une bonne préparation d'autant plus qu'elle sera couplée avec une course nature de plus de 20 kms : le Trail du Pont du Diable 2 jours plus tard de l'autre côté du territoire franc-comtois, en Haute saône. 2 courses en 3 jours ; il fallait bien marquer ce début du mois de mai qui va se confondre avec la vraie venue du printemps. Le temps s'améliore et les conditions météo devraient être satisfaisantes.

 

Près de 60 kms par la Nationale me paraissent assez longs, certainement l'impatience d'arriver et après avoir atteint la Capitale de cette contrée il ne me reste pour parvenir à destination que de traverser le grand "lac" ou l'océan de prairies par le canal central qui le coupe en deux. Tout au fond la barrière de monts qui apparaît comme une terre à aborder. Cette immensité est découpée en minuscules parcelles clôturées de barbelés. Des îlots émergent que sont les villages traversés ou disséminés au loin. Puis c'est les tourbières que l'on longe où en saison les myrtilles font de bonheur de ceux qui les cueillent et les sapins apparaissent isolés d'abord puis groupés dans les prés laissés libres et faisant part égale avec eux. L'endroit est charmant à traverser au rythme de la promenade.

 

Enfin j'arrive à destination dans le village dont on imagine à proximité les espaces forestiers (c'est ce qu'il me semble car en consultant la carte j'ai repéré une grande forêt aux alentours. Si je me trompe, tant pis ; on fera comme si... On dira que la fiction est la réalité sinon ça va "casser" le récit. De toute façon, pour rester terre à terre, Mignovillard est connue pour être une commune riche par l'exploitation forestière de son domaine ; alors il faut bien les trouver quelque part ces billes de bois.) 

 

Les maisons sont éparpillées autour du centre constitué en son noyau par l'église. C'est tout près que se tient le point organisation de la course du Creux de l'enfer. Brrr.. que donc celà nous réserve-t'il ? Les installations sont à l'intérieur d'une grande salle double. Tour est prêt pour accueillir les coureurs et comme les courses des plus jeunes se déroulent tôt l'après-midi une belle effervescence règne. Je me laisse saisir par l'ambiance qui me remet du trajet en voiture.

 

Me voici à pied d'oeuvre pour accorder à mon échauffement un soin particulier. En effet belle lurette (encore elle !!!) que je n'ai pas fait de courses courtes. Il va falloir que je force ma vitesse et comme je n'ai pas l'intention de "traîner" je ne sais comment va réagir mon organisme.

Cependant comme l'entraînement effectué remontant à 2 semaines m'a rassuré j'exclue de courir au rythme adopté sur un trail genre 25 kms avec dénivelé.

Avec bonheur (toutes proportions gardées) je retrouve quelques comparses rencontrés au hasard des sorties toujours de bonne humeur et toujours aussi farceurs, ce qui ajoute à l'ambiance générale vraiment bonne. Les gens sont remplis d'enthousiasme ; ce doit être la fête au village. Le public est très familial vu les différentes épreuves.

La centaine de coureurs qui s'aligne sur le 11 km 330 et sur les 5 kms qui partent eux 1/4 d'h. avant passent leur temps une fois les formalités remplies  à trottiner en tout sens au travers du bourg.

L'animateur vedette est à son aise comme d'habitude et sans relâche soutient l'ambiance, la musique remplissant l'air. Les différents stands s'affairent, déjà la buvette bat son plein, le café est très demandé à cette heure et bientôt plus tard ce sera la Bier (en allemand) (je suis toujours persuadé que tout le monde fait comme moi).

 

Maintenant mon échauffement est terminé et j'ai presque fin de m'arnacher. Un gamin m'observe. Il s'enquiert de ce que je m'apprête à faire. Il le sait bien sûr mais il a envie d'engager la "converse". Sa mère de loin l'observe, amusée. Je lui répond l'air de rien que je vais faire la course et lui retourne sa question. Promptement il saisit sa médaille qui pend autour du cou, très fier. Je le félicite. Sa fierté augmente. Le malin c'est à ça qu'il voulait en venir ; de la suite dans les idées le petit. La mère à proximité s'en amuse encore plus. Je vous l'avais dit, les gens sont sympa par ici.

De plus le temps est "au beau" (comme si ça allait remplir nos poches).

Alors "ça va y aller, moi j'vous l'dit" (permettez moi de m'auto-encourager).

Le speaker nous appelle enfin. Je suis prêt et me sens bien en jambes.

 

J'ai déjà effectué cette course une fois au cours de l'année 2003. Tout ce que j'observe depuis que je suis arrivé me ramène en arrière instantanément à ces moments passés. Je revois les lieux comme si c'était hier. Pourtant hier, j'étais incapable de décrire l'endroit, perdu qu'il était dans ma mémoire. Maintenant le souvenir est très précis. Je suis sur place et ce que je vois ce n'est pas ce qui s'offre à ma vue mais c'est ce qui est remonté de mes souvenirs. Etonnant ! non ?

