Récit de la course : Trail du pays Dogon 2005, par Madness

L'auteur : Madness

La course : Trail du pays Dogon

Date : 7/3/2005

Lieu : Bandiagara (Mali)

Affichage : 593 vues

Distance : 160km

Matos : Sac à dos avec nourriture lyo pour 5 jours + couchage etc..

Objectif : Terminer

3 commentaires

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Le récit

Mali – Trail du Pays Dogon : le retour.


Bien qu’en cours de première édition, j’aie juré devant les caméras de TV qu’on ne m’y reverrait plus, je suis retourné sous le soleil brûlant du Mali. Pas vraiment pour le côté sportif, bien que j’espérais secrètement mieux me comporter. C’est surtout pour l’aspect humanitaire et humain d’une telle aventure. On est tellement désarmés devant le sourire radieux des enfants qui s’accrochent à vos mains, à vos bras, juste pour le plaisir d’être avec quelqu’un qui leur parle et qui se soucie un peu d’eux. On reste le cul par terre devant la générosité de gens pourtant si pauvres. Alors, pour la deuxième édition du Trail du Pays Dogon, j’ai mis sur pied une action humanitaire avec mon ami Martin. L’opération Eurodogon, à laquelle nombre d’entre vous ont participé généreusement, consistait à récolter de l’argent pour la création d’une laiterie dans le village d’Ouro-Gondo, arrivée de la cinquième et dernière étape. Les 4.000 EUR nécessaires à sa réalisation ont vite été dépassés, pour atteindre un total de pratiquement 7.000 EUR. De leur côté, plusieurs autres coureurs comme Bernard, Henk, Jos, avaient mis sur pied qui un souper, qui une course pour récolter des euros dans le même but. Nous nous sommes donc retrouvés avec un montant de 13.000 EUR, que nous avons finalement attribués comme suit :

1. Pour la station de pasteurisation du lait, nous avons placé sur un compte la somme de 4.000 EUR qui seront utilisés uniquement lors de la réalisation des différents éléments achetés, et sur présentation des factures. Lors de la cérémonie officielle de remise de l’argent, le chef de village nous a offerts des plats remplis d’oignons, d’œufs et un… mouton vivant. Vous imaginez notre surprise devant tant de générosité.
2. Pour l’association des femmes de Bandiagara, dont la présidente est notre principale interlocutrice, nous avons donné 4.000 EUR qui serviront à créer un centre de transformation des légumes (oignons, tomates, ail, pommes de terre). Il s’agit essentiellement du hachage et du séchage de ceux-ci, qui sont ensuite conditionnés en sachets plastiques.
3. A l ‘école de Dourou, village-étape lors du trail, nous avons donné 1.250 EUR pour des fournitures scolaires (à justifier par facture).
4. Au village de Lougouroucombo, nous avons donné 1.250 EUR également.
550 EUR serviront au paiement du traitement d’un enseignant de l’école primaire, qui n’était plus payé depuis 3 mois, et qui pourra ainsi enseigner jusqu’à la fin de l’année scolaire. 700 EUR permettront l’achat d’huile (40 bidons de 20 litres) qui sera distribuée aux mamans qui garantissent en échange d’envoyer leurs petites filles à l’école de manière assidue, pendant toute l’année.
5. Pour le village de Yendouma, nous avons consacré 1.500 EUR à l’achat d’environ 6.000 kg de mil qui seront distribués à la population sous la vigilance d’Assoulou, le guide qui nous accompagne sur la course depuis 2 ans. Il faut savoir que le mil est une céréale qui constitue l’aliment de base au pays dogon et qu’une grosse partie de la dernière récolte a été détruite par une invasion de criquets sur le village. Nous avons aussi donné 715 EUR pour acheter des fournitures scolaires.
6. Au village de Kalibombo, nous avons donné 380 EUR qui seront utilisés pour acheter du mil (1.400 kg).

Côté course, je me suis retrouvé en enfer pendant les trois premiers jours, passant le plus clair de mon temps à m’humecter le corps pour en faire chuter la température, et à fixer le bout de mes chaussures.

Dans la première étape nous menant à Dourou (29 KM), pas trop mal jusqu’au deuxième ravitaillement, où je tente pendant ¼ d’heure de persuader HENK le hollandais de revenir sur sa décision d’abandonner. Il décide finalement de poursuivre avec Luc, Claude, Paul Martin et moi. Mais cinq kilomètres plus loin, c’est moi que la sorcière frappe. Je termine complètement « grillé », à la traîne derrière mes compagnons d’infortune. Eric, le toubib (privé de course suite à une fracture du pied deux jours avant le départ) s’approche sur ses béquilles et me couvre la tête d’un linge très humide. Ca fait un bien fou et me retape rapidement. En fin d’après-midi, après la fête des masques, nos médecins seront mis à contribution pour soigner une fillette qui vient de se faire renverser par une moto. Ils réduiront la fracture ouverte tibia-péroné. Bravo à toute l’équipe médicale.

