Récit de la course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous 2007, par jyr84

L'auteur : jyr84

La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous

Date : 19/10/2007

Lieu : ST PHILIPPE (Réunion)

Affichage : 2825 vues

Distance : 150.1km

Objectif : Pas d'objectif

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La diagonale qui porte bien son nom (GRR)

Il y a 3 ou 4 ans, cela avait failli se faire mais les congés des uns et des autres ne correspondaient pas.Cette fois, ça y est, le 14 octobre nous posons le pied à St Denis, Ile de la Réunion. Objectif : vacances certes … mais surtout, GRR (Grand Raid de la Réunion ou Diagonale des Fous).Petite mise en jambes, en début de semaine, avec une ballade sur le Volcan, le Grand Bénare, ….Puis mercredi 17/10, c’est la remise des dossards. C’est là que l’épreuve commence. 3000 traileurs sur le stade de la Redoute (2200 pour le GRR et 800 pour le semi raid. Tiens, ici aussi ils ont une « course pour enfants » !!).Tout semble bien organisé avec 7 ou 8 files d’attente correspondant aux numéros de dossard (de 1 à 300, de 301 à 600, …) sauf que j’ai choisi la mauvaise file ou plutôt que j’ai hérité d’un mauvais numéro : le 508. C’est la seule file qui n’avance pas. Résultat : 2 à 3 heures d’attente pour obtenir le précieux sésame. Alors on prend son mal en patience, on discute … tout cela pour constater qu’il n’y ne reste que notre file sans qu’il ne soit possible de basculer sur les autres qui sont désespérément vides. Enfin, j’en passe et des meilleures et après prise de renseignements, il s’agissait de 3 petites nouvelles et elles étaient un peu perdues …. Puis direction les sponsors pour récupérer lentilles, riz, lotion anti-moustiques, crème solaire, ….Jeudi, repos et préparation du sac puis se sera direction Cap Méchant pour le départ qui est prévu à minuit.En attendant, nous révisons les différents lieux de rendez-vous où Muriel me portera de quoi me changer. Ce sera Piton Textor, puis Mare à Boue, puis Cilaos : non (trop de virage) et …. à l’arrivée.Il est l’heure, enfin presque. Quelques instants d’attente. Un « spectateur » me dit quelques mots en créole, je fais des petits signes de la tête mais en réalité je ne comprends rien à ce qu’il me dit. Puis c’est l’ouverture des portes. Ca se bouscule un peu car nous entrons par petits groupes pour ne pas saturer les postes de contrôle des sacs. Tout est OK. Nouvelle attente. Tiens, voilà Marco Olmo, je sors mon plus « bel accent italien » pour lui demander si ça va et lui souhaiter bonne course. C’est bizarre, je suis dans un état serein, décontracté qui ne laisse pas supposer que dans quelques instants je vais prendre le départ du Grand Raid de la Réunion.

Plus que quelques minutes, les coureurs se regroupent derrière la ligne de départ puis c’est le compte à rebours 10, 9, 8, 7,…. la foule est libérée avec quelques secondes d’avance.