Tiens, j'aurais du amener ma chaise pliante et m'installer le long du parcours, je me serais certainement revu courir. Quand on pénètre la dimension du temps tout peut arriver, n'est-ce pas ?

Bon, trève de ... Top départ.

Celui-ci est rapide  et c'est bien moi au présent qui s'y colle. Je n'ai pas l'intention de "traîner". Pas mal de coureurs sont partis tels des bombes, je ne les suivrai pas. Pourtant quelques kms plus loin je n'avais pas l'impression qu'ils étaient très loin.

 

Le 1er kilo ne dure pas. 04' 05" au mile. rapide. J'ai une appréhension, celle qui naît d'entrevoir la deuxième partie du parcours, à ce rythme.

 

Le 2ième kilo est déjà bouclé. 08' 15". Punaise, je vais trop vite et je ne me vois pas ralentir.

On a foulé le goudron des rues du village pour vite emprunter, après une descente, les chemins qui desservent les prés et les fermes alentour.

 

3ième kilo. 12' 40". Petit ralentissement insignifiant sans doute dû au profil ou au sol moins stabilisé.

Les places sont déjà distribuées. Deux partenaires de course que j'accompagnerai jusqu'au bout, un V2 que je commence à connaître et une Espoir féminine habillée de noir. Elle sera mon aimant toute une partie du parcours. (celà me rappelle le récit d'un coureur qui lors de sa course avait cherché vainement à rejoindre celui qui le précédait, tout habillé de noir. Il en avait fait l'axe central de son histoire et le stimulus de sa course) Aujourd'hui c'est une jeune femme en noir que je ne veux pas lâcher.

 

4ième kilo. 17'15". Je n'accuse même pas le coup à la recherche d'un second souffle comme c'était le cas il y a quelques années sur dix bornes.

 

5ième kilo. ça fonctionne bien. J'assure mais sent bien que je vais bientôt le "sentir".

 

Le terrain est très vallonné. Ce n'est que séries qui s'enchaînent de courtes montée et descentes entrecoupées de plus longs faux plats montants ou descendants ce qui fait qu'il faut s'accrocher dans la pente en évitant de changer de rythme même quand elle et trop longue pour relancer aussitôt dans le descente qui suit. C'est assez speedant et excitant mais exténuant.

Il n'y a pas le choix, si tu tempères tu reste plombé et tu vois les autres s'envoler. Alors bien sûr celà devient de plus en plus dur. Mais mes comparses et moi "on en veut".

 

6, 7, 8ième kms. Je les endure. Ils me semblent plus longs que le reste de la course. C'est maintenant qu'elle se fait, qu'il faut que je tienne, Etienne.

De plus le profil offre plus de dénivelé sur chemin forestier. La solution de facilité serait d'adopter un style trail plus "pépère" mais là on ne serait plus dans la course. Alors nous endurons. Pas le choix, si tu ralentis, tu meurs. Un contrat semble nous lier, les trois ; honte à celui ou à celle qui faiblira.

La jeune femme en noir mène toujours la course et je la poursuis comme je peux, limite.

C'est à cet endroit que l'on commence à creuxser. Le Creux de l'Enfer. re brrr... "T'es pas encore descendu" que tu songes déjà à en sortir.

 

J'aborde donc la descente par chemin goudronné confortablement puisqu'elle me permet de récupérer au niveau du souffle et des jambes tout en me rapprochant de ma cible noire. Je gagne de la vitesse en me concentrant particulièrement sur la technique.

Aujourd'hui il ne fait pas chaud mais lorque c'est le cas chaque progression de cent mètres voit monter la température d'un degré ; foi d'un coureur qui a déjà couru dans ces conditions ; moi-même précisément. Résultat : quand vous êtes en bas au moment où l'organisme ressent le plus la course vous êtes dans un four. Bien sûr dans ces entrailles diablesques, vous ne voulez rester et vous trouver de fait la force de vous en sortir. Mais c'est dur. (un ravito était positionné à cet endroit et personne ne l'utilisait, certainement parce que chacun avait le feu au c.... Maintenant y'en a plus puisqu'il ne servait à rien. non.... je blague).

Aujourd'hui le temps est tel que l'expérience est à peine éprouvante.

 

8ème kilo, 37' ; 9ième kilo ; 41' ; 10ième kilo ; 45'30".

Dans la montée je remonte ma concurrente number one positionnée deuxième féminine si l'on en croit les spectateurs. Nous restons toujours vaillants ainsi que le troisième lascar qui nous suit de très près. La moyenne au kilo a certes bien baissé.