La deuxième étape nous voit faire 3 km jusqu’à la falaise que nous descendons tôt le matin, avant d’aborder 30 Km de sable mou. Galère toute la journée. A chaque arrêt sous un arbre salvateur, on vide nos chaussures de tout le sable qui s’y est immiscé. Marre de boire de l’eau chaude ! Alors, quand on s’arrête dans un village pour boire un coca et que « l’aubergiste » nous propose un matelas pour nous reposer, Martin et moi, on n’hésite pas un instant et on s’allonge ¼ d’heure. Ce jour-là, on joue à l’élastique avec Andréa et Josef (les 2 petits suisses) qui s’accordent aussi fréquemment de petites haltes à l’ombre (où il fait quand même 40°). Les ravitailleurs du deuxième poste sont aux petits soins pour nous. Amélia, le toubib, nous file un sachet d’ORS pour nous réhydrater et Fernand nous prépare une petite soupe. « Vous êtes des mères pour nous ! ». Quand on aperçoit enfin la dune d’arrivée, on retrouve un peu de moral, d’autant qu’on est encouragés par les concurrents déjà arrivés et qui sont redescendus se reposer à l’ombre d’un grand arbre. Le problème, c’est qu’il faut monter tout en haut. Tirer les 8 Kg du sac à dos. A mi-montée, j’ai l’impression que mon cœur va éclater et je m’arrête un instant pour souffler. Une fois au sommet, je m’écroule à même le sable, puis je récupère relativement vite. Après une courte soirée devant un bon feu de bois, je passerai ma seule nuit du séjour sous tente car d’une part, le vent au sommet de la dune est violent et d’autre part on signale qu’il pourrait y avoir des scorpions.

Au matin de la troisième étape, la plus courte du séjour (19 KM), le lever du soleil nous donne une vue magnifique sur les dunes et les falaises. Mais la joie sera de courte durée car après seulement 7 KM, j’ »explose ». Non seulement, Martin est devant, mais de nombreuses personnes (dont la formidable Mymy) m’ont dépassé. Qu’est-ce que je fous dans cette galère ? Au ravito (10KM), on me débarrasse de mon sac à dos et on m’asperge d’eau. Et subitement, mes yeux sont submergés par des larmes incontrôlables, qui vont s’écouler pendant quelques minutes. Je ne réponds aux questions que par des mouvements de tête. Je n’en peux plus mais… je ne peux me résoudre à abandonner, même s’il faut terminer sur les mains, je terminerai. Alors, je repars, accompagné de Luc, qui n’est pas trop bien non plus. Pendant quelques kilomètres, on n’échange pas un mot. La présence de l’autre nous suffit. Cinq, six kilomètres plus loin, lors de la traversée de Koundou , j’interpelle un dogon et lui demande où on peut se procurer une boisson fraîche. Nous nous arrêtons quelques instants pour nous désaltérer et discuter avec les villageois, ce qui nous fait le plus grand bien. Je terminerai l’étape un peu derrière Luc, accompagné de deux gosses rieurs qui me tiennent la main. Vu que l’étape à été courte, je profite ensuite de tout l’après-midi à Yendouma pour bien me reposer et essayer de manger correctement car depuis le départ, pas grand chose ne passe. Après un bon repas de pâtes au ragoût de mouton, je me couche une nouvelle fois à la belle étoile et peux encore admirer un ciel où brillent cent, que dis-je, mille fois plus d’étoiles que chez nous. Quelle merveille !

Lever à 4H30 pour cette rude quatrième journée du marathon. 42 KM qui font peur à tout le monde. On s’élance prudemment vers 6H30 et après quelques kilomètres, on doit déjà franchir les Yougas, massif rocheux qu’on escalade hors chemins ou sentiers, avant de redescendre dangereusement de l’autre côté. A mi-escalade, mon cœur s’emballe un peu et je me pose sur une pierre, laissant filer mes compagnons. Prudence, car la journée risque d’être longue, d’autant qu’à 7 H, il fait déjà 35°. Une fois dans la plaine, je cours à allure modérée pendant quelques kilomètres lorsque j’entends crier derrière moi. C’est Martin que je croyais devant, et qui s’était égaré dans la montée. Il m’avait attendu sans savoir que j’étais déjà devant. Nous arrivons sans trop de peine au pied de la falaise (deuxième ravito) où Philippe nous encourage. Il y a un monde fou dans l’ascension. Nous sommes accompagnés d’hommes et de femmes qui montent avec des casiers ou de gros paquets sur la tête. Vraiment impressionnant. Une fois au sommet de cette deuxième difficulté, il nous reste 25 KM. Le moral est bon, à tel point que je rate presque le troisième ravitaillement où Bernard nous aide à remplir nos bidons. Une dizaine de kilomètres plus loin, petite halte-repas. On fait un petit feu et on se prépare des soupes. Alors que Jean-Marie s’apprête à repartir, nous sommes rejoints par Paul qui profite de notre feu pour se restaurer aussi, puis c’est au tour de Gérard (le français) qui est complètement « à la ramasse ». Après l’avoir encouragé, nous repartons ragaillardis et finissons l’étape sans gros problème, après avoir donné une petite interview à l’équipe TV. A l’arrivée, on nous apprend que l’équipe médicale est de nouveau à l’ouvrage pour opérer Marc (un autre français) qui s’est fait renverser par une moto et souffre d’une jambe. Il devra malheureusement abandonner et patienter six semaine avant de pouvoir recourir.