Les favoris sont déjà loin quand j’arrive à passer le goulot d’étranglement de la sortie du stade. Enfin, je peux prendre mon rythme de croisière, pas trop rapide car cela promet d’être long mais il ne faut pas trop traîner non plus pour éviter les bouchons, un peu plus tard, lorsque nous attaquerons la montée vers le Volcan. Quelques kilomètres de bitume où la foule est nombreuse à nous encourager puis c’est un virage à gauche qui nous entraîne sur une piste à travers les champs de canne à sucre. Certains marchent, d’autres ont plutôt une allure de semi. J’essaie de maintenir cette vitesse le plus régulièrement possible. Bien se ravitailler, penser à boire régulièrement, ne pas s’enflammer : ce sont des petites phrases que je me répète souvent. Sur ce début de course, il n’y a pas beaucoup de conversation. Après une quinzaine de kilomètre de route, de piste et 700 m de dénivelée, j’arrive au premier ravitaillement qui marque également le vrai début de la montée vers le Volcan. Je me sens bien, petit arrêt pour faire le plein et en avant pour les 1600 m de grimpette non stop. Comme je le disais précédemment, il s’agissait de ne pas trop traîner pour éviter les bouchons, j’ai pourtant trottiné tout le long et c’est en file indienne qu’on attaque la montée. Changement de décors, le chemin (enfin faut le dire vite) s’enfonce dans la forêt. Il s’agit en réalité d’une ravine défoncée par les racines et les pierres. Dès qu’il semble y avoir un passage tranquille, c’est la boue qui remplace les racines. Malgré cela, certains essaient de doubler, c’est une grosse de prise de risque pour un gain de temps infime. Ca monte doucement mais sûrement sauf sur 2 ou 3 passages plus techniques où cela coince un peu. Surprise ! il y a des arbres qui ont des épines, le concurrent qui me suit en fait les frais. Les langues se délient dans cette partie, il est vrai que la progression est lente. Les arbres commencent à s’éclaircir, l’altimètre annonce 1600 m, les pierres et la roche remplacent la boue et les racines. En me retournant, j’aperçois les lumières de St Philippe, St Joseph sur la cote. La montée est un peu moins raide sur cette partie. L’horizon sur la droite commence à rougir. Le jour sera bientôt là. Cela promet de belles photos.

Il fait jour maintenant sur Foc Foc. Le parcours est vallonné sur le Rempart. La vue est superbe sur le Volcan et sur la caldeira.

 Il est presque 7h du matin quand j’arrive au ravitaillement du Volcan en 1012ème position.

Donc, me voici au ravitaillement du Volcan au 31ème km. Pour l’instant, tout va bien. Apparemment, ce n’est pas le cas de tout le monde si l’on juge l’état de fraîcheur de certains concurrents. Une petite soupe de pâtes, quelques morceaux de banane, le plein du camelback et je repars super motivé : c’est vrai qu’au prochain ravito, je vais retrouver Muriel. Cette partie est plus cool avec la plaine des sables avant d’attaquer l’Oratoire Ste Thérèse.

Heureusement, il n’est que 8 heures du mat  et la chaleur est supportable. Je pleins ceux qui vont y passer dans 2 ou 3 heures. Ici, c’est un décor minéral, lunaire pas la moindre petite parcelle d’ombre. Les 300 mètres de l’Oratoire avalés, j’attaque enfin la 1ère descente, 37 km que j’attends ça. Je vais pouvoir enfin m’amuser mais surtout voir comment réagit le genou. La descente n’est pas très prononcée ni très technique mais bon, le genou ne se manifeste pas. Ah, Piton Textor en vu (40ème Km). Petite montée avant d’arrivée au ravito, ça tombe bien, j’arriverai moins vite pour le film. Muriel n’est pas une pro de la vidéo !

Il est temps de se changer. La température s’est nettement réchauffée. Ils annonçaient environ 4 à 5°C au petit matin sur le Volcan. Maintenant, c’est plutôt 25°C. Je remplace les manches longues par une manche courte et surtout je prends soin de mes pieds. Ca à l’air d’intéresser la télé (c’est de là que vient la vidéo remarquée par Serge). La stratégie de course, c’est : pas de sac laissé à l’organisation (confiance limitée) et tout sur le dos. L’inconvénient, c’est que c’est lourd à porter et que chaque kilo en trop est un handicap à la longue.Un dernier bisou avant de partir (c’est incroyable ce que cela peut donner comme force …) et c’est parti pour une dizaine de km de descente, descente plus prononcée à travers les prairies et les vaches. Le problème avec les vaches, c’est qu’il y a des clôtures et là-bas, il n’y a pas de porte pour passer mais des petites échelles pour enjamber la clôture. Cette partie est malgré tout agréable, le sol est souple, sans boue. Cette fois, je suis définitivement rassuré pour mon genou. C’est la fin de la descente, une piste en béton nous emmène jusqu’au poste de Mare à Boue. Partie un peu délicate, car entre la traversée de la RN3 et les assistances des concurrents, c’est franchement le B….. sur les 2 ou 3 derniers km. Il y a des endroits où il n’y a même pas moyen de passer avec les voitures au milieu. Enfin, il n’y a pas que moi qui suis gêné puisque Muriel est prise dans les embouteillages et on va se rater de quelques minutes.Mare à Boue, 50ème km (déjà le 1/3 de fait) et 788ème après 9h43mn de course.