Rapidement nous affrontons la deuxième descente qui nous amène à passer devant une ferme et remontons aussitôt de l'autre côté.

A partir de cet instant c'est l'ascension quasi continue jusqu'à la fin d'où l'intérêt d'en avoir gardé sous la semelle sous peine de scotcher. On peut imaginer la dureté de la course si on veut qu'elle ressemble à un 10 000. Jusque là on s'est dépensé sans compter et celà doit continuer sans répit.

Mais le groupe de trois dont je fais partie tient le choc même si les positions ont changé. Vous avez deviné que je suis passé devant ; je le dis aussi aisément que si j'avais été à la traine derrière ; j'ai un bon esprit sportif, je ne cache jamais quand je suis en bonne position.

Les derniers kilomètres (cette fois-ci je met le mot en entier pour faire la distinction d'avec les kilogrammes, ce qui permettra de rendre compréhensible le récit.)(note de l'éditeur : qu'est-ce qu'il est lourd... pfuitt!...), parce qu'il se font dans un bon rythme que j'ai su trouver et garder, j'en ai eu la sensation à un moment et c'est à cet instant que j'ai su que j'allais aller jusqu'au bout sans défaillir, ont été rapides dans ma tête et sachant exactement où je me trouvais j'ai pu gérer le final sans problème, ainsi la dureté s'est faite sentir différemment des 6, 7, 8ième kilos durant lesquels je n'avais pas encore trouver le rythme adéquat.

Rapidement les dernières centaines de mètres à parcourir se présentent, je maintiens le tempo et perçoit vite les bruits caractéristiques émanant de la zone d'arrivée. On m'attend. J'apprécie. Arrêt du chrono. 51' 03". 13km 330 à l'heure. Satisfait et rassuré (c'est incroyable comme on a toujours besoin d'être rassuré) (note de l'éditeur : la vérité, c'est qu'il s'en contrefiche mais ça plait aux lecteurs et surtout aux lectrices qui s'identifient).

 

En terme sportif j'ai réussi ce test qui me permettra de faire des plans sur la comète.

Mes compagnons de course sont classés dans la même minute. On forme le trio gagnant. J'ai souvent eu l'impression que l'on était que trois à courir, ceux devant était devant, inatteignables, ceux derrière n'étaient pas perceptibles (toujours on ne les voit pas mais souvent on les devine).

Impression seulement si l'on regarde les places au classement général. La concentration de la course se fait sur ce qui peut la stimuler. Aujourd'hui je faisais fi de presque tout et ne m'attachait qu'à un espace proche et restreint habité par deux coureurs dont une féminine que je salue et remercie de leur sportivité (ils ne m'ont pas donné de coups de coude lorsque je les ai dépassé).

Tiens, on devrait faire équipe de trois sur le trail à venir des forts. Il ferait la partie montante, elle ferait la partie descendante et moi la partie ravito.

En conclusion une course endiablée, nerveuse, soutenue , emballante, dynamique. Un parcours d'enfer en somme.

Merci aux organisateurs et bénévoles pour cette journée conviviale, familiale et chaleureuse. Je suis tout simplement content. (note de l'éditeur : il est toujours content, lui... heueuereurrr... ; tiens puisque c'est comme ça, je vais lui demander de faire un nouveau récit sur la course à venir dans 2 jours, "faut rentabiliser")

Eh! attends... faut d'abord que je la fasse.

Puisqu'on en parle ce sera le trail du Pont du diable (il a du s'accrocher à mes basques lors du passage dans le creux de l'enfer) à Vaite en Haute saône. 21 ou 22 kms avec peu de dénivelé dont une partie roulante et plate et l'autre avec une première moitié avec des légers dénivelés genre course nature et une deuxième qui voit le retour sur chemins stabilisés. A bientôt ou plutôt à tout de suite mais il vous faudra quand même tourner la page... 

4 commentaires

Commentaire de torchure posté le 04-05-2009 à 16:37:00

Excellent ce CR !!!!

merci

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 04-05-2009 à 19:51:00

Ça c'est du CR détaillé ! Bravo pour cette course d'enfer, aux alentours de 4' au kilo pour démarrer, tu n'as pas peur !

Commentaire de canard49 posté le 05-05-2009 à 07:35:00

Cr très sympa à lire et très instructif, pour une course d'enfer je trouve qu'elle avait des airs de paradis !
Bonne récupération
Alex

Commentaire de Lucien posté le 10-05-2009 à 21:37:00

Salut, très beau récit, je me suis toujours demandé comment etait cette course, maintenant je sais que cela pourrait me plaire. Bien joué pour ton parcours que tu as géré de belle manière. Merci pour les infos et à +.

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