A l’aube du cinquième jour, tout le monde sent l’écurie et voudrait avaler les 29 KM qui séparent Lougouroucombo d’Ouro-Gondo. Les 10 premiers kilomètres sur une piste poussiéreuse sont franchis relativement vite. Ensuite, on s’engage sur un parcours tracé à travers la savane, assez technique et souvent hors chemins. Puis viennent de longues lignes droites interminables, en plein soleil. Pas un coin d’ombre. L’allure chute. Au deuxième ravito, Bernard et Louis nous rafraîchissent. Nous repartons pour un long tronçon de piste en plein soleil. La faim se faisant sentir, nous dégustons de délicieux petits saucissons secs. Il ne manque que le pastis… Nous quittons la piste à droite (contrairement à certaines distraites comme Mymy ou Dominique) et nous engageons dans un petit sentier sablonneux où nous sommes rejoints par Luc, le temps d’une photo, qui nous laisse ensuite souffler sous un petit arbre. On aperçoit enfin Bandiagara en point de mire. Nous y sommes rejoints par quelques gamins rencontrés en début de séjour et avec qui nous avions sympathisé. Ils feront les derniers kilomètres avec nous. A l’arrivée, j’avais promis une surprise à Manu et à Jessy. Je termine sur les mains, Martin me tenant les pieds. Nous tombons ensuite dans les bras de Fernand, un des co-organisateurs. Quelques bières fraîches sous la tonnelle d’arrivée, puis retour chez Pol TOGO pour pouvoir enfin se doucher et se raser. On était devenus méconnaissables. Ensuite, petit passage par la piscine du gros hôtel de Bandiagara et retour au TOGONA où les villageois d’Ouro-Gondo, heureux de l’aide apportée pour la laiterie, nous ont organisé une petite fête et nous invitent à danser avec eux. Après cela, la soirée de remise des prix sera longue et bien arrosée…

Le dimanche est journée de repos. La grande majorité des concurrents se rend à Mopti en minibus affrêtés par les organisateurs. Nous sommes quelques uns à vouloir plutôt flâner et adopter le rythme de vie local. Nous prenons donc la direction de Bandiagara où nous nous promenons main dans la main avec des dizaines de gosses. Le midi, nous mangeons dans le restaurant de Souris (le concurrent malien qui termine 2ème au classement final). Nous prenons notre temps et discutons avec l’un ou l’autre malien qui entre s’asseoir quelques instants, puis repart. Nous faisons connaissance avec une brave dame qui s’occupe de garder des enfants que les mamans lui confient pour quelques moments, les prenant nous aussi dans nos bras. Louis a même du changer de pantalon, une petite lui ayant laissé un petit cadeau humide…
Ensuite, nous prenons un taxi qui nous emmène sur les lieux de culture maraîchères, situés à proximité des barrages et ou on trouve encore de l’eau. Quel contraste, ce vert à côté de l’immense sécheresse ! Ensuite, retour à l’hôtel pour le souper, suivi d’une soirée dansante, interrompue par une petite pluie d’orage. Les plus robustes se couchent vers 4-5 H mais leur tête n’est pas des plus belles à voir au petit déjeuner (hein Manu !). 9H30, les minibus arrivent pour nous emmener à l’aéroport, chercher « cet avion que ces maudits européens nous envoient déjà » (dixit Fernand). C’est le moment des au revoir, le cœur serré. Et quelques heures plus tard, le dur retour à la réalité. C’est vrai que le temps s’était arrêté…

Pour ceux que cela intéresse, les photos et le reportage TV sont disponibles sur le site des coureurs célestes : http--users.skynet.be/lescoureurscelestes/ à la rubrique "rétrospective".

3 commentaires

Commentaire de L'Dingo posté le 23-03-2005 à 01:29:00

Quel beau CR dépaysant.

on colle à ton récit des images classiques que l'on voit à la télé et tu nous fais passer l'émotion propre à ton expérience de ce raid.

si tu avais quelques images de ton aventure pour agrémenter ce CR, alors ce serait terrible.

et bravo encore pour l'aspect "humanitaire" et hors compétition de ton engagement.

"Soyons Fous"
L'Dingo

Commentaire de climber posté le 23-03-2005 à 18:18:00

Chapeau bas Messieurs
L'aventure humaine n'est pas autre que celle la. OUI, des photos, pour faire se continuer l'emotion de ton récit. On doit y gagner des vies en faisant partager autant d'humanité...
Maximum Respect
Climber

Commentaire de Olivier91 posté le 21-01-2006 à 20:23:00

Pour info, le Marc qui se fait opérer dans le CR a recouru 6 semaines après et 3 jours après sa reprise, il s'est fait renverser par une voiture lors d'une sortie en vélo. Son casque a explosé et sa hanche a pas mal pris. Résultat, encore un arrêt de plusieurs semaines. On le retrouve tranquille sur la montée du Nid d'Aigle à St GErvais puis il termine l'UTMB en 36h et des brouettes .

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