Le temps change. En l’espace de quelques minutes, le brouillard envahit la plaine de Cafres. Qu’à cela ne tienne, je m’accorde une petite ½ heure pour me restaurer : poulet rôti avec des pâtes (pour changer), délicieux le poulet, soupe de …. vermicelle et tout ce qui faut pour remettre sur pieds un traileur car c’est reparti pour un quinzaine de km de montée, pas très raide mais très chaotique pour ne pas dire plus. Après le brouillard, c’est la pluie qui fait son apparition. Cette pluie va rendre cette partie encore plus problématique car en plus des racines, des pierres c’est la boue qui entrave la progression. Au départ, cela ressemble à la fin de la descente précédente avec prairies, clôtures et échelles puis cela se transforme vite bourbier. Le coteau Kervegen va faire pas mal de dégâts. A en croire les habitués, cela a rarement été aussi dur et on est pas encore à la moitié.

Ce passage est dur pour le moral. Il n’y a pas de repère, ça n’arrête pas de monter, de descendre. Difficile d’évaluer où l’on en est.Pour prendre du dénivelé, rien de tel qu’une échelle ! C’est comme si les racines ou les rondins de bois ne suffisaient, ils ont mis des échelles pour corser la difficulté. Le terrain commence à changer, les arbres sont plus petits et les racines laissent place aux champs de pierres. Ah, c’est bon signe, je viens de dépasser le chemin qu’on aurait du prendre mais qui a été fermé par l’ONF. Effectivement, quelques minutes après, j’aperçois le refuge de la Caverne Dufour. C’est là que l’on bascule sur Cilaos. C’est le point culminant du Grand Raid : 2478 m. Maintenant que l’on a bien monté, il faut descendre et c’est 1300m de descente pour Cilaos. La pluie s’est arrêtée mais la descente est bien humide.Le chemin n’est pas large au début mais c’est « raide » voir « très raide ». Je commence à doubler quelques concurrents. La descente technique, ça me plait. Je garde le « pied sur le frein » tout de même pour ne pas me griller. Le chemin s’élargit, ce sont de véritables marches d’escalier (pas régulières du tout) faites de rondins ou de planches. Le bois mouillé, comme casse gueule y a pas mieux ! Mais bon, je fais avec et je continue « à envoyer ». Dans ce type de descente, je m’éclate réellement (dans le bon sens du terme). Tut ! Tut ! cette descente ne plait pas à tout le monde. La descente commence à s’adoucir, Cilaos se rapproche. J’arrive sur la route. Encore 2 ou 3 km et ce sera une nouvelle étape et la moitié du parcours.Cilaos, 70ème Km et 659ème, il est 15h13.En arrivant dans Cilaos, les concurrents sont chaleureusement encouragés et les « Allez Jean-Yves », « Bravo … », « Félicitation … » remontent le moral mis à mal par la pluie et le brouillard.Cilaos ?? C’est un peu le bazar dans le stade, pas d’explication, avec des tentes un peu partout, le ravito caché dans une salle sur le côté et le point d’eau pour remplir le camelback à la sortie du stade. Mais bon, il suffit de demander. Nouvelle petite pause avec un peu de poulet grillé, jambon, …. il n’y a pas de raison de changer puisque c’est bon et que l’estomac supporte. Une petite ½ heure de pause où j’ai pris le temps de me restaurer et de me nettoyer les jambes de la boue. C’est la fête des Lentilles à Cilaos, alors il faut être présentable.

En sortant de Cilaos, on traverse la fête et c’est sympa. Maintenant, on prend la direction du col du Taïbit et le cirque de Mafate via la cascade de Bras Rouge. La première partie est en descente, jusqu’à la cascade.

Cette portion, je l’ai reconnue mercredi avec Muriel. Donc pas de surprise, d’autant que la descente est relativement facile même si il faut faire attention sur certaines marches. Par contre, la seconde, c’est une autre paire de manche avec la remontée vers la route qui mène à l’Ilet à Cordes puis le Taïbit soit 1200 à 1300 m de dénivelée. La montée est raide mais je monte régulièrement. Je me fais doubler par quelques concurrents qui au passage me laissent quelques mots d’encouragement. Chacun son truc, pour certains ce sont les montées, moi c’est plutôt les descentes. Petite halte en arrivant à la route pour faire le plein (504ème), puis j’enchaîne sur le Taïbit. Je regarde la montre à plusieurs reprises et je dois me faire une raison, la descente sur Marla se fera avec la frontale, tant pis. Je retrouve quelques gars qui sont en difficulté dans cette montée. On commence à entrevoir le col dans le crépuscule. Dans quelques minutes je serais au col. Il est maintenant temps de sortir la frontale. La descente n’est pas très longue mais de nuit il faut faire attention. Une frontale sur la tête et l’autre à la main me permettent de lire assez bien le chemin et les pièges éventuels. Je commence à ressentir des échauffements aux pieds. Seraient-ce des ampoules ? Il est temps d’arriver à Marla.Marla , 83ème Km en 463ème position. Il est 19h43.Ici, les bénévoles sont survoltés. C’est en musique que je prends ma traditionnelle soupe de pâtes et mon poulet. Puis il est temps de se changer et de vérifier ce qui se passe au niveau de mes petits pieds. Dans un premier temps, je décide de rester en cuissard avant de vite me raviser et de prendre le collant et  la veste car il fait franchement froid. Les pieds, eux, ne sont pas très frais mais ce ne sont que des frottements. Un peu de vaseline récupérée auprès des secouristes devrait faire l’affaire. Il faut repartir. J’hésite un peu, j’attends un instant que quelqu’un m’accompagne puis je me résous à partir seul.Le départ de Marla n’est pas trop indiqué, j’hésite encore puis trouve le chemin qui descend vers la rivière à Galets à travers de gros rochers. C’est dommage de faire cette partie de nuit, je m’imagine au milieu de décors magnifiques. Je suis maintenant la rivière où les crapauds buffle s’en donnent à « cœur joie ». Je regrette déjà de m’être couvert autant. Dans le fond de Mafate, il fait un peu meilleur. Nouveau ravitaillement à Trois Roches avant de remonter vers Roche Plate. Là encore, c’est un passage difficile, pas de repère, ça monte, ça descend, puis ça remonte, puis… Pas le moindre indice pour deviner où cela va finir. Tiens une lumière … mais elle ne bouge pas, cela doit être une étoile. « Tu te tais et tu marches » de toute façon, il n’y a que ça à faire, on n’y voit rien dans cette nuit noire. Le chemin change de direction et commence à descendre plus régulièrement. Puis, quelques clameurs sortent de nulle part, puis la lumière, une vraie lumière de lampadaire. J’arrive à Roche Plate.Roche Plate, 90ème Km,  458ème. Cela fait 23 heures et 18 minutes que le départ a été donné.Ici l’ambiance est du même style qu’à Marla. Un concurrent arrive, à peine s’est-il fait badger que les bénévoles se mettent à chanter « Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, …. » et lui apporte une bougie à souffler.Je suis à la recherche de piles. Je sens qu’une de mes 2 frontales commence à fatiguer. Un des bénévoles fait le tour, vide sont appareil photo se met en quatre pour me rendre service. Malheureusement, il lui en manquera une. Tant pis je ferais sans. Une nouvelle fois je repars seule vers la Nouvelle (nouvelle ….. Nouvelle : c’est pas mal non ?).

Quand je vois les photos, je ne regrette pas d’y être passer de nuit tant le chemin à la limite du dangereux. A plusieurs reprises, j’ai essayé d’éclairer le fond avec ma frontale mais … Par endroit, le chemin n’est vraiment pas large et les mains courantes ne sont assurément pas superflues.

 

Sans prendre de risque, j’arrive de nouveau à la rivière à Galets qu’il faut traverser à plusieurs reprises sur lesdits « galets ». Non, il n’y en a pas « dix » mais un certain nombre et ils sont relativement espacés pour rendre embêtant le franchissement, surtout de nuit. Ce n’est pas le moment de prendre un bain.

On n’y voit rien mais il est fort à parier que même de jour on se poserait la question face à ce mur « mais par où va-t-on passer ? » Finalement, 2 échelles de 2 à 3 mètres nous permettent de récupérer un sentier en lacets avec de nombreuses mains courantes. L’avantage, c’est que dans ces conditions, on reprend vite de la hauteur.C’est vrai que ces 2 passages (descente et remontée) doivent être magnifiques de jour mais relativement casse gueule sous la pluie par exemple.Dans cette montée, je croise plusieurs gars enroulés dans leur couverture de survie. Certains doivent dormir car je n’ai pas de réponse lors que je leur demande si ça va, pour d’autres c’est plutôt la question qui fâche avec une réponse maugréée du genre « ouais ».Enfin la pente s’adoucit et le chemin s’élargit avant d’arrivée à la Nouvelle.La Nouvelle 98ème Km en 415ème position (je remonte toujours). 2 heures 20 du matin, l’heure où les « braves » dorment normalement. Je ne l’ai pas dit auparavant mais lorsque l’on prend la décision de franchir le col du Taïbit, c’est pour aller au bout. Car lorsque l’on entre dans le cirque de Mafate, il n’y pas d’autre moyen d’en sortir qu’à pied : pas de voiture, pas de route (à la rigueur, il y a l’hélico mais la nuit ….) donc après la Nouvelle, il faut enchaîner au moins jusqu’au départ du sentier Scout, soit près de 30 Km.Ici, il n’y a pas de structure pour se reposer mais il y a plusieurs traileurs enroulés dans leur couverture de survie ou dans un sac plastique, allongés à même le sol. Cela ne doit pas être facile de dormir dans ces conditions. Moi, je ne vais pas m’éterniser car il ne fait vraiment pas chaud. Je prends le temps tout de même de refaire le plein et de prendre quelques renseignements sur le déroulement de la course. J’apprends que Thierry Chambry est le grand vainqueur de cette 15ème édition (je suis au 98ème km alors que lui est déjà douché, massé, ….), que Vincent Delebarre a abandonné, …Il est temps de prendre congés, de prendre la direction de la plaine des Tamarins, puis du col de Fourche. Je repars avec un petit groupe. La pente n’est pas très prononcée mais nous progressons lentement. Ce coin doit être très humide, le chemin est jonché de rondins de bois plus ou moins jointifs, plus ou moins gros mais franchement mouillés et glissants. On aperçois, au loin, un grand « feu de joie ». Plus on s’en rapproche, plus c’est bruyant. Ce sont des secouristes. Le groupe s’amenuise petit à petit. Certains en ont profité pour faire une pause et se réchauffer.J’arrive au col de Fourche sans trop de difficulté bien que les kilomètres et la deuxième nuit blanche (même si elle est totalement noire) commencent à peser sur l’organisme. Je bascule vers la plaine de Merles. Le début de la descente est technique sur un sentier humide et perturbé (je sais, il n’y a pas que le sentier …). Tiens, je viens de quitter (provisoirement) le cirque de Mafate pour le cirque de Salazie.Le reste de la descente est plutôt cool jusqu’au ravitaillement de la plaine des Merles. Une petite pause de courte durée …. qui ne va s’allonger un petit peu car une envie pressante …. Enfin, je vous passe les détails mais j’en profite pour m’isoler ….Le jour commence à se lever, je vais pouvoir recommencer à profiter de ces paysages magnifiques. Il reste encore un bout de descente avant d’arriver au sentier Scout. Cela fait bientôt 30 heures de course lorsque j’atteints le départ du sentier Scout en 367ème position. Si l’on me demande quel est le passage le plus beau, j’aurais beaucoup de mal à choisir mais je dirai peut être celui-là. En effet, c’est un enchaînement de petites descentes puis de montées pour passer de ravines en ravines toutes plus accidentées les unes que les autres, puis c’est un sentier en balcon avec une vue splendide sur une partie du cirque de Mafate (eh oui, j’y suis revenu) avant d’arriver sur une crête, pas très large (1 m par endroit) avec de jolis « fossés » de chaque coté (quelques centaines de mètres). Je ne sais pas si c’est l’effet du soleil levant mais je me suis un peu enflammé sur ce sentier et je commence à avoir quelques difficultés d’autant que ça descend plus franchement et que le sol est beaucoup plus hostile (pierres, racines, escaliers, …) avant d’arriver à Ilet à Malheur. Je ne suis pas superstitieux mais j’espère que cela ne va pas me porter la poise. Heureusement, il n’en sera rien.

Il reste une bonne grimpette, rien de tel pour calmer les ardeurs avant d’arriver à Aurère.

Aurère, 115ème km, 31h27 de course et je progresse toujours 333ème.  Il est pratiquement 7h30 du matin. La température s’est nettement réchauffée. Je profite de la présence d’une chaise libre pour savourer un moment de repos avec ravitaillement et petit strip tease dans l’école (je quitte ma tenue de soirée pour une tenue de jour mais rassurez-vous ce sont les vacances scolaires à La Réunion). Au cours d’une discussion, j’apprends qu’une des infirmières bénévoles est d’Aix (le monde est petit …). Il y a là un gars qui est bien mal en point, il attende apparemment l’hélico pour une évacuation (on est de nouveau dans Mafate donc aucun autre moyen de locomotion).Après ce petit repos mériter, il faut repartir. Ce n’est pas toujours facile car on est tellement bien accueilli et ce quelque soit le poste de ravitaillement, qu’il faut parfois ce faire violence et plus les kilomètres passent plus il est difficile de repartir. Mais il suffit de ce dire qu’au prochain ça sera encore mieux …Me voilà reparti, toujours en descente pour retrouver une nouvelle fois la rivière à Galets, descente toujours aussi physique avec de grosses marches. J’ai l’impression que les marches sont de plus en plus hautes, à moins que ce ne soient les jambes qui se raccourcissent avec la fatigue.On recommence, avec le jour, à croiser pas mal de monde sur les chemins et pratiquement à chaque fois ce sont quelques mots d’encouragement. La descente finie, le parcours suit sur près d’un kilomètre la rivière mais c’est un coup à droite, un coup à gauche et il faut la traverser à 4 ou 5 reprises toujours en sautant de pierre en pierre (là-bas, il n’y a pas de pont). On a même le droit à quelques dizaines de mètre sur le sable. Tiens un photographe, j’ai l’impression qu’il n’attend qu’une chose : pouvoir immortaliser une belle chute sur ces maudits galets. Ben non, ce ne sera pas pour moi. Cela aurait fait désordre d’arriver tout mouillé à Deux Bras plage.Deux Bras, 125ème Km, 33h19 de course et pour la 1ère fois j’ai perdu 3 places (336ème) mais je repartirai en 324ème position.Un peu plus de 20 mn d’arrêt où je prends un bon ravitaillement (poulet, pâtes, laitage, …) avant d’attaquer la dernière grosse montée du parcours. Il est pratiquement 10 heures du matin et la chaleur commence à se faire bien présente. Je sens que la montée va être longue et dure. Le sentier n’étant pas trop balisé au départ, je tâtonne pour trouver la bonne direction. Le début est en plein soleil, heureusement le sentier entre vite sous de grands arbres. C’est pourtant bien la première fois que je viens à La Réunion et j’ai cette étrange impression de connaître cette partie du parcours. Je vais garder cette impression pratiquement jusqu’à l’arriver. J’ai dû venir ici dans une autre vie !!Comme pressenti au début, la montée est dure physiquement et moralement. Il faut enchaîner les montées et les petites descentes. C’est très démoralisant quand on sait qu’il y a plus de 800 m à ce taper pour arriver à Dos d’Ane (ça serait d’ailleurs plus facile d’y monter à dos d’âne). En plus, la montée se corse avec de nombreux passages avec main courante et échelles. C’est mon premier gros coup de barre depuis le départ. Je grimpe vraiment doucement. Je croise quelqu’un qui m’encourage «  allez Jean-Yves, bravo, moi aussi je m’appelle Jean-Yves ». Un moment après, un gars me double, je lui marmonne « c’est quand qu’on arrive » ou quelque chose du genre. Sans s’arrêter, il me décrit la topographie du chemin avec comme dernier indice « quand tu verras la forêt de bambous, tu y seras … ». Je ne sais pas si ces explications m’ont redonné quelques forces mais l’écart se stabilise avec mon « motivateur ». Après de 2 heures de montée, au sortir d’un lacet, j’aperçois les bambous … ça y est, je tiens le bon bout (à défaut de tenir le bambou). Après les explications, ces bambous me donnent un nouveau coup …… de fouet (heureusement ce n’est pas un coup de bambou) et je débouche sur la crête en même temps que Richie. En fait nous rallierons l’arrivée ensemble.Il nous reste à traverser le village pour arriver au stade. En cours de route, Richie retrouve des collègues qui nous accompagnent jusqu’au ravitaillement.Dos d’Ane, 130ème Km (encore une vingtaine de km), 335ème  en 36h07mn.Là, je n’ai qu’a me laissé dorloter, les collègues s’occupent de tout : le plein du camelback, une assiette de pâtes, une boisson, …. Je suis vraiment aux petits soins, mais il est temps de repartir. Un de ces collègues va nous accompagner jusqu’à la Roche Vert Bouteille et la crête. Si depuis Deux Bras, j’avais cette étrange sensation de connaître le parcours, maintenant avec les explications de l’un ou l’autre, je sais vraiment à quoi m’en tenir jusqu’à l’arrivée. Sur la crête, nous traversons un passage très caractéristique du Grand Raid avec un chemin qui doit faire un mètre de large à tout casser et des à-pics de 300 à 400 mètres de chaque coté et pas le moindre parapet naturel (arbres, rochers ou quoi que ce soit) pour vous retenir. C’est encore plus impressionnant que sur le sentier Scout. Le sentier est maintenant très vallonné avec quelques belles montées comme pour grimper à Piton Bâtard. Nous accélérons l’allure, dans cette partie vallonnée, pour essayer de décrocher « les sangsues » comme dit Richie.  A partir de là, le sentier est globalement descendant jusqu’à Colorado même si on a la mauvaise surprise de devoir remonter sur quelques dizaines mètres et cela plus souvent que ne le laissaient présager les souvenirs de Richie ou les explications que nous donnent les personnes croisées ça et là. Après un bout de piste forestière, nous traversons un nouveau passage où il faut faire attention : le sentier des goyaviers avec des racines dans tous les sens. Il est temps d’arriver car je commence vraiment à avoir du mal à suivre Richie. La petite accélération dans la partie précédente à laisser des traces. De plus, les frottements aux pieds que je traîne depuis Marla commencent à devenir insupportable. Mais j’ai mon « motivateur » qui ne cesse de m’encourager et bon ça a l’air de fonctionner pour l’instant. On sort de la forêt de goyavier et c’est Colorado, le dernier pointage.Colorado, 145ème km, 321ème. Il est 15h54mn. Nous nous attardons pas au ravito, juste un petit coca et en route pour la dernière descente. Descente à l’image de celles décrites précédemment avec pierres, racines, ….. On aperçoit le stade de la RedouteJe commence vraiment à souffrir des pieds. Chaque fois que je pose le pied de travers, c’est à dire à chaque fois car il est impossible de le poser à plat dans ce dédalle de pierres, de racines, de trous, … c’est douloureux. Les encouragements de Richie n’ont plus trop d’effet. Il m’attend malgré tout, même si à plusieurs reprises je l’invite à y aller. Même en marchant, je double 2 concurrents accompagnés qui ont l’air dans un sale état (entorse sans doute).On entend les clameurs s’échapper du stade chaque fois qu’un concurrent arrive. Un petit coup de téléphone pour prévenir Muriel  que dans moins d’une heure je serai en bas.Encore quelques instants de souffrance (vite oubliées par la suite) puis nous passons sous le pont. Il est temps d’enfiler le tee-shirt officiel (le règlement nous demande de porter le tee-shirt fourni par l’organisation au départ et à l’arriver). Muriel est là. Ca fait vraiment plaisir de la revoir. Elle semble émue et fier de son mari. Il reste 500 m avant d’entrer dans le stade. Cette dernière ligne droite s’effectue en courant avec des encouragements, des félicitations qui fusent de toutes parts, puis c’est l’entrée dans le stade, par la GRANDE PORTE. J’ai du mal à contenir mon émotion. Comme d’habitude dans ces cas là, j’ai droit à ma petite larme. Richie retrouve ses enfants sur le stade et nous franchissons ensemble la ligne d’arrivée en 325ème position..Nous avons survécu.Il est 17h06, cela fait 41h06mn09s que j’ai quitter Cap Méchant. ConclusionCela aura vraiment été une expérience extraordinaire. Outre les paysages magnifiques, l’ambiance tout au long du parcours et la chaleur des bénévoles ou des personnes croisées au hasard des chemins en font une course vraiment unique.   

5 commentaires

Commentaire de akunamatata posté le 15-11-2007 à 08:45:00

superbe récit, quelle progression dans le classement! On sent une certaine maitrise dans ce domaine. Bien décrit tous les passages, je revois les paysages communs avec mon experience de la réunion. Bravo

Commentaire de phil77 posté le 16-11-2007 à 13:47:00

Merci pour ce super récit; on vit la course avec toi ! Tu retransmets bien toutes les difficultés de cette épreuve.

Chapeau pour la perf.

Philippe

Commentaire de JLW posté le 16-11-2007 à 22:33:00

Bravo jyr, les difficultés que tu as ressenti sont vraiment bien décrites. C'est une sacrée épreuve et les finishers peuvent être fiers d'avoir franchi la ligne d'arrivée. Chapeau.

Commentaire de millénium posté le 16-11-2007 à 22:46:00

Très beau récit. Belle remontée également. Je ne sais pas si ça t'a fait comme moi, mais on remonte beaucoup suite ....aux abandons ou aux siestes de certains !
Ce qui veut bien dire qu'il faut vraiment GERER ce type de course...Tu as su le faire à la perfection , chapeau,
martinev

Commentaire de calimero posté le 17-11-2007 à 18:50:00

Tu l'as fait!!!!

Ce fût sans doute une aventure magique pour toi, que j'aimerai faire aussi mon CR du GRR un jour!!

Bravo

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